L'Ecrin des illusions

Chapitre 15 : Baiser nocturne

2936 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/02/2024 10:24

Après une journée bien remplie, Hazel quitta ses amis vers huit heures afin de se rendre à la porte du château. Elle y retrouva Rusard, accompagné de Miss Teigne et de Seren Wilde. Un Auror vérifia leurs identités avant de les laisser sortir.

- Venez, vauriens, les pressa Rusard.

Ils franchirent l'enceinte de l'école et se dirigèrent vers la cabane d' Hagrid, bercés par les douces réprimandes de leur geôlier :

- Des vandales doublés de malhonnêtes et de paresseux, c'est tout ce que vous êtes ! Une bonne petite correction materait votre instinct de rébellion, mais non a dit Dumbledore. De la bienveillance, toujours de la bienveillance !

Laissant le concierge à ses beaux discours sur l'éducation, approuvés par les miaulements de Miss Teigne, Seren et Hazel ralentirent le pas. À voix basse, la jeune sorcière lui raconta la scène surprise la veille entre Rogue et Jekyll.

- Tu crois qu'elle voulait l'hypnotiser ?

- Peut-être, chuchota Seren. À ce qu'il paraît, certains sorciers sont très doués pour ce genre de sorts douteux.

- Ce qui expliquerait l'attitude de Rogue, murmura Hazel.

- Il est un homme comme les autres ... enfin, je crois.


Hazel et Seren échangèrent un sourire : nombreux étaient leurs camarades et les professeurs masculins abreuvant Mrs. Jekyll de compliments. Un Serpentard et un Gryffondor de septième année s'étaient même battus dans les couloirs, l'après-midi même, pour les beaux yeux de leur professeure. Le professeur Brûlepot, quant à lui, avait apporté une vieille boîte de chocolats pendant le cours qu'elle donnait aux Serdaigle de troisième année. Hazel se tourna vers le Serpentard : certains faisaient tout de même exception et, comme Charlie ou Seren, n'éprouvaient que morne indifférence pour la séductrice Jekyll.

- Et toi, tu ne l'es pas ? le taquina-t-elle avec gentillesse.

- Quoi donc ?

- Sensible à son charme?

Le visage de Seren se teinta d'un léger voile écarlate. Il baissa les épaules et se mit à fixer le bout de ses souliers crottés. Il grommela quelques paroles inaudibles avant de décréter, un peu faiblement, que « cela » ne l'intéressait pas pour le moment ...


Au grand soulagement du Serpentard, ils arrivèrent à la cabane d'Hagrid. Le jeune Crockdur, le chiot du garde-chasse, les accueillit par un aboiement joyeux qui fit siffler la terrible Miss Teigne. Poil dressé, elle se mit à cracher sur le pauvre jeune molosse. Le chiot, saisi de panique, se colla aux jambes de son maître.

- Espèce de trouillard, grommela Hagrid. Vous êtes en retard.

Cette remarque était avant tout destinée à un Rusard arborant une mine aussi aimable que son animal de compagnie. Les sottises de Peeves l'avaient rendu encore plus aigri qu'à l'accoutumée et il comptait bien faire passer sa mauvaise humeur sur les deux sanctionnés.

- Vous leur avez encore fait la morale ...

- Faut bien ça pour les dresser, ces petits vauriens, ces raclures de mauvaises graines pestilentielles.

Le concierge souleva sa lanterne, éclairant ses dents jaunes et cariées. Il scruta les deux élèves d'un regard sinistre.

- Sachez que je vous ai à l'œil, tous les deux ! Mauvais sang ne saurait mentir. Viens, Miss Teigne, une délicieuse tourte à la viande nous attend.

La chatte se pourlécha les babines avant de suivre son maître.


Hagrid grogna quelques mots peu affectueux à l'intention du concierge, avant de s'occuper de ses deux assistants de la soirée.

- J'espère que vous êtes couverts, le temps s'annonce pluvieux.

Il leur confia deux binettes et une lanterne.

- Crockdur restera avec vous. Je vous laisse arracher les mauvaises herbes du potager. Surtout, ne vous éloignez pas, compris ?

Les deux jeunes sorciers acquiescèrent. Hagrid, tout en ajustant son carquois, fit ses dernières recommandations :

- En cas de pépins, un Vermillieux suffira. Je ne serai pas loin, je dois cueillir quelques champignons dans la forêt.


