Donjon Mystère - La porte du devenir

Chapitre 4 : Sylveroy

2982 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/12/2021 18:49

      … Tout est si sombre…

J’ouvre les yeux, mais il n’y a rien… suis-je devenu aveugle ?

J’ai mal à la tête, comme si quelque chose de lourd me cognait le haut du crâne. Quand je le tourne à gauche, la douleur passe à droite et inversement. Il fait froid et pourtant, l’atmosphère est pesante.

Que… s’est-il passé ? Je rentrai de l’école avec… Nido… ?

Mince, la trappe !

Je me relevai difficilement, en me remémorant notre plus récente bêtise. Nous avons sauté dans ce gouffre si sombre, et maintenant… je suis perdu dans le noir total.

- (Bulbizarre) Hé oh ! Il y a quelqu’un !?

Ma voix raisonne, il y a un grand vide au-dessus de moi.

Lentement, des nuances de violet commencent à apparaître. Je crois que ce sont juste mes yeux qui s’adaptent. Est-ce… la couleur du sol ? Une terre violette ? Oui, c’est forcément ça, je peux distinguer des montagnes au loin. Le ciel est donc noir… ? Si je suis dans un sous-sol, alors forcément, mais quel type de sous-sol est-ce, exactement ?

Je fis un pas vers l’avant, tout du moins jusqu’à ce que je sente mon corps frissonner brusquement. Il n’aime vraiment pas cette atmosphère, j’ai l’impression que je ne devrais pas être là. Oui… évidemment que je n’ai rien à faire ici, mais là, on est un cran au-dessus. Je n’avais jamais senti cette sensation, comme si la composition de mon corps ne répondait pas correctement avec celle des environs.

Peu importe… je dois…

- (Bulbizarre) NIDO !!!

Le retrouver et sortir d’ici le plus vite possible !

 

La porte du devenir – Chapitre 4 : Sylveroy

 

Cela fait dix minutes que je marche. Je n’ai pas envie de me retourner, j’ai perdu mon point de départ et c’est tant pis pour moi. Ceci-dit, je n’ai pas l’impression de beaucoup avancer, tout se ressemble. Un ciel uniquement noir, une terre seulement violette, la pierre la soulevant l’est aussi. Je suis en hauteur, il m’arrive donc parfois de jeter un coup d’œil aux précipices qui m’entourent, avant de toujours reculer d’angoisse.

Si je tombe là-dedans, si je venais à disparaître ici…

Non, n’y pense pas. Tu es seul, il n’y a que toi et ces trous sont tes seuls ennemis. Alors avance… avance et trouve ton petit frère !

- (Bulbizarre) NIDORAN !!!

Continuai-je d’hurler toutes les minutes. Ma voix raisonne jusqu’à loin, j’aurai déjà dû entendre la sienne si il me répondait.

Alors que je descendais précautionneusement une petite colline pour toujours plus m’enfoncer dans cet espace inconnu, mon regard se fit instinctivement attirer par une minuscule petite lumière. Elle était lointaine, mais je saurai reconnaître un éclat lumineux, même infime, parmi n’importe quoi, dans un lieu aussi sombre ! Je m’approchai donc en vitesse, sautait quelques fissures au sol pour finalement tomber face à un lac.

Un petit lac plat, calme et au liquide aussi sombre que le ciel. Mais la lumière était là, face à moi. Un tout petit point brillant et qui flottait paisiblement au-dessus de l’étendu.

- S’il vous plaît… ?

AAAH !!!

Ça m’a fait sursauter, moi qui fixais cette lumière pendant bien dix secondes sans ne penser à autre chose que ce dont elle voulait bien signifier. Mais en me retournant, il n’y avait rien. Je scrutais les alentours d’un regard inquiet, essoufflé dans une paranoïa atroce.

Mais… je crois que la voix ne venait pas de derrière moi. C’était une petite voix timide, féminine et enfantine. On aurait dit…

En y pensant, je refixais d’un air aussi inquiet qu’intrigué cette petite lumière.

Dix secondes s’écoulèrent…

- … S’il vous plaît… ? Je… je suis perdue.

J’écarquillai les yeux. C’était bien elle, c’était la voix de Sabelette !

- Pouvez-vous m’indiquer la sortie… ? J’ai froid… j’ai peur…

- (Bulbizarre) Sabelette… ? Tu m’entends ?

- Quoi… ? Non, s’il vous plaît, n’approchez pas… ! Non, arrêtez !!

- (Bulbizarre) Sabelette !?

Soudainement, la lumière se dissipa.

