Âme de Pureté

Chapitre 92 : L'Expiation | Chapitre 92

2966 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/06/2020 18:25

— Si je m'attendais à te voir ici.

Le nez collé à une parure particulièrement fascinante, je sursaute à l'exclamation amusée d'un des responsables de l'exposition. C'est un jeune homme au teint métisse qui m'accueille avec un large sourire.

— Marik ?

En cette fin de week-end mouvementé, une visite au musée de Domino m'a paru une bonne idée. Le peu de visiteurs présents m'étonne cependant. Je balaie la salle du regard et ne compte que cinq personnes maximum.

— L'exposition se termine bientôt, tous ces beaux artéfacts vont retrouver leur place en Egypte.

— Et toi ? Dans quel type de musée expose-t-on un bel homme dans ton genre ?

Je plaque aussitôt une main sur ma bouche, terriblement gênée par les propos d'Eléonore. Courbée vers l'avant, je me confonds en excuses pour dissiper le malentendu.

— Elle continue de prendre le dessus, n'est-ce pas ?

Marik ne semble pas du tout embarrassé, contrairement à moi qui ai du mal à m'en remettre.

— O-On dirait bien, oui. Si seulement j'avais un moyen de l'empêcher de se manifester, je m'éviterais bien des soucis !

Dis que ma présence te dérange.

Ta présence me dérange, Eléonore.

Dommage, je me plais plutôt bien dans ta tête. Il y a de la place.

Es-tu en train d'insinuer que mon cerveau est si petit que ça te fait de l'espace ?

— Comment comptes-tu t'en débarrasser ? demande le mate de peau.

Les doigts figés sur l'anse de mon sac, je dévisage Marik quelques secondes. Je ne saisis pas tout à fait le sens de sa question.

— Comment ça ?

— Euh... Je ne sais pas, tu ne prévois pas de vivre avec Eléonore jusqu'à la fin de tes jours, je me trompe ?

Sa remarque me cloue sur place, je reporte mon attention sur la parure d'un autre temps. Jamais jusqu'aujourd'hui je n'avais réellement songé au sort de cet esprit dans ma tête. Eléonore habite mon corps depuis si longtemps que sa présence me m’apparait presque évidente. C'est au tour de Marik de me fixer.

— Attends, tu n'y as pas réfléchi ? Pourtant Yugi cherche un moyen d'aider le pharaon à retrouver un repos éternel. Je suis étonné que ce ne soit pas ton cas. D'autant plus depuis qu'Eléonore nous a...

— Botté le cul, tu peux le dire. Rétorque la principale intéressée en croisant les bras, la poitrine bombée. D'ailleurs, où est Isis ? Je meurs d'envie de lui passer le bonjour !

... Qu'est-ce que c'est que cette histoire encore ? Le visage de Marik s'assombrit. Lui qui demeurait si souriant depuis que l'esprit de la baguette du Millénium a été défait par le pharaon, il me fusille presque de ses orbes violettes.

— Odion et ma sœur sont déjà retournés en Egypte. Tu ne pourras plus leur faire de mal désormais, Eléonore.

— Leur faire du mal ? je répète, le souffle court.

— Une chance que Lorène nous ait sauvés du Royaume des Ombres. Elle est bien plus puissante que toi.

Il raconte n'importe quoi.

Sur ma puissance ou sur le Royaume des Ombres ?

Sur tout.

— D'ailleurs, je n'ai pas encore eu l'occasion de te remercier, Lorène. Sans toi, on ne serait plus de ce monde. Alors, si je peux faire quoi que ce soit pour t'aider, appelle-moi.

L'appeler ? Je me résous à acquiescer sans conviction, mes cordes vocales me font horriblement mal et m'empêchent d'exprimer mon incompréhension. Je comprends rapidement d'où provient cette douleur insensée.

A quel moment me suis-je rendue au Royaume des Ombres ?

Il ment, il ne sait pas ce qu'il dit.

Cela commence à faire beaucoup de menteurs dans les environs, tu ne trouves pas ?

Contente-toi de me croire. Fais-moi confiance et tout ira pour le mieux.

Mon âme me hurle de ne pas la croire, mais je n'ai pas d'autres choix. De toute façon, elle est déterminée à me bloquer toute initiative de découvrir la vérité. C'est sur cette pensée déprimante que je prends congé auprès de Marik et le remercie pour son aide.

