Âme de Pureté

Chapitre 95 : L'Expiation | Chapitre 95

3731 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/07/2020 21:17

— Menotte-moi.

Aussi aguicheuse cette requête puisse paraître, elle sonne beaucoup moins sexy quand on sait que je m’adresse à Chris, un des assistants personnels de la famille Pegasus. Les mains tendues telle une prisonnière qui avoue ses crimes, j’observe le hall majestueux de la résidence secondaire de notre cher milliardaire.

— Vous en êtes sûre ?

J’acquiesce d’un bref coup de tête.

— Si Éléonore se manifeste, je n’ai pas envie qu’elle détruise la moitié de ce manoir. Puis j’admets volontiers ne pas vouloir revivre le plaquage au mur de la dernière fois.

Il faut dire que ma visite s’est avérée plus douloureuse que je ne l’espérais. Si ma mère me savait ici, cela lui briserait le cœur. Toutefois, je n’ai pas vraiment le choix si je désire régler la situation. Je dois prendre le taureau par les cornes, même si ce taureau est un adulte de presque trente ans dont la chambre pullule de peluches et des posters de jouets.

— Comme vous le voudrez, Monsieur va bientôt se présenter. Il m’a demandé de m’assurer que vous ne manquez de rien.

Quelle délicate attention, aussi précieuse que la douceur avec laquelle Chris lie mes poignets l’un contre l’autre.

— Je suis vraiment heureux de vous revoir ici, dit-il, les lèvres décorées d’un sourire sincère. Ce que vous avez fait pour Monsieur est très courageux.

Courageux ? De tous les mots qu’on pourrait utiliser pour me caractériser, celui-ci est sûrement l’un des derniers de ma liste. Néanmoins, j’apprécie le compliment, bien que le fondement m’échappe complètement.

— Pour une fois que je n’ai pas merdé.

— Au contraire, vous avez mis votre rancœur de côté pour lui sauver la vie. Vous êtes une fille incroyable, tout comme l’étaient vos parents.

Sauver la vie… ? Pourtant Kaiba m’a insultée de meurtrière… Je peine à dissimuler la vague d’émotions contradictoires et piétine.

— Ma chère Lorène ! Quelle joie de te voir dans mon humble demeure !

Au sommet de l’escalier, Maximilien Pegasus écarte les bras, comme s’il cherchait à m’étreindre à une telle distance.

— Bon… jour Pegasus, je réponds, embarrassée d’un accueil si théâtral.

Il ne me quitte pas des yeux en descendant les marches une à une.

— Je t’en prie, appelle moi tonton Max, comme à l’époque.

Je tique et contiens une grimace.

— Je vais m’en tenir à Maximilien, si ça ne te dérange pas.

À son langage corporel, il m’indique que ma froideur le déconcerte, mais ne relève rien. Au lieu de ça, il se concentre sur la paire de menottes enserrant mes poignets.

— Quel drôle de manière, je ne pensais pas que c’était ton genre.

Une vive chaleur s’empare des mes joues tandis que je secoue les mains pour dissiper le malentendu.

— C’est pour Eléonore !

Le milliardaire hausse un sourcil, son œil de verre luit étrangement.

— Tu n’as pas besoin de ça pour la contrôler. Tu es bien plus puissante qu’elle, tu l’as prouvé.

À quel moment exactement ? Je secoue vivement la tête.

— Je ne veux pas prendre de risque, je ne peux pas même promettre de sortir d’ici sans qu’un vase ou une vitre soit cassé.

Le milliardaire a beau insister pour me libérer de mon entrave, je campe sur mes positions. Cela fait presque vingt-quatre heures qu’Éléonore ne s’est pas manifestée. L’idée qu’elle puisse ressurgir pour assassiner qui que ce soit dans cette pièce me flanque la chair de poule.

— Très bien, permets-moi de te faire une petite visite.

