Les Ineffables Péchés Capitaux

Chapitre 4 : Un tapis nommé Désir (Luxure)

2688 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 25/02/2024 13:33

Ce texte participe au 7 Sins Challenge du forum fanfictions.fr


Cette histoire est dédicacée à Circeto, qui m’a mise au défi d’écrire sur un ship improbable, le Furcarpet 🩷 


 “Je peux résister à tout, sauf à la tentation” (Oscar Wilde)


LA LUXURE


~ Un tapis nommé désir ~



Le démon à la crinière de feu ne se souvenait pas de lui.


En 1941, il avait été clair sur le sujet ! Il ne se rappelait même plus d’avoir combattu à ses côtés sur les Plaines du Paradis… Crowley avait oublié tous les regards d’Ange Furfur, toutes ses tentatives désespérées pour le séduire, pour prendre la place de ce Chérubin blondinet aux boucles parfaites qui le suivait partout comme son ombre au Paradis ! Lui aussi avait pourtant fait semblant de s’intéresser à ses précieuses étoiles, même s’il ne voyait pas l’intérêt de créer la Vie en dehors de la Cité d’Argent… 

Il avait cru avoir sa chance lors de la Rébellion en se retrouvant dans le même camp que lui, la menace platine désormais écartée pour de bon, Satan soit loué ! 

Sauf qu’une fois encore, Elle avait tout gâché, effaçant la mémoire du Séraphin et par là même, le souvenir de leur amitié. Leurs chemins c’étaient une fois encore séparés lorsque Crowley, dont la fougue ne pouvait être contenue par les neufs Cercles de l’Enfer, avait été envoyé sur Terre, au Jardin d’Eden. 

Là-bas, sur le mur au-dessus de la Porte d’Orient, le Serpent avait retrouvé l’ange à la mise en plis impeccable, comme une espèce de mauvaise blague qu’Elle s’acharnait à lui faire et qui n’amusait qu’Elle. Furfur avait gardé espoir cependant, car dans son ignominie, Elle avait également arraché tous les souvenirs du Chérubin de la mémoire du démon ! 

Quand il y repensait, Furfur se disait que c’était d’une cruauté qui n’avait rien à envier à Satan que d’avoir effacé la mémoire de Crowley, mais pas celle d’Azirakasstoadla. L’ange se souvenait de tout, alors que Crowley peinait à se rappeler qu’il avait eu une vie avant sa Chute… Aucune chance qu’il se souvienne un jour de toutes ses promenades romanticoeurantes avec Azirarentchétoua, main dans la main, sur la toute jeune Proxima Centauri

Quoi qu’il en soit… Les siècles s’étaient écoulés, devenant des millénaires, durant lesquels Crowley ne faisait que de fugaces apparitions en Enfer pour rendre ses rapports, sans jamais passer par les Admissions, au grand dam de Furfur. Parfois, le Serpent d’Eden se faisait embarquer pour avoir commis de bonnes actions-selon les bruits de couloirs-et séjournait en ce cas plus longtemps en Bas, vraiment en Bas, dans Son Cercle… Ses hurlements parvenaient alors jusqu’aux Admissions et Furfur devait travailler avec un casque, car ce genre de larmes était prohibé en Enfer.


Il y avait eu ensuite la Notapocalypse numéro Un, puis la Deux… Pour faire court, Furfur avait tiré un trait définitif sur Crowley. Le déni avait ses limites, en la personne d’un exaspérant libraire, ex-Chérubin, ex-Principauté, mais obstacle éternel à son bonheur ! 


