Âme de Pureté

Chapitre 41 : Orichalcos: chapitre 41

5842 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 15:04

Pour une raison qui m’échappe, Yugi possédait la clé de la salle externe du bureau de Maximilien Pegasus. Quelle ne fut pas leur surprise de trouver sur le sol la carte de l’âme de ce dernier déchirée en deux morceaux. Téa a conclu qu’il s’agissait là de l’œuvre de Mai Valentine. Un peu tourmentée, je ne l’ai pas contredite et tout le monde a accepté cette explication sans sourciller. Après tout, elle était à l’origine de toute cette pagaille à mes yeux, alors pourquoi ne pas lui faire porter le chapeau ?

Dans une pièce sombre décorée par les soins de Pegasus, nous sommes tombés sur un enregistrement holographique dans lequel il avouait avoir échoué et que son âme lui avait été ôtée. Après les révélations de Dartz, son air grave ne m’a pas ému une seule seconde. Si j’avais pu détruire la capsule de l’enregistrement, je l’aurais fait sur le champ. Comme je m’en doutais, Pegasus connaissait Dartz et nous a mis en garde contre ses desseins de mettre un terme à l’humanité. Il a donc confié une carte vierge à Yugi, supposé sauver le monde.

Quelle joie ce doit être d’avoir le sort de l’humanité toute entière sur ses épaules. Nous devrions pimenter un peu tout ça.

Egal à lui-même, Kaiba a refusé de croire en ces histoires de vol d’âmes. Quel idiot. Si seulement je pouvais échanger son âme contre celle de Zoé, il fermerait enfin son clapet. Toujours est-il que Monsieur a décidé de rentrer à la Kaiba Corp tandis que nous prenons la direction de la résidence du professeur Hawkins à bord de la voiture de Duke. Ma décision a surpris Chris, avec qui j’avais effectué le voyage aller. Mais je ne pouvais décemment pas lui avouer que j’étais peut-être sur le point de retirer les âmes de ceux que j’avais appelé « ma bande de copains japonais bizarres ».

- « Comment Mai a-t-elle pu… »

Au cours du trajet, Joey marmonne sans cesse la même rengaine depuis dix minutes. Les raisons données par Mai ne m’ont pas convaincue. Comment peut-on décider d’éradiquer la civilisation tout ça pour un peu de pouvoir ? Cela m’échappe complètement.

Heureusement que tu n’as pas vécu à mon époque, quelques proches d’Atem avaient le même raisonnement que ta chère Mai.

Je serre les poings. Zoé…

- « Au fait, comment tu t’es retrouvée ici ? » Me demande soudainement Joey.

- « C’est vrai ça. » Ajoute Téa d’un ton suspicieux. « C’est étrange qu’on se retrouve exactement au même endroit ! »

Mes doigts se baladent nerveusement le long de mes cuisses. Peut-être aurais-je dû opter pour un retour au Japon avec le jet de Pegasus. Mais rien que de penser à lui me donne la nausée.

- « Le majordome de Pegasus était inquiet de ne plus avoir de ses nouvelles donc je l’ai accompagné. »

Mes explications sonnent terriblement faux et au vu du raclement de gorge de la grande brune, elle n’y croit pas non plus. Je m’apprêtais à livrer une partie de ma journée quand Yugi change brusquement de conversation. Sûrement a-t-il compris que je n’avais pas envie de m’étendre sur le sujet. Soulagée, je m’appuie contre le dossier de la décapotable. Mes mèches blondes virevoltent dans tous les sens et le vent s’engouffre dans mon sweatshirt. Je ferme mes paupières un instant. C’est agréable. Soudain, un frisson me parcourt quand une chaleur s’empare de mes doigts. J’ouvre les yeux et constate que, tout en fixant l’horizon, Joey caresse le bout de ma peau. Il était bien plus proche de Mai que je ne le suis, je n’imagine pas le combat intérieur qu’il doit se livrer en ce moment. Mon index s’enroule le long du sien et le serre doucement. Au fond, je regrette qu’il n’ait pas été à mes côtés plus tôt. Je suis incapable d’expliquer le merdier dans lequel je me suis encore fourrée. En lui jetant un regard en coin, je remarque que le sien s’attarde sur le bandage qui entoure ma main. J’étais si absorbée par l’envie de me venger de Mai que je n’ai pas pris le temps de changer mon pansement, devenu brun de sang séché.

