Dollhouse
Je n’avais pas signifié que j’étais réveillé lorsque j’avais entendu Pansy et Theo chuchoter quelques heures plus tard, alors que le soleil n’allait plus tarder à se lever. J’avais gardé les yeux fermés, et j’avais profité d’avoir encore la chance d’entendre la voix de mon frère. Et je leur avais laissé l’intimité dont ils avaient besoin, en supposant que Theo n’était peut-être pas en état de bouger pour l’instant. Alors j’étais resté allongé contre le canapé sur lequel ils se tenaient tous les deux, et je n’avais pas fait le moindre geste, ni le moindre bruit quand j’avais entendu Theo chuchoter :
- Comment tu te sens ?
Pansy pouffa doucement.
- Tu te fous de moi ? demanda-t-elle avec un sourire audible dans la voix. C’est toi qui te fais torturer et qui passe à deux doigts de la mort, et quand tu ouvres les yeux la première chose que tu fais c’est me demander à moi comment je me sens ?
Theo resta silencieux un instant avant de murmurer avec ce qui me sembla être de la rage dans la voix :
- Je ne peux même pas imaginer comment je me sentirais, si j’avais dû lever ma baguette sur toi, et te faire ce que tu as dû me faire cette nuit.
Les larmes dans la voix de Pansy étaient claires lorsqu’elle répondit si doucement que je ne l’entendis presque pas :
- Tu ne l’aurais pas fait. Tu aurais préféré mourir, continua-t-elle quelques secondes plus tard. Tu ne l’aurais pas fait.
Elle se sentait coupable.
- Il t’a dit qu’il me tuerait si tu ne le faisais pas, rappela Theo. Tu n’avais pas le choix.
- Tu ne l’aurais pas fait quand même, renchérit Pansy avec une voix brisée. Tu aurais fait quelque chose, tu aurais essayé de le tuer, tu m’aurais emmenée et tu aurais transplané et nous aurions disparu quelque part à l’autre bout du monde, même si tu avais dû embarquer Drago, Blaise et Narcissa avec nous, je ne sais pas ce que tu aurais fait mais… je sais que tu ne l’aurais pas fait.
- Tout va bien, menti alors Theo.
- Non, tout ne va pas bien, lui murmura Pansy, et c’est ok, ajouta-t-elle doucement.
- C’est ce qu’il cherche à faire Pansy, à nous détruire. Ne le laisse pas faire, chuchota-t-il tendrement. Ne le laisse pas faire, s’il te plaît.
Pansy ne répliqua pas pendant un moment, mais je l’entendis pleurer.
- Je t’ai torturé, lâcha-t-elle alors. Toi…, je t’ai torturé, toi…
J’entendis le corps de Theo essayer de se redresser difficilement sur le canapé.
- Non, ne bouge pas, le coupa Pansy. Laisse ton corps se reposer, tenta-t-elle alors qu’elle pleurait toujours.
Mais Theo ne l’écouta pas, et son corps continua d’essayer de se redresser jusqu’à ce que je ne l’entende plus bouger. A la voix désormais étouffée de Pansy, je compris qu’il la serrait contre lui.
- Je suis tellement désolée, pleura-t-elle dans ses bras. Je suis tellement… tellement désolée.
Il ne lui répondit rien, il la serrait simplement contre lui. Il ne pouvait pas lui dire que tout allait bien, cela n’aurait pas été vrai. Il ne pouvait pas non plus lui dire qu’il allait bien, cela n’aurait pas été vrai non plus. Et il ne pouvait pas lui dire qu’elle n’avait pas eu le choix, parce que Pansy avait raison, lui ne l’aurait jamais fait. Je ne savais pas non plus ce qu’il aurait fait, s’il aurait tué chaque personne présente dans la pièce et aurait risqué sa vie sur le moment pour tenter de combattre lui-même le Seigneur des Ténèbres, où s’il se serait volatilisé avec elle, mais il ne l’aurait pas fait. Et je ne savais pas si cela signifiait qu’il était plus courageux que nous tous, où s’il était simplement fou. Theo savait qu’il ne servait à rien d’essayer de mentir à Pansy, pas à sa Pansy. Et en cet instant, tout ce qu’il leur restait, c’était leur amour réciproque, et le fait qu’ils étaient tous les deux encore là, vivants. Il existait des situations dans lesquelles rien ne pouvait être dit, parce que rien ne pouvait les apaiser. Cela était l’une de ces situations, où hormis accepter l’horreur, il n’y avait rien d’autre à faire.
- Je crois que je… tenta alors Pansy. Je crois que j’ai besoin d’en parler, mais je ne veux pas te… je veux dire, hésita-t-elle, pas si c’est trop tôt ou trop difficile pour toi.
- Parle-moi Pansy, fut la réponse de Theodore.
Elle sembla réfléchir un instant avant de demander :
- Est-ce que tu regrettes ?
- Quoi ?
- D’avoir tué mon oncle ? D’en être arrivé là, et d’avoir dû subir tout ça, juste pour avoir tué mon oncle ?
- Je ne pourrais jamais, jamais regretter d’avoir mis fin à l’existence d’une personne qui t’as fait du mal, murmura-t-il gravement. Tu pourrais me torturer pendant des heures, des journées entières, des mois, merde même des années, et ma réponse resterait la même.
- Pourquoi ? demanda-t-elle avec une voix que je ne lui connaissais pas, une voix avec laquelle elle ne s’adressait pas à nous.
- Tu sais pourquoi, répondit Theo.
Pendant un nouveau moment, mon amie resta silencieuse. Puis, hésitante, elle demanda :
- Est-ce que tu aurais fait la même chose, si ça avait été Drago ou Blaise qui allait être mis à l’épreuve ? Où est-ce que tu as combattu parce que tu pensais que j’étais trop faible pour lui résister ?