Le demi-géant s'engouffra dans la forêt, laissant les deux élèves en tête-à-tête. Seren posa la lanterne sur la citrouille, s'étonnant de son calibre impressionnant, et tous deux se mirent à travailler en silence. Au bout de quelques minutes, Hazel cessa de s'activer pour souffler dans ses mains engourdies par le froid. Crockdur dormait, la tête appuyée contre une racine. Seren quant à lui, paraissait ravi de s'occuper du potager et, contrairement à ce que craignait la Gryffondor, n'émettait aucune remarque désobligeante. La jeune fille aperçut une limace escaladant la citrouille. Elle jeta un regard par-dessus son épaule et d'une main habile, la saisit pour la faire glisser dans le cou du Serpentard. Seren poussa un juron, retira le gastéropode qui venait de laisser une trace baveuse sur sa peau avant de se tourner vers Hazel, sa baguette braquée vers elle.

Titillando !

Une plume invisible vint chatouiller le cou de la Gryffondor qui, ne pouvant contenir davantage son hilarité, éclata de rire en tenant ses côtes agitées par les chatouilles.

- Arrête Seren, arrête ! hoqueta-t-elle entre deux sanglots joyeux.

- On fait moins sa maligne, pas vrai ? s'amusa le jeune sorcier en agitant sa baguette vers les pieds de sa victime.


Hazel se débattit pour tenter de se débarrasser de la petite langue illusoire lui léchant la plante des pieds. Seren joignit son rire au sien, vaincu par sa bonne humeur communicative. Il lança le contre-sort, libérant sa camarade de la joyeuse incantation. Hazel essuya les larmes glissant le long de ses joues.

- Tu devrais le lancer sur Rogue pour le dérider un peu !

- Je doute qu'il y soit très sensible, pouffa le Serpentard en rangeant sa baguette.

Hazel redevint sérieuse.

- Les autres ont raison, tu t'y connais en sorts.

- Bof, je n'ai pas grand mérite ... Mon père était un grand duelliste, il m'a enseigné quelques sorts.

Son visage s'assombrit. Hazel s'approcha de lui et tenta de capter son regard.

- Maugrey se trompe à ton sujet.

- Tu crois ? murmura le Serpentard. Je me suis vraiment comporté comme un monstre depuis le début de l'année.

- À toi de prouver que tu vaux mieux qu'un Troll imbécile.

Seren parut réfléchir quelques instants et fit rouler les petits cailloux contre son talon.

- En vérité, les sortilèges, ce n'est pas ce que je préfère ...


Tout d'un coup, un craquement se fit entendre, interrompant les confidences du Serpentard. Un halo lumineux se dessina à l'orée de la forêt. Hazel voulut sortir sa baguette, mais Seren la saisit par l'avant-bras et lui fit signe de se taire. Il lâcha son outil et invita Hazel à faire de même.


Poussée par la curiosité, la jeune fille s'exécuta et imitant Seren, s'avança d'un pas feutré vers la source lumineuse. Ils découvrirent un poulain, sans doute égaré, d'un blanc immaculé et portant une minuscule corne argentée. La jeune licorne s'immobilisa, aux aguets. Son beau regard mordoré se posa sur les deux jeunes gens et elle se mit à frapper le sol de son petit sabot brun. Hazel, émerveillée, ne parvenait pas à quitter l'animal fabuleux des yeux.

- On raconte, chuchota Seren, que seuls les cœurs purs peuvent voir les jeunes licornes.

- C'est magnifique, murmura Hazel, la voix étranglée par l'émotion.


Elle échangea un sourire avec le Serpentard avant d'observer à nouveau la licorne. Quelques mois auparavant, elle croyait encore que les licornes existaient seulement dans les contes de fées et dans l'imagination des enfants et là, elle se trouvait bien face à face avec cette légendaire créature. La jeune licorne leva le museau, huma l'air chargé d'humidité avant de s'échapper en sautant par dessus un buisson. Le bruit de ses sabots se volatilisa et la forêt redevint sombre. Hazel sentit une goutte lui tomber au creux de la nuque, suivie d'une autre et bientôt, se fut une trombe d'eau qui s'abattit sur les deux élèves riant aux éclats. Crockdur se leva et vint se réfugier sous le porche de la cabane en aboyant. Ils s'abritèrent sous leurs capes et se mirent à courir en direction de la cabane, tout en prenant garde à ne pas glisser sur le sol boueux.


Les aboiements du jeune molosse devinrent des grognements furieux. Hazel se retourna et vit Carew jaillir de la forêt, sa baguette braquée vers eux. Les deux compères se retournèrent dans un même élan de courage. Le Mangemort, dans un bien piteux état, s'avança vers eux d'un pas titubant.

