La maison sur la colline

Chapitre 1 : Chapitre un

1301 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/03/2024 13:41

« L’espérance est la plus grande de nos folies. »

Alfred De Vigny.


« Les enfants, à table ! »

Jamais, elle n’aurait pu croire qu’un jour elle serait maman. Et encore moins avec lui. Elle regardait par la fenêtre du salon en voyant ses deux adorables enfants courir depuis le bas de la colline. Ils y avaient construit leur maison une dizaine d’années auparavant et vivaient des jours parfaitement heureux.

La guerre avait fait des ravages mais ils avaient su mettre de côté leur rancune pour avancer ensemble.

Au début, bien sûr, ça n’avait pas été facile. Ils s’étaient retrouvés tous les deux et ils n’avaient pas su quoi dire, quoi faire. Un Mangemort et une née moldue. Franchement, si le destin avait de l’humour ce serait exactement ce style qu’il aurait eu. Mais le destin n’avait rien à voir là-dedans.

La guerre avait tout à voir.

XXXX

- Lavez-vous les mains et la frimousse pendant que papa finit de préparer le repas.

Le regard attendrit par leur bouille pleine de terre, elle mit la table d’un coup de baguette magique. Une fois terminé, elle entra dans la cuisine pour y trouver son mari, un tablier noué autour de la taille en train de faire cuire des pommes de terre dans une poêle.

- Tu as besoin d’aide chéri ?

- Non, je gère.

Elle passa une main dans son dos et il l’embrassa tendrement avant de se reconcentrer sur la cuisson. Les jours s’écoulaient, paisibles et heureux en tout point. Personne ne pouvait croire en les regardant qu’il y avait eu la guerre et que le monde sorcier, quinze ans après, avait encore du mal à se remettre des combats et des batailles.

La dernière bataille, surtout, avait laissé des cicatrices que seul le temps pouvait guérir.

- A quoi tu penses ?

Il connaissait sa femme, et il savait, en voyant son regard, que quelque chose clochait.

- Tu crois que… ? Non, rien, laisse tomber.

C’était un sujet qu’ils évitaient d’aborder. Ils avaient établi des règles, dès le départ. Ça leur avait évité bien des disputes et bien des déprimes. Ensemble, ils avaient choisi que le passé resterait là où il était : loin et inaccessible. Ils devaient avancer ensemble ou rien. Alors ils avaient avancé ensemble, un jour après l’autre, un pas après l’autre.

Au départ ils étaient restés chacun d’un côté de la colline, se parlant à peine. Mais ils avaient vite été obligés d’admettre que s’ils voulaient que ça fonctionne, ils devaient y mettre du leur. Ils avaient travaillé dur, passant d’abord de la haine à une ignorance cordiale. Ils ne s'étaient parlé que lorsque ça avait été nécessaire : à savoir, pas plus d’une à deux fois par semaine.

La solitude avait fini par leur peser à l’un comme à l’autre. Alors ils avaient commencé à se parler, d’abord sur comment améliorer leur quotidien et finalement, une chose en entrainant une autre, ils s’étaient confiés sur leurs sentiments, leurs peurs, leurs désirs... Tout ce qui leur passait par la tête. Il lui avait expliqué en détail ce qu’il avait vécu au manoir et les horreurs qu’il avait dû faire pour survivre à Voldemort. Elle lui avait confié sa peur constante de n’être jamais acceptée à part entière dans ce monde dans lequel elle n’était pas née. Il avait presque failli s’excuser ce jour-là, de lui avoir rappelé constamment qu’elle n’était pas de ce monde. Elle le lui avait interdit ; elle avait voulu le détester encore un peu avant de devoir changer d’opinion à son propos. La formulation l’avait fait sourire mais il n’avait pas insisté.

Un soir, au coin du feu en haut de leur colline, ils avaient parlé de l’avenir. Il ne leur avait jamais apparu si sombre. C’était à ce moment qu’ils avaient établi leurs règles. Ils s’autorisaient une fois par an à s’apitoyer sur leur sort, à pleurer, à craquer. Le reste du temps, ils feraient tout ce qu’il faut pour que ça se passe bien.

Presque trois ans après leur arrivée sur la colline, il l’avait embrassée au clair de Lune. D’abord gêné et maladroit, il n’avait pas été sûr d’elle et encore moins de lui. Mais quand il l’avait sentie lui rendre son baiser, tout avait changé. Il y avait eu dans ce baiser, la fureur de vivre, le désir ardent de s’en sortir.

« Un jour, lui avait-il promis, je t’emmènerai loin d’ici et te montrerai le monde comme je le vois. » Elle avait souri avant de l’embrasser à nouveau.

La cabane bancale qu’ils avaient construite quelques mois après leur arrivée ne tenait presque plus debout. Ils n’avaient rien fait de permanent au départ, persuadés qu’ils ne resteraient pas ici. Mais le temps était passé et ils étaient toujours ensemble. Aussi, ils avaient décidé de se construire une vraie maison. Heureusement qu’ils avaient leur baguette. Il était bien plus facile d’assembler troncs et pierres à l’aide de la magie qu’à la main.

Au début, ils s’étaient contentés d’une simple petite maison avec un salon-chambre et une cuisine. Au fil des années, ils l’avaient agrandie. D’abord ils avaient construit l’étage pour se faire une vraie chambre et libérer un espace dans le salon pour y mettre une bibliothèque. Finalement, ils avaient ajouté une chambre quand ils s'étaient aperçus qu’elle était enceinte. Puis une troisième. Au rez-de-chaussée, ils avaient ajouté un garde-manger attenant à la cuisine, une vraie cheminée dans le salon-salle à manger et un bureau avec des grandes bibliothèques pleine à craquer de livres.

Les enfants passaient une grande partie de leur temps à jouer dehors, courant après les papillons ou sautant les pieds dans la rivière au bas de la colline.  Ici, ils avaient tout ce qu’il fallait pour être heureux et en paix.

Pourtant, à l’approche de la date, l’un comme l’autre devenait mélancolique, leurs pensées fuyant vers un passé qu’ils ne parvenaient pas à oublier. Chaque année, à la date de leur arrivée sur la colline, l’effet était le même. Ils essayaient de le cacher du mieux qu’ils le pouvaient pour ne pas inclure leurs enfants dans leur nostalgie, ils n’y étaient pour rien. Chaque année, ils se demandaient quelle aurait été leur vie s’ils n’avaient jamais été sur la colline ensemble au même moment. Que ce serait-il passé s’ils avaient fait des choix différents ? S’il avait décidé de les trahir ce soir-là plutôt que de sauter avec elle ? Aurait-il eu une vie bien rangée dans un manoir comme celui dans lequel il avait grandi ? Marié avec une sang pur par simple obligation ? Et elle, si ce soir-là elle avait tendu la main juste un peu plus ? Aurait-elle réussi à les sauver ?

Mais ils étaient là, tous les deux, sur la colline, depuis quinze ans maintenant. Ils avaient un foyer et deux magnifiques enfants. Et ils étaient heureux ensemble. Bien plus que ce que le destin leur avait réservé au départ. Bien plus que ce qu’ils auraient pu prévoir pour eux même.

Alors, Pourquoi ?


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