L’amoureux éconduit, mais nouvellement promu Représentant Plénipotentiaire de l’Enfer sur Terre, profitait de son statut pour se rendre ainsi régulièrement à Soho espionner le couple, puisqu’il fallait l’appeler ainsi… Furfur était envieux de cet ange, seul à faire sourire Crowley, seul à lui faire poser ses lunettes, seul à être l’objet de toutes ses attentions ! Lorsque Crowley regardait le libraire, il y avait la même douceur et la même révérence dans ses yeux que Furfur avait lui-même eu en observant son ancien ami, jadis… 

 

En traînant dans ce quartier haut en couleurs, le démon aux cheveux grisonnants avait pris l’habitude de s’installer au Donne-moi un café ou donne-moi la mort pour observer les allées et venues de son ancien crush et de son petit ami de toujours. La patronne du café était nettement moins taciturne depuis que sa voisine, la vendeuse de disques, la rejoignait tous les soirs, un peu avant la fermeture. Leur bonheur était aussi détestable que celui du “couple de vieux gays de la librairie”, comme les appelaient les habitants de Whickber Street ! 


Il n’était pas le seul, cependant, à éprouver une certaine amertume en contemplant leur étrange duo, s’il en croyait ses yeux… Un des commerçants de la rue, celui qui vendait des tapis, les observait également du coin de l'œil à chaque fois qu’il passait devant la librairie, ne manquant aucune occasion d’aborder Aziraplanàtroa dès qu’il était seul ! L’ange ne lui prêtait toutefois pas plus d’attention que Crowley ne lui en accordait, à lui, à chaque fois qu’il tentait d’engager la conversation, quand le Serpent d’Eden venait chercher son mug de cafés. 

Par dépit, l’homme en question, répondant au nom de Mr Brown, s’installait lui aussi de plus en plus souvent à la table voisine pour boire une triste tisane à la verveine, dans laquelle il tentait de noyer sa désillusion.


Faute de pouvoir discuter avec Crowley ou Azirabajoa, les deux malheureux avaient fini par discuter ensemble. 


Quelque temps plus tard, par une fin d’après-midi maussade, le lendemain de la Saint-Valentin, l’homme s'était assis lourdement sur la chaise voisine à celle du démon, le distrayant de sa lecture de l’Infernal Times


— Un problème ? avait poliment demandé Furfur.

— J’ai dû appeler la police hier ! 

— La… La police ? Pourquoi ?

L’autre hurlait comme un enragé depuis des heures… Ce pauvre Mr Fell avait tellement peur qu’il a refusé de porter plainte et de venir dormir chez moi ! 

— Peur ? s’étonna le démon.

— Ben oui… Peur de ce bellâtre, je suis sûr qu’il le brutalise !  


Furfur étouffa un rire malgré lui : 


— Même si je suis convaincu que cet imb… Que Mr Fell supporterait n’importe quoi pour lui, je suis certain que Crowley ne lui ferait jamais de mal ! C’était bien ça qui posait problème d’ailleurs… Il est incapable de faire du mal à qui que ce soit… 


Le vendeur de tapis n’était pas certain de tout comprendre à chaque fois qu’il discutait avec cet étrange Mr Furfur-diplomate de son état-mais une chose était sûre, il appréciait sa compagnie. Le nouveau dans le quartier était discret, poli et plutôt bel homme avec son étrange coiffure ! Ses jolies mèches grises s’accordaient parfaitement à ses vêtements, détail que Mr Brown trouvait charmant chez un homme d’âge mûr. Mr Furfur était d’ordinaire vêtu d’une chemise verte recouverte d’une gabardine en cuir noir, un foulard noir élégamment noué autour de son cou et il portait toujours des bijoux argentés pour parfaire sa tenue, son préféré étant un étrange chapelet à bois de cerf…   



Depuis ce jour, les deux hommes partageaient la même table au café.


A force de discuter, ils en oubliaient peu à peu leur déception amoureuse et plus ils se regardaient, moins ils voyaient Aziradadasursonma et Crowley ! Ils se racontaient leur journée, leurs déboires, commentaient l’actualité… Les réponses énigmatiques de Furfur ne cessaient jamais de surprendre le vendeur de tapis, mais avaient le mérite de lui redonner le moral ! Un peu moins toutefois, quand il disait aimer que ses chats se blottissent contre lui le soir et que le démon répondait les préférer à la sauce madère… 


Les semaines s’écoulèrent, devenant des mois, pendant lesquels les deux hommes échangèrent de plus en plus de sourires et de moins en moins de regrets, s’invitant parfois l’un chez l’autre pour partager un verre de vin les soirs de week-end. Lors de ses errances quotidiennes sur Whickber Street, Furfur ne s’attardait plus devant la librairie, préférant jeter un œil au travers de la devanture de Brown’s World of Carpets pour observer celui vers lequel ses pensées se tournaient chaque jour davantage.


