Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 26 : Bourg-Trésor

10931 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/04/2021 17:23

« ... Je fais souvent ce rêve.

Quand les choses ne vont pas, quand le stresse m’envahis mais que le sommeil m’emporte, quand je n’arrive pas à faire autre chose que culpabiliser avant de m’endormir, qu’importent les exploits accomplis au cours de la journée ; j’ouvre souvent les yeux dans cet amas de fumée noircis.

Ma bouche en est recouverte, je ne peux que le voir. Le vert scintillant de sa peau éblouie presque d’un air chaleureux ce qui l’entoure. L’atmosphère auprès de lui ressemble à celle des Petits Bois, et moi, je suis dans son dos. Je le vois, lui non. Je le sens, lui m’ignore, comme si je n’avais pas été là au moment fatidique.

Pourtant j’aurai dû. La lumière diminue petit à petit, et à chaque fois, je le vois venir. J’essaie de l’appeler, mes yeux se froncent, mon regard « de faible » prend le dessus, je tends mon bras gauche, ma main s’ouvre à lui et… ça ne change rien. Pourquoi… ? Je fais souvent ce rêve, mais je ne le comprends jamais.

Mon corps est humide, je ne comprends pas. J’entends le bruit des vagues, il est déjà loin. De mon côté, je ferme les yeux, je veux me réveiller, je veux faire quelque chose… mais je ne peux pas. Après tout ce qui m’est arrivé, toutes les décisions égoïstes que j’ai prises pour confronter ceux qui m’empêchaient d’atteindre mon rêve, qui serais-je pour empêcher ceux qui ont soufferts par ma faute de se libérer de toutes ces douleurs ? Peut-être que tu n’es plus là par ma faute, Arcko, j’y songe depuis ta disparition. Et j’en ai honte. Si honte que je me mens encore chaque jours. Mais je me force malgré tout à avancer, et ce sans trop savoir si ce qui m’anime est la passion, ou la lâcheté.

Alors par pitié, donne-moi le moindre indice, je t’en supplie. C’est la seule chose que je te demande… »

 

Le corps fébrile et inconscient de Salamèche s’échoua au bord d’une plage, alors même que le ciel se dissipait, alors même que les lueurs orangées d’un soleil couchant dominèrent à nouveau les horizons du continent Sud…

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 26 : Bourg-Trésor

 

Seul le bruit des deux intenses flammes, toutes deux entourant chacune sur un pilier traditionnel la grande grille décorée à l’effigie d’un imposant Pokémon, occupait l’espace calme et serein qui faisait face à l’enfant. Il s’y tenait depuis un bon quart d’heure déjà, depuis que la pluie avait cessée, en réalité. L’arrivée de nouveaux venus semblait l’avoir motivé, mais à nouveau, une fois toutes les marches grimpées, la pression l’envahit. Il n’avait qu’une chose à faire : s’avancer sur le grillage à ses pieds. Une seule étape pour devenir un héros, pensa-t-il.

Malgré tout, la douleur dominait encore. Il sortit et regarda son trésor droit dans les yeux, une pierre qui semblait-il lui redonnait espoir. Mais ça n’était pas suffisant, et progressivement, il ferma les yeux et laissa tomber sa seule source de motivation.

- Non, c’est ridicule…

Sa voix tremblotait. Il n’osait même plus regarder l’architecture qu’il admirait pourtant encore le matin même, depuis la fenêtre de sa chambre. Les larmes lui montèrent, la pression était trop forte. Déterminé à l’idée de ne plus être à la hauteur, il récupéra avec deux de ses petites lianes sa pierre, désormais couverte de boue, puis fit demi-tour et disparut en se morfondant dans une solitude palpable.

Il savait que rentrer à l’orphelinat dans cet état lui causerait encore plus de soucis, alors il fit un détour et engagea de plus ouvertes rues. Son village avait la chance d’être ouvert aux paysages scintillants du continent Sud, et c’est depuis ce dernier qu’il vit au loin la beauté de la plage qui s’offrait à lui. C’était un territoire sauvage, soit une interdiction formelle pour lui et les autres enfants d’y aller seuls. Mais l’étendue était si calme, l’atmosphère si paisible qu’il s’y dirigea sans réellement s’en rendre compte.

