Pour la première fois depuis des siècles, j'ai fait un rêve. Pas un cauchemar de Lorène dans lequel je me serais immiscée pour dissiper ses peurs et chasser ses démons. Juste un rêve à moi et à moi seule. Tandis que la nuit avait éclipsé le soleil, j'attendais sur le rebord d'une grande bâtisse. Les souvenirs de mon âme me permettent d'affirmer qu'il s'agissait bien du palais du pharaon Atem. Lorsque je m'en suis aperçue, j'ai cherché des yeux un moyen de m'échapper de cet endroit.
— Comment vas-tu, Ente' ?
Sa voix grave et sensuelle m'a provoqué un frisson instantané. Du coin de l'œil, je lorgnais son visage pour l'imprimer dans ma mémoire. Sa peau était chaude comme le soleil, ses yeux maquillés de khôl m'hypnotisaient. J'avais déjà oublié la raison pour laquelle je désirais m'enfuir. Sans me quitter du regard, il s'est assis à mes côtés, à moins d'un mètre d'écart, les jambes pendues dans le vide.
— Bien, j’ai répondu simplement. Que fait-on ici ?
Il a paru surpris de ma question. Embêté, il a glissé une main dans ses cheveux, se heurtant à l'une de ses parures dorées.
— Tu ne veux plus qu'on se voit ? Je pensais que ces virées nocturnes te plaisaient.
Je l'ai dévisagé quelques secondes puis me suis ravisée. Ça y est, je comprenais désormais. Du plus loin que je me souvienne, Atem m'invitait presque chaque soir à discuter sur son balcon, sous les regards suspicieux de certains de ces gardes. Je n'avais qu'à me tordre le cou pour déceler quelques visages curieux aux quatre coins des jardins que nous surplombions. Ce constat m'a arraché un long soupir.
— Je suis désolé, ils pensent que tu es trop dangereuse pour ma sécurité.
Mauvaise, j'ai laissé un pouffement s’échapper de ma bouche. La seule raison pour laquelle j'étais captive et esclave spéciale du pharaon, c'était parce que Bakura avait tenté de me défendre, de me cacher à leurs yeux.
— Tu veux que j'essaie de les convaincre encore une fois ? a ajouté Atem face à mon manque de répondant.
J’ai haussé les épaules. Depuis quand suis-je enfermée dans cet endroit, déjà ? Impossible de le dire, j'ai perdu la notion du temps depuis bien longtemps.
— Tu es bien silencieuse ce soir.
Un léger sourire s’est dessiné sur mes lèvres.
— J'ai besoin de calme pour admirer sa majesté.
Ses joues se sont colorées et il a masqué sa gêne derrière une fausse quinte de toux, comme à chaque fois que je le complimentais. Ce garçon n'avait pas l'habitude qu'on lui rentre dedans. Cela me donnait envie de le pousser dans ses retranchements.
— Tu sais ce qu'il me plairait ? ai-je poursuivi en me redressant brusquement vers lui.
Sous cet angle, son visage m’a paru encore plus beau.
— Quoi ?
— Qu'on échange nos rôles pour une journée !
— Mais c'est impossible...
— Bah pourquoi ? Tu m'imagines, régnant sur l'Egypte toute une journée pendant que toi tu m'attendras dans le sous-sol ? Je ne sais pas toi, mais cela sonne plutôt bien !
Durant un court moment, j'ai eu l'impression qu'il considérait réellement ma proposition. Le regard désolé qu'il a m'envoyé ensuite aurait presque achevé presque de me faire fondre.
— Je me doutais que tu n'aurais pas le cran d'accepter ma proposition, je soupire en détournant mon regard pour admirer l'horizon. Quel dommage.
Je me souviens à cet instant d'avoir pensé que j'allais probablement mourir ici. Mais le plus effrayant, c'était de ne pas savoir comment, ni pourquoi. Atem m'avait fait la promesse de me protéger, car il ne souhaitait pas devenir ce pharaon intraitable qu'on lui demandait d'être avec ceux qui n'étaient pas de son peuple. Sûrement qu'une partie de moi suppliait le destin de lui donner raison, mais sans Bakura, je ne m'étais jamais sentie autant en danger. Mes réflexions se sont interrompues quand la main chaude du pharaon a frôlé la mienne, puis s’est rétractée aussitôt.