- « Je ramènerai Mai à la raison, coûte que coûte. » Soupire Joey en fronçant les sourcils.

J’acquiesce en silence. La solitude et les défaites l’ont transformée en une femme pleine de ressentiments et d’un imparable désir de vengeance. Un grognement s’étouffe au fond de ma gorge. Et moi alors ? Que suis-je dans toute cette histoire ? Je doute réellement que d’enfermer l’âme de grands duellistes comme Yugi et Kaiba me permettent de récupérer l’âme de mon amie. Mais ai-je d’autres solutions ?

 

Au bout du chemin, à la tombée de la nuit, nous sommes tombés sur une jeune fille aux allures de collégienne. De ce que j’ai compris, il s’agit de la petite-fille du professeur Hawkins, Rebecca, dont le grand-père vient étrangement de se faire enlever avant que son laboratoire secret ne soit réduit en cendres. Blottie dans les bras de Yugi, elle nous supplie de lui venir en aide.

Cette Rebecca ne me dit rien qui vaille.

Tu dis ça uniquement parce qu’elle câline Yugi sous tes yeux. D’ailleurs, en parlant de jalousie, je note l’incroyable sang-froid de Téa qui se retient de les séparer. Quel tombeur décidément ce Yugi Muto.

C’est ainsi que nous avons momentanément élu domicile dans un camping-car appartenant aux Hawkins. De toute évidence, son grand-père a été enlevé par les disciples de Dartz dont Mai fait partie.

- « Je vais faire un tour. » Je déclare en me levant brusquement de mon siège.

Rester enfermée ici ne m’aidera pas à réfléchir. Tout ce flot d’informations me fout la migraine et je me sens incapable de dormir. Lorsque je m’apprête à refermer la porte du véhicule, celle-ci se bloque et une voix s’élève dans mon dos.

- « C’est une mauvaise idée de s’éloigner d’ici. Qui sait si les gens qui ont enlevé le professeur Hawkins ne vont pas revenir. » Me prévient Joey.

Bras croisés sous ma poitrine, je hoche imperceptiblement la tête. M’enfuir de ce désert californien n’était pas dans mes plans. Je désirais juste m’éloigner un peu de l’effervescence du groupe. D’ailleurs, alors que nous avançons dans l’obscurité de la nuit, la porte du camping-car s’ouvre à nouveau. Cette fois, ce sont Yugi et Rebecca qui décident de s’isoler. Ils ne nous ont pas remarqué dans la pénombre et se dirigent tout droit vers les ruines du laboratoire du professeur. Je ressens un léger pincement au cœur pour cette gamine.

- « La pauvre. D’abord son grand-père, puis sa maison qui explose… »

Une main réconfortante se pose sur mon épaule.

- « Rebecca est forte et nous allons ramener le professeur Hawkins dès que possible ! »

Son éternel discours positif m’arrache un soupir. Des fois, j’aimerais être capable de voir le verre à moitié plein comme lui. Mais les événements récents m’obligent à appréhender un futur plus que sombre. Le jeu de cartes de Pegasus lui a complètement filé entre les mains. Pire, elles sont devenues de véritables armes.

- « Au fait, par rapport à tout à l’heure, comment tu as su pour le Sceau d’Orichalque ? »

Mes membres se raidissent à la question du grand blond. Je savais qu’à un moment ou à un autre, je devrais répondre de mes actes. Pourtant, j’espérais pouvoir repousser l’échéance le plus tard possible. Ses yeux bruns me brûlent les joues et m’assèchent la gorge. Je piétine nerveusement sur place à la recherche d’une tournure adéquate.

