Âme de Pureté

Chapitre 59 : Eveil: Chapitre 59

4707 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/11/2019 08:11

Assise sur un banc du parc, je profite du calme en cette fin de soirée pour me vider l'esprit. D’épais nuages tapissent le ciel nocturne, emprisonnant la lune et son aura blanchâtre devenu terne. Un simple lampadaire au pied du chemin de terre éclaire la zone, déserte. Pour une raison que j'ignore, Eléonore n'interfère plus dans mes pensées depuis qu'Atem m'a lancé son défi.

- « Tu vas oser affronter le champion en titre ? »

Les gloussements de Zoé me parviennent aux oreilles. Du coin de l'œil, je l'observe s'étirer en poussant des gémissements aigus.

- « Ce ne sera que notre troisième duel. »

Et ma troisième défaite, mais je ne m'aventure pas à lui avouer, au risque de recevoir un sermon de sa part quant à mes chances de gagner.

- « Mais cette fois, tu as les bonnes cartes pour remporter la victoire. »

Le ton grave employé par mon amie m'intrigue quelque peu. Ses lèvres s'étirent dans un sourire que je ne lui connais pas.

- « Les bonnes cartes ? »

Elle acquiesce bruyamment.

- « Oui, celles que tu possèdes. »

Du bout de l'index, elle désigne ma main. Ce n'est qu'à ce moment que je remarque le bout de carton coincé entre mes doigts. Les battements de mon cœur s'interrompent subitement, mon souffle se coupe. J'ouvre la bouche pour respirer, paniquée, mais l'air ne rentre plus dans mes poumons.

- « Avec ça, tu ne peux que gagner. »

Sa voix s'évanouit dans les limbes. La carte illustre Zoé emprisonnée par le Sceau d'Orichalque. A l'instant où j'ai posé mes yeux dessus, la silhouette de mon amie à côté de moi s'est entourée d'un halo de lumière turquoise. Pétrifiée, je ne réussis pas à me débarrasser de la carte et regarde, impuissante, le pire se reproduire encore et encore.

 

Mes yeux rencontrent abruptement le plafond sombre de ma chambre. Ma poitrine se soulève et s’abaisse sous ma respiration haletante tandis que mon corps entier est en proie aux sueurs froides. Mes mèches se plaquent contre mon front, se nichent dans mon cou. Dans un geste las, je dégage mes cheveux de ma peau et tâche de m’apaiser avant de m’allonger de nouveau.

 

Encore ce rêve.

 

Quelques heures après mon réveil pour le moins désagréable, je remarque que ma messagerie a été prise d'assaut par un numéro désormais inscrit dans ma liste de contact au nom : « Ce Connard de Kaiba ». Par je ne sais quelle magie, la rumeur d'un duel entre Yugi et moi se serait propagée jusqu'à ses oreilles. Parmi les messages vocaux enregistrés avec amour sur ma boite vocale, je peux écouter encore et toujours la même rengaine :

« Je m'occupe de l'organisation de ce duel. […] Ta défaite doit être médiatisée. […] Enfin le titre de champion reviendra à quelqu'un de convenable. »

A croire qu'en affrontant Yugi, c'est en réalité Seto Kaiba qui se trouvera de l'autre côté du terrain. En ce qui me concerne, je ne me sens toujours pas prête à enfiler un disque de duel, d'autant plus depuis la révélation de Téa, la veille.

Maximilien Pegasus a disparu des radars. Personne n'a de nouvelle de sa part depuis son duel contre Mai Valentine. Avant de me coucher, j'ai hésité à appeler Chris pour confirmer les rumeurs, mais je préférais me convaincre que la carte déchirée n'a aucun rapport avec cette absence aussi brusque qu'inattendue.

Quoi qu'il en soit, l'arrivée du week-end me laisse le temps d'élaborer une stratégie pour ne pas avoir à affronter le champion. S'il le souhaite, j'étais encline à lui signer un papier attestant de sa supériorité au Duel de Monstres. Ce titre ne m'a jamais intéressée, après tout.