— Demain, j'essaierais d'avoir du temps pour te montrer les jardins privés du palais.
— C'est une autre promesse ?
— Oui.
Il m’a répondu avec tant de détermination que je n’ai pas osé lui lancer de piques, comme je l'aurais fait en temps normal. Tant qu'il m'emmène loin d'ici, c'est tout ce qui compte pour moi.
Mes yeux s'ouvrent sur le plafond blanc aseptisé de la chambre de Lorène. Au vu de la pièce inondée de lumière, je devine avoir dormi bien plus que je ne le pensais. Assise en tailleur sur ces draps incroyablement doux, je profite un instant de la quiétude de cette maison.
— Atem...
Les images de ce rêve tournent en boucle dans ma tête et me provoquent des frissons. Mes souvenirs sont précis, clairs comme de l'eau de roche. J'aimerais presque les revivre encore et encore.
Je ne suis pas comme ça !
Je redresse brusquement le menton. Une chaleur vive envahit mon corps et je me sens tirée du lit pour me précipiter à la fenêtre.
— Lorène ?!
Ce n'était pas un rêve, j'ai entendu sa voix. Lorène est là, quelque part ! Le calme laisse place à la colère et à la frustration. Je ne dois pas me détourner de Lorène, c'est aussi de la faute d'Atem si elle est emprisonnée au Royaume des Ombres. Il faut impérativement que je la sorte de là ! D'un coup de vent, j'ouvre la penderie et me déniche une tenue dans les affaires de mon hôte. Ce qu'ils appellent le "week-end" ici ne risque pas d'être de tout repos.
A mon plus grand plaisir, le seul endroit qui me paraissait un tant soit peu intéressant à visiter est le musée de Domino City. L'exposition sur l'Egypte Antique semble s'éterniser car les affiches à l'entrée sont expirées depuis plus d'un mois. Dès mon arrivée, je ne tente pas de me cacher. Bien au contraire, j'arbore le même style vestimentaire que lors de mon rendez-vous avec le pharaon, ce qui doit causer certaines chaleurs d'après les regards de vieux croûtons que je me tape depuis que j'admire des gravures. La réponse à ma question ne se trouve pas dans ces stèles, peut-être devrais-je m'adresser à...
— Je sens une énergie négative émaner de ce corps.
Voilée de son turban à hauteur de son visage, Isis me toise de son bleu intense. Elle garde une distance raisonnable, signe d'une peur évidente.
— Ne disent-ils pas « bonjour » pour se saluer au Japon ? Je suis complètement perdue quand je te vois Isis.
— Tu n'es pas Lorène.
— Bravo Sherlock, je chantonne en m'écartant légèrement de la stèle que j'examinais quelques secondes plus tôt. J'espère que tu feras preuve d'autant de déduction quand je t'expliquerai les raisons de ma venue.
Ses traits se crispent, elle déglutit sans me quitter des yeux, comme pour ne pas se montrer plus faible que moi. Pour peu, je me demande ce que ça fait de se retrouver face à quelqu'un qu'on a éliminé de la surface de la Terre, des siècles auparavant. A sa place, je tremblerai de terreur.
— Ne restons pas ici, souffle-t-elle en balayant du regard les simples visiteurs. Suis-moi.
L'air assuré qu'elle tente vainement de se donner en ma présence provoque en moi un sentiment de toute puissance. Le sourire aux lèvres, je la talonne jusqu'à une autre pièce du musée, isolée du reste de l'exposition. Néanmoins, certaines reliques occupent la salle, certaines sont recouvertes d'épais draps blancs. Maintenant toujours la même distance de sécurité, Isis me fixe intensément. Curieuse, je marche quelques pas autour d'elle.
- Je t'écoute.
Si elle croit que mon petit manège ne sert qu'à amplifier ses inquiétudes à mon égard, elle se trompe. Je vérifie simplement les coins pour détecter les éventuelles caméras. Je ne tiens pas à me faire piéger une nouvelle fois.
— Dis-moi où sont les objets du Millénium.
Elle pousse un hoquet de surprise. A quoi s'attendait-elle ? Je me le demande.
