Quand on ne regarde que les étoiles

Chapitre 12 : Un sacré bail - partie 2

3304 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/01/2024 23:31

 En direct du Vert... Enfin, euh... Hum. En direct du Dia... Je veux dire, du Grand Diamant Vert... Du Commonwealth ! Ah, ah... Euuuh... Ok, euh, vous avez sans doute aperçu, euuuuh, le gros... Comment on dit, un diri- un dirigeable ? Enfin, euh... Un zeppelin ? C'est quoi la différence ? ... J'imagine que, euh, ça veut dire que... La Confrérie de l'Acier sera... Dans le coin ? Ah, euh...


— Stop. Y'a un truc pas net.

— Vous n'aviez pas dit dernièrement que vous deviez calibrer vos capteurs ?

Enfin. Je ne veux pas dire que, euh, qu'il y ait des raisons de, euh... De paniquer. Je suis sûr que, euh, tout va bien se passer, hein ? Ensuite, à l'antenne, euh... Une chanson de, euh... Crazy Call Me, de, euh... Billie, euh, Billie Holiday.

— Non, là, je suis formel. Chut. Écoutez. Et éteignez-moi cette radio.

— Je n'entends ri...

Maintenant, si. Les grognements avaient gagné en intensité. Les cris, aussi. Quand les bruits de tirs se joignirent au reste, il n'y avait plus de doute possible : il se passait quelque chose au commissariat de Cambridge.

Crazy in love, you see...

— Qu'est-ce qu'on fait ? soufflai-je à voix basse en éteignant la radio.

— On va voir. Il y a peut-être des gens qui ont besoin d'aide.

Je sortis mon fusil laser et emboîtai le pas à Nick. Bien entendu, Canigou se mit à grogner de plus en plus fort à mesure que nous approchions des barricades en rasant les murs.

— Moriarty, attention ! cria Nick en me poussant sur le côté.

Mon dieu, que cette chose était immonde. Elle semblait tout droit sortir des enfers. Une créature bipède, à la peau complètement décomposée, sans le moindre cheveux, sans la moindre étincelle de vie dans ses yeux.

La goule sauvage fonçait sur moi à une vitesse fulgurante.

Canigou attrapa sa jambe. Elle se décrocha. Littéralement. Le chien eut l'air très surpris de voir sa cible continuer à ramper vers moi alors qu'il en avait un morceau dans la gueule. Nick soupira et lui tira à deux reprises dans la tête.

— Il faut tirer, vous savez, dit-il en rechargeant son magnum. Prendre votre arme, et tirer. Surtout quand ça a prévu de vous bouffer.

Je ne répondis rien. Je venais de jeter un coup d'œil derrière les barricades. Il n'y avait pas que quelques goules. C'était une véritable horde.

— Il y en a beaucoup trop... soufflai-je.

Deux soldats en armure assistée disparaissaient presque au milieu des monstres. Les bruits de tirs venaient donc de là. Nick se pencha à son tour pour observer la scène et fit une moue.

— Qu'est-ce qu'on fait ? demandai-je en espérant que la seule option valable soit de rebrousser chemin et d'aller chercher ailleurs.

Nick soupira. Peut-être à cause du nombre de goules.

— Visez la tête, dit-il finalement en se positionnant pour tirer.

Reçu. Je pointai mon fusil et tirai dans toutes les goules qui passaient devant mon viseur. Ce n'était pas des cibles faciles. De toute évidence, j'avais fait des progrès ; quand je me décidais à tirer.

— Merde, soufflai-je en lâchant mon fusil qui était devenu brûlant. Putain, qu'est-ce que... Canigou ! NON !

Le chien s'était jeté à travers les barricades pour aller mordre des goules. Les soldats s'arrêtèrent de tirer, pendant une seconde, en regardant le chien et en se demandant bien ce qu'il pouvait foutre là.

Je changeai d'arme - je n'arrivais plus à obtenir quoi que ce soit de mon fusil laser, et me remis à tirer dans le tas avec frénésie. Il fallait que ce combat en finisse rapidement.

Un type en armure assistée sauta alors du toit du commissariat pour atterrir au beau milieu de la bataille.

— Haylen ! Rhys ! À COUVERT ! hurla-t-il en faisant tourner le canon du minigun qu'il avait dans les mains.