- « Je le sais à cause de Mai. »

Joey me semble soudainement tendu. Sa main sur mon épaule descend et se crispe sur mon bras.

- « Merde… Je ne comprends pas comment elle a pu passer de l’autre côté. Il faut absolument qu’on la ramène à la raison pour l’empêcher de nuire. »

Son ton déterminé ne suffit pas à me rassurer. La réaction de Mai m’a parue complètement déplacée. A moins que Dartz ne soit parvenu à lui laver totalement le cerveau, je ne saisis pas les raisons d’un tel changement.

- « Au moins, elle ne t’a pas fait de mal. » Ajoute-t-il d’un œil bienveillant.

Instinctivement, je baisse le visage vers le sol sableux et tapote la poche de mon sweatshirt. Mai. Elle a fait bien pire que de me blesser. Nous sommes seuls et excentrés, c’est l’occasion pour moi de tout lui déballer avant qu’il ne l’apprenne de la pire des manières. Bien décidée à lui raconter toute la vérité, je remonte mon visage sur le sien et croise nos regards.

- « Joey, je dois t’avouer quelque chose de très important. » Je commence, essoufflée.

Il sursaute légèrement. De toute évidence, il ne s’attendait pas à cette réaction de ma part. Au moins, je suis certaine d’avoir toute son attention. Je me prépare à lui balancer ma bombe quand une ombre s’approche brusquement de notre emplacement.

- « Lore-chan. »

Bon sang, toute mon assurance chute à l’arrivée soudaine de Yugi, qui a visiblement abandonné son hôte un peu plus loin. Malgré l’obscurité, je décèle ses orbes améthyste qui me traversent de part en part. Un profond sentiment de malaise d’insinue en moi au et à mesure qu’il s’approche. Joey demeure le seul à ne rien remarquer.

- « Hé Yug’, comment tu te sens ? »

Celui-ci lui répond par un sourire un peu gêné.

- « Ça peut aller. On va s’en sortir, j’en suis sûr et certain !

- C’est ce que je voulais entendre ! On va botter le cul à ses putains de clowns ! »

Leur échange sonne beaucoup trop optimiste à mes oreilles. Si seulement Yugi pouvait retourner dans le camping-car. Malheureusement, je ne me vois pas l’expédier de la sorte sans une bonne raison à leur fournir.

Dis-lui simplement que tu as envie de fourrer ta langue dans la bouche de son meilleur ami et il devrait détaler comme une vierge effarouchée.

Mes joues se réchauffent aux évocations d’Eléonore. Heureusement que personne ne peut me voir dans cet état.

- « Lore-chan, est-ce que je peux te parler en privé ? » Me demande Yugi en adressant un regard désolé à son ami.

- « Pas de problème, je vais vous laisser. » Obtempère-t-il presque immédiatement avant de se tourner vers moi. « Mais qu’est-ce que tu voulais me dire de si important ? »

Mes yeux valsent entre les deux duellistes. Mon envie de tout lui avouer est retombée comme un soufflet raté. Embarrassée, je glousse une main contre la bouche et cherche vaguement une excuse.

- « J-je… Je pense enfin avoir trouvé un moyen d’expliquer à ta sœur pour le « fist » de l’autre fois ! » Je m’exclame d’une voix trop aigüe pour paraître naturelle. 

Un petit cri de surprise s’échappe de ma bouche quand sa main s’abat au creux de mon cou et me force à le regarder. Mes yeux s’écarquillent, impossible de m’en défaire tant sa poigne est impressionnante. Il penche sa bouche vers mon oreille pour que Yugi ne l’entende pas.

- « Garde ça sous le coude, on en discutera tout à l’heure. »

Impossible de lui mentir, décidément. Après un signe amical à son ami, Joey défait son emprise et rejoint le camping-car, accompagné de Rebecca qui nous jaugeait de loin.

