Soir d'hiver (Secret Santa 2024 BakApple / Défi FFR : Briser la glace)
Chapitre 1 : Le temps passé d'un présent futur
4400 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 30/12/2024 23:16
Participation au Secret Santa 2024 - Mettez le paquet ! et Défi FFR Novembre-Décembre 2024 : Briser la glace.
Ficadeau dédicacée et offerte à BakApple ! Joyeux Noël à toi, et bonnes fêtes de fin d'année ! ;) <3
/!\ ATTENTION /!\ :Spoilers sur la série Professeur Layton, en particulier l’arc des Aslantes, Le Destin Perdu et Layton Mystery Detective Agency: Kat's Mystery-Solving Files - Les Reliques du trésor.
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La neige tombait à gros flocons sur la ville de Londres.
Penché sur un fragment qu’il nettoyait avec précaution depuis quelques minutes déjà, le professeur d’archéologie fit une pause dans son travail minutieux, attardant son regard sur le fragile objet entre ses mains pour l’observer un instant à la loupe de son bureau. Son œil aiguisé reconnut les sillons caractéristiques d’un motif gravé dans la matière, tandis qu’il se concentrait d’autant plus sur l’éclat ancien au détriment des bruits légers de rangement derrière lui et de la tasse de thé qui refroidissait tristement sur son plateau diligemment préparé.
Pas de doute, c’était un morceau d’un ensemble bien plus grand, et surtout bel et bien un fragment appartenant à la civilisation qu’il étudiait en ce moment, une ancienne société celtique connue mais dont les éléments les plus récents n’avaient été découverts que deux ou trois ans auparavant.
À dire vrai, cela pouvait effectivement sembler étrange qu’un archéologue s’intéresse à des objets ne datant que de quelques siècles et non plusieurs millénaires ; mais comme le disait si bien l’adage, il ne fallait pas se fier aux apparences. Le travail d’un archéologue était avant tout d’étudier le passé, aussi récent ou ancien soit-il ; bien qu’il y ait un intérêt certain à tenter de résoudre les mystères et énigmes des temps immémoriaux…
Reprenant son nettoyage délicat, l’archéologue finit de dépoussiérer en douceur le petit éclat ocre entre ses doigts, s’autorisant un imperceptible sourire satisfait en identifiant d’avance son emplacement parmi les autres fragments déjà propres et attendant sagement sur son bureau. Son esprit amateur d’énigmes prévisualisait avec quelque anticipation les possibles formes finales de l’objet qu’ils formaient une fois tous ensembles ; même s’il se retint de faire des conclusions hâtives, un tel empressement n’était pas digne d’un gentleman…
- Regardez Professeur ! Il neige !
Hershel s’arrêta dans son travail et leva le regard vers la fenêtre, suivant l’index tendu de son apprenti à juste quelques pas de lui.
Derrière la vitre, de légers points blanc virevoltaient doucement dans les airs au gré du faible vent d’hiver. Malgré la chute des flocons toute nouvelle, les rues et toits adjacents étaient déjà couverts d’une très fine couche semi-transparente dans les lueurs du soir. Les quelques cristaux qui n’avaient pu atteindre le sol pour cause de rencontre avec le verre s’étaient accrochés à la surface, affichant aux yeux des deux spectateurs leurs arabesques hexagrammes qui fondaient bientôt au contact du matériau tempéré. Le professeur Layton attarda son regard sur les branches d’un flocon, ne pouvant s’empêcher d’en admirer les formes ; sans la moindre intervention humaine, chaque cristal de neige possédait un motif symétrique parfaitement unique, par le seul fruit du hasard. C’était bien l’une des rares occasions où il en admettait la part aléatoire, lui si habile à discerner et trouver des connexions entre des éléments parfois anodins… Un des uniques mystères qu’il acceptait de ne pouvoir jamais résoudre, la merveille de la nature. Il était des énigmes, rares, qui n’avaient pas à être résolues un jour ; il en était ainsi. Et d’autres pour lesquels il cherchait encore, désespérément, une réponse un jour.