Au sommet des marches du musée, je profite d'un moment de calme pour dégainer mon téléphone portable. La veille, ou plutôt cette nuit vu l'heure à laquelle je suis rentrée de mon escapade nocturne en compagnie de Joey, je n'ai pas réellement prêté attention au message vocal reçu d'un numéro inattendu.

« Bonsoir Lorène, j'imagine que tu dois être occupée à célébrer ce magnifique duel que tu as livré contre le petit Yugi. Tu as été époustouflante. J'aurais voulu te revoir plus tôt, mais je comprends que tu n'aies pas donné suite à ma proposition. Néanmoins, j'ai cru comprendre que notre cher Seto Kaiba a délibérément divulgué ton nom de naissance contre ta volonté. Pour cela et pour d'autres raisons, j'aimerais te voir au plus vite. Contacte Chris dès que tu seras prête à venir au manoir. Je pourrais aussi te rencontrer par moi-même, mais je devine que tu ne souhaites pas nous dévoiler aux yeux de tous. A très vite. »

Il n'a pas eu besoin de décliner son identité, tout comme je n'ai pas éprouvé l'envie d'ajouter son numéro à ma liste de contacts.

Qu'est-ce qu'on va faire ?

Tiens, tu as envie de connaitre mon avis maintenant ?

Il insinue qu'il peut faire quelque chose contre Seto Kaiba. Vu que tu n'as pas envie d'utiliser la manière forte, je pense que notre cher oncle plein aux as pourrait être la solution à nos soucis.

Tu es définitivement la pire des meufs.

Tu m'en voies ravie.

Par contre, une partie de son message n’a aucun sens. « Je comprends que tu n'aies pas donné suite à ma proposition. » Instinctivement, je hausse les épaules. Ce n'est pas la première chose qui m'échappe, et ce ne sera certainement pas la dernière.

Pour l'heure, je ne crois pas que de m'aventurer en pleine journée autour du manoir secondaire de Maximilien Pegasus soit une décision judicieuse. Il suffit de dénombrer les articles people concernant notre lien de parenté pour évaluer le risque que je prendrai en m'y rendant. Perchée au-dessus des marches du musée, je secoue doucement la tête et expire profondément. Ce n'est définitivement pas le bon moment.


De retour à la maison, je consulte mon téléphone au détour de l'allée. La veille, alors que Zoé venait de quitter amèrement mon domicile pour se reposer chez elle, j'ai enfin accepté d'ouvrir la seconde note.


Sam. 2:14. Note interne: Note 2

Message : Salut, maintenant que tu as livré ce duel contre Yugi, la situation devrait se débloquer. Je me doute que la tentative d'approcher Kaiba s’est soldée par un échec, mais garde à l'esprit de ne pas t'approcher de Mokuba Kaiba.


La suite du message me relate brièvement que le brun m'a prise en grippe et m'interdit tout contact avec son frère. La raison est trop floue pour que je puisse comprendre de quoi cela relève. Quoi qu'il en soit, la moi du passé me conjure de ne rien tenter de stupide à son encontre, peu importe ce que pourrait me proposer Eléonore.

— Il faudrait être fou pour contredire Seto Kaiba, je déclare, levant les yeux vers le tapis de nuages.

Néanmoins, la deuxième note ne sert pas simplement d'avertissement, mais me donne cette fois une instruction précise.


Message : Quand l'excitation du duel sera retombée, je veux que tu envoies le message « 1-12 / 1-7 / 1-1 / 9-3 » à Zoé. Elle saura quoi faire.


Cela signifie que ma version du passé a plus confiance en Zoé qu'en moi-même. C'en est presque vexant. Toutefois, en fin de soirée et après avoir quitté Joey à l'endroit-même où je me trouve, j'ai obéi.

Dans le salon, Zoé n'a cessé de me répéter de lire la seconde note. Cela me parait évident désormais qu'elle connaissait pertinemment son rôle dans le recouvrement progressif dans ma mémoire. Quelles instructions ai-je bien pu lui confier ? L'attente est insoutenable.


Lorsque je déverrouille la porte d'entrée et m'enfonce dans le couloir droit vers la cuisine, un parfum de café emplit mes narines. Mon cœur s'accélère quand je décèle une fragrance de noisette, le goût préféré de ma mère.

— Maman ? l'appelé-je en lâchant avec négligence mon sac contre le mur.

Chaussée de sa plus belle monture, elle promène son regard le long des pages du journal. Sur la table, un mug de café à moitié vide. Etonnement, elle ne réagit pas à mon appel.

— Bonjour... ? je retente, peu sûre.

