et pourtant...

Chapitre 36 : quand l'inconscient s'y met

Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/03/2013 20:33

Comment pouvait-il souffrir encore autant, aprés tout ce qu'il avait déjà souffert !? Il était plié en deux sous la douleur, les crampes et la nausée. Il était en sueur. Il avait un goût de métal dans la bouche.

Il comprenait maintenant l'expression « être malade d'amour », c'était tout à fait ça !

 

 

Il frappa de poing sur le mur. Stop, maintenant c'était assez, c'était trop... Il n'en pouvait plus... Il ne pouvait plus...

C'était terminé ! Il ne pouvait plus rester.

 

Quelques soient les sentiments de Christian à son égard, rien ne justifait l'attitude qu'il avait envers lui.

Le voir dans les bras d'une autre, alors que cela faisait six jours qu'il n'avait aucune nouvelle, alors qu'il ne s'était même pas donné la peine de s'excuser, était déjà dur. Mais qu'en plus, il lui lance ce regard défiant, conquérant...

 

Cela faisait six jours qu'il se mentait à lui-même, attendant un signe de Christian alors qu'il ne pouvait même plus prononcer, même plus penser son prénom. Et bien, il venait de l'avoir. Christian voulait clairement lui faire comprendre par ce regard où il se situait. Voilà, il avait compris.

Peut-être était-ce effectivement juste « une phase », un épisode de confusion... Mais il ne le saurait jamais.

 

 

Et il se sentait tellement à l'étroit dans cette chambre !

Il se sentait oppressé, il suffocait !

 

Il devait partir.

C'était fini, ça n'avait aucun sens de rester encore. Tout ce qu'il avait à gagner, c'était de souffrir encore, et ça, il ne pouvait plus se le permettre. Il était déjà dans un tel état. Il risquait de se perdre définitivement s'il restait encore.

 

 

Il chercha les valises sous le lit, et les jeta dessus. Il ouvrit les zip, se retourna, ouvrit la porte de l'armoire, et … son geste s'arrêta en plein mouvement.

La réalité de qu'il était en train de faire venait de le frapper en pleine face.

Il sentit toute sa peine, toute sa frustration, toute sa colère émerger tel un volcan.

Il se laissa tomber au sol, le dos appuyé contre le mur, les genoux repliés sur la poitrine. Il pleura à gros sanglots, n'essayant pas de les retenir. Il avait besoin de nettoyer tout ça, d'évacuer toutes ces émotions qui lui vrillaient l'estomac et la tête.

 

Quand la crise se calma, il se sentit complètement vidé.

Il se leva doucement, encore groggy et hébété, et commença à emballer lentement ses affaires.

 

 

 

                                                                          *

 

 

Christian rentra de la discothéque plus ou moins satisfait de lui. Il avait passé une bonne soirée, vraiment. Bon, bien sûr, il avait mis un temps à se remettre du départ d'Olli. Il avait dû faire semblant au début. Mais finalement il avait réussi à se mettre dans l'ambiance... enfin, à peu prés.

Et Myriam était géniale. Bien sûr, son sourire ne le faisait pas vibrer comme celui d'Olli, mais avec le temps, quand il serait parti...

 

- Déjà rentré !?

La voix de son frère le sortit de ses pensées. Il soupira. Il aurait préféré passer outre ses commentaires...

- Déjà... il est 1h30.

- Je rentrais à 1h30 quand j'avais 15 ans, Christian, pas 25... Est-ce que cela aurait plutôt à voir avec l'arrivée déroutante d'Olli ?

Christian sentit une boule se former dans sa gorge.

- Il était comment ?

- Pas bien.

Le ton froid de Gregor le mit mal à l'aise.

- Qu'est-ce que tu lui as encore fait ? demanda-t-il.

 

La question lui échauffa les esprits. Ce n'était pas sa faute cette fois !

Enfin...

- J'avais prévu d'aller dans cette boite, je ne pouvais pas savoir qu'il serait là ! Qu'est-ce que j'aurais dû faire !?

- En profiter pour t'excuser peut-être... ou changer d'endroit... En tout cas, certainement pas t'afficher avec quelqu'un d'autre devant lui. Tu connais ses sentiments, non ?

 

Christian détourna la tête. Il connaissait les idées de Gregor sur la situation, et ne voulait pas revenir là-dessus avec lui. Mais Gregor ne l'entendit pas ainsi.

- Tu comptes jouer au con avec lui combien de temps encore ?