- « Lorène ! »

Allongée sur mon lit, je me redresse subitement sur mes coudes à l'appel de ma mère.

- « Il y a quelqu'un à l'entrée pour toi ! »

Etrange, je n'attendais pourtant aucune visite ce samedi. Intriguée, je me hisse en dehors du lit et arrange mes vêtements ainsi que mes cheveux, exceptionnellement attachés en queue haute.

- « J'arrive tout de suite ! » Je m'exclame au-dessus des escaliers.

Tout ce que j'espère, c'est qu'il ne s'agisse pas de Yugi. Il serait complètement fou de se jeter dans la gueule du loup en me rendant visite. Le suspens ne dure pas très longtemps quand j'aperçois une tignasse blonde brandissant avec fierté un disque de duel sur son bras gauche.

- « Alors Cocotte, prête pour un entrainement intensif ? »

Sur la dernière marche, je cligne des paupières à plusieurs reprises. Non, je dois rêver. Depuis la cuisine, ma mère sirote tranquillement son café en m'observant depuis sa chaise.

- « Euh... Maman ?

- Faites comme si je n'existais pas. » Rétorque-t-elle en reportant son attention sur le journal.

Mes espoirs de refléter la fille studieuse à ses yeux s'effondrent malgré tous mes efforts. Je pousse un long soupir désabusé et m'avance jusqu'à la porte.

- « Qu'est-ce que tu fiches ici ?

- J'ai dit que je ne voulais pas rater ton duel contre Yugi, alors j'ai décrété que tu avais besoin d'une petite remise en forme ! »

Il émane une énergie si intense que je peine à le remballer sous prétexte que je dois me rendre au lycée pour mes cours de soutien.

- « Allez, dépêche-toi de prendre ton disque ! »

Je me pince l'arête du nez et essaie de le faire taire d'un coup dans l'épaule.

- « Oh, tu veux dire pour aller en cours ? » Je réponds assez fort pour que ma mère m'entende. « Ne bouge pas, je reviens tout de suite ! »

Bien évidemment, Joey est incapable de saisir la subtilité de mes mots et tente de me corriger quand je plaque ma main contre sa bouche et rapproche la mienne de son oreille.

- « Imbécile, tu vas me faire renvoyer en Europe avec tes conneries ! »

Comme s'il remarquait seulement maintenant sa bêtise, Joey recule d'un pas et se décale pour observer ma mère, le nez plongé dans les nouvelles du jour.

- « Oh... » Son visage ressemble curieusement à un poisson rouge. « Je serai ravi de t'aider à te remettre en ordre dans tes cours ! »

Je réprime l'envie de lui asséner un nouveau coup et le supplie d'attendre dehors en silence, le temps que je récupère mon sac dans ma chambre. Tandis que je récupère mes affaires à la hâte, mon regard se porte sur les deux disques de duel dans un coin de la pièce. L'un est dysfonctionnel à cause de Kaiba, l'autre m'a été envoyé par Pegasus et n'a servi qu'à offrir des âmes à une créature maléfique. Mon cœur balance.

Nous ne pouvons décemment pas détruire le pharaon sans l'un de ces équipements.

Je déglutis difficilement. A quoi me servirait un tel appareil pour suivre mes cours ? En proie au doute, je finis par ramasser le disque en bon état pour l'ajouter à ma liste d'objets inutiles que j'emporte dans mon sac.

Une fois en bas, je constate avec soulagement que Joey n'a pas bronché d'un pouce. J'informe ma mère de mon départ et referme la porte dans mon dos.

- « Comment ça, tu as cours ? »

Hors de question de discuter de ça ici alors que seule une porte nous sépare de ma mère. Je secoue doucement la tête et tire le blondinet en dehors de l'allée. La météo parait plus clémente aujourd'hui que les jours précédents. Le vent souffle faiblement tandis que nous nous commençons à marcher en direction de la rue du marché. Je profite que nous soyons suffisamment éloignés de ma maison pour expliquer en détails à Joey les raisons pour laquelle je suis obligée de décliner son invitation. A la fin de mon récit, il incline légèrement la tête vers le ciel.