La chaleur de la vitre fit peu à peu disparaître la forme du cristal que Hershel fixait, l’esprit plongé dans ses pensées et le moral dans le passé : malgré lui, la danse des flocons dans les airs lui rappela une autre danse, appartenant cette fois-ci à un temps – irrémédiablement – révolu.
Sa dernière danse avec Claire.
Il n’avait jamais été excellent danseur, préférant consacrer ses heures d’exercice à l’escrime et autres nobles sports de joute (auxquels il excellait) ; c’est pourquoi quand sa petite amie l’avait tiré vers la porte pour aller valser dehors lors d’une soudaine chute de neige printanière, il avait très poliment décliné l’invitation. Mais elle avait insisté, l’entraînant par le bras jusque sous la pluie des flocons qui virevoltaient dans les rues de Londres, et avant qu’il ne comprenne vraiment ce qu’il se passait, ils étaient tout deux en pleine ronde, leurs mains jointes les unes aux autres et leurs pieds tournant dans la neige tout juste tombée. Hershel exécuta de son mieux un pas maladroit, tentant comme il pouvait de maintenir une valse convenable avec sa tendre compagne ; mais rien n’y fit, ses mouvements ressemblaient plus à ceux d’un jars mimant un semblant de parade nuptiale qu’à une danse humaine. S’il n’était pas si concentré pour danser correctement et garder la face, il serait probablement encore plus rouge que sa casquette fétiche devant son échec à offrir une valse digne de la jeune femme.
Mais toujours elle riait, tournant aussi gracieusement que lui dans le givre crissant sous leurs pas et serrant sans jamais les lâcher ses paumes dans les siennes, ses longs cheveux roux virevoltant avec elle dans la danse des flocons alentour. Il leva le regard vers elle, contemplant son sourire aux éclats qui éclairait son visage, et elle rouvrit ses yeux noirs fermés de joie pour les poser sur lui ; et le monde s’illumina devant la lueur brillant dans ces iris sans fin, si grands et élégants comparé aux siens. Sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, Hershel sourit à Claire, d’un sourire simple mais empli de bonheur face à l’amour de sa vie, alors que l’instant semblait se figer dans le temps, flottant comme les flocons tourbillonnant avec eux dans leur ronde…
Le temps repris soudainement sa course lorsque le pied de Layton glissa sur une plaque de glace, brisant son équilibre déjà précaire dans la danse ; alors qu’il dérapait à plusieurs reprises en tentant de se reprendre, son mouvement tira sa partenaire dans ce déséquilibre tandis qu’elle essayait elle aussi de l’aider à se redresser. Emporté par son propre élan et inattention, Hershel chut, entraînant avec lui Claire dans la neige du trottoir ; mais dans un dernier geste réflexe, le jeune homme positionna son corps afin d’amortir la chute de sa compagne, lui épargnant un rude contact avec le sol pavé et une vilaine tache humide sur ses vêtements.
Reprenant leurs esprits après cette soudaine culbute, les deux amants restèrent ainsi un moment à retrouver leur souffle, blottis dans les bras l’un de l’autre sur la neige tombant doucement. Hershel reprit suffisamment de contenance pour aller s’excuser de sa maladresse quand Claire se redressa contre son torse, juste assez pour que leurs regards se croisent, et rit d’un air fière et satisfaite :
- Tu vois, Hershel, tu es un vrai gentleman ! Tu m’as protégée de cette chute !
Et elle lui sourit à nouveau, de ce sourire qui le faisait fondre aussi efficacement que neige au soleil. Cette fois-ci, il ne put retenir la rougeur qui saisit ses joues, et lui sourit (un peu béatement pour sa part) en retour tandis qu’ils se redressaient tout les deux parmi les flocons recouvrant le sol. La jeune femme réarrangea ses lunettes dérangées durant leur chute pendant qu’il récupérait sa casquette chue avec eux, la remettant correctement sur sa tête ainsi dénudée ; leurs regards se croisèrent à nouveau, et il la surprit à fixer un point précis sur son visage d’un air curieux. Intrigué, le jeune homme allait lui demander ce qui n’allait pas quand elle leva un doigt vers sa figure et fit une délicate pichenette sur son nez, retirant un flocon blanc qui était venu s’y poser. Elle eut un petit rire, et il ne put que la contempler à nouveau avec amour.