- « Comment tu te sens ? »

Au vu de son ton doux, il ne s’agit pas du pharaon mais bien du petit Yugi. D’un bref geste de la main, il m’invite à marcher un peu plus loin. Être seule avec lui ne m’apaise pas, bien au contraire. Si ce Dartz est bel et bien capable de ramener l’âme de Zoé en échange de celles de puissants duellistes, alors il est clair que je devrais vaincre Yugi au cours d’un duel.

- « J’ai connu des jours meilleurs. » Je soupire en retour, mains dans les poches.

Son regard vagabonde des ruines jusqu’à moi, s’attardant quelques secondes sur ce paysage perdu au beau milieu de nulle part.

- « Lore-chan, je…

- Mh ?

- Est-ce que tu détiens le Sceau d’Orichalque ? »

Mon cœur rate un battement, mes traits se tendent et mon souffle se coupe momentanément. Impossible de le regarder dans le blanc des yeux. Comment a-t-il… ?

- « Le pharaon… Enfin, je veux dire Atem, il ressent des vibrations obscures de ton côté depuis tout à l’heure. 

- Où étais-tu ce dernier mois, Yugi ? C’est moi qui lui fais de l’effet, c’est évident ! »

Mieux ne vaut pas qu’il sache.

Mieux ne vaut pas qu’il sache. Il risquerait de ne pas comprendre.

- « Q-Quoi ? Non, je veux dire… »

La remarque d’Eléonore l’a complètement désarçonné. Il n’en faut pas plus pour que le puzzle du Millénium autour de son cou commence à scintiller. Dans la pénombre, je dénote les traits de son visage s’aggraver.

- « Je sais qu’il s’agit du Sceau d’Orichalque. » Déclare-t-il presque sèchement. « Je ne comprends pas pourquoi, mais une force sombre émane de ton cœur et elle s’apparente à ce que j’ai ressenti lorsque j’ai affronté l’un des sbires de Dartz. »

Une force sombre émane de mon cœur ? Il a vraiment tendance à tout dramatiser ton copain égyptien.

C’est un héros, il est obligé de sortir ce genre d’inepties pour gagner en charisme. On finit par s’y habituer, tu verras.

Penaude, je tente de dissimuler ma gêne en glissant mes mains dans mon dos. Bien que ses inquiétudes soient fondées, je n’ai pas encore pris ma décision et je ne souhaite pas qu’il s’en mêle.

- « Tu devrais te reposer, Atem. » Je déclare simplement d’un ton léger. « Si le monde est en danger et que c’est toi qui as été choisi pour le sauver, alors tu ne devrais te focaliser que sur ça.

- Je ne pourrai pas accepter qu’une autre de mes amies ne succombent aux desseins de ce Dartz. Dis-moi, détiens-tu oui ou non un Sceau d’Orichalque ? »

Qu’est-ce qu’il est pénible… Lasse de lui répondre, je plonge une main dans ma poche et découvre la fameuse carte confiée par Mai Valentine. Ses poings se crispent. Que va-t-il faire maintenant ? Me la subtiliser pour m’empêcher de nuire ?

- « Je n’ai rien avoir avec eux, Atem. Crois-moi. » Je balbutie avant de ranger précipitamment la carte.

- « Donne-la-moi dans ce cas. »

Un frisson me traverse de la tête aux pieds. Je n’apprécie pas son air autoritaire et lui lance un regard noir qu’il ne saisit pas. Sa main se présente à ma hauteur. Il me toise comme un père qui ordonne à son gosse de lui rendre un jouet volé. Eléonore, désolée mais il n’est pas question de…

Mon poignet balaie sa main d’un revers. Ce mouvement ne provient pas de ma propre volonté.

- « Hors de question que tu décides à notre place, chéri. Tu en as assez fait comme ça. »

Zoé est quelque part et elle a besoin de moi. Si cette carte est mon unique billet pour sa liberté, alors peut-être que cela vaudrait le coup d’essayer.

- « Dans ce cas, je te défie en duel. »

Bras ballants, je cherche sur son visage la moindre trace d’une plaisanterie. Un duel, ici ? Au beau milieu de la nuit alors que les kidnappeurs du professeur Hawkins rôdent dans les parages ? Il est devenu complètement fou, ma parole ! Effarée et sur le point de retourner dans le camping-car, Atem épingle mon épaule de sa main pour m’empêcher d’avancer.