- « Tu rentrerais en Europe, c'est ça ? » Répète-t-il, une pointe de déception dans la voix.

De mon côté, je baisse les yeux vers mon sac pour observer mon disque de duel.

- « Ça ne m'arrange pas non plus, crois-moi. C'est pour ça que je dois améliorer mes résultats et suivre mes cours de soutien. Sinon, plus de duel pour moi. Du moins, plus ici. »

En deux mois, c'est la première fois que je vois Joey se plonger dans une intense réflexion. Il demeure silencieux durant toute la descente. Je crains un moment qu'il songe à ce que mon retour brutal chez mon père signifierait pour notre duo.

Tu vois ? Tu n'oses même pas avouer que vous êtes un couple.

En dépit du réchauffement de température, je me sens frissonner de part en part.

- « Quand est-ce que tu termines ? »

Le silence s'était installé depuis si longtemps que je sursaute presque à la question de Joey.

- « Je n'ai cours que le matin. »

Il claque sa langue sur son palais.

- « Merde, je travaille au café cette après-midi. Ecoute, on se voit ce soir pour débloquer ton jeu. Retrouve-moi à la fin de mon service, d’accord ? »

N'y voyant aucun inconvénient, j'accepte sa proposition.

S’entrainer avec le pire joueur du Duel de Monstres me semble bien contreproductif.

Peu importe. Ce matin-là, je monte dans mon train habituel, rempli à moitié par des jeunes matinaux et d'autres employés aux visages fermés. Les trottoirs jusqu'au lycée sont remarquablement vides. Je ne traine pas trop en chemin et franchis d'un pas rapide le portail de la cour pour rejoindre ma classe de soutien.

Les leçons se déroulent comme tous les autres cours de la semaine, à l'exception que Monsieur Yamamoto s'attarde davantage sur les difficultés de chacun. Ce qui signifie à peu près tous les exercices en ce qui me concerne.

- « Je suis nulle. » Je bredouille en noircissant négligemment le coin de mon cahier.

- « Concentrez-vous mademoiselle Yuurei. »

Je déglutis et hoche la tête pour relire l'énoncé pour la dixième fois. Mon futur duel contre Atem accapare tout mon esprit, il ne reste même pas une petite place pour de la concentration. Mes pensées vagabondent si loin que je ne remarque pas que le professeur s'est penché au-dessus de mon cahier dans l'attente d'une réaction.

- « Mademoiselle Yuurei ? »

Je sursaute et croise ses yeux dissimulés derrière sa monture qu'il ne porte vraisemblablement que lors des week-ends. Ce détail suffit à me déconcerter une nouvelle fois.

- « M’oui ? »

Sa main se pose sur la surface blanche et la rapproche de moi.

- « Vous devriez peut-être aborder ce problème sous un autre angle. »

Le bout de mon stylo s'enfonce dans ma joue tandis que je fixe bêtement le papier aux coins noirs d'encre. Monsieur Yamamoto s'est toujours préoccupé de mes soucis de compréhension, mais il sait se montrer patient en ce qui concerne ma progression, plus lente que la moyenne. Lorsqu'il s'éloigne vers le pupitre d'un autre élève, je masque un bâillement derrière ma main et m'affale sur ma chaise, balayant des yeux les néons du plafond.

- « Problemen vanuit een ander perspectief aansnijden, huh [1] ? Comme si c'était simple. »

 

Le temps de midi signe ma libération pour aujourd'hui. Je peux enfin quitter Flem et tenter d'oublier les équations mathématiques pour les deux prochains jours. Alors que je traine des pieds en direction de la gare, une sensation étrange m'envahit. Au coin d'une rue, je jette un œil dans mon dos et vérifie toutes les issues. Bizarre, j'ai l'impression d'être observée depuis que j'ai passé le portail.