Je mis bien dix autres secondes, avant de réaliser ce qu’il venait d’arriver. Ce n’était pas Sabelette, on aurait dit… les voix d’un événement passé. La lumière n’était plus, je n’avais à nouveau plus rien pour me repérer. Alors je reculai doucement, perplexe et inévitablement plus inquiet.

Tant pis, il faut que je continue. Alors je décidai de contourner la montagne à droite du lac, qui sait ce qu’elle pouvait cacher ? Il n’y avait toujours personne, mais les fissures s’agrandissaient. Je devais faire de plus en plus attention, quitte à d’abord m’accrocher avec mes lianes avant de bondir.

Mes yeux furent à nouveau attirés par des lumières, une fois l’obstacle contourné. Tout un tas de petites lumières enfermées dans un… château ? Je me les frottai pour vérifier que je n’hallucinai pas, mais c’était bien ça : un grand château noir. C’est improbable, il est seul au milieu de nulle part, il n’y a pas une habitation aux alentours et tout… est toujours trop calme.

Sommes-nous toujours… dans cette trappe ?

De toute évidence, je me suis approché. Je n’avais rien à perdre, et au contraire, je me suis surpris à admirer les grandeurs de la fondation. Il était noir à un point où l’on ne pouvait distinguer sa texture, il était juste noir. Heureusement qu’il était entouré par des montagnes, sinon je ne l’aurai distingué à cause du ciel. Mais qu’est-ce qu’il était grand, qu’est-ce qu’il était imposant, une fois à ses pieds. Un drapeau était supposé être accroché au sommet, mais il était déchiré. En arrivant dans le territoire, je me suis surpris à trébucher sur des débris, eux aussi simplement noirs.

Bon, et maintenant… ? Est-ce que je toque ?

- Ce n’est pas nécessaire.

Chantonna de manière apaisée une douce voix féminine et détendue. J’aurai dû sursauter, je me suis pourtant simplement retourné. Peut-être n’ai-je pas eu peur grâce à cette agréable chaleur qui venait me caresser le bulbe ? Dans tous les cas, je me retrouvai face à une nouvelle tête, une sacrée tête.

- (Bulbizarre) B… bonjour.

Bégayais-je en la dévisageant. Mon corps tremblait, mais mon esprit… se sentait bien, enfin je crois. Sa tête était grosse, immense, même. Mais ce n’est pas son crâne, on dirait plutôt un bourgeon. Quatre cornes l’entourent, son petit visage est juste en-dessous. Elle porte un collier de boules vertes, sa fourrure est verte. Le reste est blanc, ses jambes sont vraiment minuscules. Elle flotte, son expression… ne laisse paraître que la certitude de savoir ce qu’il se passe. Mais encore une fois… je me sens bien, face à cette présence.

- (Bulbizarre) Est-ce que… vous savez où nous sommes ?

- Au milieu de nulle part, désormais.

- (Bulbizarre) Ah oui… ?

Je me retournai vers le château.

- (Bulbizarre) Et ça… ?

- Ma demeure. Votre frère vous y attend.

Hein ? Nido est là ? Comment sait-elle que c’est mon frère, comment peut-elle savoir que je le recherche ?

- Il vous a mentionné, voilà tout.

… Pardon… ? Êtes-vous capable de… lire mes pensées ? En guise de réponse, elle hocha simplement la tête. Mince… du coup, elle entend ça aussi.

- Navrée, ce pouvoir dépasse ma volonté. Considérez-moi simplement omniprésente.

- (Bulbizarre) Euh… très bien. Qui êtes-vous, au juste ?

- Appelez-moi Sylveroy.

Sylveroy ? Roy, ça se prononce roi… ? Je n’ai jamais entendu parler de cette espèce, mais elle n’est pas seulement masculine. C’est… bizarre, de l’appeler comme ça.

- (Sylveroy) Ne m’appelez pas, sinon.

- (Bulbizarre) Non, euh… désolé ! Sylveroy, entendu !

Quel idiot, je dois faire attention à chacune de mes pensées, maintenant !

- (Sylveroy) Bon, entrons.

Elle cligna des yeux, et la porte de son château s’ouvrit. Les lumières auparavant enfermées m’éblouirent furieusement, mais elles étaient chaleureuses aussi. Elles avaient la même couleur que celle au-dessus du lac. Sylveroy me dépassa, alors je me dépêchai de la rejoindre, de passer la porte et de la laisser la fermer d’un nouveau clignement d’œil.

