In Medias Res - Star Wars Knights of The Old Republic

Chapitre 3 : Endar Spire & Taris - Embuscade

4760 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/05/2022 18:16

L'alerte générale retentit cette nuit-là. L'Endar Spire subissait des feux ennemis.

Le son strident de l'alarme nous sortit tous brutalement de notre sommeil. Lorsque j'ouvris les yeux, je remarquai immédiatement que les vitres avaient été occultées par le dispositif de blindage censé se déclencher automatiquement en cas d'événements comme celui que nous étions apparemment en train de traverser.


Dans les quartiers dans lesquels je résidais, nous étions cinq, dont Hannah et Harden, à être brusquement réveillés. Il n'a pas fallu longtemps à mes camarades pour comprendre ce qui se passait et agir. Comme par magie, ils abandonnèrent tous leur couchette et coururent hors du dortoir pour se rendre dans la zone où était entreposé notre équipement. N'étant pas encore tout à fait averti de ce qu'il convenait de faire dans une telle situation, je mis encore quelques longues, trop longues secondes à imiter mes compagnons. Alors que je rejoignais mon propre casier, je fus sévèrement interpellé par Harden :


« Bordel, bouge-toi ! C'est l'alerte générale, c'est très grave ! »


Je ne répondis rien et m'efforçai d'accélérer le rythme, dans la crainte que mon inexpérience ne compromette l'intégrité du groupe auquel j'appartenais. En toute hâte, je revêtis mon armure et empoignai fermement une épée basique qui m'avait été confiée. On ne m'avait pas officiellement autorisé à combattre avec une arme à portée ; même si leur fonctionnement et leur utilisation ne m'étaient pas totalement étrangers, ma brève instruction ne m'avait pas donné l'occasion de maîtriser ces armes dans les infinies conditions de sécurité imposées par la République. Je savais les employer, mais je ne pouvais pas le faire. Il me fallait donc me replier sur les armes de mêlée. Tandis que je sanglais le fourreau à ma ceinture, une voix saturée se fit entendre dans tout notre quartier, et résonna probablement dans le reste du croiseur :


« Alerte générale. Mobilisation de l'effectif combattant. Alerte générale. Mobilisation de l'effectif combattant. »


En vitesse, je rejoignis mes collègues qui se préparaient à quitter les quartiers. Je distinguai au loin notre Lieutenant Trask Ulgo, lequel avait déjà entrepris de faire le point :

« Mesdames, Messieurs. La situation est la suivante : les Sith ont intercepté l'Endar Spire. Ils sont après le Commandant Shan. Le Lieutenant Onasi a déjà chargé une équipe d'accompagner notre Commandant aux capsules de sauvetage de l'aile ouest. Au moment où nous parlons, ils doivent être tout proches. Vous neutraliserez tous les Sith que vous rencontrerez en vous dirigeant vers les capsules. Nous devons protéger Bastila Shan, coûte que coûte. Est-ce bien clair ? »


« Oui, Lieutenant ! » Clama à l'unisson tout le groupe.


« Alors, en route ! » Trask Ulgo termina d'une voix inspirée, puis il prit la tête de notre modeste unité, pour se rendre jusqu'à la destination visée.


Quand il eut déverrouillé le sas de notre quartier, qui débouchait sur un vaste couloir, on pouvait déjà entendre les bruits des combats. Aussitôt la porte ouverte, des tirs fusèrent à toute allure dans le corridor, et dans toutes les directions. Nous restâmes tous à l'abri pendant un court moment, et lorsqu'un calme tout relatif se réinstalla, nous nous lançâmes dans la lutte. Rapidement, je repérai cinq soldats Sith qui venaient manifestement de mettre hors d'état de nuire deux collègues venus d'un autre quartier. Ulgo et mes camarades trouvèrent tous des recoins pour se cacher du feu Sith imminent, et tous se préparèrent à leur future riposte. Quant à moi, je me retrouvai bien démuni avec ma bête lame et ma trop grande inexpérience. Un peu plus loin, je voyais Hannah me faire signe de la trouver, ce que je fis.