— Pourquoi en as-tu besoin ?
— Je n'ai besoin que de l'œil du millénium, pas de toute la panoplie.
— Et tu crois que je vais te le servir sur un plateau d'argent alors que tu risques de causer du tort au pharaon ?
La colère dans sa voix... Si elle savait que je ne compte pas m'en prendre à Atem, sera-t-elle plus clémente ? Je décide de tenter le coup.
— Ce n'est pas contre le pharaon. C'est pour autre chose.
— Et quoi donc ?
Je serre les poings le long de ma mini-jupe plissée. Pourquoi faut-il qu'elle rende les choses aussi compliquées ? Un nom, c'est tout ce que je demande.
— Une affaire personnelle. Dois-je me mettre à genoux et prier mille fois Marie pour obtenir ta grâce ?
— Prier le mauvais Dieu serait un autre affront de ta part, rétorque-t-elle d'un ton cinglant. Cependant... Je concevrai de te dire qui est en possession de l'œil du Millénium si tu réponds à une de mes questions.
— Enfin un peu de bon sens ! Je savais que tu pouvais le faire, Isis ! Que veux-tu savoir ?
— Qu'as-tu fait de Lorène ?
Mes lèvres se pincent immédiatement. J'esquisse malgré moi un léger mouvement de recul, qu'elle remarque aussitôt.
— C'est bien ce que je pensais. Je ne ressens que ton âme à l'intérieur de ce corps.
Une chaleur inconvenante me brouille les entrailles, sûrement ce qu'ils appellent la culpabilité. Mais je ne prévois pas de me laisser trainer en pâture par cette réplique moderne d'Isis.
— Dans ce cas, tu dois deviner la raison qui m'oblige de récupérer l'œil du Millénium.
Ses doigts se referment sur les pants de sa robe blanche. Elle ferme les yeux et inspire profondément. Ma patience commence doucement à atteindre ses limites.
— Eléonore...
— Quoi ?
— Par Sekhmet tu ne mérites pas de revivre dans ce monde.
Sa remarque me pique au vif. Je vois rouge. Qu'a-t-elle osé me dire, à moi ?
— Je ne peux pas me permettre de mettre le monde en danger par ta faute. Si tu as été capable de détruire Lorène, alors qui sait de quoi tu es capable.
Mon sang ne fait qu'un tour. C'en est trop, je ne vois pas ce qui m'empêche de me débarrasser de cette salope sans cœur.
— Tu crois vraiment que j'ai détruit Lorène ?
— J'en suis sûre. Mais le pharaon finira par t'arrêter, comme il l'a fait par le passé.
— Le pharaon m'aimait et vous l'avez obligé à me trahir !
Mon cœur s'affole au fin fond de ma poitrine. Jamais je n'avais ressenti une telle sensation. Ce cœur réagit sous mes impulsions, sous mes émotions. Tous mes membres s'échauffent sous la vive colère qui me secoue à l'intérieur.
— Le pharaon ne t'aimait pas, il n'a fait que protéger son peuple. Et aujourd'hui, tu te leurres en imaginant sauver cette fille alors que tu n'as fait que détruire ses chances de vivre une vie normale et paisible.
Elle ment. Elle cherche à me séparer de Lorène.
— Dis-moi où est l'œil du Millénium, Isis, je répète sèchement.
— Il ne te servira à rien.
Très bien, elle vient d'épuiser toutes ses chances de gagner ma clémence. J'avance d'un pas et rassemble mon énergie négative pour le concentrer sur elle.
— Imbécile, sans le collier du Millénium, il n'y a plus rien pour te défendre.
J'avance d'un pas de plus, notre distance s'estime à deux mètres. Ses pieds s'ancrent malgré elle dans le sol. Les traits de son visage s'aggravent, ses lèvres essaient de marmonner des mots qui ne sortent pas.
— Toi, sombre âme qui a péché par ses actes, tu ne mérites pas de vivre auprès du commun des mortels. Au nom du Royaume des Ombres, je décide de t'envoyer dans un endroit si noir et horrible que tu n'en sortiras qu'une fois repentie.
Je lève une main dans sa direction quand la porte s'ouvre brusquement.
— Grande sœur ! Le pharaon... !