Sans vouloir le contredire, il s’agit de ma quatrième ou cinquième venue au manoir. De surcroit, la première en sa présence. Toujours est-il que je me contente de le talonner et d’écouter ses compliments sur les moindres décorations ornant les murs et appuis-fenêtres. Rien n’a été laissé au hasard. Des vestiges de ses nombreux voyages à travers le monde, des portraits peints par de grands créateurs étrangers. Pegasus ne fait jamais dans la demi-mesure. Il s’attarde plus que nécessaire dans les jardins à l’arrière-cour. Tandis que nous contournons un garage ouvert, divers outils et de vêtements tels des gants en cuir noir, des bottes à sangles et un casque de moto captent mon attention. A qui cela peut bien appartenir ? J’en profite pour garder une distance raisonnable entre Pegasus et moi. C’est étrange, je ne l’imaginais pas du tout chevaucher ce genre de monture. Lorsqu’il détaille avec verbe le salon aussi spacieux que ma maison tout entière, je ne l’écoute que d’une oreille distraite. Le flot d’admiration de ce matin m’a assommée. Le frottement du métal me démange, des marques rouges tracent la fine peau de mes poignets que je me contiens de croiser. Le temps de formuler ma requête approche, je cherche désespérément les bons mots pour entamer la discussion.

— … Sans parler des trois terrasses orientées en fonction du soleil pour permettre un bronzage intégral et naturel de premier choix.

L’image de mon oncle nu en train de griller sur son transat réveille en moi un profond dégoût. Pas sûre que ce soir l’œuvre d’Éléonore cette fois.

— Génial, je ponctue, focalisée sur la gigantesque télévision murale.

— Tout ceci, je te l’offre.

La salive se bloque dans ma gorge, j’avale de travers et secoue les mains dans le vide pour me reprendre.

— Qu… Qu-quoi ?! Répète un peu ?!

Pegasus glousse doucement, satisfait de son effet. Il capte désormais toute mon attention.

— Tu as bien entendu, tout ce qui se trouve dans ce manoir t’appartient.

Battant des cils au point de frôler la crise d’épilepsie, j’inspecte son visage puis celui de Chris en quête d’une once d’humour, d’un sourcil soulevé, d’un sourire en coin. Quoi que ce soit pour me confirmer qu’il s’agit là d’une vaste plaisanterie.

Rien. Leurs traits ne bougent pas d’un iota. Je vais m’écouler à cause d’une chute de tension.

— M-M-Mais pourquoi ? bégayé-je, affolée.

— À présent, nous sommes les seuls héritiers de la fortune des Pegasus. Enfin, techniquement, je suis l’unique prétendant.

Merci de me rappeler mon statut d’enfant non désiré.

— Cependant, je suis d’avis que tu mérites ta part du butin. Puisque tu es encore mineure, tu ne disposeras de cette somptueuse résidence qu’au jour de ton dix-huitième anniversaire. Qu’en dis-tu ?

Être riche dans une poignée de mois, si je m’attendais à une surprise pareille. Soudain, le visage de ma mère me vient à l’esprit. Finalement, ce n’est peut-être pas une si bonne nouvelle.

— Bien sûr, tu n’es pas obligée de me répondre tout de suite, enchaine-t-il face à mon silence.

Fort heureusement. Je suis incapable de prendre une telle décision sur le champ. Dans cette atmosphère charitable, je songe à la raison de ma venue. Peur de paraître ingrate ou de lui en demander trop, je triture mes phalanges et inspire profondément.

— Nous devons d’abord discuter du cas Kaiba.

Une ambiance pesante s’installe dans le salon. Pegasus me toise de ses yeux bruns puis se reporte vers le magnifique ameublement d’intérieur.

— Chris, apporte-nous un peu de thé gyokuro et un plateau de desserts, je te prie.

— Tout de suite, Monsieur.

Entretemps, le milliardaire m’invite à prendre place sur un imposant canapé bordeaux. Un véritable nuage où mon arrière-train s’enfonce, épousant parfaitement le tissu.

— Quand ce cher Kaiba a annoncé ton nom, j’ai cru rêver. Je pensais que tu avais enfin choisi de te rapprocher de moi. Mais ton visage à l’écran traduisait l’exact inverse.

Je me demande si la vidéo est disponible sur Internet, histoire d’évaluer ma prestation en public.

— Par-dessus tout, il semblerait qu’il te tient à cause de ces satanées preuves.

Mon nez se retrousse sous l’incompréhension.

— Des preuves ?