C’était la dernière fois qu’ils avaient admiré la neige tomber tout les deux ensemble.
Le givre n’avait pas tenu plus d’un jour après cela ; et quelques temps plus tard, Claire avait été prise dans l’explosion épouvantable d’une expérience ratée qui avait volé sa vie et celle d’autres malheureux gens passants par là. Tout comme les flocons fondus dans les rues de Londres, la jeune femme avait disparu à jamais, sans rien laisser derrière elle que les souvenirs heureux d’une époque à présent perdue.
Hershel était resté un long moment sidéré par l’évènement, son esprit piégé dans sa propre mémoire comme pour tenter de combler le trou béant laissé par l’absence de sa compagne, tel une montre figée dans le temps.
Puis les rouages s’étaient remis en route, s’étaient forcés malgré la rouille de douleur à reprendre leur fonctionnement ; et là le professeur n’avait cessé de chercher une explication à tout cela. Pourquoi Claire était-elle morte ? Pourquoi personne n’avait parlé de l’explosion qui avait pourtant dévasté tout un quartier de Londres et fait autant de victimes ? Pourquoi voulait-on taire cet évènement ? Qui était derrière tout ça ? Qui l’avait fait agresser et voler toutes ses recherches sur-
- Professeur ?
Layton cligna des yeux, se retrouvant brusquement dans le présent et dans son bureau, assis face à la fenêtre où finissait de fondre un dernier flocon de neige et Luke juste à côté de lui, le regardant avec curiosité et aussi un peu d’inquiétude.
Dans un geste mécanique et presque inconscient, Hershel réajusta le haut-de-forme sur sa tête, sentant une légère vague de soulagement au toucher du feutre sous ses doigts. S’éclaircissant la gorge, le professeur reprit contenance et arracha son regard au cristal de neige à présent fondu pour le tourner vers son apprenti dans l’expectative :
- Oui, qu’il y a-t-il Luke ?
L’enfant eut un regard quelque peu étonné, comme s’il ne s’attendait pas à ce que le professeur lui prête ainsi attention ; ou s’il se demandait ce qui avait pu distraire l’archéologue aussi profondément. Mais cette pause confuse dura peu, et très vite le garçon reprit, jetant un oeil rapide vers les flocons flottant au-dehors :
- Oh, euh, et bien… Est-ce qu’on peut-Euh je veux dire, est-ce que je peux aller voir la neige dehors ?
Layton eut un bref haussement de sourcil étonné, mais fit un sourire en devinant ce que son apprenti voulait vraiment dire :
- Bien sûr que tu peux aller jouer, Luke, assura-t-il en réajustant son chapeau fétiche par habitude.
- Qu-! J’ai pas dit ça, je… Un vrai gentleman ne va pas jouer ainsi dans la neige ! protesta l’apprenti en se dressant comme un piquet.
- Mais un petit garçon, si, remarqua l’adulte avec un sourire. Allons, va donc prendre ton manteau ou tu vas attraper froid !
L’enfant resta un instant figé de stupeur, avant de sauter sur place en un cri de victoire, à la surprise du professeur, et de se précipiter sur ses affaires et franchir la porte en toute hâte. Layton resta à son tour quelque stupéfait de sa démonstration de joie, puis sourit et alla prendre les gants que le garçon avait oubliés dans son empressement avant de le suivre au-dehors.
La neige crissa doucement sous les chaussures de l’homme, laissant sur son chemin des empreintes bien visibles en dépit de sa fine épaisseur ; une autre série de traces plus petites lui indiqua la direction qu’avait prise son apprenti, mais même sans cela le professeur ne craignait point de le perdre sur le campus de Gressenheller. Il ne fallut d’ailleurs pas longtemps avant qu’il ne retrouve Luke un peu plus loin, tendant les mains pour laisser les flocons atterrir dans ses paumes et les observer ; même si au vu de son regard déçu, ils fondaient déjà avant de pouvoir être contemplés. Layton rejoignit son élève et lui rendit ses gants, sous l’air penaud du garçon qui se blâma d’être aussi étourdi ; l’archéologue le consola en lui rappelant qu’il n’était lui-même pas exempt de distraction, surtout lorsqu’une énigme quelconque attirait son attention.