- « Je suis sérieux. Si tu me prouves que tu es capable de me battre en duel, je te laisserai garder cette carte. Si tu perds, tu devras me la confier jusqu’à ce que je mette un terme aux desseins maléfiques de Dartz. »

Son genre solennel commence sérieusement à me gonfler. Son statut de héros autoproclamé ne justifie en rien le droit de me voler cette carte.

- « Et qu’est-ce que j’y gagne ? Tu m’as déjà vaincue l’autre soir, je n’ai aucun intérêt d’accepter ta proposition ! »

Certes, mon niveau de duelliste s’est amélioré depuis mes premiers combats en ligne, mais je suis loin d’arriver à la cheville du champion du monde.

- « Eléonore, accepte ce duel. »

Sa demande me glace le sang. Mes lèvres s’étirent malgré moi dans un sourire crispé. Intérieurement, je perds peu à peu le contrôle de mes membres. Si mon cœur me hurle de le supplier d’arrêter ça, mon cerveau lui ne répond plus de rien. Je tressaille lorsqu’un rire strident fuse de ma bouche et brise le peu de calme qui régnait jusqu’ici.

- « Vraiment, Atem ? N’est-ce pas toi et ta bande d’empotés qui suppliaient ma chère et tendre hôtesse de me contrôler, de paralyser mes moindres faits et gestes ? Tu es vachement gonflé. »

A la fois satisfaite et surexcitée, Eléonore se tourne vers les ruines pour rire à gorge déployée. Incapable de bouger le moindre petit doigt, j’angoisse. Mon cœur tambourine contre ma poitrine, affolé par les sentiments contraires qui s’entremêlent dans mon corps. Tout en mordant l’ongle de mon pouce, elle revient vers Atem et le toise en plissant les yeux de désir.

- « J’accepte ta proposition. Il est grand temps de te prouver toute l’étendue de mes pouvoirs, mon chaton. »

Q-Quoi ? Eléonore, non ! Il en est hors de question !

Cesse de te débattre, j’ai la situation bien en main.

Atem aborde un large sourire, très vite troublé.

- « Ne t’en fais pas Yugi, je sais ce que je fais. » Marmonne-t-il à l’attention de son hôte.

Par à-coups, j’essaie de me dépêtrer de cette paralysie, en vain. Yugi non plus ne veut pas de ce duel, je peux le sentir à travers ses membres tendus.

- « Mais d’abord, je veux que tu me donnes ton Sceau d’Orichalque pour être certain que tu ne la joues pas au cours de ce duel. »

Evidemment, aucun d’entre nous n’a envie de prendre le risque de perdre son âme. Ce duel forcé est suffisamment contraignant. Eléonore enfonce sa main dans ma poche et lui tend la carte, face retournée. Le pharaon la reçoit et la range dans son compartiment à cartes, accroché à sa ceinture gothique.

- « Allons-y. 

- Allons-y. »

Chacun équipé de son disque de duel, ils mélangent le deck adverse en silence avant de l’insérer dans l’appareil. Après de multiple tentative de mettre fin à ce duel, j’abandonne toute contrattaque et laisse Eléonore se servir de mon corps comme bon lui semble. Ce duel n’a aucun sens. Si je perds, jamais je ne pourrai pas savoir si la puissance de l’orichalque pouvait ramener Zoé. Eléonore s’éloigne de plusieurs mètres et active le disque de duel.

- « J’espère que tu ne me sous-estimes pas, chéri. 

- Tu m’as raconté que Lorène livrait tous les duels jusqu’ici, mais je m’attends à un combat mémorable, Eléonore. »

Ses paroles suffisent à la faire frémir. Lorsque je pioche mes cinq premières cartes, les crampes s’interrompent brutalement. Décontenancée par ce regain de liberté, je manque de tomber sous le poids du disque de duel.