Tout… était blanc. Quel contraste impressionnant, ma vue mit bien une minute à s’adapter correctement. L’espace était gigantesque, mais terriblement vide. Les escaliers pouvaient laisser cinq personnes monter sur la même ligne, les vitraux faisaient au moins sept fois ma taille, l’entrée vers une immense salle à manger était tout aussi large, mais… il n’y avait personne. Parmi toutes les tables où s’installer, seule l’une d’entre elle était en bon état. Et maintenant que j’avais remarqué cela… difficile d’apercevoir autre chose que des bouts de verres recollés entre eux pour servir de vitraux.

- (Sylveroy) Il est à l’étage.

- (Bulbizarre) NIDO !?

Criai-je, comme à mon habitude. Cette fois, il m’entendrait forcément. Pourtant… personne ne me répondit.

- (Bulbizarre) … Ce n’est pas un piège, j’espère ?

- (Sylveroy) N’est-il pas taciturne ?

- (Bulbizarre) Nido, taciturne ? Je crois qu’on ne parle pas de la même personne…

- (Sylveroy) Vous n’avez qu’un seul moyen de le savoir.

Très bien, je vais le faire. Si je me fais avoir… je ne pourrai m’en prendre qu’à moi-même, je suppose. Nido m’aurai répondu, j’en suis persuadé. Il doit être effrayé, il doit être paniqué à l’idée de me retrouver et de sortir d’ici, forcément ! Alors à moins que les murs de ce château isolent le son, je…

- (Bulbizarre) Nido !?

Je… j’hallucine, il est là ! J’ai juste monté les escaliers et il est là, en face de moi ! Il est de dos, fixant du regard différentes lumières l’entourant.

- (Bulbizarre) Nidoran, c’est bien toi !?

Il se retourna, l’air perplexe.

- (Nidoran) Salut, Bubizarre.

Il avait la même expression qu’avant de se jeter dans le gouffre. Mais je m’en moquai, je me suis approché pour l’enlacer de toutes mes forces. C’était bien lui, et il n’avait rien de cassé ! Sylveroy ne mentait donc pas… !

- (Bulbizarre) Merci beaucoup… !

Elle me hocha à nouveau la tête.

- (Nidoran) C’est bon, Bubizarre, lâche-moi…

Oh là là, quel ingrat ! C’est le mioche qui restait tout le temps sur mon bulbe qui me dit ça, sérieux ?

- (Bulbizarre) Comment es-tu arrivé jusqu’ici ?

- (Nidoran) Sylveroy m’a trouvé, c’est tout.

- (Sylveroy) Il est tombé proche de ma demeure.

- (Bulbizarre) Ah ouais… ? Cool que ce soit lui qui soit tombé chez vous.

- (Nidoran) Et toi, t’as mis du temps à arriver.

- (Bulbizarre) Je n’étais pas à côté, gros malin.

Après cet étrange moment de réconfort, j’en revenais tout de suite à mon… à notre objectif. Nido était à mes côtés, maintenant, il fallait qu’on trouve un moyen de rentrer à la maison ! Peut-être que Sylveroy connait une sortie ?

- (Sylveroy) Il y en a une, en effet. Il vous suffit d’emprunter le sceau de la Montagne Fougueuse.

- (Bulbizarre) La Montagne Fougueuse… ?

Elle cligna des yeux, et en me retournant, une gigantesque loupe me faisait face. Au moins trois fois ma taille, mais je commençais à être habitué. Malgré le couloir blanc qu’elle visait, son contenu affichait l’extérieur. Et effectivement, au sommet d’une haute montagne se laissait percevoir un tube de lumière scintillant. Un autre château se trouvait derrière, ses lumières étaient rouges et bien plus étincelantes. C’était magnifique mais… ça paraissait surtout inaccessible.

- (Sylveroy) Hélas.

- (Bulbizarre) Quoi, on ne peut vraiment pas y aller ?

- (Sylveroy) Un être aux mauvaises intentions y réside. S’y rendre vous destinera à un sort terrible.

- (Bulbizarre) Si c’est le seul moyen de rentrer chez nous, alors nous n’avons pas le choix !

- (Sylveroy) … Des paroles sincères, je le sens.

- (Nidoran) Vous comptez pas nous accompagner ?

- (Sylveroy) Justement, là est-ce possiblement une chance pour moi de me rattraper.

- (Bulbizarre) C’est-à-dire… ?

- (Sylveroy) J’ai… échoué. L’être qui comptait le plus à mes yeux s’en est allé aux côtés de l’ennemi, il y a de cela longtemps. Je souhaite le récupérer.

Nidoran commençait à hocher la tête, mais je crois que tout le monde ici a oublié quelque chose d’important.

- (Bulbizarre) Ouh là, attendez… nous ne sommes que des enfants.