« Tiens Corem. » Me dit-elle en me tendant son pistolet blaster de secours. « Les règlementations, on se les carre où je pense. Les Sith sont là, et il est hors de question que je te laisse en première ligne désarmé à cause de réglementations stupides. Si on survit et qu'on te poursuit, tu diras que je t'ai menacé. »


Quelque peu abasourdi, je saisis néanmoins l'arme qu'elle me tendait ; une arme qui me procura un réconfort plutôt inattendu, bien que finalement très prévisible et légitime.


« Merci Hannah. » Fis-je avec gratitude.


Les Sith engagèrent le combat, et des kyrielles de lasers traversaient à nouveau le couloir, en notre direction.


Hannah se pencha et riposta, atteignant l'un des Sith à l'épaule. Mes autres collègues firent de même, et tuèrent deux des soldats. Tandis qu'ils entamaient une autre offensive, je décidai de me courber légèrement et de viser l'un des Sith, celui qui paraissait vouloir s'en prendre au Lieutenant. Je passai mon arme sur son mode le plus puissant et tirai l'unique coup que ce même mode permettait. La puissance du laser provoqua une élévation de fumée par le canon et obstrua brièvement la vue d'Hannah et la mienne. Lorsque la fumée se dissipa, nous pûmes constater que j'avais atteint la cible. Le soldat était à terre, le crâne fumant. Hannah tourna vivement la tête vers moi et je découvris un large sourire d'admiration sur son visage. Elle me donna un coup de coude et me dit :


« Je savais que je confiais cette arme à quelqu'un de fiable. »


Je lui rendis un sourire pondéré, bouleversé par le spectacle effroyable de l'homme que je venais de tuer, puis réinitialisai mon arme à sa fonction standard. En quelques secondes, mes camarades avaient abattu les deux derniers soldats, lesquels semblaient avoir été déstabilisés par la mort particulièrement violente de leur compagnon.


« Allez, on avance ! » Clama le Lieutenant Ulgo en remuant la main, nous invitant à le suivre. Dès que je l'eus rejoint, je le vis s'arrêter à ma vue et, d'une main posée sur mon épaule, il me dit avec reconnaissance :


« Merci, soldat. »


Il prit ensuite la tête du groupe et continua vers les capsules de sauvetage les plus proches. Une dizaine de minutes passèrent, pendant lesquelles nous combattirent des poignées de soldats Sith. Tous périrent en affrontant notre groupe, malgré quelques blessures infligées à certains d'entre nous. Dans un autre couloir, nous nous retrouvâmes pris en tenaille. D'un côté, Harden, Hannah et un autre camarade engagèrent le combat avec quatre soldats Sith. De l'autre, il y avait Trask Ulgo, un très jeune Aspirant, presque adolescent, et moi-même ; instinctivement, nous nous attaquâmes aux trois autres soldats tout près de nous. Seulement, alors que nous nous approchions de nos ennemis, une explosion fracassante se produisit, ébranlant toute la carlingue. Dans la seconde suivante, une énorme partie de la structure métallique constituant le couloir s'effondra et vint séparer notre groupe de manière beaucoup plus concrète. Sans vraiment me préoccuper de cela pour le moment, je profitai de l'épaisse émanation de particules que cet écroulement avait provoquée pour me lancer sur mes adversaires. Cette fois, je décidai de me servir de mon sabre pour mieux surprendre les Sith, lesquels paraissaient désorientés. En quelques secondes, je neutralisai les soldats, un par un, avec le fil de ma lame. Une fois assuré qu'il ne restait plus personne, je me retournai vers Trask, agenouillé près des décombres, son blaster fumant à la main. Je fis la dizaine de pas qui me séparait de lui, et découvris le jeune Aspirant, baignant dans son sang, le tronc, le bassin et les jambes écrasés sous les épaisses plaques de métal. Je remarquai également un petit cercle rond sur le crâne, duquel ruisselait un filet de sang. Ulgo me lança un regard désolé et désillusionné : il avait achevé le garçon. Puis, sans dire mot, le Lieutenant se leva et s'éloigna de quelques pas du cadavre de notre compagnon. Il ne fallait pas laisser nos émotions prendre le dessus, notre mission n'était pas terminée. Subitement, des voix nous interpellèrent de l'autre côté de l'effondrement :


« Lieutenant ! Vous nous entendez ? » Demanda un Harden apeuré.


