Les troubles de l'adolescence

Chapitre 11 : La petite amie

1914 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/03/2021 01:10

Chapitre 11 : La petite amie

Le vent s’était levé depuis la veille, chassant les feuilles mortes en bourrasques rageuses et emmêlant les cheveux des filles. Sur le chemin de l’école, Ranma et Akané faisaient face aux rafales avec des cris d’enfants surexcités. Un curieux sentiment d’exaltation emplissait le jeune homme les jours de grand vent. Il aimait sentir dans ses cheveux sa caresse violente et ne pouvait s’empêcher en cet instant de la comparer à la poigne de Ryoga agrippant sa chevelure pendant l’amour. Ryoga était comme le vent, insaisissable et vagabond. Une exclamation d’Akané le tira de ses pensées. Un tourbillon soulevait la jupe de son uniforme, révélant ses longues jambes et Ranma ne put se détacher de cette vision. Il rit lorsque la jeune fille rabattit le tissu sur ses cuisses, pestant contre le vent. Il était d’excellente humeur aujourd’hui. Il arriva en classe avec un grand sourire et plaisanta quelques minutes avec ses camarades avant que le professeur n’entre en classe, suivit d’un étudiant. Son sourire s’effaça quand il reconnût Ryoga.

— Je vous présente un nouvel élève. Je compte sur vous pour lui faire bon accueil, déclara l’adulte d’un ton solennel.

Le garçon déclama la formule habituelle :

— Je m’appelle Hibiki Ryoga, prenez soin de moi, s’il vous plait.

— M. Hibiki est resté quelques temps sans être scolarisé. Je compte sur vous pour l’aider à se mettre à niveau.

Sur ces mots, le professeur indiqua au nouvel élève la place vide derrière Ranma et commença son cours. Ryoga sourit largement à Akané avant de s’installer. Ranma quant à lui, ne tint que quelques minutes avant de se tourner vers le garçon :

— Qu’est-ce que tu fous ici? chuchota-t-il.

— Je me disais qu’il fallait reprendre les cours et ce lycée en vaut bien un autre.

— Mais pourquoi t’allais plus en cours, en fait ?

— J’étais parti m’entraîner pour laver mon humiliation et te battre en duel.

— Et ça y est, t’es lavé ?

— Disons que je vois plus trop l’intérêt de sauter les cours... répondit évasivement Ryoga.

— Silence, dans le fond ! Ou je vous sors dans le couloir ! intervint le professeur.

Les deux garçons se turent mais Ranma continua à ruminer. Tous les deux dans le même lycée, c’était tout simplement dangereux. Certes, il y avait plein d’avantages à se côtoyer plus souvent mais il avait surtout peur de son ami et de ses réactions naïves. Il allait falloir faire attention et mettre des règles en place. Hors de question que leurs petits secrets soient révélés devant l’école tout entière. Cette seule pensée lui donnait des sueurs froides et une légère nausée s’emparait de lui. Les cours s’enchaînèrent avec une lenteur exaspérante et il bondit de sa chaise quand la cloche sonna midi. Aussitôt, ses camarades encerclèrent Ryoga, lui posant mille questions. Le nouveau n’était pas un inconnu, beaucoup savaient qu’il était le rival de Saotomé et l’excitation les saisissait à l’idée des combats épiques auxquels ils allaient sûrement assister.

Pour se donner une contenance, Ranma sortit de la salle de classe et se rendit aux toilettes. Il s’aspergeait d’eau froide, s’efforçant de retrouver son calme quand la porte s’ouvrit, cédant le passage à Ryoga. Ce dernier appuya son dos contre la porte et lança une œillade à son camarade. Son attitude était une invite explicite à la débauche et Ranma sentit la panique se saisir de lui.

— C’est hors de question, n’y pense même pas ! Si tu t’es inscrit dans ce lycée pour ça, tu peux repartir !

— Quoi ? répondit Ryoga, visiblement vexé, t’es pas content ?

— Il va falloir jouer serré, c’est tout.

— On a fait pire au dojo.

— Et on a eu de la chance ! rétorqua Ranma. On doit faire gaffe !

— Je serai sage, promis.

Sur ces mots, Ryoga s’approcha des lavabos. Il ouvrit l’eau, bu à longues gorgées et Ranma ne put détacher ses yeux de la nuque offerte. Quelques mèches mouillées retombèrent en désordre sur le front de son camarade quand celui-ci releva la tête et Ranma déglutit difficilement.

— Tu viens chez moi ce soir ? Ma mère va faire des courses cet après-midi.

Sous entendu : elle ne revendrait pas avant la fin de la soirée, béni soit le sens de l’orientation de la famille Hibiki.

— OK.

Et sans rien ajouter, Ranma sortit en hâte dans le couloir désert, se dépêchant de rejoindre ses camarades pour manger le délicieux bento que lui avait préparé la grande sœur d'Akané.

Quand Ryoga les rejoignit quelques minutes plus tard, il constata avec soulagement que celui-ci agissait le plus naturellement du monde. Finalement, le vagabond semblait bon acteur quand il le voulait. Il était devenu très à l’aise en présence d’Akané, constatait Ranma, moins emprunté, plus naturel. Parvenant à se détendre un peu, il écouta avec amusement Nabiki raconter comment elle avait vendu des clichés de Ryoga à une jeune fille.

— Elle n'a même pas essayé de négocier, expliquait-elle très fière. Elle a flashé sur toi ce matin. Heureusement que j'avais ces deux photos sur moi.

— Mais de quelles photos tu parles? demanda Ryoga dont les joues avaient pris une jolie teinte rouge pivoine.