- Pansy…, chuchota-t-il avec une voix empreinte de tristesse. Je n’ai pas combattu parce que je pensais que tu étais trop faible pour subir ce qui allait suivre. J’ai combattu parce que moi j’étais trop faible pour pouvoir assister à ce qui allait suivre.
- Est-ce que tu le savais ? demanda-t-elle alors en pleurant. Quand tu m’as supplié de ne pas rejoindre ses rangs, est-ce que c’était parce que tu savais que tu ne serais pas capable de voir ma vie être mise en danger sans ne rien faire ? Est-ce que… est-ce que tu m’as supplié parce que tu savais que tu allais mourir, si ma vie était en danger ?
Theo prit un instant avant de lui répondre :
- Je t’ai supplié de ne pas rejoindre ses rangs parce que je voulais que tu aies une vie. Je voulais que tu restes la Pansy que tu étais, bien loin d’être innocente mais pas autant abimée par la douleur. Je voulais que tu sois saine et sauve, et… très égoïstement, je ne voulais pas avoir à avoir peur pour ta vie, oui, avoua-t-il. Oui, je savais que je ne serais pas capable de te voir être en danger et ne rien faire, mais ce n’était pas ça la partie de l’histoire qui me terrorisait. Ce n’était pas et ce n’est toujours pas la perspective que je me fasse tuer en te protégeant. C’est que tu ne sois plus protégée.
Un silence s’ensuivit, comme si Pansy digérait les mots qu’elle entendait.
- Est-ce que tu me trouves trop abimée, maintenant ?
Je n’avais pas besoin de voir Theodore pour savoir qu’il lui adressait un visage qui signifiait qu’il ne comprenait pas même le sens de sa question. Pansy s’explicita :
- Est-ce tu trouves que… que je suis trop abimée par notre vie désormais ? Est-ce que je ne suis plus la fille que tu aimais ?
Theo ne lui répondit pas pendant un moment, et lorsqu’il parla à nouveau, je ne m’étais pas attendu à sa réponse :
- Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?
Pourtant, j’aurais dû m’en douter. Theo ne cherchait pas simplement à la rassurer aveuglément. Il cherchait à la comprendre. A la comprendre vraiment.
- C’est juste que… je me sens différente, depuis tout ça. Abimée, ajouta-t-elle. Et parfois, j’ai du mal à me regarder dans le miroir, avoua-t-elle tout bas. Alors je me demandais si toi aussi désormais, tu avais encore plus de mal à me regarder, à cause de tout ça ?
- Non, répondit-il sincèrement. Absolument pas. Au contraire, enchaîna-t-il alors, je t’admire encore plus de tout ce que tu es capable d’endurer pour l’amour que tu as pour Drago.
- Je ne le fais pas que pour Drago, chuchota-t-elle tout doucement. Quand j’ai su que tu allais rejoindre ses rangs, quand j’ai su que tu allais… devoir faire tout ça et prendre autant de risques…, elle marqua une pause. Tu croyais vraiment que je pouvais te laisser faire ça sans tomber avec toi ?
Il ne répondit rien, et pendant un moment ils restèrent silencieux.
- Est-ce qu’il y a une limite ? finit-elle par demander. A ton amour pour moi, est-ce qu’il y a une limite ?
Un silence lourd régna dans la pièce jusqu’à ce que la voix assurée de Theo réponde sans détour :
- Non.
- Est-ce qu’il y a des choses que tu ne serais pas capable de faire pour moi ?
- Non.
- Si tu devais tuer des milliers de personnes, juste pour que moi je vive ?
- Je le ferai.
- Si tu devais assassiner des centaines d’enfants innocents, juste pour que je sois en sécurité ?
- Je le ferai.
- Si tu devais…
- … Je le ferai, la coupa-t-il avec détermination.
- Est-ce que tu penses que c’est sain ? demanda-t-elle alors.
- Je m’en fous, répondit-il gravement.
- Est-ce que c’est pour ça que tu n’arrives pas à me regarder dans les yeux ? Parce que ce serait trop dangereux ?
Il prit le temps d’étudier sa question avant de lui répondre :
- Je pense que c’est plus compliqué que ça. Drago pense que c’est lié à mon histoire avec mon père, et ce qu’il me faisait subir quand je le regardai dans les yeux, et qu’il m’enfermait dans la cave. Il pense qu’une partie de moi est encore trop terrifiée de te regarder, toi, avec tous les risques que ça impliquerait si je m’autorisai à me perdre dans tes yeux.
- C’est quoi, les risques que ça impliquerait ? questionna-t-elle avec douceur.
- Pansy, il n’y a rien que je serais incapable de faire pour toi, lâcha-t-il alors. Si tu me demandais de brûler le monde entier, je le ferais. Si tu me demandais de sauter du haut de la tour d’astronomie, je le ferais. Il…, hésita-t-il un instant, il n’y a rien au monde que je ne ferais pas pour toi. Je pense que la partie de moi qui est terrorisée de rencontrer tes yeux essaye de me protéger de tout ça, de la violence de ce que je ressens pour toi. Parce qu’il n’y a pas beaucoup de choses qui me terrorisent encore sur cette terre, mais si… si je m’autorisai à t’avoir vraiment, si j’enlevai toute la distance qui nous sépare et que je maintiens malgré moi en évitant tes yeux, si je faisais sauter ces barrières, et que je te perdais un jour… il ne resterait plus rien de moi.
Ils restèrent silencieux un moment important, puis Pansy rompit ce silence avec de nouvelles larmes dans la voix :
- J’ai vraiment cru que j’allais te perdre ce soir, murmura-t-elle difficilement. Et je…, reprit-elle difficilement, quand j’ai vu que tu étais en train de te battre avec les Carrow, et quand j’ai compris ce qui allait se passer ensuite, que tu allais certainement mourir je…, je ne pouvais plus bouger. Je ne pouvais plus respirer, chuchota-t-elle. Je…, j’étais comme… figée. Parce que je suis incapable de te perdre Theo, lâcha-t-elle dans un sanglot.