« Oui. Je vous entends. Quelle est votre situation ? »


« On est sains et saufs. Nous avons pu neutraliser les Sith. Nous allons essayer de déblayer le passage. »


« Non ! » Répliqua Ulgo. « Nous n'avons pas le temps. Il vous faudra emprunter un autre itinéraire. Rejoignez les capsules de l'aile est, c'est ce que vous avez de mieux à faire. »


Un silence incommodant s'installa. Je me trouvais mal à l'aise devant une telle décision, que beaucoup qualifieraient de cruelle. Cependant, dans une perspective militaire, elle était très raisonnable. Nous ne pouvions pas nous permettre de gaspiller du temps. La priorité était Bastila Shan. Pas Hannah ou Harden, ou tout autre soldat lambda.


« Entendu Lieutenant. Nous partons. » Annonça alors la voix d'Hannah. Elle semblait résolue et particulièrement professionnelle, comme à son habitude. On ne lui avait pas donné l'ordre, mais je savais qu'elle allait désormais prendre la tête de leur groupe. À ce moment-là, une onde d'anxiété parcourut tout mon corps. J'avais peur. J'avais peur pour Harden. J'avais peur pour Hannah. J'avais peur pour son mari et ses filles, qui pourraient bientôt se voir annoncer de bien tristes nouvelles.


« Allez Aspirant ! » Poussa le Lieutenant à mon endroit. Je sortis alors péniblement de ma stupeur et poursuivis la route avec l'homme.


Nous n'étions plus très loin des capsules. Par chance, nous n'avions pas croisé d'autres formations Sith, seulement quelques individus ici et là qui paraissaient vouloir éviter le combat. Nous dûmes néanmoins les affronter, et nous avions finalement abattu près de six soldats supplémentaires. Nous étions proches. Il fallait tenir. Les capsules n'étaient plus qu'à un couloir et quelques salles de nous. Alors que nous traversions une petite infirmerie, nous fûmes arrêtés dans notre course effrénée par un homme en armure de métal à l'allure particulièrement inquiétante. Il était plutôt grand, d'une carrure svelte. Son visage, d'une pâleur presque maladive particulièrement accentuée par un crâne totalement nu, présentait deux yeux sombres. Il ne nous porta pas attention immédiatement. Lorsque nous le croisâmes, il semblait plutôt préoccupé par quelque chose sur le sol. Ou plutôt quelqu'un. Je le vis ensuite relever la tête vers nous, et après avoir passé les doigts le long de son bouc noir, il esquissa un sourire satisfait.


« Messieurs. » Salua-t-il d'une voix faussement chaleureuse. « Ca en fait une. » Continua l'homme en désignant de la main ce qui l'intéressait avant que nous entrions. C'était un cadavre. Une femme. Une Jedi. Celle qui accompagnait le Commandant. « Où sont les autres ? » Demanda ensuite l'homme qui engagea le pas vers nous. De sa main droite, il souleva un reliquat de tissu accroché à l'une des lanières de métal de son armure, et saisit un objet cylindrique. « Où est Bastila Shan ? » Demanda-t-il d'une voix cette fois-ci impatiente, se dirigeant toujours vers nous. Ni une ni deux, je vis mon Lieutenant se dresser entre moi et l'homme. Au passage, il empoigna mon sabre, et vint se positionner offensivement en face de l'adversaire, ce qui ne manqua pas d'ailleurs de le faire rire.


« Empruntez le sas de droite ! » Me dit alors Trask Ulgo. « Il rallongera un peu le chemin, mais vous devriez rejoindre votre destination très vite. Je verrouillerai la porte dès que vous vous serez sauvé. Retrouvez votre Commandant, soldat ! Allez ! »