Trouvé

Eléonore me provoque des crampes aux cervicales et m'oblige à me tordre le cou pour scruter minutieusement les piétons de l'autre côté de la rue. Je me fige sur l'un d'entre eux.

- « Sa tête me dit quelque chose... »

A force de le fixer, il finit par me remarquer à son tour et se raidit à ma vue. De toute évidence, il me connait. Il n'attend même pas que le feu rouge devienne vert pour s'élancer sur le passage aux lignes blanches, provoquant une cacophonie de klaxons et injures en tout genre.

- « Toi ! »

Apeurée, je recule d'un pas et bute contre un mur. Pourquoi ai-je la frousse ? Il n'a pas l'air aussi effrayant qu'Hirutani. Je pourrais aussi bien le détruire d'un coup dans les côtes et m'enfuir en hurlant au harcèlement de rue.

- « Cela fait des semaines que je te cherche, sale mioche ! »

Les passants le dévisagent, mais personne ne se décide à intervenir. Il faut dire que ce type est plutôt grand, il mesure au minimum trois têtes de plus que moi.

- « Eh bien, tu m'as trouvé, chéri. Que puis-je faire pour toi ? »

Le grain suave employé par Eléonore lui arrache un hoquet de surprise. Durant un court instant, il perd de sa superbe, mais fronce ses sourcils aussitôt.

- « Le disque de duel de mon frère, tu lui as volé, tu te souviens ?! »

Devant son air faussement menaçant, j'ouvre grand la bouche, prise d'une illumination.

- « Aigawa ?! C'est toi le pauvre type à qui ma pote a piqué l'appareil pendant Bataille-Ville ?! »

A vrai dire, je ne gardais pratiquement aucun souvenir de notre duel, cette soirée-là. Tout ce dont je me rappelais, c'était que j'avais enfermé les clients du Tam-Tam et que Joey avait récupéré mon téléphone portable perdu. En outre, seule ma victoire contre lui demeurait dans ma mémoire.

- « Comment oses-tu ? J'ai fait des pieds et des mains pour retrouver ce disque de duel ! Tu sais combien ça coûte ? »

Le pauvre, je doute que lui raconter l'issue funeste de feu son disque de duel l'apaise. De toute façon, il y a peu de chance qu'il me croit si je lui raconte que Seto Kaiba l'a détruit contre un pylône électrique.

- « Depuis le temps, tu as bien dû trouver un autre disque. » Je lâche, dans l'espoir qu'il me laisse tranquille.

C'est alors qu'il brandit un nouvel appareil, ressemblant comme deux gouttes d'eau à l'ancien.

- « Celui-ci est le mien. Celui que tu utilises honteusement est celui de mon frangin ! Et je compte bien te faire payer la défaite que tu m'as fait subir lors du tournoi ! »

On devrait lui régler son compte vite fait. Ce type nous fait perdre notre temps.

Pour la première fois depuis des jours, je partage l'avis d'Eléonore. Après tout, le hasard a voulu que j'emporte mon disque de duel aujourd'hui. Même s'il s'agit de celui gracieusement offert par Maximilien Pegasus, il devrait suffire à clouer le bec de ce mec.

D'un geste assuré, je glisse la fermeture éclair de mon sac et attrape mon appareil pour l'enfiler à mon bras gauche. Aigawa esquisse un large sourire et insère sans attendre son deck dans le compartiment adéquat. Au risque de bloquer la circulation, nous occupons désormais tout le trottoir et activons nos disques de duel. Mon compteur affiche ses 4000 points habituels.

Cela faisait longtemps.

Je ferme les yeux. Pour une raison que j'ignore, mes bras tremblent, suivis rapidement de mes jambes. Suis-je vraiment prête à reprendre les duels ? Je vais bientôt le savoir.