- Regarde-moi, chuchota-t-il à l’encontre de Pansy.
Mon cœur se serra dans ma poitrine. Il la regardait. En cet instant, il rencontrait ses yeux.
- Crois-tu vraiment que la mort pourrait me séparer de toi ? Crois-tu vraiment que quelque chose d’aussi stérile, et d’aussi superficiel que la mort pourrait briser le lien impénétrable entre ton âme et la mienne ? Regarde-moi Pansy, lui ordonna-t-il gravement. Dans ce monde où dans celui de l’au-delà, dans cette vie où dans une prochaine peu importe, je te retrouverai toujours. Tu ne peux pas me perdre. Je te retrouverai toujours, lui promit-il.
Ils demeurèrent ensuite silencieux, lovés l’un contre l’autre, et lorsque j’entendis qu’ils s’étaient rendormis, j’autorisai mon esprit à retrouver un peu de sommeil également, en songeant que s’il existait bien une personne au monde qui méritait d’être heureuse, il me semblait que c’était Theodore Nott.
J’avais été réveillé quelques heures ou minutes plus tard, je n’aurais été capable de le dire avec certitude, par le bruit des élèves descendant dans notre salle commune pour aller prendre leur petit-déjeuner. Nous étions vendredi, au moins nous pourrions nous reposer demain. Lorsque mes yeux s’étaient assez ouverts pour que je puisse être conscient de ce qui se trouvait autour de moi, je constatai que Blaise dormait toujours, affalé dans le fauteuil face à moi, son verre étant finalement tombé sur le sol pendant la nuit. Je me retournai vers le canapé et découvrais que celui-ci était vide. C’était bon signe, cela signifiait que Theo était en état de se lever, et de marcher, ou qu’il soit. S’il y avait eu un problème, ils m’auraient réveillé. Il était inutile que je m’inquiète du simple fait que lui et Pansy n’étaient plus sur le canapé. Je me frottai les yeux difficilement, ils me semblaient tout aussi épuisés que la veille. J’étais incapable d’estimer combien de temps j’avais dormi, mais je supposai trop peu de temps. Je notai que mon dos était douloureux, tout comme ma nuque de la position dans laquelle j’avais trouvé le peu de sommeil que j’avais eu. Je m’étirai doucement et me levai du sol sous les yeux intrigués des élèves qui descendaient prendre leurs petits-déjeuners, vêtus de leurs uniformes et à l’air certainement bien plus frais que moi.
- Qu’est-ce que vous regardez ? demandai-je avec un ton trop agressif couplé à ma voix matinale.
Les élèves détournèrent le regard et partirent en direction de la Grande Salle alors que Blaise ouvrait soudainement les yeux. La lumière ambiante l’agressa et il fronça les sourcils en un mouvement de recul. Lui non plus, il n’avait pas assez dormi. Je lui tapotai le genou en passant devant lui :
- Je vais me doucher.
Nous avions cours, et j’avais du sang séché appartenant à Theodore sur mon uniforme ainsi que sur mes mains. Je voulais laver cette nuit et tout ce qu’elle avait entraîné. Laver le souvenir de la terreur que j’avais ressentie lorsque j’avais vu Theo se battre avec les Carrow, et l’horreur que j’avais sentie en réalisant qu’il allait se faire tuer. Laver l’impuissance abominable dans laquelle j’étais alors que je le voyais se faire détruire par la femme qu’il aimait, et qui se trouvait être ma meilleure amie, alors que j’étais maintenu en place, incapable de faire quoi que ce soit, par ma propre tante. Laver le sentiment amer de rage, d’injustice et de dégoût face au fait que ma meilleure amie avait dû torturer l’homme qu’elle aimait jusqu’à ce qu’il soit à deux doigts de la mort. Laver la culpabilité qui m’assaillait alors que je me considérais responsable de tout ce que nous traversions. Laver la tristesse que je ressentais lorsque je me remémorais ce que j’avais partagé avec Granger, et que j’avais dû effacer de sa mémoire. Laver la douleur que je ressentais face au fait que j’aurais pu tout avoir, et que j’avais dû faire une croix dessus. Je l’avais, dans le creux de mes mains. Je la tenais, et elle s’abandonnait à moi, même en sachant toute la vérité. Elle me voulait ainsi, dans toute ma noirceur, et dans toute ma douleur. Et moi je devais continuer, en sachant ce que je savais, et en sachant pertinemment qu’elle, elle ne pourrait jamais savoir, et que ce qui aurait pu être, ne serait jamais. Je voulais laver tout cela, et avancer. Parce que quoi qu’il se passait, et peu important ce que je ressentais, il fallait continuer d’avancer.
Je laissai l’eau chaude nettoyer mon corps, en espérant qu’elle ferait également quelque chose pour mon âme. Après tout, Granger avait Weasley. Et il me semblait en cet instant que c’était là tout ce que je pouvais lui souhaiter. Je pouvais utiliser cela comme prétexte pour m’éloigner d’elle. Évidemment, ce n’était pas tant un prétexte que cela, parce que je n’étais pas capable de déterminer à quel moment elle avait sincèrement pensé que j’étais du genre à partager, mais étant donné le contexte, les choses étaient bien plus complexes que cela. Ce qu’il s’était passé avait rendu les choses profondément bien plus compliquées. Ce que j’avais ressenti cette nuit, ce qu’elle avait réussi à me faire ressentir, cela était bien trop terrifiant, et cela ne menait à rien. Premièrement, elle ne s’en souvenait même pas. Deuxièmement, elle ne pourrait jamais savoir pour mes amis et moi, je ne pourrais jamais mettre leurs vies en péril de la sorte, elle faisait partie du camp ennemi. Et troisièmement, je ne pouvais tout simplement pas, j’étais absolument et irrévocablement incapable d’avoir à m’inquiéter du sort de quelqu’un d’autre. J’étais déjà en train de me noyer. Je ne pouvais pas, en toute conscience, la laisser m’enfoncer la tête plus profondément dans le bain de tous mes pires cauchemars. Oui, je pouvais utiliser ce qu’elle m’avait dit à propos de Weasley pour justifier d’un éloignement cohérent. J’expliquerai à mes amis, je n’avais pas besoin de leur mentir, ils m’entendraient. Et Blaise, s’il le souhaitait, pourrait continuer sa mission auprès de la fille Weasley. Nous aurions toujours un pied dans l’Ordre, s’il y tenait. Mais moi, je me retirai.