Malgré le choc du moment, et de l'annonce de mon supérieur, je décidai qu'il n'était plus question de réfléchir à mes actes. J'avais reçu un ordre, il fallait obéir, point. Sans perdre une seconde, j'engageai une foulée soutenue et quittai la petite infirmerie, laissant Ulgo face à cet inconnu. Lorsque la porte se referma derrière moi, je pus néanmoins entendre un son inhabituel, mais pourtant si révélateur : le vrombissement très caractéristique d'un sabre laser. C'était donc bien cela qu'il avait détaché de sa ceinture. Trask n'avait aucune chance. Et moi, il fallait que je me dépêche, sans quoi le Sith allait aussi avoir ma peau. Je courus de toute mes forces à travers le dédale de pièces. J'y mis tellement d'énergie que, lorsque j'ouvris la toute dernière porte vers les capsules, je m'effondrai d'épuisement. Une pression sur mon épaule vint me sortir cependant de ma torpeur. Je saisis instinctivement l'origine de cette sensation, et m'apprêtai à en découdre avec ce mystérieux individu que je n'avais même pas remarqué. Seulement, lorsque je levai les yeux, je reconnus le visage, quelque peu surpris, du Lieutenant Onasi. D'un mouvement délicat, il s'agenouilla pour se mettre à mon niveau.


« Du calme, Galhor, du calme. » Dit-il posément. « J'attendais que d'autres rejoignent les capsules. Vous êtes seul, Galhor ? »


Je regardai l'homme sans pouvoir répondre, les yeux perdus. J'effectuai des hochements de tête en guise de réponse. Je le vis pousser un soupir défait, avant de se relever.


« Alors il ne faut plus s'attarder ici. Venez, Aspirant. Il reste quelques capsules, il faut quitter le vaisseau une bonne fois pour toutes. Bastila a visiblement réussi à atteindre notre aile. Les dernières capsules ont été libérées il y a une vingtaine de minutes. Elles ont sûrement déjà dû atteindre Taris. Ne perdons plus de temps, allons chercher Bastila. »


L'homme s'approcha de moi et me tendit une main solidaire, que je saisis aussitôt. Le souffle haletant, je suivis mon supérieur dans l'une des capsules restantes. Nous nous assîmes et nous sanglâmes à toute vitesse. Puis Carth déverrouilla les sécurités et notre capsule fut presque aussi vite éjectée de son alvéole de métal, nous plaquant violemment contre notre siège. Avant que la capsule ne pénètre l'atmosphère de Taris, je pus assister à la triste scène de l'Endar Spire tombant doucement mais sûrement en miettes. J'espérais profondément que nos camarades puissent rejoindre l'aile est, et les capsules qui les attendaient. Toutefois, une partie de moi était persuadée qu'elle n'en connaitrait jamais la réponse. Une nouvelle minute s'écoula, et des secousses plus violentes les unes que les autres me sortirent de mes pensées. Nous entrions dans l'atmosphère. Sur la rangée de sièges qui me faisait face, je voyais Carth s'accrocher tant qu'il pouvait à son collier de sécurité. Je tentai d'en faire autant.


Mais soudainement, tout devint noir, silencieux, inexistant. Après tous ces périls, mourir ainsi, c'était tout de même très ironique.


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Cette souffrance. Elle se propageait dans mon crâne à un rythme effréné. Elle me brûlait les yeux. Ce supplice... Mais était-ce... Cela signifiait-il que j'étais en vie ? Aurais-je survécu ?


« Hé. »


Un bruit. Une voix.


Onasi ?


« Galhor, ouvrez les yeux. »


Il fallait que je réagisse. Je ne pouvais pas déterminer le temps écoulé avant que je ne réponde à la sollicitation de Carth. Néanmoins, je finis par ouvrir les yeux, non sans difficulté, et cherchai laborieusement à me relever de ma position allongée. Je sentis immédiatement le bras de Carth soutenir mon dos, et me seconder dans cette entreprise périlleuse mais pourtant anodine. Ma vision était partiellement voilée. À ce moment-là, je n'étais pas en mesure d'examiner l'endroit où nous nous trouvions, mon Lieutenant et moi. Je pouvais seulement supposer que nous n'étions pas à l'extérieur. Je distinguais des murs, le plafond et des vitres qui semblaient être recouvertes par des rideaux occultants. Peu à peu, mes yeux retrouvèrent leurs capacités, et je pus discerner ce qui ressemblait à une table, des chaises, un banc ou deux, et quelques couchettes. Mon esprit était encore très confus. À tel point que, pendant un instant, je croyais me trouver sur l'Endar Spire, m'interrogeant sur la réalité de tous les événements que j'avais vécus précédemment.