— J’ai demandé à mes hommes de se renseigner sur les techniques de Kaiba. Détestables n’est-ce pas ? Sois tranquille, je ne compte pas le laisser te malmener comme bon lui chante.

Une partie de moi m’incite à le remercier, l’autre s’acharne à relier les pièces du puzzle. Pegasus débite le même discours protecteur que Joey.

— Tu dois te demander si j’ai visionné cette vidéo.

Non, je me demande juste de quoi tu parles.

— Eh bien, oui, affirme-t-il avant de tourner le haut de son corps vers moi. Mais forcé de constater qu’Éléonore est aussi dangereuse que je le craignais.

Enfin un point sur lequel nous sommes d’accord. J’oscille légèrement de côté du couloir. Chris met beaucoup de temps à revenir.

— Ne t’inquiète pas, poursuit-il d’un ton grave. Je te protègerai en m’assurant que les enregistrements de la mort de cette pauvre femme disparaitre de la circulation.

Mon cœur s’arrête net. Ma température chute drastiquement. Durant une seconde, j’ai l’impression que mon âme quitte mon corps avant d’y être absorbée de force par le fond. Mes ongles s’enfoncent dans le cuir hors de prix pour ne pas défaillir.

Mort.

« C’est mignon de voir que tu es prêt à aider une meurtrière dans son genre. »

Une femme ?

« Un monstre. Voilà ce que tu es. »

Les connexions débloquent et s’entrechoquent. Aucun souvenir distinct ne me revient, seulement des ombres violentes et insoutenables.

— Tu n’as plus à avoir peur, je suis là.

Glacée à l’intérieur, j’acquiesce mécaniquement.

Ai-je tué quelqu’un ?

Qui ?

Pourquoi ?

Mes conversations avec Joey et Zoé tournent sans fin.

— Le Tam-Tam est fermé… ?

Ma voix est si basse qu’aucun mot audible ne sort. Quand une main frôle mon épaule dans un élan de compassion, je la rejette violemment. Ce salon qui me paraissait si spacieux se rétrécit progressivement. Les murs m’enveloppent, me serrent, m’asphyxient.

— J.… Besoin… d’air !

Mes jambes vacillent à l’instant où j’y transfère mon poids. Les menottes n’aident pas. La panique empoigne chaque parcelle de mon être.

J’étouffe.

De l’oxygène.

Dehors !

Sourde aux appels de Maximilien Pegasus, je titube jusqu’au couloir. Un voile d’ombre me barre la vue et tangue les meubles sans les faire tomber.

En dépit du grand froid qui m’anime, des gouttes de sueur se forment dans mon cou et sur mon front. Aveuglée, je m’obstine à progresser dans ce couloir sans fin. Mes hanches me brulent, des claquements éclatent au fur et à mesure que j’avance. Soudain, je me heurte à une masse dure. La seconde qui suit, mes mains sont libérées de leur chaine. Choquée, je lève le menton et croise les orbes bleus de Chris. Ses lèvres bougent, je n’entends rien. Ou plutôt, je ne veux rien entendre. Il tente de me maintenir. Néanmoins, délivrée de toute emprise, je me dégage d’un coup sec et me précipite vers ce que je considère être la porte d’entrée. À tâtons, je parviens à déceler la poignée dans toute cette noirceur et entame une course effrénée en direction de la rue. L’air frais de la soirée emplit mes poumons, mais ne calme en rien ma respiration ou les battements de mon cœur.

Éléonore ?

Rien

ÉLÉONORE ?

Je hurle son nom dans mon esprit. Des bruits de pas s’élèvent dans mon dos. Non, je dois rester seule. Je ne dois pas les laisser me rattraper. Mes jambes ne ressentent pas la moindre fatigue quand je m’enfonce à corps perdu dans les rues inconnues du quartier.

Loin, il faut que j’aille le plus loin possible pour qu’ils ne me retrouvent jamais. Ma tête me crie de m’arrêter pour reprendre mon souffle, mon cœur me conjure de ne jamais ralentir. Au diable mon esprit, je me perds au fil des minutes à travers ce dédale de murs. Parfois, des klaxons réclament mon attention. À moins que ça ne soit qu’une hallucination, je ne vois rien. Tout est brouillé et obscure, je me heurte à plusieurs reprises contre des obstacles, mais ne cesse jamais de courir. La douleur de ma peau meurtrie n’égale en rien mon instinct de survie.