- Seren Wilde, déclara-t-il en crachant par terre. Tu ressembles bigrement à ton père, mis à part la couleur de peau, cela va sans dire !

Amusé par sa propre boutade, il éclata d'un petit rire hystérique avant de faire craquer les os de son cou.

- Des Aurors sont à votre recherche, l'avertit Hazel.

- Des Aurors, hein ? fit-il d'un ton enjoué en se rapprochant. Et où sont-ils, tes précieux Aurors ? Pas là, en tout cas.

Seren pointa sa baguette vers lui, menaçant,

- Laissez-nous tranquilles !

- Mon garçon, soupira le Mangemort en caressant la pointe de sa baguette, cela me chagrinait vraiment de devoir éliminer le fils unique d'anciens compagnons d'armes. Écarte-toi !

Petrificus totalus !


Le sorcier dévia sans mal le sort lancé par Seren et répliqua par un violent Doloris. Le jeune Serpentard, frappé par le sortilège, tomba au sol en poussant des cris atroces. Carew s'avança vers le corps agité de violents tremblements, agitant sa baguette avec lenteur, prenant un plaisir certain à torturer le jeune sorcier.

- Ton pauvre père doit se retourner dans sa cellule, déclara le Mangemort. Une telle honte suffirait à l'achever bien plus sûrement qu'un baiser de Détraqueur ...


Hazel braqua sa baguette vers Carew. Quel sort pouvait-elle bien utiliser ? Les sortilèges qu'elle venait d'apprendre ne lui seraient d'aucune utilité, pourtant elle se devait faire quelque chose ! La voix de Rogue s'insinua dans son esprit et, se souvenant du sort infligé à Peeves, elle cria :

Levicorpus !

Son sortilège n'eut aucun effet sur Carew, mais cela suffit à détourner son attention de Seren. Il se tourna vers elle, la bouche plissée en un rictus sardonique. Seren, libéré pour un temps du sort impardonnable, se redressa avec peine en massant son flanc endolori. Prêt à reprendre la lutte, il se plaça à côté de Hazel. Les deux camarades échangèrent un regard entendu et pointant leur baguette vers Carew, crièrent d'une même voix :

Levicorpus !


Au grand étonnement des trois sorciers, un curieux phénomène se produisit : les deux éclairs, l'un argenté et l'autre doré, émanant des baguettes de Seren et Hazel s'unirent en une seule et même flèche métallisée qui frappa le Mangemort de plein fouet. Il poussa un hurlement de terreur et se retrouva suspendu la tête en bas. Sa robe crasseuse remonta le long de ses hanches maigrelettes, offrant une vue incomparable sur un caleçon sale, orné de fleurs bleutées. Surprise par la puissance de sa baguette, Hazel dut la maintenir à deux mains pour ne pas la lâcher et rompre le sortilège. Seren l'imita. De grosses gouttes de sueur perlaient le long de leurs visages et la force combinée de leurs baguettes était telle, qu'ils devaient se faire violence pour ne pas craquer. Seren fut le premier à sentir ses forces l'abandonner. Peu à peu, sa baguette glissa de ses doigts engourdis et le sortilège se rompit. Seule Hazel, maintint encore quelques secondes, la flèche redevenue dorée vers le Mangemort. Sa baguette s'éteignit brusquement et Carew tomba au sol dans un craquement sinistre. Il tenta de se relever mais le piteux état de son bras droit, tordu en un angle inquiétant, le cloua au sol.


Hagrid surgit à cet instant de la forêt, le souffle court et son arc tendu en une position d'attaque. Des Aurors arrivèrent à leur tour, accompagnés de quelques professeurs. Hagrid se précipita vers les deux adolescents pour s'assurer qu'ils n'étaient pas blessés. Le demi-géant poussa un soupir soulagé et serra les deux élèves contre lui. Carew releva la tête et dans un ultime et vain effort, s'empara de sa baguette. Jekyll fut la première à réagir :

Immobilus !

Le Mangemort lâcha sa baguette, Jekyll s'approcha de lui et planta son talon dans sa joue. Elle appuya tellement fort que la pointe de sa chaussure s'imprima dans la chair du Mangemort.

- Avouez que mon sort de paralysie est de toute beauté !

Flitwick et quelques Aurors charmés s'empressèrent de la combler de flatteries. Maugrey la fixait avec attention, son œil mécanique ne cessait de tourner et de virer dans son orbite. Carew s'appuya sur ses coudes et toussota, expulsant une dent ensanglantée entre ses lèvres.