« Tenez. » Dit un Carth Onasi prévenant, en me tendant de sa main libre un verre d'eau. Je fixai l'homme quelques secondes, désorienté, puis je saisis finalement l'objet et le portai à mes lèvres tremblantes.


« Buvez par petites gorgées. » Me recommanda l'homme à côté de moi, ce que je fis docilement.


« Vous m'avez fait peur, Galhor. Pendant un temps, j'ai cru que vous ne vous réveilleriez jamais. »


J'écoutais mon supérieur avec peine. J'entendais les mots qu'il prononçait, mais je ne parvenais pas à les assembler et à les assimiler efficacement. Sans réagir à ses paroles, je fis néanmoins une douloureuse tentative de communication :


« Où sommes-nous ? »


« Taris. Notre capsule s'est écrasée dans la ville basse. Vous avez perdu connaissance lorsque nous sommes entrés dans l'atmosphère. Les secousses ont été très violentes. Votre tête a reçu un vilain coup et vous a plongé dans une profonde inconscience. »


Je tâchais de fixer Carth avec attention.


« Au fait, vous souvenez-vous de ce qui s'est passé ? » Demanda le Lieutenant presque abruptement. Je le regardai avec perplexité, l'invitant à clarifier ses pensées. « J'ai connaissance de certaines informations vous concernant. Je crois savoir que vous n'en êtes pas à votre premier coup sur la tête. Et je crois également savoir que vous en subissez des séquelles. »


Mes yeux rejoignant mes mains, je pris une brève inspiration avant de répondre. Me voilà ramené à cet accident, à ma longue convalescence, à mon amnésie... Je ne me rappelais pas clairement ce que j'avais vécu, ce qui rendait la réalité du moment encore plus insaisissable et irrecevable. Je ne parvenais pas à faire le deuil d'une partie de ma mémoire, et par conséquent d'une partie de ma vie. Cette vie dont il ne subsistait pour ainsi dire que trop peu de traces. Cela n'avait rien de cohérent, et pourtant c'était bien réel.


« Je ne suis pas plus infirme que je ne l'étais, rassurez-vous mon Lieutenant. » Dis-je finalement, sur la défensive. Une attitude que Carth sembla percevoir.


« Je vous demande simplement comment vous allez, Corem. » Répliqua mon supérieur avec une certaine douceur et une chaleureuse familiarité.


« Je me sens encore secoué, mais je crois que je vais bien, Lieutenant. » Lui répondis-je bien plus aimablement. Onasi afficha un sourire bienveillant. A l'évidence, il était soulagé d'entendre cette heureuse nouvelle. « Où sommes-nous, exactement ? » Poursuivis-je.


« Dans un vieil appartement laissé à l'abandon. Quand la capsule s'est écrasée dans la ville basse, je me suis dépêché de nous évacuer. Les gangs ont investi toute cette partie de Taris. Les capsules de sauvetage du croiseur républicain qui se sont écrasées sont une formidable occasion pour eux de piller et de capturer. Et je ne parle même pas de la quarantaine Sith qui a été décrétée pendant l'attaque de l'Endar Spire. Ils attendaient tranquillement que les capsules débarquent pour cueillir les survivants. » Carth semblait soudain très préoccupé. Qu'en était-il de Bastila Shan ? Il recouvra toutefois rapidement sa contenance et enchaîna :


« Je vous ai transporté dans la ville haute. En plein milieu de la soirée, on a sûrement attiré un peu l'attention, mais beaucoup ont cru simplement que je reconduisais chez lui un camarade de beuverie. Dans le pire des cas, on a fait rire un paquet de Tarsiens. »


Nous esquissâmes tous les deux un sourire amusé.


« J'ai vagabondé dans la ville haute. Puis je me suis aventuré dans cette tour, qui, sans être totalement insalubre, ne semblait pas particulièrement bien tenue. En explorant, je suis tombé sur cet appartement, la porte à moitié ouverte. Je ne me suis pas posé de questions. Je nous y ai installés. Je me suis dit que si quelqu'un devait revenir ici... eh bien, il nous mettrait dehors, point final. Mais, jusqu'à présent, personne n'est jamais venu, hormis nous deux. Quatre jours ont passé, et nous sommes là, à discuter. »


« J'ai été inconscient si longtemps ? » Interrogeai-je avec incrédulité.