Les soldats se jetèrent au sol. Je ne voyais pas Canigou. Je ne voyais pas Canigou et le bruit du minigun devint de plus en plus fort avant de finalement tirer des lasers. Les goules furent pulvérisées, coupées en deux, certaines explosèrent. Une dernière goule tenta de se redresser et se fit écraser violemment la tête du pied d'une armure assistée.

— À qui est ce chien ? cria l'homme à nouveau.

Merde. Je relevai les yeux vers Nick. Il secoua la tête.

— Venez, me dit-il à voix basse.


Nous entrâmes dans l'enceinte du commissariat. Canigou courut vers nous, la queue remuante et la langue pendante. Il s'était bien amusé. Lui. Les trois soldats nous toisèrent. C'était peut-être une impression ; ils étaient si grands dans leurs armures assistées qu'ils devaient forcément nous regarder de haut.

— Sympa, ton animal de compagnie. Tu devrais lui mettre une laisse, siffla un soldat entre ses dents.

— Désolée. Il ne... Il a voulu aider, marmonnai-je.

— Je ne parle pas du chien, répondit sèchement le soldat.

— Quoi ?

— Rhys, c'est bon, dit le soldat au minigun en retirant son casque avant de s'éponger le front.

Ses épais sourcils bruns se froncèrent alors qu'il regardait - qu'il toisait Nick.

— Merci du coup de main, civils, reprit-il d'un ton dans lequel il n'y avait pas le moindre remerciement. Qu'est-ce qui vous amène dans le secteur ?

— Vous êtes qui ?

Je baissai instantanément les yeux. C'était un comble de devoir autant réfléchir pour parler et de parler aussi souvent sans réfléchir.

— Je vous suggère de répondre à mes questions avant de poser les vôtres.

Silence. Démerdez-vous, Nick. C'est votre vieille affaire.

— On aimerait entrer dans le commissariat. On vous causera pas de problèmes et on ne sera pas long, dit-il.

Rhys eut un rire mauvais.

— Personne ne rentre dans nos quartiers, dit le soldat aux sourcils froncés.

Vos quartiers ? C'était un vieux commissariat, pas une base de l'armée.

— On ne veut pas perturber vos opérations, continua Nick. On a juste besoin d'accéder à un terminal d'avant-guerre.

— Abomination, siffla Rhys en faisant passer ses doigts sur son énorme fusil.

C'était un vieux commissariat, mais de toute évidence, ces types se prenaient quand même pour l'armée. Elle n'était peut-être pas la même que celle que j'avais connu de si près, de mon temps, mais ça valait le coup d'essayer.

— Paladin. C'est important, permettez moi d'insister. Je ferai preuve de respect et de discipline si vous m'autorisez à entrer.

Je me redressai de toute ma minable hauteur. J'espérai avoir utilisé le bon grade ; dans quel monde étions-nous pour que Paladin en devienne un ? Il réfléchissait.

— Je vais vous faire escorter. Le synthétique, ajouta-t-il en toisant Nick, il reste dehors.

— Compris, Paladin, répondis-je sans ciller.

Je lançai un regard à Nick ; comme pour m'assurer qu'il n'avait pas mal interprété ma feinte sujétion.

— Retrouvez-moi à Kendall, dit-il sobrement.

Après un signe de main au chien, il fit volte-face. Canigou le suivit docilement, la tête tournée vers moi. Tu vas te prendre un mur, regarde où tu marches.

— Scribe Haylen, dit le Paladin. Fouillez-la et escortez-la à l'intérieur.

— A vos ordres, répondit Haylen en bombant le torse.

Elle dévorait le Paladin des yeux. Il faut dire que ça avait l'air d'être un bel homme ; si seulement il souriait un peu.

— Vous, fit-il sèchement en se tournant vers moi. Ne vous avisez pas de faire quoi que ce soit qui nuise à la Confrérie.

— Compris, répétai-je.

S'il fallait que je suive les règles, que je m'adresse à eux sans me tromper de grade et que je me mette au garde-à-vous, je le ferai. Je n'avais vraiment pas envie de me faire tuer. Pas pour cette vieille affaire.