— Celles que j'ai prises de toi avec Ranma.

— Quoi ? rugirent les deux garçon dans un ensemble parfait.

La jeune fille sortit de sa poche deux images qu'elle montra sans la moindre gêne. On y voyait Ranma dans sa version féminine, à demi vêtue, poursuivie par Ryoga, torse nu lui aussi. Des objets volaient en tous sens. Les photos avaient dû être prises lors d'une de leurs nombreuses disputes.

— Je voulais les vendre à Kuno, en fait. Il m'achète toutes les photos de Ranma. Mais cette fille était tellement mignonne! Elle était toute rouge et elle bégayait. Elle voulait que je te remette une lettre.

Elle sortit une enveloppe alors qu'elle parlait. Ryoga voulut la saisir mais Nabiki ne le laissa pas faire.

— C'est 2000 yens.

— Quoi? s'écria-t-il, outré. T'as pas le droit de faire ça !

— Très bien, je la garde.

— Non, attends…

Il fouilla dans ses poches et en sortit deux billets. La sœur d'Akané les saisit avec la dextérité d'un maître en arts martiaux confirmé et lui abandonna la lettre. Le vagabond contempla alors la lettre quelques secondes, savourant l’instant, regardant avec émotion l’écriture féminine qui ornait la missive. Sa première lettre d’amour ! C’est l’accomplissement, dans la vie d’un homme, songeait-il avec émotion, les larmes aux yeux.. Il s’apprêtait à l’ouvrir quand Ranma la lui arracha des mains. S’ensuivit une bagarre qui amusa les élèves au plus haut point. Ryoga poursuivit l’héritier des Saotomé à travers la classe puis le couloir, dans une scène qui n’était pas sans rappeler les photos qu’ils venaient juste de contempler. Akané essaya d’intervenir mais son fiancé ne prêta aucune attention à ses remarques, lisant la lettre à voix haute tout en évitant les assauts de plus en plus furieux de son ami.

— « Cher Ryoga, tu ne me connais pas mais je t’ai vu ce matin. Je te trouve très beau et tu as l’air tellement gentil que j’aimerais te connaître. Si tu le veux bien, retrouve-moi à la sortie du lycée à la fin des cours. Si tu ne viens pas, je saurais que je ne t’intéresse pas. Je serais sous le grand cerisier. A tout à l’heure, j’espère. Koko »

Sa lecture terminée, Ranma laissa le jeune vagabond récupérer le papier quelque peu froissé.

— De quel droit tu fais ça ? Tu vaux pas mieux que Nabiki !

Celle-ci ne sembla pas relever l’insulte.

— Ho, ça va ! C’est pas la mort! rétorqua Ranma. Elle a pas froid aux yeux cette fille. Tu vas y aller ?

— Ça te regarde pas !

Furieux, Ryoga rangea la lettre dans sa poche d’un geste rageur et lança un regard noir à son vis-à-vis.

— T’as raison, dans le fond. Ça me regarde pas.

Mais il ne pouvait s’empêcher de penser le contraire. Il avisa les regards curieux de ses camarades et retourna s’assoir en tailleur sur sa table, terminant son déjeuner sans plus prêter attention à Ryoga. Celui-ci le lui rendit bien, discutant à bâton rompu avec Akané et sa sœur, ravi d’être le centre de l’attention. Finalement, songeait-il, le lycée me manquait. C’est sympa d’avoir des camarades de classe. Et puis, je vais avoir une petite amie !


Quand la fin des cours sonna enfin, toute la classe de précipita au portail pour voir à quoi ressemblait l’amoureuse du petit nouveau. Ranma suivit le flot des élèves, l’air de s’ennuyer déjà mais il ne put s’empêcher de jeter un œil à la fille. Elle était ravissante. Elle sourit timidement à Ryoga et ils échangèrent quelques mots avant de sortit ensemble du lycée, aussi rougissant l’un que l’autre. Il resta quelques instant à regarder dans le vague. La voix de sa fiancée le tira de sa rêverie.

— Tu viens Ranma ?

Le garçon suivit Akané et ils effectuèrent le trajet de retour silencieusement, jusqu’à ce que la jeune fille ne se décide à commenter la scène à laquelle ils venaient d’assister.

— Je suis vraiment heureuse pour Ryoga. Elle a l’air très gentille et elle est super mignonne. Ils forment un très joli couple.

— Mouais...

— Tu ne trouves pas qu’ils vont bien ensemble ?

— Si, si… Au moins, il te laissera tranquille maintenant.

— Pourquoi tu dis ça ? Ryoga est un ami, rien de plus.

— Tu sais très bien que tu lui plais.

Akané ne répondit rien, lui donnant implicitement raison.

— Alors, pourquoi tu sembles contrarié ?

Ranma, qui marchait comme à son habitude sur le muret longeant la rivière, s’arrêta quelques secondes.

— Je suis pas contrarié.

Akané le regarda d’un drôle d’air.

— Si tu le dis.

— Tu racontes n’importe quoi, rétorqua le jeune homme tout en reprenant son chemin. Comme toutes les filles, tu t’imagines des trucs. J’en ai rien à faire, moi, de la vie amoureuse de cet imbécile.

Ils firent encore quelques pas avant qu'Akané ne propose :

— On va boire un thé quelque part ?


Ils se rendirent chez Ukyo et les filles passèrent leur temps à parler de Ryoga et de sa nouvelle petite copine. Ranma n’intervenait que rarement dans la conversation, ne répondant que par de vagues onomatopées aux différentes sollicitations de ses compagnes. Une question tournait sans fin dans son esprit embué : devait-il aller chez Ryoga ce soir ? 


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