Enfin parfaitement vêtu contre le temps glacial, Luke put s’amuser dans la neige sans craindre de gelure ; il voulut d’abord faire une bataille de boules de neige, mais le professeur déclina poliment, étant disposé à faire plaisir à son apprenti mais pas à prendre part à ce genre de jeu. L’enfant décida alors de construire un bonhomme de neige, et cette fois-ci Layton accepta sans retenue de participer.
Tandis que le garçon commençait à rouler dans la faible couche de givre de quoi former le corps de l’homme de glace, Hershel quant à lui s’affaira à trouver des bâtons et autres objets pour faire office de bras et décoration du futur humanoïde. Il croyait se souvenir que les jardiniers avaient récemment mis au rebut quelques manches de pelle et instruments similaires devenus trop usés : cela serait parfait pour l’occasion. Et s’il faisait un rapide crochet par son bureau, il pourrait emprunter son chapeau de rechange et quelques pierres (de simples cailloux sans valeur archéologique mais bien sympathiques à regarder) pour orner la tête du bonhomme de neige. Jetant un regard vers Luke pour s’assurer qu’il n’avait pas besoin d’aide, Layton le vit au contraire déjà bien avancé dans son travail, ayant déjà monté le corps de l’être givré et s’affairant à former une tête au sommet du monticule… qui avait une silhouette étrangement féminine et familière, par ailleurs…
Le professeur reconnut alors la figure que le garçon sculptait dans la neige et réajusta son chapeau, replongeant à nouveau dans des souvenirs à la fois doux-amers à la vue du "bonhomme" de glace.
C’était la silhouette d’Emmy que Luke reconstituait de son mieux, malgré ses talents moindres de modeleur et les limites du matériau qui fondait à moitié sous ses mains d’enfant.
Hershel poussa un soupir, envoyant un filet de buée dans l’air froid du soir enneigé. Cela faisait six mois déjà que son assistante… que Emmy les avait quittés, après trois ans de loyaux services ; et ce en dépit de pourquoi elle s’était engagée en premier lieu. Il ne lui en voulait point ni ne rejetait ses raisons de partir : mais dire qu’il l’acceptait sans regret, c’était une autre histoire.
Surtout en regard de ce qui avait mené à cette démission volontaire.
Les révélations sur l’héritage des Aslantes, les buts de l’organisation TARGET, l’identité de Descole ainsi que celle de Bronev, le chef de TARGET, et les évènements qui s’en étaient suivis avaient tous été affreusement éreintants. Et bien plus émotionnellement que physiquement parlant, bien sûr.
Découvrir ses véritables origines, et ainsi dévoiler tout d’un coup une volée de souvenirs enfouis tellement profondément qu’il avait du mal à discerner vraiment la vérité de la création mentale était encore difficile à admettre pour Layton. Et savoir que Descole était…
Le professeur secoua mentalement la tête ; il avait clairement vu l’homme masqué retourner à l’intérieur du Sanctuaire des Aslantes lors de sa destruction, mais quelque chose lui disait que son ancien adversaire n’avait pas péri dans l’effondrement de l’arche volante. Il n’en avait aucune preuve, mais quelque chose au-delà de sa logique habituelle lui soufflait que "Jean" était encore en vie, quelque part dans le monde, peut-être à la recherche d’une nouvelle découverte archéologique.
Sans doute une intuition. Et pour cette fois, Hershel pouvait admettre de suivre son instinct.
Malgré la destruction provoquée par les agissements de TARGET durant cet incident, il n’y avait eu que peu de dégâts à déplorer ou de pertes humaines ; les personnes blessées durant la révélation du Sanctuaire ancien s’en étaient sorties, et il n’y avait aucun disparu en omettant le mystérieux Descole : et là encore, son sort final restait toujours très incertain, bien que le pressentiment de Layton soit fortement enclin à réfuter la thèse du décès dans les ruines aslantes. Tous s’étaient remis en temps et en heure de cette effroyable épreuve, ou étaient en voie de guérison.