- « Je t'en prie, commence. » Persifle Aigawa, comme s'il me faisait une fleur en me laissant la main.

Je ne me fais pas prier pour tirer mes cinq premières cartes. Ma salive se bloque au fond de ma gorge. Mon deck n'a pas changé depuis mon duel contre Mai Valentine. Très bien, commençons avec du classique.

- « J'invoque mon cher Duo Gellen [1700|0] en mode attaque ! »

Les boules roses et vertes apparaissent main dans la main sur mon terrain. Je me mords nerveusement l'intérieur de mes joues. C'est étrange.

- « Je pose une carte face cachée et je termine mon tour. »

A première vue, Aigawa ne décèle pas mon trouble, beaucoup trop obnubilé par la carte qu'il vient de piocher. Il s'empresse de me la dévoiler.

- « Eh bien, petite, je te présence le monstre Vision Gishki. Plutôt cool, pas vrai ? Tellement cool que quand je le défausse, il me permet de récupérer un monstre rituel depuis mon deck ! »

Ses actions suivent ses paroles. Je n'ai pas eu le temps de voir la carte qu'il vient de retirer de sa pioche qu'il l'ajoute à sa main. Dans mes souvenirs, le jeu d'Aigawa gravitait autour des monstres de type eau, mais celui-ci ne me rappelle rien du tout.

Peut-être qu'on peut lui ressortir la même stratégie que l'autre fois, à coup d'Ange de Loyauté.

Instinctivement, je secoue la tête en désaccord. Vu son désir de revanche, je doute qu'il tombe deux fois de suite dans le même piège. 

- « Je vais ensuite poser trois cartes faces cachées ainsi qu'un monstre en mode défense. Voyons voir ce que tu vas faire contre ça. »

Par contre, mon deck aussi a subi une grande amélioration depuis notre premier affrontement ! Je tire une nouvelle carte et m'empresse de retirer mon monstre de mon disque.

- « Je sacrifie mon Duo Gellen, qui grâce à sa capacité spéciale me permet de le considérer comme deux monstres sacrifices afin d'invoquer mon Ange O7 en mode attaque [2500|1500] ! »

Mon cœur bat si vite que je me retrouve pantelante à la fin de mon invocation. Je jurerai sentir des gouttes de sueur de former à la racine de mes cheveux. Mon corps semble comprimés dans mon uniforme, comme s'il avait subitement rétréci dans les dix dernières minutes.

Du calme, Lorène...

Les images de l'Ange 07 sur le point d'attaquer Mai resurgissent brusquement. Je serre les poings et enfonce mes ongles dans mes paumes pour m'obliger à garder la tête froide.

- « Ange O7, détruis son monstre face cachée !

- Un instant, tu ne réfléchis donc pas ? »

Sa remarque me pique au vif. Aigawa lève son bras vers sa zone magie et piège.

- « J'active ma carte piège : Force Miroir ! »

Fais chier ! Pourquoi ai-je lancé une offensive alors qu'il possédait autant de protections ? C'est trop tard, mon seul monstre se désintègre sous sa propre attaque et rejoint mon cimetière, marquant la fin de mon tour.

On dirait que quelqu'un a besoin d'aide.

J'aurais surtout besoin que tu disparaisses de ma tête !

- « Eh bien, petite ? C'est dommage, j'aurais vraiment cru que ce duel serait un tant soit peu intéressant.

- Tais-toi et joue ! » Je réplique, à bout de souffle.

Je dois impérativement me ressaisir, ce n'est pas mon genre de commette des erreurs aussi stupides !

- « Avec plaisir. Je retourne mon monstre face caché. Dis bonjour à ma Bête Gishki [1500|1300] ! »

Bon, tout n'est pas encore perdu.

- « Bête Gishki, attaque directement ses points de vie !

- Hors de question ! J'active ma carte magie : Boucs Emissaires ! »

Quatre jetons moutons recouvrent mon terrain, dont un qui succombe aux crocs de sa bête aquatique.