Ma mère relève le nez une seconde puis se replonge dans sa lecture sans un mot. Désarçonnée devant son mutisme, je la fixe, bouche-bée, avant de m'installer derechef à la chaise en face d'elle. Le malaise s'accentue au fil des secondes, je guette l'instant où elle se décidera à briser le silence.

Mais rien ne vient.

— Est-ce que... j'ai fait quelque chose de mal ?

Une main pressée contre la racine de mes cheveux, je détecte de petites perles de sueur se former au creux de mon cou.

— Je ne sais pas, as-tu l'impression que c'est le cas ?

La première réponse qui s'arrête à la barrière de mes lèvres est : « je ne sais pas, je ne m'en souviens plus. » mais je doute qu'elle soit la plus adéquate. Mal à l'aise, je me tortille sur la chaise à la recherche d'une meilleure formulation.

— Maman, je suis vraiment nulle aux devinettes.

— Désolée, ma chérie, j'aurais sûrement dû te féliciter pour ce jeu bizarre auquel tu as joué hier.

...Un jeu bizarre ?

Le Duel de Monstres.

Ah...

Les fois où j'ai évoqué ce jeu avec ma mère doivent se compter sur les doigts d’une seule main.

— M-Merci ? J'aurais dû t'en parler beaucoup plus tôt.

Les coups d'œil furtifs que je lui lance demeurent sans réponse, elle se borne à observer le journal.

— En vérité, dit-elle d'une voix plus claire, j'aurais préféré que tu m'avoues ton changement de nom avant que je ne le découvre à l'écran.

— Tu as regardé tout le duel ?

— Ce n'est pas la question, Lorè... Eléonore ? Je ne sais même plus comment je peux t'appeler.

Son hésitation me fait l'effet d'un poignard en plein ventre. Les lèvres pincées, j'inspire profondément, et la vague d'émotions qui me piquait le nez s'évanouit comme par magie. Ma respiration parfaitement maîtrisée me déconcerte autant qu'elle m'apaise, comme si mon corps agissait par lui-même.

— Je n'ai jamais voulu ça, c'est de la faute de l'organisateur de ce tournoi. Seto Kaiba me déteste, et il m'a piégée.

Pourquoi est-ce elle qui se justifie à ma place ? Pourquoi ma mère est-elle la seule personne qu'Eléonore protège envers et contre tout alors qu'elle s'acharne sur mes amis ? Néanmoins, malgré une pointe de frustration, je suis surprise que ses paroles suffisent à ramener l'attention sur moi. Elle décide enfin à me regarder droit dans les yeux.

— Je ne comprends plus rien, ma chérie. Pourquoi te montrer en public sur ce jeu alors que tu m'as dit détester cette famille ?

Parce que je n'avais pas le choix. Enfin, c'est ce que j'ai cru déceler dans toutes ces histoires. Eléonore, explique-lui la raison pour laquelle j'ai été obligée de livrer ce duel.

Je ne peux pas.

Mais pourquoi ?

Parce que tu me demanderas de supprimer tes souvenirs une fois de plus.

— Lorène ?

Tout cela n'a ni queue ni tête.

— Je voulais simplement jouer et savoir ce que ça faisait d'affronter le meilleur. Tu as raison, j'étais sûrement trop stupide pour me rendre compte de mon incohérence.

J'en ai marre que tout le monde me cache la vérité. A un moment ou à un autre, il faudra bien que je la connaisse.

— Ce n'est pas ce que j'ai-

— Je sais, je l'interromps en repoussant indélicatement ma chaise. Je ne le referais plus, c'est promis. Désolée si je t'ai blessée.

N'ayant pas envie d'attirer plus de soupçons de sa part, je choisis de me diriger vers les escaliers quand elle m'épingle.

— Ma chérie, je voulais te dire autre chose.

Son ton n'a pas changé, mais une boule se forme au creux de mon estomac. Je me décale légèrement pour lui signifier de poursuivre :

— J'ai eu ton père au téléphone l'autre jour. Mon travail ici devient de plus en plus compliqué et je ne suis pas certaine de pouvoir continuer à ce rythme, éternellement. Je ne suis jamais à la maison et je crains que ça empiète sur tes résultats scolaires. Et puisqu'il s'agit là de ton avenir, nous envisageons de changer certaines choses.

— Certaines choses ? Tu veux dire que papa viendrait s'occuper de moi ?

Elle me contredit d'un signe de tête.