Vivre au milieu des humains rendaient le démon perméable à leurs mœurs, des plus anodines, telles que partager un verre de vin, aux plus indécentes… Sa corporation humaine présentait d’étranges réactions qu’il peinait à maîtriser lorsque Mr Brown était à proximité, notamment lorsqu’il lui tenait la main ou quand il en posait une sur sa cuisse, furtivement, lors d’un éclat de rire. Autrefois, quand Furfur observait Aziravedecéliba et Crowley se promener main dans la main à St James Park, il trouvait ça ridicule, voire malaisant ! Mais un jour, alors qu’il se baladait avec Mr Brown à Soho Square, le vendeur de tapis avait glissé une main dans la sienne et le démon s’était surpris à aimer ça, à adorer ça ! C’était tout à la fois anodin, mais en même temps si intime et rassurant que Furfur en avait le vertige. 

Il n’avait jamais rien expérimenté d’aussi tendre ; pas même au Paradis, où il ne faisait qu'obéir aux ordres, sans jamais espérer, ni recevoir le moindre témoignage d’affection en retour. Sans parler de l’Enfer… 

Or Tim Brown lui tenait la main, lui souriait, trouvait les mots pour le consoler lorsqu’il avait passé une mauvaise journée ; il lui avait même offert un bouquet de fleurs une fois ! Comme ça, sans aucune raison. Sans que Furfur ait eu à accomplir la moindre tâche pour lui ; ni éviscérer une cliente désagréable, ni mettre le feu à un concurrent ! C’était étrange et déstabilisant, mais d’une manière agréable, pas oppressante ! 


Peu de temps après l’épisode des fleurs, Mr Brown avait invité Furfur à dîner chez lui. 

Dans son avidité, le démon était arrivé un bon quart d’heure avant la fermeture de la boutique et Tim l’avait invité à attendre dans l’arrière-boutique qu’il ait fini de s’occuper d’un couple de vieux clients. Le démon, pas très patient de nature, avait préféré se tenir juste derrière la porte entrouverte pour observer à la dérobée son Humain Support Émotionnel…  

Une fois les clients mis à la porte, l’homme s’était attelé à fermer le magasin et à arranger ses affaires avant de rejoindre Furfur, lequel s’était lancé dans une admiration éhontée du postérieur de Mr Brown, tandis qu’il déambulait au milieu des tapis roulés le long des murs ou en partie dépliés sur le parquet en chêne.

La chaleur dans la petite boutique surchauffée était étouffante ! La nuit tombait dehors et l’homme faisait maintenant le tour du magasin pour allumer les nombreuses petites lampes Tiffany dont il faisait collection et qui diffusaient une lumière douce et chaleureuse sur les fibres végétales, animales ou synthétiques des tapis.


Bercé par cette ambiance intimiste, l'esprit du démon se mit à divaguer, succombant à l’appel de la Luxure…

   

Que n’avait-il pas envie de basculer l’humain sur les motifs afshans d’un tapis persans pour plonger ses yeux dans ses prunelles vertes, miroir de son âme si innocente, comparé à la sienne… 


