Âme de Pureté

Chapitre 61 : Eveil: Chapitre 61

2505 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/11/2019 19:55

Plus d'une semaine s'est écoulée depuis ma défaite contre Aigawa. Une semaine que tous mes duels s'achèvent de la même manière. Cependant, passée le premier échec, les suivants semblaient futiles. Evidemment, je ne m'aventurais pas à affronter des duellistes dans la rue. Non, j'ai privilégié les duels en ligne, plus le plus grand plaisir de sa majesté Kaiba.

Ce vendredi-là, quand j'ouvre mon casier pour récupérer des livres pour mon dernier cours, un papier en tombe juste sous mes yeux. Je m'accroupis pour le ramasser et le déplie avec impatience.

« 10 - 0. Tu me fais perdre mon temps. »

Il n'y a que Seto Kaiba pour payer un messager chargé de me rappeler mon nombre de défaites consécutives.

Quel amour.

Je commence à croire que ce type fait une fixette sur moi. Le papier finit en boule dans la poubelle la plus proche. Mon duel contre Yugi a été reporté et mes échanges avec ses amis se sont limités à des messages banals avec Joey. Je ne m'en plains pas, rien que de penser à cet affrontement me contracte les entrailles.

- « Regardez qui voilà ! Ma chère copine Lorène ! »

Sans crier gare, un bras s'enroule autour de mes épaules et me serre dans une accolade un peu trop prononcée pour être naturelle. A l'autre bout de ce bras : Risa Kageyama. Prise au dépourvue, je ne réalise que tardivement son geste et essaie de me dégager, mais elle m'étreint si fort que je n'y parviens pas.

- « Dégage ou tu risques de le regretter. » Je grogne en la foudroyant du regard.

Comme si mes menaces l'amusaient, Kageyama pousse un gloussement et se penche vers mon oreille.

- « A ta gauche. Tu ne voudrais pas qu'on te renvoie dans ton pays, hein ? »

Perplexe, je jette un œil dans la direction qu'elle m'indique. Au pied du tableau d'affichage, mon conseiller scolaire nous observe et hausse un sourcil.

Si elle ne me lâche pas dans trois secondes, je la détruis.

Surtout pas ! On risque de se faire renvoyer pour de bon.

Dans ce cas...

Sous l'emprise d'une soudaine poussée d'adrénaline, je me redresse et plaque mon bras sur la hanche de Kageyama. Celle-ci sursaute et change subitement de visage. Mes lèvres s'étirent et se hisse au creux de son oreille.

- « Hé, je ne savais pas que tu chassais les minous. Il y a d'autres moyens de me séduire, mais j'apprécie. »

Incapable de me contrôler, je me mords la lèvre inférieure et plisse les paupières. Kageyama me lâche brutalement et recule d'un pas, se cognant dans les casiers dans un vacarme hallucinant.

- « Tout va bien, mesdemoiselles ? »

Le conseiller s'était rapproché de nous. Kageyama choquée, je me tourne vers lui et forme un O avec mon pouce et mon index.

- « Bien sûr ! Nous étions juste excitées à l'idée d'être en week-end, Monsieur ! »

Tu aurais pu utiliser un autre mot que « excitées » tout de même.

- « Enfin, quand je dis « excitées », je voulais dire « émoustillées » ! »

Je te déteste.

Le conseiller me dévisage longuement puis hausse les épaules avant de se rediriger vers son bureau. Eléonore relâche son emprise sur mon corps, j'en profite pour attraper mon sac de cours et m'éloigner quand des bruits de pas s'élèvent dans mon dos.

- « Hé, pas si vite princesse. »

La voix grave de Kageyama me provoque un frisson. Elle s'apprête à poser sa main sur mon épaule quand je la balaie d'un revers du poignet.

- « Prête pour un deuxième round ? »

Elle secoue la tête et replace une de ses mèches bleutées qui obstruait sa vue.

- « Je ne sais pas d'où tu as sorti cette putain de force l'autre fois. Mais ce n'est pas pour ça que je suis venue te voir. »

En deux mois, c'est la première fois qu'elle s'adresse à moi sans agressivité. Il me faut un moment pour revenir sur terre et lui répondre :

- « A-Alors pourquoi ?

- Mon père est sorti du coma. »

Ses yeux verts m'hypnotisent, je ne les avais jamais observés auparavant. Le coma, c'est donc ainsi qu'ils ont nommé l'état dans lequel ce policier a été plongé. Peu importe, j'avais raison. Si Yoshida avait repris ses activités comme si de rien était, il aurait été surprenant que Monsieur Kageyama n'en fasse pas de même.

- « Tu n'as rien à me dire ? » Ajoute-t-elle, atterrée.

- « N... Non, pourquoi ? C'est cool pour ton père ! J'espère qu'il va mieux. »

Cette scène me parait invraisemblable. Comment puis-je me justifier auprès d'une fille aussi détestable après tout ce qu'elle m'a fait subir ? Pourtant, mes paroles maladroites semblent l'apaiser. Le visage de Risa s'adoucit, elle décroise les bras et s'adosse aux casiers.