« Oui. »


Je poussai un soupir, puis poursuivis : « Merci, Lieutenant. Je vous dois la vie. » Annonçai-je avec reconnaissance.


« Vous n'avez pas à me remercier. C'est mon devoir. Je ne laisse jamais personne derrière moi. »


Ces dernières paroles suscitèrent en moi un violent sentiment de regret. Il me renvoyait en pleine figure le sacrifice de Trask Ulgo et la perte de tous mes camarades. Bien entendu, je ne pouvais pas m'en vouloir, mais il était difficile de ne pas se sentir en partie responsable. Je prenais les propos de Carth comme un jugement, même si le pauvre homme n'avait aucune idée de ce qui était arrivé sur le croiseur.


« Et maintenant ? » Demandai-je d'un voix fatiguée.


« Maintenant que vous êtes conscient, et visiblement valide, je vais partir à la recherche d'informations concernant le crash des autres capsules. Il ne faut pas se leurrer. Si Bastila est encore en vie, elle a dû être capturée par les gangs. »


« Ou par les Sith. » Répliquai-je.


« Non. Si c'était le cas, ils auraient déjà tous quitté Taris. Il faut miser sur les gangs. Ou autre chose. Mais, clairement, les Sith n'ont pas mis la main sur elle. Pas encore. »


Carth s'éloigna de moi et je le vis empoigner sa fameuse veste orange, qu'il enfila prestement. Par instinct, je me levai de la couchette sur laquelle j'avais passé les quatre derniers jours, et me préparai à suivre mon supérieur. Seulement, alors que je me débattais pour enfiler mes bottes, Carth m'adressa une espèce de sifflement étouffé. Je me retournai vers lui, déconcerté.


« Vous restez là. Vous êtes de retour parmi nous, mais vous n'êtes pas en état d'explorer les environs. Vous restez ici. Il y a une petite provision de nourriture dans l'un des vestiaires de la cuisinette. Reprenez des forces si vous voulez être utile par la suite. »


Le Lieutenant termina en me gratifiant d'un sourire bienveillant, auquel je répondis. Puis il quitta l'appartement, en quête d'informations susceptibles de nous conduire à notre Commandant. Pour ma part, je me conformai aux ordres et restai dans l'appartement. Je fouillai dans les fameux vestiaires et y dénichai une poignée de biscuits secs, quelques fruits et plusieurs morceaux de viande séchée. J'en saisis une portion ainsi qu'un fruit, que je partis grignoter allègrement sur l'une des banquettes de l'appartement. Je profitai du calme offert par cet endroit quelque temps, avant de me mettre sérieusement au travail.


Carth revint après environ deux heures. Lorsqu'il franchit le seuil de la porte, je le vis ôter sa veste et la déposer sans ménagement sur le dossier de l'une des chaises disposées autour de la table ronde à laquelle je me trouvais. Puis il dirigea les yeux sur moi et soupira avec lassitude avant de prendre place.


« Avez-vous appris quelque chose ? » Demandai-je d'une voix ragaillardie. L'homme fixa le plateau de la table un petit moment, puis répondit très factuellement :


« Je suis navré de devoir vous solliciter si vite : vous êtes invité à une petite fête ce soir. »


Je levai les yeux, et fronçai les sourcils avec vigueur. Je balayai ensuite la pièce du regard, dans l'espoir de découvrir peut-être le lien qui me permettrait de comprendre ce que Carth venait de m'annoncer. Malheureusement, rien ne vint, et Carth reprit la parole :


« Les gangs ont été les premiers à rejoindre les capsules. Ils ont volé tout ce qui pouvait être volé et ils ont capturé tous les survivants. »


« Le commandant fait partie de ces survivants ? » Demandai-je raisonnablement. Carth sembla serrer les dents avant de me répondre :


« Je n'en ai pas la certitude. Mais j'ai entendu parler d'une prochaine course de fonceurs dans la ville basse, tenue par le gang des Vulkars Noirs. Ce serait la course 'ultime' de la saison, qui aurait été avancée subitement, lorsque les capsules se sont écrasées. »


« Où voulez-vous en venir ? » Interrogeai-je.