Lorsque le sable chaud entra dans ses chaussures, la sensation fut si agréable qu’il y sursauta presque, à force de ne penser qu’aux mauvaises choses. Il leva enfin le regard vers l’horizon, commença à se rendre compte qu’il avait quitté le village, puis fut immédiatement interrompu par le spectacle qui s’offrait à lui. Alors que le soleil se couchait, alors qu’une dernière chaleur apaisante le recouvrait dans cette ambiance orangée, alors même que les lueurs d’un arc-en ciel comblaient le tout, de nombreuses petites bulles aux reflets luisants traversaient l’océan. Elles ne semblaient jamais s’arrêter de voler vers l’horizon, elles étaient nombreuses et unies, et ce car les Pokémon sauvages qui ce soir-là décidèrent d’exprimer leur tradition l’étaient également. En effet, de nombreux Krabby étaient posés sur les côtés, d’autres continuaient de grimper sur les roches les plus éclaboussées, et le spectacle se poursuivait de plus bel.

L’enfant avait les larmes aux yeux. Il ne savait pas si elles venaient d’une admiration pour le paysage, ou de la pression qui malgré toute la joie qui le comblait, le rongeait encore très finement. Il soupira, tout en abaissant lentement le regard.

- Je ne serais jamais à la hauteur de ce qu’on m’offre, c’est pitoyable…

Il rigola nerveusement, puis continua d’avancer dans le sens contraire au village. Il en avait parfaitement conscience, mais ne voulait toujours pas rentrer. Qu’importe où sa détresse le mènerai, il avait besoin d’être seul. C’est du moins ce qu’il pensait, mais la force des choses en décida autrement. Elle décida, peut-être par chance, de lui offrir bien plus que du rêve…

Alors qu’il contourna les carcasses d’un navire échoué, il vit au loin un corps. Il était à terre et ne bougeait pas. L’enfant mit plusieurs secondes avant de se rendre compte de ce dont il s’agissait réellement, et soudainement pris d’une puissante adrénaline, il s’avança sur ses gardes. Le Pokémon semblait jeune, mais assurément plus mature que lui. Sa peau était orange, et ses accoutrements encore trempés. Une petite flamme animait le bout de sa queue, elle semblait avoir résistée à la mer de laquelle il s’était échoué. L’enfant arriva à ses côtés, le regardant des pieds à la tête d’un air incertain. Était-il dangereux ? Mais… était-il déjà en état d’être dangereux ?

Il sortit une de ses petites lianes, et tapota doucement le torse de sa trouvaille.

- Monsieur… ? Est-ce que… vous m’entendez ?

Rien ne semblait se passer, jusqu’à ce que les mains du Pokémon se mettent à doucement trembler. Il gémit, puis rouvrit lentement les yeux. L’enfant recula de quelques pas, l’air incertain.

Brusquement, l’inconscient sursauta. Il se redressa en criant d’angoisse, essoufflé et retrouvant petit à petit la vue sur l’horizon océanique. Pendant une dizaine de seconde, seul le bruit de son essoufflement comblait la scène. Il regarda ses mains cicatrisées de sa dernière aventure, ses accoutrements mouillés, le sable sur lequel il était posé, puis releva lentement la tête vers celui qui l’avait réveillé. L’enfant recula à nouveau d’un pas, sincèrement apeuré. Son expression faciale ne trompait personne, et l’inconnu ressentit immédiatement sa détresse.

- (Salamèche) C’est toi, qui… *souffle* qui m’a aidé… !?

- Aidé… ?

Il afficha un air perplexe.

- Je vous ai juste réveillé…

- (Salamèche) Oui, c’est ce qui me semblait… *souffle*

Le type feu baissa finalement la tête, se sachant en sécurité. Malgré les douleurs musculaires, il afficha un grand sourire à son interlocuteur.

- (Salamèche) Merci beaucoup !

Ce dernier ne comprenait pas, cet étrange personnage lui faisait perdre ses repères. Il resta à une certaine distance, mais n’eut plus peur de le regarder dans les yeux. De son côté, le naufragé se releva, s’étirant douloureusement face au paysage dont il ressentait tranquillement l’atmosphère.

- (Salamèche) Bon sang, je me suis encore mis dans de beaux draps…

Le petit le fixa toujours aussi silencieusement, se sentant de plus en plus perturbé, mais paradoxalement de plus en plus serein à ses côtés.

- (Salamèche) Est-ce que tu… pourrais m’aider ?

- Euh… je ne sais pas. Je ne sais pas faire grand-chose.

- (Salamèche) Quoi… ? Non, jamais je ne te demanderai quoique soit de compliqué.

Il s’abaissa en posant un genou à terre, et se mit à la même hauteur que son interlocuteur. Son sourire transmissible l’atteignait doucement, tandis que sa douce intonation calmait très tranquillement son adrénaline.

- (Salamèche) Comment t’appelles-tu, mon grand ?

- Euh… Bulbizarre, monsieur…

- (Salamèche) Bulbizarre ? C’est chou !

Disait-il en rigolant. Le petit baissa le regard, se sentant rougir.