- Hyd ...

Jekyll leva sa botte et d'un geste plein de violence, lui écrasa l'œil de son talon pointu. Le Mangemort poussa un long cri perçant qui fit trembler tous les sorciers présents. Du sang gicla de son œil crevé, se répandant autour de son visage déformé par la douleur.

- Hagrid, chuchota Hazel en se collant contre le garde-chasse, que va-t-il lui arriver ?


Le ciel étoilé se couvrit de brume et un vent glacial se mit à souffler. Hagrid, dans un geste protecteur, enveloppa les deux élèves de ses larges bras. Deux silhouettes encapuchonnés descendirent avec lenteur vers le petit groupe. Le Mangemort aveuglé, pris de panique, rampa pour échapper à son triste sort, mais Jekyll le maintint à terre en enfonçant la pointe de sa baguette contre son cou.


Hazel sentit une mélancolie mordante l'envahir. Son sang se gela dans ses veines et de sombres pensées envahirent son esprit. Des images confuses, teintées de violence et de tristesse, passèrent devant ses yeux voilés de larmes. Des voix se livraient à un féroce combat en elle, criant et hurlant des mots désespérés. Une voix, celle de sa mère, surpassa toutes les autres voix. Elle chuchota des paroles incompréhensibles qui se transformèrent en une myriade de cris douloureux. Hazel vit la porte d'une armoire s'entrouvrir dans ses souvenirs remontant à la surface, et ce visage qui hantait certaines de ses nuits depuis sa rencontre avec l'Epouvantard, se dessina face à elle. Le visage de Sirius Black.


- Ne regardez pas ! conseilla Hagrid en leur pressant les épaules avec affection. Ne les regardez pas !


Les deux créatures se penchèrent vers Carew hurlant de terreur. Hagrid resserra son étreinte, Seren enfouit son visage contre le manteau du garde-chasse. L'une des deux silhouettes, celle qui était la plus proche de Hazel, se désintéressa du Mangemort et se tourna vers elle. Les jambes de Hazel se mirent à fléchir et les sombres pensées la noyèrent sous un flot de cris et de larmes. Un sanglot éclata dans sa gorge et des larmes se mirent à couler le long de ses joues, se mêlant à la pluie glissant sur son visage dévasté par l'angoisse. La créature, abaissant sa cape, s'élança vers elle.


Spero patronum !


Une lueur argentée jaillit de la baguette de Rogue, bondit vers Hazel en prenant la forme d'une biche lumineuse. L'animal magique vint se dresser entre elle et l'ignoble créature aux mains couvertes de croûtes. Celle-ci émit un petit sifflement rappelant le son d'une craie crissant contre un tableau noir, et se recula d'un pas titubant. Fascinée par le patronus, oubliant l'interdiction de Jekyll à ce sujet, Hazel s'approcha de l'animal étincelant et l'effleura du bout des doigts.

- Hazel, non ! cria Hagrid en tentant de la retenir.


Un gémissement la fit sursauter. Elle redressa la tête et, à travers le voile nimbant la créature, aperçut Rogue, la main crispée contre sa poitrine, le visage soumis à une indescriptible souffrance. Maugrey s'approcha de lui, tendant son flacon, mais le maître des potions le repoussa avec force avant de tourner la tête vers Hazel. Leurs regards s'entrechoquèrent à travers le voile lumineux. Nulle trace de colère dans les yeux du maître des potions, seulement du regret et une profonde affliction. Hazel esquissa un pauvre sourire entre deux sanglots et un souffle de vie parut redonner quelques couleurs au visage tordu de douleur. Rogue se redressa avec lenteur, Hazel retira sa main de la biche lumineuse qui perdit en intensité.


Les deux Détraqueurs regagnèrent en force et se rapprochèrent à nouveau de leur première proie. Les cris du Mangemort s'étaient mués en des pleurs souffreteux ; entre deux sanglots, il implorait la pitié de ses bourreaux et appelait sa mère à son secours. Les deux créatures se jetèrent sur lui et un horrible bruit de succion éclata dans la nuit silencieuse. Hazel vit avec terreur une ombre s'élever du corps de Carew, aspirée par les deux créatures avec gloutonnerie. Un dernier pleur jaillit des lèvres blêmes du Mangemort, avant que son corps ne retombe sur l'herbe maculée d'eau et de sang, privé de toute énergie vitale.

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