Mais qui étaient tous ces gens ? Le hall grouillait de types en longues robes pourpres. Ils semblaient tellement absorbés dans leur travail que personne ne me jeta un regard.

— Mais ce sont des livres ? Des livres d'avant-guerre ? demandai-je en oubliant mon rôle.

J'en étais sûre. J'avais reconnu un titre dans les mains d'un homme en robe.

— Nous récupérons... commença Haylen avant de s'interrompre.

Elle venait peut-être de se souvenir qu'elle n'était probablement pas supposée me partager la moindre information.

— Qu'est-ce qu'il vous fallait, civile ?

— Euh, fis-je en me forçant pour décrocher mes yeux des livres. Un terminal. Un terminal d'avant-guerre. Ça vous dit quelque chose ?

— Venez avec moi.

Elle avait lâché mon bras.

— Celui-ci, dit-elle en pointant le terminal de l'étage. Mais nous avons déjà récupéré les données et nous n'avons rien trouvé d'intéressant, ajouta-t-elle avec réserve.

— J'aimerais quand même y jeter un œil, Scribe.

Elle acquiesça. Mal assurée, je m'assis, en sentant le regard examinateur de Haylen me passer au crible.

— Ok. Voyons voir ce terminal...

Tu parles trop. Je fis défiler les dossiers... Là. Un dossier Winter.




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LOGIN// D. MOORE

FILE// E. WINTER HOLOTAPES


HOLOBANDE 0 - Antenne régionale du BADTAL pour examen

HOLOBANDE 1 - Station de garde côtes de Charles River

HOLOBANDE 2 - Enceinte de Police 8

HOLOBANDE 3 - Commissariat de police de Cambridge

HOLOBANDE 4 - Commissariat de police de Quincy



Bordel, on ne pouvait pas rêver mieux. Quincy, ça devrait aller, je n'avais que ça à retenir.

— Vous permettez que je fouille cette pièce... Scribe ?

Elle hésita.

— Qu'est-ce que vous cherchez, exactement ?

— Une holobande. Je peux... commençai-je en m'approchant d'un casier en acier au fond de la pièce.

— Ne bougez pas, m'intima Haylen.

Elle tira sur le cadenas qui verrouillait le casier et se mit à fouiller dedans.

— C'est ça, que vous cherchez ? dit-elle en me montrant une holobande.

WINTER TAPE 3. Enfin.

— Oui. C'est celle-ci. Merci, fis-je en tendant la main.

A nouveau, elle hésita. Elle inspecta l'holobande, la retourna.

— Je ne sais pas, civile, soupira-t-elle. Tout ce qui est ici appartient à la Confrérie.

— Alors laissez-moi l'écouter, lançai-je rapidement en levant mon Pip-Boy. J'en ai pour une minute.

Allez, s'il te plait, la Scribe, fais un effort. La bande ne pouvait pas me filer sous le nez maintenant que je l'avais sous les yeux.

— Faites-vite, siffla Haylen sèchement.

— Merci, chuchotai-je en insérant la cassette dans le lecteur.

Je n'aurais pas le droit à une deuxième écoute.


Message à Rodrigo Palomar.

Ok, mon pote. J'ai bien réfléchi, et j'ai pris ma décision par rapport à ce qu'il s'est passé à Fallon. Parlons de ta part. Zéro dollars. Nada. Ouais, tu m'as bien entendu. T'as que dalle. Oui, oui, bon, t'as ouvert le coffre, et oui, on a eu les diamants. Mais t'as surtout déclenché les alarmes. Mackie s'est fait pincer, et c'est entièrement ta faute. Quand il sortira de taule, il voudra ta tête sur un plateau. Je vais lui filer ta part, à la place. Moi je dis que tu t'en sors bien.

Eddie Winter, terminé.


— Zéro, soufflai-je.

— Quoi ?

— Rien, fis-je en lui rendant la bande avec un sourire.

Haylen avait elle aussi écouté l'enregistrement avec attention et je voyais bien qu'elle se demandait pourquoi il était si important. Je toussotai ; j'avais seulement envie qu'elle me raccompagne à la sortie.

— Bon. Vous avez terminé ? dit-elle finalement.

— Oui. Scribe.