« Ils y remettrait cette saison un prix tout à fait exceptionnel. J'ai pensé que ça pouvait être Bastila, mais sans vraiment y croire. Puis quelqu'un a évoqué une 'très haut gradée de la République'. Lorsque Bastila a quitté l'Endar Spire, elle portait l'uniforme, et l'insigne de commandement. Ils ont dû la trouver, la capturer, et la proposer comme prix au gagnant de cette future course de fonceurs. »


Je hochai légèrement la tête, le regard perdu. Ce qu'il disait avait du sens. Toutefois, c'était une hypothèse fragile. Mais nous n'avions pas d'autre choix que de la poursuivre.


« Drôles de coutumes. » Ajoutai-je sans attendre de retour, les yeux toujours dans le vague. Soudain, je sortis de mes réflexions et fixai résolument mon supérieur :


« En ce qui concerne cette fête... ? » Demandai-je. Carth ne parvint pas à masquer un léger sourire avant de livrer une explication.


« Il faut que nous allions dans la ville basse. Il faut qu'on s'assure de ce que je suppose. S'il s'avère que l'hypothèse se vérifie, il faut soit là le jour de la course, et avant que les Sith ne s'y intéressent. Il faut qu'on puisse approcher les pilotes, le personnel, mais surtout le prix. Et on n'entre pas dans la ville basse comme bon nous semble. Lors de mes pérégrinations, j'ai fait la connaissance d'une jeune femme éméchée qui travaille pour les Sith, une certaine Sarna. Elle m'a convié à une soirée. Ce serait l'occasion de se procurer des laissez-passer. »


« C'est donc vous qui êtes invité. » Rectifiai-je en effectuant des gestes de la main, désignant mon Lieutenant.


« Oui, mais je n'irai pas. » Répondit l'homme en premier lieu, les yeux fixés sur moi. « Elle était ronde comme une queue de pelle, Sarna. Elle n'a pas été en mesure de mettre un nom sur mon visage. Je ne suis pas une immense célébrité, mais si je me pointe dans un appartement rempli de Sith, il y a aura forcément quelqu'un pour me reconnaître. »


« Mais comment elle va réagir, votre copine, quand elle va me voir moi sur le pas de la porte, alors qu'elle vous attendez vous ? On ne nous confondrait pas si facilement. »


« Jouez le culot ! » Me dit-il sur un ton enjoué. Je pus presque penser que la situation l'amusait. « Vous lui dites que vous êtes ce chic type qu'elle a rencontré dans la cantina de la ville haute, et qu'elle a convié à la fameuse soirée. Fraiche comme elle était, il y a de grandes chances qu'elle se laisse berner par votre éloquence. »


J'observai mon supérieur avec une pointe de fausse vexation. L'homme, qui soutenait mon regard, semblait durant un court instant confus. Puis, soudainement, ses traits se détendirent, et poussa un rire quelque peu gêné.


« Je ne sous-entendais pas que vous n'aviez aucun charisme, Corem. » Se justifia le soldat, en retenant difficilement de rire. J'accompagnai l'homme avec un certain plaisir. Une telle légèreté venait apporter un peu de lumière à notre situation bien sombre.


« Et, si ça peut vous rassurer, elle a convié tout un tas d'illustres inconnus ce soir. » Précisa l'homme avant de fouiller l'une de ses poches pour en sortir une minuscule carte de données, qu'il me tendit :


« Le précieux sésame. » Dit-il. « Il contient les coordonnées de l'évènement en question, que vous pouvez consulter depuis le terminal de l'appartement. Une fois que vous serez à l'adresse, vous donnerez la carte à un des responsables, ils devraient vous laisser entrer sans même que vous ayez à convaincre qui que ce soit. J'arrête de vous taquiner : il s'agirait en vérité d'une soirée mondaine entre dignitaires Sith et fonctionnaires Républicains peu scrupuleux. Je ne serais même pas surpris que vous ne croisiez jamais la fameuse Sarna, vu le monde qui grouillera là-bas. »


« Il fallait me le dire tout de suite. » Répondis-je avec un sourire soulagé, en saisissant la carte. « Il est donc temps d'aller charmer tous ces voyous. »


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