Quand j’étais finalement descendu dans la Grande Salle pour avaler quelque chose à mon tour, mes trois meilleurs amis étaient assis à nos places habituelles, et ils mangeaient ensemble. Ils avaient tous l’air absolument épuisés, mais ils étaient là, tous. Ils étaient en vie. Ils étaient ensemble. Et Theodore souriait. Pansy se tenait particulièrement près de lui, comme si elle avait peur qu’il disparaisse à tout instant. Elle était habituellement assise face à lui, mais pas cette fois. Cette fois elle était collée à lui. Je sentis mon poitrail se remplir de chaleur lorsque mon frère tourna le visage et rencontra mes yeux. Ses grands yeux bleus. Ces yeux que j’avais eu tellement, tellement peur de perdre quelques heures plus tôt. Il était magnifique. Il était propre et ses cheveux bouclés étaient encore mouillés sur son front. Il n’avait plus de sang sur le visage, et même s’il était plus pâle que d’ordinaire, personne ne pouvait deviner ce qu’il avait subi la veille. Ce qu’il avait subi parce que la splendide et incroyable femme brune qui se tenait à côté de lui était toute sa vie, et qu’il était incapable de voir sa vie être mise en danger. Ce qu’il avait subi parce qu’il était incapable de voir une personne qu’il aimait souffrir. Parce qu’il était simplement et tout bonnement la personne la plus incroyable, la plus forte et la plus dévouée que je n’avais jamais, jamais rencontré. Des larmes montèrent à mes yeux alors que je me rapprochai de plus en plus d’eux, et il sembla le remarquer puisqu’il se leva de sa place. Il m’ouvrit ses bras lorsque j’arrivai à son niveau, et je m’y réfugiais en le serrant de toute ma force. Je n’en avais rien à branler que nous étions dans la Grande Salle, entourés de tous les autres élèves. Je n’en avais absolument rien à branler, je le serrai de toutes mes forces, et je plongeais mon visage dans son torse. J’inspirai son odeur et je m’autorisai à écouter quelques battements de son cœur. Et lui aussi, il me serra fort contre lui. Il était toujours là. Il était vivant. Il était là. Je pris une profonde inspiration, ancrant ce sentiment chaleureux en moi, ce sentiment de maison que je ne ressentais vraiment que lorsque j’étais près de lui, et je chuchotai avec force, mais de sorte à ce qu’il soit le seul à entendre mes mots :
- Je t’aime putain.
Il me serra plus fort entre ses bras puissants.
- Je t’aime, me répondit-il alors.
Je profitai de la sensation incomparable d’être à la maison encore un instant, puis nos corps se séparèrent et je m’installai à côté de lui pour prendre mon déjeuner, Blaise étant seul face à nous. Et Blaise étant Blaise, il trouva même là le moyen de faire de l’humour, et pour ça je le remerciai infiniment. Nous en avions tous besoin.
- Ouais, eh ben là, c’est fini pour vous, commenta-t-il alors. Elles pensent toutes que vous êtes définitivement gays maintenant.
Et nous pouffions, tous les trois. Je me risquai à lever les yeux vers la table des Gryffondor alors que je me servais un morceau de bacon. Ses yeux dorés n’avaient pas l’air d’avoir manqué une seule miette du spectacle que nous avions donné.
Les cours m’avaient rarement semblés être si difficiles à subir qu’en cette journée. J’avais remarqué que Granger s’était permise, à quelques reprises, de jeter des coups d’œil pas si discrets en ma direction, et moi je m’appliquai à éviter de croiser son regard. Je supposai qu’elle était curieuse de ce que Malefoy avait éveillé en elle la veille, avant qu’elle n’oublie tout le reste. Mais il n’y aurait plus rien. Lorsque la fin de la journée était finalement arrivée, je m’écroulais sur le canapé de notre salle commune en compagnie de Blaise, et Pansy et Theo prirent place face à nous sur les fauteuils individuels. Je notai que Theo ne regardait pas plus Pansy que d’ordinaire. Ses barrières à lui aussi étaient à nouveau relevées. Nous devions tous avancer.
- Un verre avant le dodo ? proposa alors Blaise.
Nous acquiescions tous. Nous en avions largement besoin. Pansy et lui se levèrent pour nous faire généreusement le service, et le regard insistant de Theodore ne me lâcha pas un instant. Il savait que quelque chose n’allait pas, mais s’il me posait la question, j’étais prêt à lui demander ce qui selon lui allait bien. Mais il ne me demanda rien, pour le moment, et il adressa un sourire aux pieds de Pansy quand elle lui tendit son verre. Pansy performa un sort d’isolement autour de nous, aucun d’entre nous n’avait la force d’ordonner aux autres élèves de foutre le camp, et de la sorte nous pourrions parler tranquillement sans avoir peur d’être entendus par qui que ce soit qui ne le devrait pas.