- « Qu’est-ce que… »

Tu ne croyais quand même pas que j’allais livrer ce duel moi-même ? C’est toi l’experte.

- « Tu te fous de ma gueule ?! »

Nous allons remporter ce duel. Fais-moi confiance, jamais je ne laisserai Atem décider à notre place. Jamais deux fois la même erreur.

Les beaux discours de l’esprit ne m’atteignent pas. Toutefois, je n’ai pas l’impression que me défiler soit la bonne solution. A peine aurai-je décidé d’appuyer sur le sommet de mon disque de duel qu’Eléonore reprendra le contrôle pour poursuivre le duel. C’est tellement injuste…

- « Je te laisse la main. » Déclare Atem, sourd à mes soupirs.

Quand j’imaginais un duel contre le meilleur joueur de Duel de Monstres, je m’attendais à l’affronter dans un stade plein à craquer où fuseraient les encouragements d’un public en délire. Pas dans un putain de désert lugubre au beau milieu de la nuit. Les pensées d’Eléonore ne se mélangent plus aux miennes. Il faut croire qu’elle a décidé de se retirer pour me pousser à se battre à sa place. Mon appareil affiche 4000 points, je le fixe, abattue, puis reporte mon attention vers ma main.

- « Le destin du monde est entre nos mains ! » S’exclame mon adversaire.

Une poussée d’adrénaline me monte subitement à la tête.

- « Sauve-le tout seul ton putain de monde ! » Je vocifère.

Mes cordes vocales tremblent. Ma respiration se saccade comme si je venais de courir un marathon de vingt kilomètres. Je bouillonne sous mon pull qui m’étouffe de plus en plus. Ma réaction un peu trop excessive a au moins eu pour effet de lui fermer le clapet le temps de mon tour.

- « J’invoque Day Grepher le Chevalier en mode attaque [1700|1600] ! Ensuite, je pose une carte face cachée et je termine mon tour. »

Pas de quoi casser trois pattes à un canard. Eléonore peut calmer haut et fort que nous ne perdrons pas ce duel, mes chances de gagner contre un type aussi doué que Yugi relèverait de l’exploit. Il suffit de se rappeler le nombre de fois où Seto Kaiba a tenté de le défaire de sa place de champion. Si même un acharné comme Kaiba n’y est jamais parvenu, alors une petite joueuse comme moi… C’est tout bonnement impossible.

- « A moi ! J’active tout d’abord la Marmite d’Avidité ! Cette carte me permet de tirer d’en tirer deux nouvelles de mon jeu. »

Pourquoi s’emmerdent-ils toujours à expliquer l’effet de cette magie que tout le monde joue au moins une fois à chaque duel ?

- « Parfait, je vais ensuite activer une autre carte magie : le Typhon d’Espace Mystique ! »

Fais chier. Mon Cylindre Magique atterrit tout droit au cimetière. Plus rien ne protège mon chevalier.

- « Avant de terminer mon tour, je pose un monstre ainsi que deux autres cartes faces cachées. »

Sa stratégie défensive ressemble point par point à celle qu’il a utilisé contre moi lors de notre faux tournoi. Mes épaules s’affaissent tandis que je tire une nouvelle carte. C’est peine perdue.

- « Hé, qu’est-ce vous foutez ! »

Plusieurs voix s’élèvent au loin et se rapprochent dangereusement de notre champ de bataille. On dirait bien que notre vacarme ait atteint le camping-car. Tout le monde - même les deux garçons étranges qui accompagnaient le groupe – a quitté le véhicule pour se poster aux bords du terrain.

- « Ce n’est pas contre vous. » Poursuit Duke, mains sur ses hanches fines et élancées. « Mais vous pensez vraiment qu’un duel à une heure pareille soit une bonne idée ? »

Je profite de sa remarque pour rebondir.

- « Je ne te le fais pas dire. C’est lui qui a insisté ! »

Tous les regards se portent sur Atem. Néanmoins, il lui en faut bien plus pour perdre de son assurance naturelle.

- « Il fallait que je l’affronte. 