Marik accoure en direction d'Isis et lui attrape l'épaule avant de remarquer ma présence et surtout, le symbole sur mon front.
— Odion ! s'exclame-t-il en lançant un regard derrière moi.
Le bras toujours levé, je jette un coup d'œil dans mon dos et remarque la présence de celui qui se faisait passer pour Marik lors du tournoi de Bataille Ville.
— Alors toute la famille s'est réunie ? je ricane en revenant vers les enfants Ishtar.
— Lorène, qu'est-ce que tu fais ?
— Ce n'est pas Lorène, elle l'a tuée, bredouille Isis, paralysée de la tête aux pieds.
— La ferme, je ne l'ai pas tuée ! je m'égosille sous l'impulsion d'une nouvelle vague de colère.
— Calmons-nous.
Le géant aux hiéroglyphes à même la peau rejoint le duo d'empotés. Comme si ces petites paroles sensées allaient m'arrêter dans ma démarche.
— Elle refuse de me répondre, alors peut-être que vous, vous allez pouvoir m'aider. Où est l'œil du Millénium ?
— Ne dites rien ! implore Isis, déliée de son mutisme.
Contrairement à elle, les deux autres semblent jauger l'ampleur de la situation. Marik et Odion échangent un regard hésitant, puis l'ancien détenteur de la baguette du Millénium esquisse un pas dans ma direction.
— Si je te le dis, est-ce que tu libéreras ma sœur ?
— Marik, non !
— Bien sûr, je n'ai que faire de vous trois. Ce qui m'intéresse, c'est Lorène.
Quel plaisir de posséder autant de pouvoir sur ces pauvres gens. Le benjamin des Ishtar lance un regard désolé vers sa sœur.
— Nous n'avons pas le choix, déclare-t-il avant de baisser la tête pour ne pas affronter sa déception.
— Enfin quelqu'un de sensé, je peste, épuisée d'attendre qu'ils se décident à me donner la réponse à ma question.
— C'est le pharaon qui détient les objets du Millénium. Il les a récupérés après le tournoi de Bataille Ville, tu devrais demander à Yugi.
Le petit Yugi ? Parfait, ce gamin tient à tout prix qu'on ramène Lorène. Il n'a aucune raison de me refuser cette faveur. Je baisse le bras et adresse un sourire satisfait à Marik.
— Merci.
Sans profiter de leur réaction, je tourne les talons et me dirige vers la porte en sautillant quand Marik me rappelle :
— Hé, pourquoi Ishizu ne peut toujours pas bouger ? Tu devais la libérer !
Oh, j'avais omis ce petit détail. A deux pas de la sortie, je pivote vers le groupe et feins la surprise.
— Vraiment ?
La colère au fond de mon cœur ne s'est pas apaisée.
— Que le jeu des ténèbres commence.
Mon front brûle de plaisir, le symbole du Millénium apparait sur leurs visages, déformés par l'effroi. Quelques secondes plus tard, ils s'effondrent sur le sol, les uns à côté des autres. Cette fois-ci, je profite de la vue et du silence morbide de la pièce.
— Ceux qui se mettront entre Lorène et moi subiront le même sort.
D'un pas léger, je quitte la salle et veille à refermer la porte derrière moi. Qui sait, peut-être n'auront-ils pas la même chance que cette pute de Yoshida.
Lorsque je rentre au domicile de mon hôte, le doute m'envahit. Je devrais aller directement chez Yugi, mais rien que l'idée de traverser toute cette jungle comme la veille ne me plait pas particulièrement.
— Lorène ?
Au pied de la porte d'entrée, je tombe nez-à-nez avec la mère. Elle me dévisage un instant. Quand on dit que le crime est gravé sur le visage de ceux qui l'ont commis, est-elle en ce moment en train d'analyser tous mes méfaits ?
— Je ne pensais pas te croiser si tôt, ajoute-t-elle en m'invitant à franchir le seuil. Cela fait une éternité qu'on n'a pas mangé ensemble et j'ai un peu de temps avant d'aller travailler. Cela te dit ?
Prise au dépourvue, je hoche un peu niaisement la tête. La mère ne semble pas remarquer le trouble que sa proposition cause en moi.
— Viens t'installer à table, je t'ai préparé du riz.