Que n’avait-il pas envie de le déshabiller au-dessus des motifs géométriques d’un tapis scandinave ; ôtant avec une infinie douceur sa veste à petits carreaux, déboutonnant ensuite sa chemise orange avec des gestes fébriles pour rencontrer enfin sa peau brûlante, à la toison qu’il imaginait douce et peu fournie. Après quoi, il remonterait ses mains tremblantes le long de son torse vers son cou, pour dénouer cette séduisante cravate décorée de petits faisans, et qui sait ? Peut-être attacher ses poignets avec… Il pourrait, sur ces entrefaites, défaire son pantalon en velours sulfureux avec des gestes lents et calculés, tout en faisant glisser son slip kangourou provocant en bas de ses chevilles racées ! Il lui laisserait, en revanche, ses chaussettes à carreaux, car l’humain avait toujours froid aux pieds, comme il lui avait expliqué la fois où le démon avait trébuché sur son chauffe-pieds en laine de mouton…   


Que n’avait-il pas envie de s’asseoir au-dessus de lui sur les motifs fleuris d’un tapis baroque pour prendre son visage en coupe dans ses mains, caressant de ses pouces son épaisse moustache si désirable ! Tandis que leurs corps ne feraient plus qu’un, le démon pourrait poser un baiser sur son front dégarni si attrayant, tout en faisant glisser ses doigts dans les mèches fines de son crâne, que l’homme rabattait vers l’avant pour cacher son alopécie, que Furfur trouvait pourtant particulièrement sensuelle. Il étoufferait les gémissements de l’homme par un baiser profond et intense, reflétant le mouvement débridé de ses hanches. Sa langue fendue se mêlerait vigoureusement à celle de son partenaire avant de survoler la peau succulente de son cou, sur laquelle il imprimerait sa marque en y apposant un suçon passionné… 



— Ça te tenterait ?   


La voix de Tim lui parvint, l’arrachant à sa rêverie. Sortant un mouchoir en tissu de sa gabardine pour éponger son front, Furfur s’empressa de répondre : 


— Bien sûr !  

— Tant mieux, ça fait un moment que j’ai envie d’essayer ! Avec une bonne bouteille de blanc, on va se régaler… s’enthousiasma l’homme.

— Une… Une bouteille de blanc… répéta le démon, perplexe.

— Eh bien oui ! Pour aller avec les huîtres ! C’est… Aphrodisiaque à ce qu’il paraît… bredouilla l’homme, le feu aux joues.

— De quoi ? Le vin blanc ? 

— Mais non ! Les huîtres, voyons… On y va ? Il est déjà tard !

— On y va… Où ça ? demanda lentement Furfur.

— Au bar à huîtres, pardi ! Tu n’as rien écouté à ce que je viens de dire encore… Tu es épuisé par tous ces… Trucs diplomatiques que tu as dû faire aujourd’hui, mon pauvre ami… Je te proposais d’aller manger au nouveau bar à huîtres qui vient d’ouvrir à deux rues d’ici ! 

— Oui, bien sûr… Le bar à huîtres, quoi d’autre ? 

— Je me disais qu’après, tu pourrais peut-être… Rester ici ce soir… Si… Si tu as envie… 

— Bien sûr que j’en ai envie ! D’ailleurs, pourquoi sortir ? On pourrait se faire livrer les aphrodisiaques ici… Les huîtres, veux-je dire ! se reprit le démon.

— Ne sois pas ridicule, Fufu, ils ne livrent pas ! Dépêchons-nous, j’ai faim… ajouta l’homme.

— Moi aussi, tu n'as pas idée…




Au bar à huîtres, ils rencontrèrent Azirajtenvepa et Crowley, venus découvrir eux aussi ce nouvel établissement ! L’histoire dit qu’ils partagèrent un cordial apéritif tous ensemble, avant de manger chacun en tête-à-tête amoureux. Plus tard, Furfur passa la nuit chez Mr Brown et au petit matin, plus aucun tapis n’était soigneusement rangé à sa place d’origine… 





NDA : J’ai donné le prénom de l’acteur (Tim Downie) à Mr Brown ! Je pense que ce n’est pas trop déconnant dans la mesure où NG a laissé leurs véritables prénoms aux personnages de Nina (jouée par Nina Sosanya) et Maggie (jouée par Maggie Service). Et puis ça sonne bien Tim Brown 🧡… 



 


 



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