- « J'espère qu'à partir de maintenant, il fera son job au lieu de protéger sa pyromane de fille. »

Bouche-bée, je demeure interdite quand, à un mètre de moi, Kageyama se crispe. Son regard, presque amical, s'assombrit et me transperce de part en part.

Merde Eléonore, qu'est-ce que tu as fait ?

Je nous donne un peu de profondeur.

- « Bah quoi, mon cœur ? Tu pensais qu'on allait devenir les meilleures amies du monde ? Quoique, ça ne me dérange pas, je m'amuserais à envoyer une à une tes chères sœurs dans un endroit où elles ne reviendront ja-mais. »

Ses poings tremblent, comme si elle se préparait à m'empoigner contre un des casiers dans son dos. Ses orbites se révulsent sous les menaces d'Eléonore qui raille tout bas.

- « Alors, on n'ose plus attaquer ? »

A peine a-t-elle pivoté pour me faire face qu'elle se fige. Mon front me brûle, une violente bouffée de chaleur m'envahit. Nous sommes dans le couloir, tout le monde va nous remarquer. Kageyama garde une posture tout sauf naturelle. Son poing est levé au-dessus de mon visage et ses yeux me fusillent, affolés.

- « Si ton père s'est réveillé, je peux tout aussi bien le renvoyer d'où il vient. Alors la prochaine fois que tu te sens chaude pour m'attaquer par derrière, réfléchis à deux fois. »

Mes membres tétanisés se relaxent. Instinctivement, je masque d'une main mon front et examine les environs pour m'assurer que personne n'a rien vu. Kageyama, soudainement libre, manque de perdre l'équilibre quand j'attrape son poignet pour l'aider. Mais mon geste la révolte. Elle s'arrache de mon emprise et bat en retraite de quelques pas, sans me quitter des yeux. Sa poitrine se soulève et s'abaisse frénétiquement, elle semble à bout de souffle et à court de répondant. Au bout de dix secondes à se fixer en silence, elle se décide à agripper son sac de cours puis file en direction de l'entrée. Sonnée, je jette un coup d'œil à l'horloge murale. La dernière heure est entamée depuis très longtemps. Une escale à l'infirmerie s'impose.

 

- « Tu ne peux pas te permettre de faire une chose pareille. »

Postée devant le miroir de ma chambre, j'observe mon reflet, bras croisés sous ma poitrine.

- « Tu aurais pu me faire renvoyer avec tes conneries ! » J'ajoute en serrant les poings.

- « Qu'importe. Nous aurions envoyé le directeur au Royaume des Ombres puis nous aurions effacé sa décision de renvoi. Je ne comprends pas pourquoi tu en fais tout une histoire. »

Mes lèvres se meuvent toute seule et mon timbre se colore d'une pointe de sarcasme. Eléonore me dandine de droite à gauche, comme si je répétais une pièce de théâtre au script déplorable.

- « Tu te fiches de moi ? Je pensais que tu avais compris depuis cette histoire de cadavre qu'on ne pouvait pas tout contrôler en envoyant des nuisibles dans un endroit dont ils ne sont pas supposés revenir !

- Avoue que tu es déçue que mes pouvoirs aient leurs limites.

- Quoi ? »

Je suis en train de rêver. Un putain de cauchemar qui durait depuis bien trop longtemps.

- « Ne fais pas l'innocente. Jusqu'à notre retour au Japon, tu t'en fichais bien que Yoshida et ce flic de Kageyama soient enfermés au Royaume des Ombres. Et maintenant qu'ils peuvent te faire tomber de ton piédestal, tu te reconvertis en nonne ? »

Ma poitrine me fait horriblement mal, mon crâne menace d'exploser dans les prochaines secondes si Eléonore ne se tait pas. Elle profite de cet instant de faiblesse pour resurgir les images de Yoshida dans le vestiaire, puis de son corps enroulé dans cette couverture miteuse au fond du garde-meuble de Zoé. Puis une pulsation. Pas la mienne, mais celle que je mesurais à chacune de mes visites, celle qui me permettait de savoir si nous avions franchi ou pas le seuil de non-retour.

- « Arrête ça tout de suite. »

Aucun son ne sort de ma bouche, je me contente d'articuler les mots dans le vide.

- « Tu refuses d'avouer ton mauvais côté et tu le rejettes sur moi. Il suffit de regarder les pauvres amis du pharaon. Dès qu'il se passe quelque chose d'anormal, c'est toujours à moi qu'ils pensent. »

- Parce que ce n'est pas le cas ? » Je parviens à prononcer. « Ta haine envers Atem ne justifie pas toutes tes mauvaises actions. »

Vraiment ?