Evidemment, la présence d'une grande bouteille d'un litre de ketchup de mon côté de la table m'arrache un sourire. Lorène... Qu'est-ce qu'elle peut avoir mauvais goût, parfois.
— Quoi ? Tu n'aimes plus le riz-ketchup ?
Je m'installe derrière l'assiette toute prête et me force à lui répondre avec entrain :
— Bien sûr que si !
— Ouf... Je commençais à me demander si tu avais autant changé que ça.
Sa phrase se termine dans un soupir. J'attrape une cuillère et mélange le moins de sauce possible pour ne pas brûler ma bouche avec autant d'acidité.
— D'ailleurs, je trouve que tu es un peu différente depuis quelques temps... Quelque chose ne va pas, ma chérie ?
Je relève la tête et croise ses yeux bleus. D'après ce que je pouvais lire dans les pensées de Lorène, elle s'inquiétait de retourner en Europe, puis il y a eu le meurtre de Yoshida. Que répondrait-elle dans cette situation ? J'ai beau chercher, je ne trouve pas de réponse correcte...
— Tu sais que tu peux tout me di-
— Maman, il y a quelque chose que je dois t'avouer.
C'est ce que Lorène voudrait que je fasse.
— Quoi donc ?
— Tu sais, je viens d'ici, pas vrai ?
Dans un premier temps, sa mère oscille lentement, sans comprendre le fond de mes propos.
— Je veux dire, je m'appelais Eléonore avant.
Soudain, son regard s'éclaire, comme si je venais d'allumer un bulbe au-dessus de sa tête.
— Oh... Oui, tu t'appelais Eléonore Pegasus.
Et, sans un mot, elle reporte son attention sur le contenu de son assiette. Merde, ai-je manqué de tact ? Embarrassée, j'emmagasine deux grosses cuillères de riz pour m'occuper les mains.
— Tu as rencontré ta famille, c'est ça ?
Une bouchée se coince dans ma gorge, je dois regagner mon calme pour l'avaler.
— Un soir, j'ai vu une grande voiture noire quitter notre rue quand je rentrais. Et tu n'étais plus là, j'imagine que tu étais là-bas.
Dans sa voix, je remarque qu'elle tente de garder une attitude neutre. Elle ne se doute pas que je perçois tout le trouble qui anime ses gestes, d'habitude assurés.
— Quand tu es partie en Amérique.
J'ouvre la bouche en grand puis la referme. On dirait qu'elle n'a pas terminé :
— Je veux que tu saches que je suis toujours ta mère.
— Ils m'ont abandonnée de toute façon, je réponds en haussant les épaules. Ils n'ont plus existé pour moi depuis ce jour.
Depuis le jour où j'ai volontairement effacé les souvenirs de Lorène pour qu'elle ne vive qu'avec une seule famille aimante. Si seulement je pouvais l'avouer à sa mère, je suis certaine qu'elle approuverait mon geste.
— Certes, ton père et moi ne nous fréquentons plus, mais nous sommes toujours une famille pour toi. Et nous tenons à toi comme si tu étais notre fille biologique.
En dépit de la fermeté de ses propos, ses doigts tremblent sur ses baguettes. Elle veut se convaincre de ses propres paroles, mais n'en pensent sûrement pas un traitre mot.
— P-Parlons d'autre chose. Comment va ce garçon que je vois de temps en temps, le grand blond un peu benêt.
— Joey ? Ce n'est qu'un con, je vais bientôt m'en séparer.
— Ah bon ? lance-t-elle, étonnée. Pourtant tu m'avais l'air heureuse quand tu le voyais.
Lorène n'en avait que l'air. Joey ne sait pas tout ce dont elle est capable, il va lui briser le cœur, j'en suis sûre.
Nous finissons le repas en silence, puis je retrouve la chambre de Lorène. Il est primordial que je récupère l'œil du Millénium pour la libérer du Royaume des Ombres. Devant le miroir, je caresse distraitement mon front, à l'endroit du symbole. Je me demande si les corps d'Odion, Marik et Isis ont été découverts. En tout cas, ils n'en parlent pas encore aux informations. Qui sait, peut-être qu'ils me donneront un surnom cool comme ils le font pour les tueurs en série.