Habituellement, après les séances difficiles de torture que nous faisions subir ou après de violentes missions, nous n’en parlions pas vraiment. Généralement, nous buvions ensemble, parfois certains d’entre nous (Pansy et moi) pleurions, mais la plupart du temps nous n’en disions pas grand-chose, parce que de toute façon il n’y avait rien que nous pouvions dire. Nous devions simplement faire avec, et continuer, parce que nous savions que cela ne s’arrêterait pas. Il n’y avait aucun intérêt à parler d’à quel point c’était difficile et douloureux pour nous, parce qu’il y aurait des prochaines fois inévitables. Alors nous prenions sur nous, nous buvions, nous rigolions, parfois nous pleurions lorsque c’était trop, et puis nous passions à autre chose, et nous avancions. Mais cette fois-ci, c’était sur l’un d’entre nous que la séance de torture avait eu lieu, et par l’un d’entre nous, et il régnait une atmosphère inconfortable de doute quant à ce qu’il convenait de faire entre nous quatre. J’avais entendu toute la conversation de Theo et Pansy durant la nuit, et je savais donc que ce qu’il y avait eu à dire entre eux avait déjà été dit. Pour ma part, je considérais que j’avais pu exprimer ma rage, ma terreur et ma vulnérabilité la veille, et ce notamment avec Granger, même si elle n’en gardait aucun souvenir, je l’avais tout de même exprimée. Et lorsque j’avais serré Theo contre moi ce matin-là, je considérai que c’était là tout ce que j’avais eu besoin d’exprimer. Pourtant, il y avait dans l’air quelque chose qui signifiait que tout n’était pas normal, mais en même temps, comment est-ce que quoi que ce soit pouvait être normal ? Theo avait été torturé la nuit passée par Pansy. Nous avions tous bu notre verre d’une traite, et c’était moi qui en avais alors proposé un deuxième :
- Bon, un autre avant de dormir ?
Tout le monde avait acquiescé, et je m’étais levé avec Blaise pour faire le service cette fois, mais ce dernier avait ramené la bouteille et l’avait posée sur notre table basse.
- Au cas où, dit-il avec un sourire.
Je décidai que c’était peut-être le moment de leur annoncer que je me retirai de l’affaire Granger/Ordre. Il fallait que quelqu’un dise quelque chose, et que nous passions à autre chose. Il fallait que nous avancions. Je pris une importante gorgée de mon verre, et me décidai à être transparent avec eux.
- Je vais tout arrêter, commençai-je alors, avec Granger.
Les yeux perçants de Theo se posèrent sur mon visage, mais il ne répondit rien. Ce fut Pansy qui questionna :
- Comment ça ?
Blaise vida son nouveau verre cul-sec et s’en resservit un autre.
- La mission, essayer de se rapprocher d’elle pour avoir des informations sur l’Ordre, toutes ces conneries, je vais arrêter, expliquai-je alors.
J’évitai les yeux de Theo, mais ils ne me lâchaient pas une seule seconde.
- Pourquoi ? demanda alors Pansy. A cause de ce qu’elle a vu hier ? Qu’est-ce que tu lui as dit ?
Je pris une nouvelle gorgée de mon verre et imitai Blaise en me servant un nouveau verre de courage liquide. Cette situation me serrait l’estomac plus que je ne voulais vraiment me l’avouer. Pourtant, il n’y avait rien eu de concret. Et puis, c’était Granger. Et pourtant le nœud dans mon estomac était bel et bien présent.
- Non, je lui ai fait un obliviate. De ce qu’elle en sait, la soirée s’est finie tout à fait normalement hier soir, leur appris-je en évitant toujours le regard insistant de Theodore. C’est moi, je sens qu’il se passe un truc, quand je suis avec elle, me lançai-je alors en inspectant le fond de mon verre. Je ne sais pas si c’est les circonstances actuelles qui font ça, je n’en sais rien de ce que c’est et je m’en fous, mais il se passe un truc, lâchai-je avec sincérité. Et je n’en veux pas, conclu-je froidement.
Le visage surprit de Blaise se tourna vers moi.
- T’es en train de dire que tu ressens des trucs pour Granger là ?
- Je dis qu’il se passe quelque chose, me défendis-je alors.
- Va falloir expliciter un peu, s’amusa Zabini, parce qu’aux dernières nouvelles qu’on a eues elle te dégoûtait, et là tu nous sors de nulle part que tu vas arrêter ta mission parce qu’il se passe « un truc », fit-il en mimant des guillemets, avec elle.
Il n’y avait que Theo à qui j’avais parlé des discussions que j’avais eues avec elle dans la tour d’astronomie, et il n’y avait qu’à lui que j’avais dit que ces discussions m’avaient laissé le sentiment de ne plus être dans un jeu.
- On a eu quelques moments à l’écart où on a discuté, discuté en vrai, expliquai-je alors.
- Le cachotier ! s’égosilla Blaise avec sa bouche grande-ouverte.
Pansy pouffa mais afficha également un air de surprise. Elle tourna le visage vers Theodore et nota que lui n’était pas surpris du tout.
- Quand tu dis qu’il se passe « un truc », reprit-elle, ça se traduit comment ce « truc » ?
Blaise se tourna plus amplement vers moi sur le canapé et afficha un énorme sourire sur son visage :
- Ouais j’avoue, on veut des détails, déclara la commère en lui.
Theodore demeurait muet, et je continuai d’éviter son regard. Je ne pus retenir un sourire en coin mais je décidai de calmer le jeu :
- Vous me cassez les couilles, dis-je en souriant, c’est juste que j’ai l’impression que de son côté comme du mien ce n’est pas que un jeu ou qu’une mission, et même s’il n’y a rien pour l’instant je préfère tout arrêter avant qu’il n’y ait quoi que ce soit d’autre, dis-je alors plus sérieusement. Je n’ai pas le luxe de m’autoriser à laisser quelqu’un d’autre entrer dans le contexte actuel, lâchai-je plus gravement.
- Ouais non mais il va quand même falloir donner du détail en fait, continua un Zabini trop avide de ragots. C’est quoi le délire, t’as trop envie de lui raconter ta vie, ou alors t’as trop envie de la baiser…
- … Parle mieux par contre, le coupai-je agressivement malgré moi.
- Oooooooooh alors c’est comme ça ! s’exclama-t-il avec un énorme sourire.
Pansy riait et laissait son visage exprimer autant de surprise amusée que Blaise. Nott ne riait pas.