Soudain, mes jambes cèdent sous mon poids et je chute lourdement sur mes genoux. Je jure sous la douleur et me retrouve au plus proche de mon reflet. Ma vue se brouille, encore un plan foireux d'Eléonore. Puis, une éblouissante lumière m'aveugle, je détourne la tête avant de remarquer qu'il s'agit du soleil.

- « Hé, qu'est-ce que tu fiches là ? »

Un visage familier m'apparaît, celui de Bakura. Très vite, je saisis qu'il ne s'agit pas là du lycéen de Domino. Son teint est beaucoup trop foncé et la balafre sous son œil droit ne lui ressemble pas.

- « Ente' je te parle. »

Ente ? Quel genre de dialecte utilise-t-il ?

- « Mh. » Je réponds laconiquement.

- « Tu ne peux pas rester là. S'ils te chopent à ton tour, on est foutu. »

De quoi parle-t-il ? Je le dévisage et constate rapidement qu'Eléonore ne m'a pas envoyée dans un autre monde. Seule une parcelle de sable s'étendant sur une dizaine de mètres autour de nous se répand nous nos pieds.

- « Pourquoi est-ce que je devrais partir ?

- Tu as perdu la mémoire ? Ils ont chopé Emad qui tournait autour de la cité l'autre jour. »

Emad ? Mon cerveau ne procède plus aucune information. 

- « Et si tu ne rentres pas au plus vite, ils risquent de te coffrer toi aussi. »

Sa main bronzée se pose sur mon épaule, je suis son geste, murée dans le silence.

- « Tu es la dernière personne qu'il me reste avant qu'ils m'aient tout pris. Alors je t'en supplie, ne fais rien de stupide. »

Sa voix grave me flanque des frissons. Ce Bakura n'a plus rien avoir avec celui avec qui j'étais l'autre soir dans ce café. Malgré sa haine évidente pour le palais, il garde un semblant d'humanité à travers son regard.

Et j'aurais dû l'écouter.

La scène s'efface brutalement et je me retrouve à genoux devant mon reflet. Ce fût bref, mais intense.

- « Qu'est-ce que tu essaies de me faire comprendre avec cette vision ?

- Que si j'avais écouté Bakura plutôt que les belles paroles d'Atem, nous aurions tous pu vivre des jours heureux. »

Son explication ne me convainc pas. Jamais je ne m'en prendrai à Yugi pour une vengeance qui remonte à des temps immémoriaux. Mais à l'instant où je compte en aviser Eléonore, mon téléphone se met à sonner au centre de mon lit. Je hausse les épaules et me penche au-dessus de mon matelas pour entrevoir l'émetteur.

- « Allô ?

- Salut Cocotte ! »

La pression sur mon thorax s'adoucit à l'écoute de la voix de Joey. Je me laisse tomber sur mon lit, téléphone à l'oreille.

- « Du nouveau ? »

Je fixe le plafond, hésitant à lui confier ma discussion houleuse avec Kageyama.

- « Nan, juste un mot de Kaiba pour me rappeler à quel point je suis devenue naze à son jeu préféré.

- Quel attardé.

- Je ne te le fais pas dire, je suis à deux doigts de le poursuivre pour harcèlement moral.

- Si tu ne le fais pas, compte sur moi pour m'en charger. » Grogne-il avec vigueur.

- « Vraiment ? Je pense que tu as plus sérieux à gérer. »

Je me pince les lèvres, réalisant que mon sous-entendu était loin d'être subtile. Etonnamment, nous n'avons pas abordé le sujet de son père depuis ma visite. Nous nous contentions de parler de choses et d'autres, des solutions pour renverser la tendance de mes défaites à répétition. Mais de la violence de son père ? Jamais. Le silence qui accompagne ma remarque me serre l'estomac.

- « Pourquoi tu m'appelles ? »" Je poursuis, peu sûre.

- « Ah ! Oui, je rentrais du boulot tout à l'heure et je me disais qu'on n'avait toujours pas prévu ce rendez-vous dont on avait parlé l'autre fois. »

Je ferme les yeux pendant de longues secondes. Nous nous sommes embrassés, il sait où j'habite, mais pas un seul rendez-vous à notre palmarès. Si on rajoute l'agression sexuelle dont il l'ignore l'existence, on peut dire que pas mal d'étapes ont été sautées.

Et en parlant de sauter.

N'y songe même pas.

- « Lorène ?

- Tu as raison, il est temps qu'on se fasse cette sortie !

- Génial. Je t'attendrai au lycée demain après tes cours de soutien ! »

L'enthousiasme dans sa voix me réchauffe le cœur, j'en oublierais presque la présence permanente d'Eléonore et de son rire insupportable dans ma tête. J'acquiesce énergiquement en pensant à ce que je devrais porter demain.

- « Prépare-toi à être éblouie.

- Je n'attends que ça. » Je réponds avant de raccrocher.

Le portable vole un peu plus loin tandis que je pousse un gémissement de bonheur. Cet appel a éclipsé les nuages gris de cette journée et demain s'annonçait encore plus radieux.

Laisser un commentaire ?