- Je ne joue pas !

 

- Christian, Olli est arrivé plié en deux. Olivia a dû le soutenir pour monter les escaliers !

 

L'image de la fois où c'était lui qui avait dû l'aider lui revint en mémoire. Cette fois là aussi, c'était à cause de lui s'il en était arrivé là...

- Je t'ai dit que je n'étais pas bon pour lui...

 

- Mais tu es tout ce qu'il veut... Et si tu es honnête, tu admettras qu'il est tout ce que tu veux toi aussi.

 

 

                                                                        *

 

Olli venait de finir d'empaqueter ; il n'y avait pas grand chose au final.

Il se sentait toujours aussi vide.

Il n'avait plus de crampe à l'estomac, mais un sacré mal de tête... Il se dirigea vers l'étagére et chercha un comprimé et une bouteille d'eau. Ses yeux tombérent sur la tasse, encore.

Comment une si petite chose pouvait-elle prendre tant de place ? Il avait l'impression de ne voir qu'elle, toujours...

 

Il aurait voulu dire au revoir à Christian, à celui du début. Celui avec lequel il avait partagé tant de bons moments, tant de fou rire, tant de discussion... A l'ami qu'il avait cesser d'être le jour où il l'avait embrassé.

Mais ce Christian là n'existait plus... plus pour lui en tout cas.

 

Et il avait encore tellement de choses à lui dire !

 

Il fallait qu'il lui dise. Il ne pouvait pas partir sans lui avoir dit au revoir...

Mais il ne pouvait pas aller le voir non plus...

 

Il chercha un papier et un stylo. Il ne trouva qu'une feuille où il avait rédigé un poéme. Tant pis, il écrirait au dos. Il fallait qu'il le fasse maintenant. Le poéme était aussi pour lui de toute façon. Et puis peu importait au fond...

 

Il allait lui écrire, déposer la lettre, s'accorder quelques heures de sommeil... et il partirait au petit jour.

 

 

                                                                          *

 

 

Christian se réveilla dans un lit qui n'était pas le sien, dans une chambre qu'il ne connaissait pas, et chose encore plus étonnante, dans un pyjama, alors qu'il n'en portait jamais.

 

Il sortit du lit, et se sentit vieux et lourd, comme si une chappe de plomb l'écrasait.

Il se leva, passa devant un miroir... mon Dieu ! Ce ne pouvait pas être lui !

Il avait pris au moins vingt kilos !! Il avait le teint gris, la coupe de cheveux incertaine, des cernes, des rides... Mais que c'était-il passé !!??

Il sortit de la piéce. Trouva des escaliers.

En arrivant dans la cuisine, il vit une femme installée à la table du petit-déjeuner. Belle, apprétée, mais d'une tristesse... il la connaissait, mais n'arriva pas à la remettre.

- Ah Christian. Les papiers du divorce viennent d'arriver ; je te sers un café ?

Divorce ? Et cette voix... ? Myriam !

- Euh... oui merci.

Ses yeux tombérent sur le calendrier, le curseur indiquait une date : 04.04.13.

- Ca va Christian ? Tu as une sale tête... enfin, encore pire que d'habitude je veux dire...

Il releva les yeux sur elle.

- Quel divorce ?

Myriam soupira.

- Christian, c'était ton idée ! Ne me dis pas que tu as changé d'avis maintenant que les papiers sont là !? Tu sais que ça ne rime à rien de toutes façons ce mariage... Cela fait tellement d'années que ce n'est qu'une mascarade...

Christian déglutit...

Gregor, avec lui il pourrait parler, comprendre ce qui se passait !

- Ok... euh... je vais m'habiller et passer au No Limits, j'ai besoin de prendre l'air un peu.

Myriam eut l'air surpris.

- Qu'est-ce que tu veux faire là-bas ?

- Voir mon frère...

- Oh ! Je ne savais pas que vous vous reparliez !

Un frisson glacé le parcourut.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Ben, je pensais que vous ne vous étiez pas revu depuis 2010 ? Quand tu as raté tes études, et que tu as décidé d'abandonner au lieu de refaire ton année... Quand tout a commencé à partir en vrille... Quand tu as pris ce boulot nul et débilitant... Quand tu as arrêté de faire attention à tout, à moi, à toi...

Il y avait tellement de tristesse dans sa voix !

- J'ai fait ça...

- Christian, tu es sûr que ça va ?

- Et Olli ?

- Olli ?