Au coin d’une ruelle, je trébuche et m’érafle les genoux sur le sol graveleux. Mes poumons vidés, je suffoque, à court d’air. La fatigue surplombe ma détermination. Combien de temps ai-je couru ? Impossible à dire, mais les pas se sont interrompus depuis un moment. Les poings serrés à terre, je relève le visage et cligne frénétiquement des paupières. Des sphères lumineuses et immobiles apparaissent dans mon champ de vision. Le voile se dissipe, ce sont des lampadaires. L’un d’entre eux grésille, mais me permet de constater que j’ai quitté la ville. Au-delà de Flem s’étend une immense zone industrielle, les habitations se font rares, tout comme la surveillance.

Un endroit parfait pour reprendre son souffle avant de repartir. Un coup d’œil en arrière : personne. Mes ongles s’enfoncent dans la terre, je serre les dents puis me relève. Des écorchures taillent mes genoux, je les époussette dans un hoquet de douleur. À ma gauche, la route s’étend à perte de vue, je décide de m’aventurer dans un terrain peu éclairé pour me cacher. Le soleil taquine l’horizon, la nuit tombera d’ici quelques minutes.

Éléonore ?

Pas de réponse, je titube encore quelques mètres.

— ÉLÉONORE ?! Je hurle avec toute la force qu’il me reste.

Pourquoi ne me parle-t-elle pas ? Terrifiée, je ne tente pas de contenir les larmes s’écoulant sur mes joues, gelées.

— Tu m’avais dit que tout irait bien.

Exténuée, je m’effondre sur le sol dur et sale. Instinctivement, je tapote les poches de ma veste d’uniforme. Mes doigts rencontrent la forme bombée de mon téléphone portable et l’en extraient. Sur silencieux depuis mon arrivée au manoir de Pegasus, je remarque un certain nombre de messages en attente. Sans hésitation, j’efface les notifications et entre dans mon carnet de notes virtuel. Mes membres commencent à trembler d’effroi. Par erreur, mon pouce glisse sur la troisième, ouverte la veille. Jusqu’ici brouillé, le paragraphe s’affiche désormais clairement.


Sam. 2 h 16. Note interne : Note 3

Message : Je sais que je t’en réclame énormément et que tu dois t’interroger sur la raison qui t’inflige ça, mais crois-moi, il faut qu’on trouve une solution. Si tu te demandes comment, je te conseille de faire confiance à Zoé, Joey et Yugi. Dans la note numéro 2, tu as envoyé à Soso le feu vert, elle va expliquer toute la situation à Joey dans un texte que j’aurais écrit avant la perte de mémoire. Je suis sûre qu’il t’aidera alors accepte.


La fatigue m’empêche de tout lire d’une traite, je suis obligée de relever la tête et de fermer les yeux un instant avant de poursuivre la lecture.


Message : Je suis désolée de t’avoir effacé une partie de tes souvenirs, mais je ne vois pas d’autres solutions qui ne blessent pas davantage de monde. Tu sais, à un moment, j’ai songé à le supprimer de notre mémoire, mais je suis incapable de prendre une telle décision. J’espère que ces fragments ne te bloqueront pas dans tes recherches.


La main qui soutient le téléphone portable se contracte nerveusement. Ces souvenirs que je voulais garder… n’existent plus, au point où je ne perçois pas de qui je parlais.


Message : Quand tu te sentiras prête, ouvre la note n° 4. Elle contient la réponse à toutes tes questions. Mais surtout, ne le fais pas seule. Demande-lui de t’aider.


Intérieurement, je me fustige d’avoir pu croire un instant que toute cette mascarade me permettrait de m’en sortir. La culpabilité d’avoir mêlé mes amis à cette histoire délirante me déchire la poitrine. Au diable mes stupides recommandations. La vue brouillée par des larmes, je clique sur la note numéro 4.


Sam. 3 h 20. Note interne : Note 4.

Message : Nous y voilà. J’ai dû réécrire ce texte une dizaine de fois, mais je ne trouverais jamais les bons mots.