- Oh mon dieu, si un jour on m’avait dit que nous aurions cette conversation, je n’y aurais jamais cru, lâcha-t-elle avec la bouche encore grande ouverte.
- Ah clairement, il se passe « un truc », truc ! insista Blaise parti dans l’entrain avec Pansy.
Il se tourna vers Theo et leva un doigt accusateur vers lui :
- Et toi là, vieux traître qui dit rien parce que tu savais déjà, on te voit enfoiré !
Zabini vida son verre et s’en resservi un nouveau, geste que Pansy imita. L’on aurait pu penser que c’était Theo qui allait boire le plus ce soir. Ce n’était pas le cas.
- Alors, reprit Blaise, explique-nous tout.
- Vous me cassez les couilles, répétai-je en un soupir alors que je vidai mon propre verre d’une traite et m’en resservait un autre.
Pansy sautilla sur son fauteuil et commenta :
- Je n’aurais jamais pensé être excitée à l’idée d’entendre parler de Granger putain de merde.
- Il n’y a rien à dire, tentai-je de les calmer, c’est juste que…, je choisissais mes mots, on a parlé une ou deux fois hors contexte soirée/mission et c’était des vraies discussions sincères et je sais pas c’était juste… bien et naturel.
- « Bien et naturel », répéta Blaise en une imitation exagérée.
- « Une ou deux fois », renchéri Pansy sur le même ton.
Je claquai de la langue.
- Pourquoi j’vous parle à vous, commentai-je alors en chassant leurs commentaires d’un geste de la main.
Ils rirent de bon cœur et ce son provoqua une sensation de chaleur en moi. Malgré le contexte, nous en avions tous besoin. Même Theo s’autorisa à pouffer doucement.
- Vous voyez comment vous êtes, enchaînai-je alors, je vous dis un truc que j’assume même pas entre moi et moi, et vous faites les pétasses !
- Mais non mon chéri enfin, plaisanta Blaise en passant sa main libre sur mon épaule, dis-nous tout on t’écoute, prononça-t-il avec une voix qu’il rendait efféminée.
Pansy ne s’arrêtait plus de rigoler, partie dans un fou rire probablement plus nerveux qu’autre chose. La situation était effectivement « drôle » d’un point de vue extérieur, je pouvais le lui accorder, mais je supposai que son état interne de fatigue, de nerf, de tristesse et de conflit émotionnel mêlés aux verres qu’elle venait d’enchaîner ne devait pas aider. Je lui adressai un regard noir que je forçai.
- Vas-y Pansy là, mets-y du tiens un peu ! commenta Blaise avec humour à son encontre.
Elle n’arrêta pas de rigoler à gorge déployée et cacha sa bouche derrière une main. Ses yeux étaient mouillés de larmes de joie quand elle prononça difficilement entre deux rires :
- Je suis désolée…, mais…, continua-t-elle difficilement, Granger putain ! acheva-t-elle en repartant plus profondément dans son fou rire.
Cela fit rire Theo, probablement plus parce que c’était Pansy que par rapport à ce qu’elle disait vraiment. Je me mettais à rire également, juste parce que c’était Pansy, et que cela me faisait du bien. Cela nous faisait du bien à tous. Nous nous offrions le luxe de ce moment, et tous ensemble nous rions de bon cœur un instant, puis quand nous furent capables de nous reprendre, ce fut Pansy qui demanda :
- Bon alors, explique-nous, comment tu sais qu’il y a un « truc » qui se passe pour toi ?
- Ben vous savez comment c’est, commençai-je alors.
- Non, me coupa Blaise en pouffant, moi j’sais pas non.
J’avais tendance à oublier que Blaise et les sentiments c’était une longue histoire qui n’avait jamais commencée.
- Je pense souvent à elle quoi, tentai-je alors.
- C’est-à-dire tu penses à elle ? insista Pansy.
- Mais tu sais bien, je pense aux discussions qu’on a déjà eues, à celles qu’on pourrait avoir dans le futur, je me demande ce qu’elle penserait de tel ou tel sujet, etcetera ! explicitai-je à contre-cœur.
Je me gardai de leur parler du nombre de pensées intrusives que j’avais jour et nuit des choses que je voulais lui faire. D’à quel point je voulais l’entendre hurler mon nom. D’avec quelle violence je voulais voir les traits de son visage se tordre sous le plaisir. Du nombre indécent de positions que je voulais faire endurer à son corps. Je chassais ces pensées de mon esprit en prenant une gorgée de mon verre.
- Ok, commenta Blaise avec plus de sérieux que d’ordinaire, donc tu reconnais qu’intellectuellement c’est quelqu’un d’intéressant, jusque-là ça peut s’entendre, ce n’est pas très surprenant. Mais au niveau…, il fit attention à bien choisir ses mots, désir ? C’est comment ? questionna-t-il.
Je m’enfonçai dans le canapé.
- On ne va pas parler de ça, coupai-je alors.
- Comment ça, on ne va pas parler de ça ? continua Zabini.
- Je ne vous parlerai pas de ça par rapport à Granger ! me défendis-je.
- Frère tu nous as raconté les détails crus de chacune de tes conquêtes et de tout ce que vous aviez fait, quand, comment, et pourquoi, remarqua-t-il.
- Ouais, eh ben là c’est…, je m’arrêtai au milieu de ma phrase.
- DIFFERENT ! s’exclamèrent en cœur Blaise et Pansy avec leurs bouches à nouveau grandes ouvertes.
Je m’enfonçais plus profondément dans le canapé alors que leurs deux mains vinrent se rencontrer pour se féliciter d’avoir pensé à la même chose, au même moment.
- Vous me saoulez, commentai-je alors.
- Non vas-y on arrête, se raisonna Blaise, en vrai c’est triste. Mais putain… Granger quoi, ne put-il s’empêcher en pouffant.
Et nous étions repartis à rigoler.