Je baisse les yeux sur ma main, il me reste encore des ressources pour temporiser son jeu.

- « Tu as terminé ? » Je demande, mes doigts prêts à tirer une carte.

Le rire satisfait d'Aigawa fuse dans la rue. Pourquoi parait-il si confiant ? A sa place, je redouterai mon jeu. Ce n'est pas pour rien que j'ai atteint la phase finale du tournoi de Bataille-Ville.

- « Etant donné que je n'ai fait qu'attaquer jusqu'ici, je peux invoquer un monstre. J'en appel à l'Abysse Gishki [800|500] ! Et son invocation me permet d'ajouter un monstre Gishki d'une défense maximum de 1000 points à ma main. »

C'est ainsi qu'il pioche un énième de ses monstres aquatiques. Cependant, il s'empresse de la glisser dans sa défausse.

- « Et en envoyant mon Ombre Gishki au cimetière, je peux récupérer une carte magie de mon deck que je vais activer immédiatement : l'Aquamiroir Gishki ! »

L'hologramme d'un miroir à l'armature d'or s'échappe un énorme monstre aux allures de démon à quatre bras. Son hurlement provoque des effluves de fumées aux abords du terrain où des curieux s'amassent pour assister au duel.

- « Prépare-toi à succomber face à mon Zielgigas Gishki [3200|0] ! »

Bon, il va me falloir peut-être un plus que de la chance au niveau de mon tirage. Un miracle me semble plus approprié.

- « Et avant de conclure mon tour, je choisis de céder 1000 de mes points de vie pour activer la capacité spéciale de mon Zielgigas. Celui-ci me permet de piocher une carte de mon deck et de te la révéler. »

Ses épaules s'agitent alors qu'il découvre sa carte puis la brandit vers moi sans une once d'hésitation.

Force Miroir. Il fait donc partie de ces connards qui possèdent cette carte en trois exemplaires.

Le contraire m'aurait surpris. Bien sûr, il ne se fait pas prier pour l'insérer directement dans sa zone magie et piège. Néanmoins, je ne prévois pas de tomber une seconde fois dans son piège.

- « Je t'en prie, c'est à toi.

- Enfin, j'étais sur le point de m'endormir. »

Mais mon faux regain de confiance s'efface à la vue de ma main. Il me faut plus de temps.

- « Je pose une carte ainsi qu'un monstre faces cachées !

- C'est tout ? »

J'inspire profondément et maintiens le contact visuel avec Aigawa. Hors de question de le laisser imaginer une seule seconde qu'il peut me vaincre à mon propre jeu. Il existe une possibilité pour m'aider à retourner la partie en ma faveur.

- « Profite du peu de répit que je t'accorde. » Je siffle en croisant les bras sous ma poitrine.

- « Permets-moi d'en douter. » Il tire une nouvelle carte et la pose sur son disque. "J'invoque l'Ombre Gishki en mode attaque [1200|1000] ! »

Vas-y mon chéri, attaque-moi.

- « Ombre Gishki, Bête Gishki et Zielgigas, réduisez ses vulgaires moutons en cendres ! »

Bizarre, il ne s'aventure pas à toucher à mon unique monstre face cachée. Tant pis, ce n'est que partie remise. J'observe mon côté du terrain. Ma défense se limite désormais à ma Dame Guerrière D.D. [1500|1600] et elle possède une défense suffisante pour contrer tous les monstres d'Aigawa, excepté son Zielgigas [3200|0]. Et quand bien même il oserait la détruire, j'activerai son effet pour me débarrasser de son démon. 

- « A moi ! »

On est foutu.

Non, au contraire, je peux retourner cette partie comme je l'ai fait ce jour-là. Alternant entre Aigawa et ma main, je sélectionne un monstre de ma main et la pose en mode défense, face cachée. Je ne garde que mon Âme de Pureté et de Lumière. Grâce au Duo Gellen et à l'Ange O7 dans mon cimetière, je peux d'ores et déjà l'invoquer spécialement. Cependant, avec la présence de son Zielgigas, je dois attendre le bon moment. Mon disque de duel affiche toujours 4000 points, Aigawa n'est toujours pas parvenu à me soutirer le moindre dégât direct tandis qu'il s'est infligé 1000 points. Techniquement, j'ai encore l'avantage.