- Développe un peu, je ne comprends rien du tout à vos histoires. » Râle Joey.

- Joey. Je n’ai pas d’autres choix que de l’affronter maintenant. Nous courrons tous un grave danger tant qu’elle sera en possession du Sceau d’Orichalque. »

La bombe a été lancée. La tête enfoncée dans mes épaules, je réprime un grognement de frustration. Certes, je détenais bel et bien cette carte, mais je ne comptais pas m’en servir contre eux ! Du côté des spectateurs, Téa recule d’un pas et me foudroie de ses yeux bleus.

- « Oh mon Dieu ! Mais c’est horrible ! »

A les écouter, je représente une sérieuse menace contre l’humanité. Evidemment, Eléonore n’est pas enclin à intervenir, préférant se terrer au fond de mon âme plutôt que d’assumer son choix. Le plus dur à cet instant, c’est de soutenir le regard que m’envoie Joey, manifestement perdu.

- « Qu’est-ce qui se passe, Lorène ?

- R-Rien du tout. J’ai simplement reçu le Sceau d’Orichalque de la part de Mai il y a de cela plusieurs jours, mais jamais je ne comptais prendre l’âme de qui que ce soit ! Je ne comprends même pas pourquoi Atem tient à ce point que je l’affronte !

- Pour protéger tous mes amis. » Conclut-il si vite qu’un long silence s’en suivit.

Ses sous-entendus me percutent violement. En dépit des explications d’Eléonore et de leur passé commun, nous demeurons encore et toujours les vilains petits canards du groupe. Ceux qui ne peuvent pas être bons. C’est écrit et c’est ainsi. Au final, Atem ressortira d’ici victorieux et connu comme celui qui a empêché ses amis de tomber aux griffes du méchant Dartz et de son Sceau d’Orichalque. Une profonde envie de l’applaudir me secoue les entrailles. Sans conviction, je me contente de tirer une nouvelle carte.

- « J’invoque le Ninja Blanc en mode attaque [1500|800]. Day Grepher le Chevalier [1700|1600], attaque son monstre face cachée ! »

Armé de sa longue épée, mon chevalier se lance à l’assaut de sa carte et se heurte à un immense bouclier.

- « Malheureusement, mon Gadna le Bouclier Géant possède suffisamment de défense pour parer ton attaque [100|2600]. »

Mon compteur de point de vie chute à 3100. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot. A force d’observer ses duels, j’ai fini par me familiariser avec ses champions fétiches.

- « Sauf que l’effet de ton Gadna l’oblige à passer en mode attaque dès qu’il a été attaqué ! Ninja Blanc, attaque son monstre ! »

Malgré ses deux cartes faces cachées, Atem n’en active aucune et subit 1400 points de dégât direct, de quoi me donner l’avantage.

Tu vois qu’on a des chances de le battre.

Tiens, tu es de retour, toi ? Bien sûr que je vais perdre, mais il est hors de question que je le laisse s’en sortir sans égratignure. Ce serait une insulte quant aux grands progrès que j’ai faits depuis le début !

- « Je pose une carte face cachée et je termine mon tour. »

De l’autre côté du terrain, le pharaon semble plongé dans une intense réflexion. L’autre Yugi, j’espère qu’il ne me considère pas comme une nuisible. Celui qui est responsable de cette comédie n’est nul autre qu’Atem, pas lui.

- « Je pioche ! » Déclare-t-il avant d’esquisser un sourire. « J’active la Renaissance du Monstre pour ramener mon Gadna le Bouclier géant en mode défense [100|2600] ! Enfin, je pose un monstre et une carte face cachée. »

Je l’ai connu beaucoup moins passif.

Que je l’attaque, c’est tout ce qu’il souhaite. Ses cartes faces cachées s’apparentent certainement à des pièges. Mais qu’importe, je veux simplement que ce duel s’arrête le plus vite possible. Atem ne possède plus que 2600 points de vie et moi 3100. Il lui suffirait d’une Force de Miroir bien placée pour que je perde le duel.