Elle me prit à nouveau le bras ; apparemment, j'avais perdu la liberté de marcher sans qu'elle ne me tienne. Une fois dehors, elle me lâcha et me rendit mes affaires. Elle échangea quelques mots avec le Paladin, trop bas pour que je puisse les entendre. Sans attendre d'autorisation, je me dirigeai vers la sortie.

Lorsque j'eus dépassé les barricades, je me mis à courir. Je voyais très bien où était l'hôpital Kendall. C'était là-bas que j'avais fait mon internat.


Après plusieurs minutes, j'étais à bout de souffle et j'avais un point de côté. Je me retournai ; personne ne me suivait. J'estimai donc qu'il était raisonnable de me mettre à marcher.

— Vous avez été efficace.

— Oui, plutôt, fis-je, encore à bout de souffle. Ils n'ont pas été si...

Si terrible. Je secouai la tête. Bien sûr que si.

— Ils vous ont vraiment traité comme de la merde, soufflai-je.

— Et ce ne sont vraiment pas les premiers. Il faudra vous y faire si vous bossez avec moi.

— C'est ça, la Confrérie de l'Acier, alors ? dis-je en me souvenant de ce que j'avais entendu à la radio.

— Oui, confirma Nick. Je ne savais pas qu'ils étaient sortis de DC...

— Ils avaient des livres, soupirai-je. Des livres d'avant-guerre, je veux dire.

— Ah, les livres...

Il alluma une cigarette - encore.

— Vous avez trouvé l'holobande ?

— Oui, fis-je. Zéro. Le troisième chiffre du code.

— Plus qu'une, alors. C'est efficace de bosser avec vous, Moriarty.

— La dernière est à Quincy, ajoutai-je. D'après le terminal, en tout cas.

— Quincy... marmonna Nick en regardant au loin.

— Ça fait une trotte.

— Une sacrée trotte, même.

Il se leva.

— Il va falloir se préparer en conséquence.

— On rentre, alors ?

— On rentre.


En partant, je crus apercevoir, dans l'ombre de l'hôpital, une silhouette qui prit la fuite en m'apercevant. Un type avec des lunettes de soleil.


*


Je n'arrivais pas à dormir. J'étais pourtant épuisée. Je pensais trop. A la Confrérie, à leurs livres, à la Mer Luminescente, à ce qui aurait pu arriver à Canigou s'il s'était fait tirer dessus, aux radcafards. Piper et Nat ronflaient doucement dans la pièce et j'aurais aimé en faire de même.

J'attrapai mon Pip-Boy que j'avais posé au sol. Éblouie par l'écran, je parvins quand même à lire l'heure : quatre heures du matin. Il fallait que je dorme. Ou que j'assume et que j'abandonne.

Je décidai d'abandonner.

Je me levai et me dirigeai sans un bruit vers la porte. Canigou se réveilla instantanément et me fit les yeux doux.

— Allez, viens. En silence, soufflai-je au chien.


Les rues étaient vides. Il y avait quelque chose de spécial dans les nuits d'après-guerre, quelque chose de différent dans ce ciel qui n'était pollué par rien d'autre que les radiations.

Il y avait quelque chose de spécial dans la radio qui ne diffusait plus rien qu'un long grésillement puisque Travis devait bien dormir, à un moment ou un autre. Je me demandais bien comment un type comme lui avait fini présentateur. Diamond City aurait dû embaucher Piper. Plus personne ne se serait ennuyé, en écoutant la radio.

Mais pour ça, il aurait fallu que la ville ne déteste pas sa seule et unique journaliste.

Canigou reniflait avec attention chaque coin de mur, chaque trace olfactive laissée par les gens, est-ce qu'il pouvait sentir ce que la ville avait été, avant ? Je ne me souvenais absolument pas de ce stade. C'était dingue, quand même. Un foutu stade et je n'avais aucune idée de ce à quoi il avait bien pu ressembler avant les bombes.


— Alors, Moriarty. Vous vous levez tôt ?

— Et vous ? dis-je en rejoignant Nick sur la balustrade.

Il regarda au loin, tendit la main vers le ciel.

— Vous ne vous êtes jamais demandé ce que vous feriez, si vous pouviez vous passer de sommeil ? J'aime bien venir ici, et apprécier le silence.

Il était terrifiant, ce silence. Ce silence qui m'avait tant frappée à la sortie de l'Abri, ce silence de mort. Nick sortit une cigarette et l'alluma.