Mais la révélation du rôle d’Emmy vis-à-vis de TARGET et du professeur Layton avait laissé une brèche profonde. Pas une dans l’âme de l’archéologue ou de son apprenti, bien au contraire ; mais dans celle de la jeune femme elle-même.
Malgré le pardon du Professeur et celui de Luke, Mlle Altava ne s’était pas sentie digne d’être encore l’assistante du célèbre chercheur après sa trahison envers eux ; et ainsi avait donné sa démission quelques temps après l’affaire des Aslantes, en dépit des encouragements de son employeur et les supplications du petit garçon pour qu’elle reste. Les adieux semblaient avoir été encore plus durs encore à la jeune femme qu’à ses deux camarades d’aventure des trois dernières années ; du moins, c’est ce que Layton se poussait à penser. Bien sûr, cela avait été difficile pour Luke de voir partir Emmy, surtout après ce qu’il était arrivé au Sanctuaire des Aslantes ; et il était évident qu’elle ne voulait pas pleinement quitter l’archéologue malgré sa décision et ses valises faites.
Mais son départ avait sans doute été tout aussi amer pour lui-même, repensa le professeur en réajustant subconsciemment son haut-de-forme, bien qu’il n’en ait rien montré ; un gentleman ne fait pas un scandale en public, après tout. Cela n’empêchait pas la tristesse de l’affecter autant que ses deux jeunes compagnons, même s’il faisait tout pour s’en convaincre du contraire.
Peut-être était-ce parce qu’après toutes ces révélations bouleversantes, voir encore une personne chère le quitter (bien que non définitivement et de son plein gré) lui était devenu trop douloureux.
Layton sentit un léger tourbillon glacé l’envelopper un bref instant, faisant virevolter les quelques flocons de neige flottant autour de lui et le tirant brièvement de ses réminiscences amères. L’homme leva les yeux vers la voûte céleste d’où chutaient encore des petits cristaux de glace, laissant échapper un nuage plus soupir que souffle dans la froideur glaciale du soir tandis qu’il admirait un instant les points immaculés tombés du ciel ; et malgré lui, se remit à penser à toutes ces personnes qu’il connaiss-avait connu et qui étaient disparues.
Sa famille, Ses parents, son frère aîné, son meilleur ami d’enfance, sa loyale assistante, son apprenti fidèle…
Claire.
Regard tourné vers le ciel bleuté, Hershel contempla l’espace vide devant lui ; certaines de ces personnes avaient fini par revenir vers lui, et ce même quand il ne pensait jamais le voir arriver ; mais d’autres étaient pour toujours parties, laissant un vide dans son âme… dans son cœur qu’il refusait de montrer malgré sa tristesse pesante. Ces allées et venues si fréquentes et pourtant si exceptionnelles le tourmentaient encore aujourd’hui de part leur étrange part de mystère : un qu’il se devait de résoudre, s’il voulait comprendre le sens de ces cheminements sans but. L’énigme de sa vie, voilà ce qu’ils étaient ; et en tant qu’expert en résolution de charades et logique méthodique, il ne pouvait rester sans réponse face à celle-ci. Quelle en était la signification ? Que se cachait-il derrière ce mystère qui lui faisait voir et perdre de vue ceux qui lui étaient chers ? Quelle était la réponse à l’énigme qu’était sa vie face à ces disparitions et réapparitions dignes d’un maître prestidigitateur manipulant ses émotions ? Quel en était le sens ? Comment pouvait-il enfin combler ce gouffre noir qui ne cessait de persister en lui malgré les découvertes qu’il faisait en chemin, et qu’il-
- Papa ?
Hershel cligna des yeux, et détacha son regard des flocons tombant alentour pour le poser sur la jeune fille devant lui…
Sur sa fille, Katrielle.
Réajustant par réflexe son chapeau, Layton sourit à la jeune femme, reportant toute son attention sur elle et ses camarades occupés à rouler des boules dans la neige :
- Oui, Kat ?
L’intéressée eut un regard moqueur mais rassuré, et répliqua aussi vite :
- Tu étais encore plongé dans tes pensées, pas vrai ?
- Je ne peux rien te cacher, n’est-ce pas ? fit-il d’un léger rire.