- « Ce duel commence fortement à m’ennuyer. » Je maugrée en ajoutant une carte à ma main. « Day Grepher [1700|1600], attaque son monstre face caché ! »

Sans surprise, la défense de son monstre, le Chevalier de la Reine [1500|1600] ne suffit pas à parer le violent coup d’épée de mon guerrier.

- « Un instant ! » M’interrompt Yugi alors que j’étais sur le point de terminer mon tour. « Comme tu viens de détruire mon Chevalier de la Reine, j’active ma carte piège : Filin de Survie ! »

Ainsi, grâce à l’effet de sa carte, son monstre revient sur son terrain augmenté de 800 points d’attaque. Puisque mon Ninja Blanc n’est pas assez puissant pour la détruire, je le change en mode défense. Désolé Day Grepher, je ne peux plus te protéger.

Les tours suivants, Atem se contente de détruire mon chevalier et de réduire mes points de vie de 600. De mon côté, n’ayant aucune envie de poursuivre ce duel, je pose simplement une carte face cachée et termine mon tour sans sommation.

- « Leur duel n’a aucun sens. » Soupire Tristan en croisant les bras.

- « On devrait les arrêter, je ne sens pas du tout cette histoire. » Répond Joey dont le regard vacille entre son meilleur ami et moi. « Mais apparemment, Atem a quelque chose à prouver. 

- Vous ne l’avez pas écouté ? » Surenchérit Téa, bras pressés contre sa poitrine. « Atem dit que Lorène détient le Sceau d’Orichalque, c’est normal qu’il veuille s’en débarrasser avant qu’elle ne l’utilise contre vous ! »

Mes ongles s’enfoncent dans mes paumes. Leur cirque sur le côté m’irrite au plus haut point. Ils ne savent rien et se permettent d’émettre des jugements à mon égard.

- « Reviens un peu sur Terre, Téa. » Proteste brusquement Joey. « Jamais Lorène ne nous ferait du mal, je peux te le promettre. 

- Mais… »

Téa n’aura pas le temps d’ajouter quoi que ce soit que Yugi commence son tour.

- « Chevalier de la Reine [2300|1500], détruis son Ninja Blanc ! »

Alors que l’hologramme de la chevalière s’élance en direction de mon monstre, je lève subitement le bras.

- « J’active ma carte piège : Interruption de Raigeki ! Si je défausse une carte de ma main, je peux détruire ton monstre ! »

Tout en m’exécutant, je sauve la vie de mon ninja, seul protecteur de mes points de vie. Ma contrattaque n’impressionne en rien le pharaon, qui dépose une carte dans sa zone magie et piège avant de conclure son tour.

- « Pas mal. »

Je n’ai que faire de ses compliments. Qu’on en finisse au plus vite. Désormais, il ne reste plus que son Gadna pour protéger ses 2600 points de vie. Il me faut une carte capable de m’en débarrasser. Même une Ange de Loyauté me suffirait. Tout en fermant les yeux pour prier que la prochaine carte me soit favorable, je glisse mes deux doigts sur le sommet et mon paquet et en retire la première carte.

 

Mais…

Nous avons gagné.

Le bras qu’il maintient ma carte s’élève brutalement. Tel un vulgaire pantin, je me sens violement poussée en avant et pousse un cri d’effroi. Ma gorge se bloque et mes muscles se raidissent. Une étouffante bouffée de chaleur m’agrippe les entrailles quand Eléonore révèle la carte que je viens de tirer.

- « Prépare-toi, pharaon ! Aux noms des âmes que tu as bafouées par le passé et en mon nom, Lorène Yuurei, j’active le Sceau d’Orichalque ! »

Sans une once d’hésitation, Eléonore insère la carte dans l’emplacement du disque de duel, ignorant les éclats de voix qui lui ordonnent de ne pas commettre cet acte. L’appareil s’affole, des vibrations inhabituelles secouent mon bras alors que le cercle turquoise se forme à mes pieds et s’élargissent aux limites du terrain d’Atem.

Atem contre Zoé.


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