- (Sylveroy) Au cœur pur.

- (Bulbizarre) Et alors ? Qu’importe ce que cela signifie, on ne sait rien faire d’autre que se mettre dans des problèmes toujours plus dangereux ! Je veux juste qu’on rentre saint et sauf, alors pas de confrontation, d’accord ?

- (Nidoran) Comment il s’appelait ?

Quoi… ?

- (Nidoran) Votre ami ?

- (Sylveroy) … Spectreval. Il ne parle pas, mais je le comprends. Nous sommes pareils, à la différence de nos esprits. Le miens est inébranlable, le sien corruptible. Je n’ai pu l’empêcher de sombrer dans la folie adverse, mais si j’arrive à le chevaucher à nouveau…

- (Nidoran) Alors il vous comprendra à nouveau… !

- (Sylveroy) Exactement.

- (Bulbizarre) D’accord, mais…

- (Nidoran) J’accepte de vous aider à deux conditions !

Mais… !?

- (Sylveroy) J’écoute.

- (Nidoran) Premièrement, ne me considérez pas comme inférieur ! J’en ai marre de tous ces regards d’adultes !

- (Sylveroy) Cela va de soi.

- (Bulbizarre) Nidoran… !

- (Nidoran) Deuxièmement, répondez-moi sincèrement… est-ce que vous avez vu passer une fille ? Elle a toujours de gros vêtements sur elle, elle est timide, a la peau jaune et blanche et… est pas en très grande forme, en ce moment…

- (Sylveroy) … Non, j’en suis certain.

- (Nidoran) Mince…

- (Bulbizarre) Nidoran !! Qu’est-ce qui te prends, on ne peut pas l’aider !

- (Nidoran) J’me disais qu’elle pouvait nous aider à la retrouver.

- (Bulbizarre) On doit rentrer à la maison, bon sang !

- (Nidoran) Et alors ? Si Sabelette était ici, est-ce que tu l’ignorerais et rentrerai quand même ?

- (Bulbizarre) Je… euh…

Qu’est-ce que je suis supposé répondre à cela ? Sabelette est… ouais, elle est forcément ici. J’ai entendu sa voix, je sais qu’elle cherche aussi à se sortir de là. Mais… je…

Je ne peux sauver tout le monde, je ne suis pas un héros.

- (Bulbizarre) Nidoran… fais-moi confiance, elle n’est pas ici.

- (Nidoran) Comment tu peux en être aussi sûr ?

- (Bulbizarre) La trappe était enchaînée, et c’est toi qui l’as cassé !

- (Nidoran) Elle aurait très bien pu être remplacé !

- (Bulbizarre) Et tu crois vraiment que Sabelette est le genre de personne à faire d’aussi grosses bêtises !? Imagines-tu un seul instant les conséquences terribles qu’elle aurait pu subir, si elle s’était fait prendre la main dans le sac !?

Là, je lui clouai le bec. Mais… je n’en suis pas fier, pas du tout, même. Ça me répugne d’avoir à lui mentir, mais je n’ai pas le choix. Qui sait de quand datent les paroles que j’ai entendu d’elle ? Ouais, voilà, elle s’est probablement échappée depuis… c’est sûr…

- (Nidoran) Bon, très bien, on… rentre juste à la maison.

- (Bulbizarre) C’est mieux comme ça, je t’assure.

Nido se tourna difficilement vers Sylveroy, tête baissé, l’air navré.

- (Nidoran) Je suis désolé mais… je peux pas vous aider. J’aurai vraiment aimé, je vous jure… !

- (Sylveroy) Ce n’est pas grave, ne vous en faites pas. Vous venez d’un monde rempli de règles contraignantes, je n’ai pas à juger votre adaptation à ces dernières. Laissez-moi tout de même vous guider vers le sceau.

- (Nidoran) C’est vrai, vous nous accompagnez quand même !?

- (Sylveroy) Bien entendu.

- (Nidoran) Wow, merci beaucoup !!

- (Bulbizarre) Ouais… merci, c’est gentil.

- (Sylveroy) C’est normal. Je reste la reine de ce territoire.

Nous nous préparâmes donc à nous diriger vers la Montagne Fougueuse. C’est… une bonne chose, je suppose ?

Arrête de te sentir mal, Bulbizarre, tu sais que c’est nécessaire. Ton petit frère va être sauvé, tu vas être sauvé et aux côtés de Sylveroy, je suis sûr que nous ne craignons rien. Alors arrête, tout ira bien.

Je… ne suis pas un héros.

Tout ira bien, même pour elle.

Alors ne t’en veux pas.

Laisser un commentaire ?