La confession débute par un bref état des lieux quelques semaines deçà. Madame Yoshida avait repris son commerce et m’avait demandé de passer au Tam-Tam. Je n’avais prévenu personne, pas même Zoé. Notre entrevue ne s’est pas déroulée comme je l’espérais et tout a dégénéré.


Message : Éléonore a tenté de la tuer. Je l’en ai empêchée en bloquant son pouvoir. Je l’ai conjurée de me laisser partir, mais elle a refusé de m’écouter.


En dessous de ses lignes figure un lien Internet. Un site d’hébergement vidéo, encrypté par un mot de passe. Logiquement, j’y introduis la suite de chiffres de la note numéro 2 et déverrouille l’accès.

— « Un monstre. Voilà ce que tu es. »

Sa voix me provoque un violent frisson. Elle me semble si lointaine, je ne me souvenais plus de son timbre nasillard. Comme indiqué dans le message, je la supplie à plusieurs reprises avant d’abandonner.

Tandis qu’elle s’approche de l’ordinateur contenant les preuves de mes pouvoirs, je la devance et le saisis avant de l’abattre furieusement contre son crâne dans un cri de colère. La vidéo s’arrête à l’instant où son corps s’effondre sur le sol du bar dans une mare de sang. Secouée par des spasmes, je me décale du téléphone pour vomir.

C’était donc vrai, je suis un monstre.

Seule sur ce terrain, je retiens des sanglots et gratte la boue d’une main, la seconde comprimant mon ventre malmené. Les images de mes amis ressurgissent petit à petit. Joey et Zoé étaient au courant, Kaiba également de toute évidence. Qui d’autres a osé protéger mes arrières durant tout ce temps ? J’oscille vers la lumière du portable afin de revenir au bloc-notes. Les hurlements ont cessé à l’écran, mais pas dans ma tête.


Message : C’est horrible, je le sais. Mais ce qui est fait est fait.


Mes propres me mots me révulsent. Comment ai-je pu être aussi insensible ? Il s’agissait d’un être humain ! Pas d’un vulgaire jouet jeté par erreur dans une benne à ordures ! La suite aborde la manière dont Kaiba a dissimulé mon crime, dont l’existence de Yoshida a disparu comme son corps maculé de sang. J’enchaine sur mon voyage au Royaume des Ombres, comme si les lignes au-dessus n’étaient qu’une simple information : tu as tué quelqu’un.

Jamais de ma vie je ne me suis haïe à un tel point qu’aujourd’hui.


Message : Éléonore n’a rien avoir avec tout cela, je suis l’unique responsable de mes actes.


La douleur de mes genoux paraît bien fade face à celui de mon cœur et de ma tête. Je ne me crois pas. Éléonore a accès à mes émotions, à mes ressentiments les plus puissants. Évidemment qu’elle a un rapport avec tout cela.

— Éléonore ! l’appelé-je pour la énième fois.

La colère et la culpabilité remplissent l’espace qu’elle occupait au sein de mon corps.

De quoi ai-je l’air maintenant ? D’une pauvre fille si désespérée de survivre qu’elle en vient à faire n’importe quoi. Mes larmes de tristesse se transforment en râles de frustration. Tout ça pour quoi ? Pour un stupide duel organisé par Kaiba. La fin du message me confirme les raisons de mon affrontement face à Yugi. Si je ne le disputais pas, j’aurais pris le risque qu’il me dénonce.

— Peut-être aurait-il dû, je pense, à haute voix.

Et Pegasus dans tout ça, il me promet monde et merveilles pour me remercier de l’avoir tiré du Royaume des Ombres, alors que c’était la faute d’Éléonore s’il y a été plongé. C’est mon devoir de réparer ses erreurs, pas d’en commettre des bien pires.

Dans mes réflexions, d’autres notifications s’affichent à l’écran. Des inquiétudes de mes amis qui demeureront sans réponse pour le moment. Comment affronter leurs regards et accepter leurs mains tendues alors que leurs vies basculent dans l’horreur à cause de moi ? D’abord le recel de cadavres et maintenant ça.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

Au-dessus de ma tête, une couche noire recouvre l’entièreté du ciel, seuls quelques lampadaires le long de la route cabossée m’indiquent le chemin de la sortie. Pour l’instant, je me confonds avec les ombres, là où se trouve ma véritable place.


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