— Non, son boulot ne lui permet pas de déménager. Par contre, tu pourrais passer ta dernière année chez lui. Le niveau japonais est plus élevé que celui du lycée de tes frères, tu devrais pouvoir t'en sortir.

La bombe est lâchée, mais toujours aucune colère, ni tristesse, ni amertume. Seulement de l'indignation et de l'acceptation, comme si tous mes amis ici n'avaient aucune importante.

Suis-je un monstre ?

On va s'en sortir.

— D'accord maman. Je monte, j'ai des devoirs à faire.

— Travaille bien ma chérie.

La nuit est tombée plus rapidement que je ne le pensais. Les réflexions tourbillonnent dans mon esprit et grignotent le peu de temps qu'il me reste avant la fin du week-end. Allongée sur le lit, je lorgne la silhouette fantomatique d'Eléonore, penchée contre l'appui de fenêtre donnant sur la rue. Sur mon coussin, mon téléphone portable vibre à plusieurs reprises. Zoé m'informe qu'elle viendra me chercher avant les cours pour nous permettre de discuter sur le chemin de l'école. Bonne nouvelle, je ne savais pas trop comment l'aborder après notre dispute. C'est l'occasion de m'excuser de m'être emportée.

La veille, quand je me baladais aux côtés de Joey en suivant les indications de nos GPS, je lui ai finalement raconté la raison de l'absence de Zoé à la fête.

— Elle a dit que tout me dire vaudrait à me trahir en quelque sorte. Je n'y comprends plus rien.

Les mains dans les poches de son blouson, le grand blond a relevé le menton vers les lampadaires, feignant de réfléchir.

— Soso cherche à te préserver, on dirait. C'est ton amie, après tout.

— Oui mais... Jusqu'où une amitié peut t'obliger à mentir ?

— Je crois que peu de gens se sont retrouvés dans votre situation. Les pertes de mémoire sont plutôt rares.

J'ai ri à sa remarque tant elle était vraie. Un autre point m'a rapidement sauté aux yeux.

— Pourquoi toi, tu ne me racontes pas ?

A ma question, j'ai senti ma gorge se contracter. Eléonore souhaitait m'empêcher de poursuivre. Malheureusement pour elle, je ne prévoyais pas de la laisser me contrôler jusqu'à la fin de mes jours.

— Je... C'est compliqué.

— Pourtant tu es celui qui s'est énervé sur elle quand elle n'a pas pris ma défense face à Kaiba.

— Ce type m'a mis en rogne aussi ! Il se croit tout permis tout ça parce qu'il a de l'argent et une société !

— Merci.

Le regard fixé sur mon visage, Joey s'est arrêté à l'approche d'un passage pour piéton, m'obligeant à faire de même. Il semblait à la fois mal à l'aise et... timide ?

— D-De quoi ?

— De me défendre, pardi ! C'est cool d'avoir quelqu'un sur qui compter. Et si tu pouvais m'expliquer tout ce que j'ai oubli... Mhf.

Une main portée à ma gorge, je plisse des yeux à l'arrivée d'une brusque douleur.

Ce qui ne lui a pas échappé. Il a déposé une main ferme sur mon épaule et m'a légèrement secouée.

— Hé tout va bien ?

Je n'ai rien pu répondre, Eléonore comprimait mes cordes vocales pour qu'elles n'expriment plus le moindre son. Forte de son pouvoir, elle m'a forcée à hocher la tête et lui a intimé de tirer un trait sur ce que je voulais lui demander. Un profond sentiment d'impuissance m'a parcouru le corps, mais je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Comment ai-je pu me permettre d'effacer ma mémoire, sachant pertinemment l'ampleur des pouvoirs d'Eléonore ?


Au bout de la pièce, elle surveille toujours notre rue, imitant ma respiration pour paraître réelle. Du coin de l'œil, j'observe mon écran et plus particulièrement le numéro de téléphone de Maximilien Pegasus. La peine de ma mère ne vaudra jamais la reconnaissance de ce grand créateur. Résolue à réparer mes erreurs, j'appuie longuement sur le numéro et le supprime de mon journal d'appel.

Je trouverai une autre solution pour faire face à Seto Kaiba.


Fin de chapitre


Bonsoir !

J'espère que ce chapitre vous aura plu !

Dans le cadre de cette fiction, j'ai eu envie de créer une sorte d'Ending par moi-même. N'hésitez pas à aller y jeter un coup d'oeil !



https://www.youtube.com/watch?v=5xKOQSnl4m4

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