— Nick. Pourquoi vous fumez ?

— J'imagine que la vraie question que vous vous posez, c'est pourquoi quelqu'un comme moi fume.

— Oui.

— C'est une vieille habitude. Vous en voulez une ?

Je n'avais pas fumé depuis quinze... Depuis deux cent quinze ans, techniquement. Quelle importance.

La fumée me brûla la gorge. J'avais oublié à quel point la cigarette avait mauvais goût. Je n'avais pas oublié à quel point elle offrait cette sensation de soulagement morbide à celui qui la fume.

— Pourquoi vous voulez vous venger de Winter ?

Encore des mots sans réfléchir. La question m'avait presque échappée ; elle me trottait dans la tête depuis que nous avions quitté Goodneighbor. Je ne pose que rarement les questions qui me taraudent ; à quoi bon, quand les gens n'y répondent jamais ?

Il y avait quelque chose de bancal dans l'histoire de Nick, il y avait quelque chose de pourri caché sous les holobandes.

— Je vous ai dit que j'étais un prototype de synthétique. C'est un peu plus compliqué que ça, commença Nick sans cesser de regarder au loin. Avant la guerre... Un flic de votre époque s'est rendu à l'Institut de Technologie du Commonwealth, le C.I.T., pour y recevoir un traitement expérimental. Les scientifiques qui bossaient là-bas en ont profité pour scanner la totalité de son cerveau.

Il passa une main sur son front, semblant chercher les mots pour la suite.

— Ce flic s'appelait Nick Valentine. Sa personnalité a servi de test pour un prototype de deuxième génération.

— Attendez. Quoi ?

— Ouais. La veille, je recevais un coup de fil me demandant de me rendre au C.I.T.... Le lendemain, je me réveillais dans les poubelles de l'Institut. Un battement d'ailes, et je me suis réveillé dans un autre monde. Je ne savais rien, rien du tout. J'ai couru jusqu'à ma maison pour la trouver en ruines. Je ne sais pas combien de temps je suis resté, par terre, à...

Sa voix partit en fumée. La maison en ruine. J'avais connu exactement le même battement d'ailes.

— C'est là qu'on arrive à Eddie Winter. Et à Jennifer Land. Ma fiancée. Enfin, je sais que ce n'était pas ma fiancée. C'était celle du vrai Nick. Mais elle a bien existé. Je me suis réveillé dans les poubelles... Et j'ai cherché Jenny. J'ai cherché jusqu'à apprendre qu'elle avait été tuée par Winter.

Il me tendit une autre cigarette avant d'en allumer une à son tour.

— Elle était belle, elle était innocente. Winter l'a tuée parce qu'il trouvait ça amusant, sans doute. C'était un message à Valentine. Si tu continues à me chercher, je te prendrai tout ce à quoi tu tiens. A commencer par Jenny. Et je sais pas si c'est un désir de vengeance mal placé... Ou si je lui dois bien ça, au vrai Nick, parce que ce sont ses souvenirs qui m'ont maintenu en vie.

Il soupira :

— J'ai juste envie de tourner cette page. Qu'elle puisse reposer en paix, deux cents ans plus tard.

— Nick, je ne sais même pas quoi vous dire, dis-je en me mordant la lèvre.

Je m'accrochais à ma cigarette comme à une bouée.

— C'est de la merde. Je suis vraiment désolée. Si j'avais...

Si j'avais su.

—Je n'aurais pas dû vous poser cette question.

— Non, vous avez bien fait, dit Nick en penchant la tête. Ce n'est pas un secret.

— Je suis quand même désolée de vous avoir fait raconter tout ça, soupirai-je. Je sais très bien ce que ça fait.

— Vous savez, quand vous m'avez demandé pourquoi je vous aidais. Je vous ai répondu...

— Que c'était votre job.

— Oui. Mais c'est surtout parce que je me suis vu en vous. Vous étiez tellement perdue... Vous aviez tout perdu.

— Avec une maison en ruine et nulle part où aller, soufflai-je en écrasant ma cigarette.

Nick hocha la tête. Il posa sa main sur la mienne.

— Je ne voulais pas que vous viviez ce que j'ai vécu. 

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