- Plus sérieusement, commença Pansy quelques temps après, je ne vais pas te dire que je pense que c’est une bonne idée ou que c’est sans risque que tu crush sur Granger étant donné le contexte, mais putain tu crois pas que tu mérites un peu de répit ? me demanda-t-elle avec des yeux sincères.
Je pris une gorgée importante du liquide ambré qui colorait mon verre en cristal. Un verre appartenant à ma famille. Ou ce qu’il en restait.
- Sans même parler de Granger, dans le contexte actuel je ne me serais pas autorisé à développer des sentiments, quels qu’ils soient, pour n’importe quelle fille que ce soit, dis-je avec sincérité. Alors la meilleure amie et le bras droit du mec que le Seigneur des Ténèbres cherche absolument à tuer depuis des années, non, conclu-je gravement.
Pansy se tourna vers Theo et lui demanda de but en blanc :
- Pourquoi tu ne dis rien ?
Je rencontrai finalement ses grands yeux bleus. Ils me sondaient encore.
- Je ne suis pas encore sûr de ce que j’ai à dire, répondit-il simplement.
- Bon, reprit Pansy, et comment tu comptes t’y prendre pour tout arrêter ?
- Elle sort avec Weasley, leur appris-je alors. Je vais juste utiliser ça pour m’éloigner.
Et ce fut reparti pour les rires incontrôlables.
- Non, arrête, commenta Blaise.
- Sérieusement ? demanda Pansy quand elle fut capable de parler à nouveau.
J’acquiesçai avec une moue signifiant à quel point je trouvais cela ridicule également. Putain de Granger et Weasmoche. Il n’y avait rien de crédible là-dedans. Ils restèrent bloqués là-dessus un moment, et quelques « derniers » verres furent encore bus pendant que mes amis se foutaient ouvertement de la gueule de Weasley, et je devais reconnaître que leurs mots sanglants m’apportaient un certain apaisement.
Lorsque la bouteille qui ne devait être qu’un « au cas où » fut vide, Blaise se leva pour aller en chercher une autre. Un élève de troisième année ne l’ayant pas vu se retourner lorsqu’il repartait du bar avec sa bouteille en main lui rentra dedans, et tous nos visages se retournèrent vers eux lorsque Blaise poussa de toute sa force l’élève innocent qui s’écrasa sur le sol en le regardant avec des yeux terrifiés. Je me levai d’un bon alors que Blaise lui hurla dessus :
- Tu cherches la merde, fils de pute ?!
Je m’interposai entre Blaise et le gamin toujours au sol et poussai le torse de mon ami de toute ma force pour ne pas qu’il lui rentre dedans. L’enfant ne comprenait rien. Theo tenta de se lever dans un mouvement rapide, mais son corps ne le lui permit pas, et Pansy resta à côté de lui en regardant notre ami, interdite.
- Arrête, ordonnai-je sèchement à Blaise en lui barrant physiquement la route.
Il me résista et tenta de me pousser pour aller vers l’élève qui reculai sur le sol.
- T’as un problème ?! continua-t-il alors que son visage devenait rouge écarlate.
- Casse-toi, dis-je à l’encontre de l’élève au sol alors que j’essayai de contenir physiquement mon ami.
Blaise me poussa plus violemment pour essayer d’aller après lui, mais je le retins en bloquant son torse.
- Arrête tes conneries Zabini ! lui hurlai-je alors.
- Mes conneries ?! hurla-t-il en posant finalement les yeux.
Il me poussa de toute sa force et je m’éloignai de quelques pas en arrière, manquant de me casser la gueule en me prenant la table basse qui était derrière moi. Il balança la bouteille pleine qu’il tenait dans sa main droite contre le mur briqué de notre salle commune. Elle explosa dans un vacarme violent et son liquide se répandit sur le mur.
- MES CONNERIES ?! réitéra-t-il alors que son visage devenait de plus en plus rouge.
Il me tourna le dos alors que Theodore s’était levé, prêt à s’interposer entre lui et moi au besoin, mais il gardait ses distances. Je lui signifiais de ne pas bouger en un geste de main, il n’était pas en état physique de contrer Blaise.
- IL MANQUE DE SE FAIRE TUER PAR PUTAIN DE VOLDEMORT IL Y A QUELQUES PUTAINS D’HEURES DE CA, hurla-t-il en se saisissant d’une nouvelle bouteille du bar et l’explosa contre le mur, ET ON PASSE LA SOIREE A PARLER DE PUTAIN DE GRANGER ET DE WEASLEY, continua-t-il en se saisissant d’une nouvelle bouteille, COMME SI TOUT ETAIT PUTAIN DE NORMAL, il l’explosa contre le mur, ET C’EST MOI QUI DOIT ARRÊTER MES CONNERIES ?!
Theo saisit discrètement le poignet de Pansy et la tira vers lui, la forçant à se lever et l’attirant plus loin dans la pièce, se positionnant devant elle.
- ET ELLE, beugla-t-il à nouveau, QUI DOIT PUTAIN DE TORTURER L’AMOUR DE SA VIE, ET QUI PREND LE PETIT-DÉJEUNER AVEC LUI DERRIÈRE COMME S’IL N’Y AVAIT AUCUN PROBLÈME, il se saisit d’une nouvelle bouteille, COMME SI ON N’ÉTAIT PAS PASSÉS À DEUX PUTAINS DE DOIGTS DE VOIR THEO MOURIR SOUS NOS PUTAINS DE YEUX HIER SOIR, ET C’EST MOI, il éclata la bouteille contre le mur, QUI DOIT ARRÊTER MES CONNERIES ?!
Il s’approcha de nous et nous reculions machinalement pour lui laisser l’espace dont il avait besoin. Nous le connaissions. Nous savions. Il retourna la table basse en un geste violent et elle vint renverser les fauteuils sur lesquels étaient assis Pansy et Theo quelques instants plus tôt :
- MAIS JUSQU’OÙ ?! hurla-t-il. JUSQU’OÙ ?!