- Le neveu de Charlie, le cousin d'Olivia.

- Christian tu devrais t'allonger, je t'assure que tu me fais peur là...

- Réponds s'il-te-plait... où est Olli ?

- Il est... mort... Tu étais à son enterrement... C'était en 2011 je crois... Ils l'ont retrouvé noyé, dans la piscine du bateau sur lequel il travaillait... Il avait bu et

- Non !

 

Non, non, non, non....

 

 

Il se réveilla en sursaut, dans son lit, dans sa chambre. Il se toucha, il était lui !

C'était un rêve... Ce n'était qu'un rêve...

Mon Dieu, quelle angoisse !!

 

Il tourna la tête, et vit que celle d'Olli était à sa place, à côté de lui, là où elle devait être.

Il avait eu tellement peur... Quel rêve ridicule ! Et pourquoi Myriam... il ne l'avait pas revu depuis des années !

Il se leva et but un peu d'eau à même la bouteille. Ses yeux accrochérent le panneau à côté du lit. Celui où ils exposaient toutes leurs photos souvenirs... Ils étaient tellement beaux et souriants sur chacunes d'entre elles !

Celle où il avait eu son diplôme, le regard qu'Olli posait sur lui était tellement fier ! Il se souvenait de sa présence et de son soutient lors de chaque examen.

Les photos du mariage de Gregor et des baptémes de ses trois enfants. Olli était toujours aussi sexy en costume...

Les photos de l'ouverture de leur centre d'activité pour enfants handicapés, sa plus grande fierté. Là encore, sans Olli il n'y serait pas arrivé... Bien sûr, c'était lui qui dirigeait les scéances, s'occupait des enfants, etc... Mais c'était Olli qui l'avait poussé à accomplir son projet jusqu'au bout, et c'était lui aussi qui s'occupait de la gestion et de la comptabilité, ce qui n'était pas rien...

Et bien sûr, les photos de leur mariage... du moins c'est comme ça qu'ils l'appelaient. Car pour eux, c'est ce que cela représentait. Olli était son mari, son homme.

 

Evidement, il y avait eu des moments moins drôles, comme partout toujours, mais il était vraiment heureux depuis lui...

Et dire qu'il aurait pû passer à côté de tout ça.

Dire qu'il avait failli laisser sa peur lui faire perdre tout ça...

 

Que serait-il devenu sans lui ?

 

 

 

La question résonnait dans la tête de Christian, en même temps que l'image de lui, le teint terreux, les yeux cernés, lourds d'ennui et de chagrin... le Christian de Myriam...

 

Il se leva d'un bond.

Etait-il bien réveillé cette fois !??

Il inspecta la piéce partout autour de lui... Tout semblait en place. Enfin, à la place que le vrai lui, enfin le Christian d'aujourd'hui,... Mais qu'est-ce qu'il racontait !? Il délirait complètement ! Tout ça à cause d'un rêve idiot...

 

C'était idiot, n'est-ce pas ? Sa vie n'allait pas s'arrêter juste parce-qu'il rejetait Olli. Il saurait en construire une sans lui, il saurait trouver le bonheur malgré tout !

 

Il s'assit sur le lit, et baissa la tête. Il n'arrivait même plus à se convaincre lui-même. Ca sonnait tellement faux.

Rien ne serait plus jamais pareil sans Olli. Ni la couleur du ciel, ni le chant des oiseaux, ni le parfum des fleurs... Tout paraissait fade et sans saveur quand il n'était pas là.

 

Comme l'avait souligné Gregor, il n'avait même pas pû ressentir de joie quand il avait enfin réussi son examen d'entrée, alors qu'il réalisait son rêve !

Et comme l'avait souligné son double virtuel, il n'y serait jamais arrivé sans Olli. Il n'aurait même pas passé les selections sans lui ! Il avait été là à chaque étape, le soutenant, le motivant, lui insuflant la force et le courage d'aller au bout, de se dépasser lui-même... Et tout ça, grâce à un simple sourire...

 

Comment pouvait-il envisager de ne plus jamais revoir ce sourire ?

Ou pire, de voir Olli l'adresser à quelqu'un d'autre...

 

 

Il se passa une main sur le visage.

Il chercha la bouteille qu'il gardait prés de son lit, et s'apperçut qu'elle était vide.

Il se rendit dans la cuisine, et se servit un verre.

Il allait retourner vers la chambre, quand il apperçut l'enveloppe posée sur la table.

 

 

 

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