- « A toi.

- C'est bien ce que je pensais. Ta victoire n'était due qu'à la chance du débutant. »

Je grimace. A l'époque, je pensais la même chose que lui, que ma victoire ne provenait que d'une grande dose de chances et d'un alignement parfait des planètes. Mais maintenant, je refuse de croire que mes exploits aux côtés de Joey et Yugi ne se résument qu'à des coups de poker !

- « C'est ce qu'on va voir !

- Désolé, mais tout est déjà vu ! J'active la Marmite d'Avidité et tire donc deux nouvelles cartes. »

Son visage s'illumine dangereusement. J'entends d'ici les spectateurs les plus proches commenter son attitude aussi inquiétante que ridicule.

- « Ensuite, je sacrifie 1000 autres points de vie pour activer l'effet de mon Zielgigas et piocher une carte ! »

Cela commence à faire beaucoup de cartes piochées...

- « Enfin ! Tu sais quoi, petite ? J'ai omis de t'expliquer tout l'effet de cher Zielgigas alors permets-moi de me rattraper.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Lorsque j'utilise l'effet de mon démon et que la carte que je pioche s'avère être un monstre Gishka, je peux désigner une carte de ton côté du terrain et la renvoyer dans ton deck ! »

Comme il l'avait pressenti, il renvoie ma Dame Guerrière D.D. dans ma pioche. Certes, cela handicape fortement ma stratégie, mais je possède une solution de rechange, à savoir ma Petite Fille Malheureuse [0|100].

- « Tu ne m'as pas l'air inquiète. » Remarque Aigawa, dont le sourire commence sérieusement à me taper sur les nerfs. « Cela risque de changer bien vite car je décide de révéler ma carte piège : Méditation Aquamiroir. Si je possède un Aquamiroir Gishki dans ma main, je peux récupérer deux monstres Gishki dans mon cimetière. »

Attends, s'il détient une autre carte rituelle dans sa main...

Je ferme les yeux. Non, je n'étais pas préparée à cette éventualité.

- « J'active mon second Aquamiroir Gishki pour invoquer un nouveau Zelgigas Gishki sur mon terrain ! »

Les mâchoires serrées, je tâche de garder mon calme. Il me reste une ultime solution pour gagner du temps. Je n'ai pas d'autres choix.

- « Voyons voir si j'ai encore de la chance. Je sacrifie 1000 points de vie et... Oh ! Mais que vois-je dans ma main ? Un autre monstre Gishki ! Tu peux dire au revoir à ta créature face cachée ! »

Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave. Pourtant, mes sens s'affolent, tous ces hologrammes me donnent des sueurs froides.

- « Tu sais ce que cela signifie ? Que je vais désormais t'attaquer avec tous mes monstres !

- Un instant ! » Je rétorque en brandissant mon bras droit. "J'active ma carte piège Capitulation Forcée ! J'envoie mon Âme de Pureté et de Lumière au cimetière pour...

- Typhon d'Espace Mystique, aspire son piège ! »

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que ma carte piège continue se désintègre. La phase d'attaque d'Aigawa reprend donc son cours et, avant même que je n'ai pu comprendre ce qu'il venait de se produire, ses deux Zielgigas s'élancent sur moi et balancent leurs huit poings contre mon disque de duel.

Les nombres sur l'écran défilent et chutent jusqu'au zéro fatidique. J'écarquille les yeux, figée sur ce chiffre que je n'avais presque jamais vu.

 

Ce n’est pas possible… Je ne peux pas…

 

[1] « Aborder les problèmes sous un autre angle, huh ? »

Laisser un commentaire ?