Il s’approcha de moi et colla son front au mien alors qu’il continuait d’hurler :
- QU’EST-CE QU’ON VA ENCORE DEVOIR REGARDER SANS RIEN DIRE ?! QU’EST-CE QU’ON VA DEVOIR ENCORE FAIRE SANS RIEN DIRE ?! COMBIEN DE PERSONNES ON VA ENCORE DEVOIR TORTURER ?! COMBIEN DE VIES EST-CE QU’ON VA DEVOIR ENCORE PRENDRE ?! JUSQU’À CE QUE LEQUEL D’ENTRE NOUS CRÈVE ?! JUSQU’OÙ ?!
Sa voix vibra en moi alors que son front frottait contre le mien et des larmes naquirent dans mes yeux alors que je sentais mon cœur se briser dans ma poitrine, une nouvelle fois. Il n’en pouvait plus, lui non plus. Notre ami qui riait toujours. Notre ami qui amenait toujours humour et légèreté. Notre ami qui toujours rendait ce que nous traversions supportable. Lui non plus, il n’en pouvait plus.
- ET TU ME DEMANDES D’ARRÊTER MES CONNERIES, À MOI ?! reprit-il en enfonçant ses yeux bruns dans les miens.
Ses yeux commèrent à devenir rouges, et mon cœur se brisa encore un peu plus dans ma poitrine. Nous y arrivions. Il allait lâcher.
- TU ME DEMANDES DE ME COMPORTER COMME SI TOUT ÉTAIT NORMAL ALORS QUE J’AI DÛ RESTER IMPUISSANT, INCAPABLE DE BOUGER, il me poussa de ses deux mains et nos fronts se séparèrent, INCAPABLE DE DIRE QUOI QUE CE SOIT, il me poussa encore et je reculai, INCAPABLE DE FAIRE QUOI QUE CE SOIT, une nouvelle fois, PENDANT QUE JE REGARDAIS THEO CREUVER SUR LE SOL DE TA PUTAIN DE MAISON ?!
Je collais mon front au sien à nouveau et saisissait son visage de mes deux mains alors que la rage de sa voix vibra dans mon poitrail lorsqu’il hurla plus fort, sa voix se déchirant par les larmes qui arrivaient à ses yeux :
- JUSQU’OÙ ?!
Il se mit à sangloter violement, son front toujours collé au mien.
- JUSQU’OÙ ?! répéta-t-il alors que sa voix se brisa de plus en plus.
Je sentis des larmes perler sur mes joues, mais je ne lâchais pas le contact que j’avais avec ses yeux. Il sanglota bruyamment et les mains que j’avais placées sur son visage furent bientôt mouillées des larmes qu’il pleurait.
- Jusqu’où encore…, pleura-t-il en tombant à genoux.
Je me laissai tomber sur le sol avec lui et Pansy se rua entre nous, et trouva refuge dans les bras de Blaise. Il l’enferma dans ses bras et la serra de toutes ses forces alors qu’il sanglotait avec la tête dans son cou. A chacun de ses sanglots qui était audible, je sentais mon cœur se serrer plus fortement dans ma poitrine. Le visage de Blaise se releva et il rencontra les yeux de Theo par-dessus l’épaule de Pansy. Les grands yeux bleus de Theo étaient rouges, eux-aussi.
- Viens putain, murmura Blaise à son intention en ouvrant un des bras qui encerclait Pansy.
Une larme perla sur la joue de Theo alors qu’il marchait vers nous. Il se laissa tomber à côté de Blaise, et laissa son bras libre l’encercler lui aussi, se collant contre Pansy. Je passai un bras autour de Pansy et l’autre autour de Blaise, et nous restions ainsi un long moment, serrés tous ensemble dans les bras les uns des autres.
- J’peux pas vous perdre, murmura Blaise alors que son visage était enfoui entre Pansy et Theo.
Et nous nous serrions tous encore un peu plus fort.
Une fois que nos cœurs s’étaient un peu apaisés, Pansy avait accompagné Blaise se coucher, et elle était allée trouver le sommeil elle-même. Theo resta un instant avec moi pour nettoyer le bordel que la douleur de Blaise avait causé, puis il s’installa dans son fauteuil et moi dans le canapé face à lui pour un dernier verre. Je pris une gorgée de mon whiskey et attendis qu’il dise ce qu’il avait à dire, mais il n’en fit rien. Il me regardait simplement. Alors, je lançai :
- Parle.
- Est-ce que tu l’as déjà touchée ? demanda-t-il en soutenant mon regard.
- Je ne vois pas en quoi c’est relevant, mentis-je alors.
- Réponds juste à la putain de question, coupa-t-il en me recentrant.
Je maintenais le contact avec ses yeux un moment.
- Oui.
- Et ton désir pour elle ne fait que grandir depuis que tu l’as touchée ? continua-t-il alors.
- Oui, avouai-je finalement.
Il était bien conscient, tout comme moi, de mon fonctionnement habituel avec la gent féminine. J’aimais la chasse, c’était vrai, c’était quelque chose qui m’entraînait. Mais une fois que je savais que je pouvais avoir la fille, je couchais avec elle, qu’il y ait pénétration ou non, puis je passai à autre chose. Je passai à une autre.
Il acquiesça, mais ne me répondit rien. Il continuait de me regarder, mais il ne disait rien, et je le connaissais assez pour savoir qu’il avait quelque chose à dire. Je poussai un soupir et me lançai :
- Aller vas-y putain, dis-le.
Il me regarda droit dans les yeux encore un instant en silence, puis il lâcha à la fois avec douceur et violence :
- Tu vas le laisser prendre tout ce qu’il y a de bon dans ta vie encore combien de temps ?
Je me reculai dans le canapé avec une moue signifiant que j’accusai la réception de sa question. J’haussai les sourcils en constatant de la véracité et de la violence de ses mots.
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