- Rater une chose aussi évidente ne serait pas digne d’une Layton ! répondit-elle avec assurance et un autre sourire.
Hershel sourit à son tour, une certaine fierté l’envahissant tandis que la demoiselle se tournait vers Oliver et Sherl finissant d’empiler le corps d’un homme de givre en cours de création ; il n’avait certainement pas pensé être ainsi père un jour, et ce biologiquement ou non. Mais ses pérégrinations avaient placé cette petite fille sur sa route, bébé à la parenté énigmatique et dont il n’avait pas envisagé d’être autre chose que le tuteur temporaire avant de retrouver sa famille de sang ; et avant qu’il n’ait complètement pu s’en rendre compte, les années avaient passées, et aucun parent quelconque ne s’était un jour présenté pour récupérer l’enfant. Et lui avait découvert en elle une émotion qu’il n’avait encore autant ressentie auparavant, déjà vécue au travers de Luke et Flora, mais cette fois décuplée au centuple face à cette petite fille qui avait croisé sa route par coïncidence.
En un mot, il était devenu père.
Mais la parenté de Katrielle restait insoluble, et en dépit de ses sentiments Layton se devait d’au moins tenter de retrouver le père biologique de sa fille, sa mère ayant quitté ce monde pendant l’accouchement. C’était son engagement, et en tant que gentleman il lui fallait le tenir.
C’était ce même engagement, noble mais ardu, qui l’avait malgré lui fait traverser le temps dix ans en avant, dix ans pendant lesquels sa fille avait été privée de lui en dépit de tous ses efforts.
Et c’était le même engagement qui lui avait fait réaliser que peu importe le parent de sang de Katrielle, il était son père, et elle était sa fille.
Layton sentit tout à coup quelque chose effleurer son nez, et leva la main pour voir ce que c’était ; un flocon de neige se dévoila alors sur son doigt, fondant à peine au contact de la chaleur au travers du gant. L’archéologue contempla un instant les arabesques symétriques de l’étoile glacée, admirant à nouveau la merveille de hasard qu’elle était.
- Papa, regarde notre bonhomme de neige !
Le professeur leva les yeux à l’appel de Kat, et se retrouva à fixer un homme de givre à gants oranges et chapeau haut-de-forme au visage familier que la jeune femme et Oliver lui présentaient fièrement, malgré l’air dubitatif du canin Sherl face à cette œuvre pastiche. Un rai de soleil traversa alors les nuages et éclaira la détective de dos, formant comme un halo autour d’elle alors qu’elle souriait malicieusement à son père.
Le professeur eut un bref mouvement de surprise à ce phénomène, et soudain il comprit pourquoi. Ce n’était pas juste par fierté d’avoir une telle fille. Ce n’était pas juste par amour d’avoir une nouvelle fois l’occasion d’élever un enfant épanoui. Ce n’était pas juste parce qu’elle lui rendait tout cet amour avec autant de ferveur et de reconnaissance. C’était parce qu’il avait trouvé la solution de l’énigme.
C’était elle, sa réponse.
Oui ; en dépit de toutes ces rencontres et séparations et retrouvailles déchirantes qu’il avait traversées, si elles devaient toutes le mener jusqu’ici… Il n’aurait pas pu désirer d’autre vie.
Hershel resta un instant figé, comme prit dans le temps ; puis il ferma les yeux, sourit, et adressa un regard amusé à sa fille qui rit malicieusement devant son œuvre avant de les rejoindre. Sans qu’il ne puisse s’en empêcher, une pensée lui vint tandis que Katrielle commençait déjà à construire un nouveau bonhomme de neige cette fois-ci à l’effigie d’Oncle Luke :
- Ceci me rappelle une énigme : « En sortant de ma maison dont toutes les fenêtres donnent au sud, je vois alors un ours… »
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Petit jeu bonus : si vous devinez l'intitulé de l'énigme de la fin et pouvez la résoudre, je publierai une surprise ; et pas de tricherie, hein ! ^w^
Bonnes fêtes à toi et joyeux Noël cinq jours plus tard BakApple ! J'espère que ça t'a plu ! :D <3