- (Bulbizarre) … (Il est étrange, pourquoi… est-il gentil ? Je n’ai rien fait pourtant.)

- (Salamèche) Moi, c’est Salamèche. Je viens de Bourg-Tranquille, un petit village au Sud du continent Est.

- (Bulbizarre) S… Salamèche ?

- (Salamèche) C’est ça. J’étais venus avec des amis en navire, mais nous avons été confrontés à de vilaines personnes. Ils nous ont causés de sacrés bâtons dans les roues, et je me suis retrouvé écarté d’eux à cause de mon incompétence à les affronter.

- (Bulbizarre) V… vraiment ?

- (Salamèche) Oui, je suis assez minable, ah ah…

Il se redressa sur ces mots, repensant malgré lui au rêve qu’il fit avant de se réveiller.

- (Salamèche) J’espère que mes amis n’ont rien. Nous sommes bien sur le continent Sud ?

Le petit hocha la tête.

- (Bulbizarre) Il y a mon village, pas loin. Je peux vous y amener, si vous voulez.

- (Salamèche) Tu ferais ça ? Tu es si mignon, merci encore.

Bulbizarre baissa à nouveau le regard, rougissant à vue d’œil. Il prit les devants et guida son interlocuteur, qui le suivit le sourire aux lèvres. Ce dernier regarda les alentours, et fut immédiatement bouche bée face au spectacle des Krabby.

- (Salamèche) Wow… tu vois ça tous les soirs ?

- (Bulbizarre) Hein ? Euh… non, non non, les Krabby sauvages se réunissent assez rarement sur la plage. Mais une tempête vient de se terminer, alors je suppose qu’ils agissent en conséquence.

- (Salamèche) C’est magnifique, comme tout le reste, d’ailleurs.

- (Bulbizarre) Vous n’avez pas ça, chez vous… ?

- (Salamèche) Non, la mer est loin du village.

- (Bulbizarre) Ah bon, c’est possible !?

S’exclama soudainement le petit. Il se rendit tout de suite compte de sa prise d’excitation, et se couvrit la seconde d’après la bouche de ses deux petites lianes, l’air gêné. Mais Salamèche rigola, face à l’inconscience de son interlocuteur.

- (Salamèche) Tu n’as jamais quitté le continent, pas vrai ?

- (Bulbizarre) Hum… désolé de vous embêter avec ça.

- (Salamèche) Non, ça m’intéresse. Quel est ton rêve ?

- (Bulbizarre) Mon… rêve ?

Il se mit à trembler, puis nia rapidement d’un mouvement de tête.

- (Bulbizarre) Non, je… je n’ai pas de rêve !

- (Salamèche) Oh, euh… très bien.

- (Bulbizarre) … (Mais… pourquoi !? Je ne comprends pas, pourquoi quelqu’un voudrait savoir ça ? Qu’est-ce que ce genre d’information pourrait lui apporter, qui est-ce que je pourrai aider avec mes rêves stupides ?)

- (Salamèche) Je suis désolé de t’avoir mis mal à l’aise…

- (Bulbizarre) Quoi !? N… non ! C’est juste que… je n’ai pas l’habitude, c’est tout.

- (Salamèche) Je suppose… (Il a un sacré manque de confiance en lui. Je me demande si ce n’est pas pire que moi, à l’époque où je ne connaissais rien à ce monde ?)

- (Bulbizarre) Et vous, alors… ? Quel est votre rêve ?

- (Salamèche) Devenir explorateur.

Bulbizarre s’arrêta brusquement. Le silence régna, après que le passionné eut donné une réponse si rapide, si franche, si honnête. Il en était bouché bée, presque tremblant face à celui qui en contrejour portait sur ses épaules les dernières lueurs du soleil.

- (Bulbizarre) Vous êtes venus pour… vous inscrire à la guilde d’exploration !?

Salamèche lui hocha la tête à son tour.

- (Salamèche) Mon rêve est d’aider autrui. Je veux voyager et aider quiconque en aura besoin.

- (Bulbizarre) … (Il en est un, c’est… un héros !!)

Il avait des étoiles pleins les yeux. Sans le savoir, Bulbizarre avait rencontré quelqu’un qu’il admirait par défaut, un apprentis de la guilde d’exploration, un Pokémon venu de loin pour obtenir le droit de se sacrifier pour autrui. Ses plus lointains rêves lui revenaient, lui jurant plus que tout qu’un jour, il deviendrait explorateur. Mais son entourage le lui avait bien fait comprendre qu’il était trop faible, trop incompétent et définitivement trop inintéressant pour convenir à cette tâche. Si cela renforçait son admiration pour les futurs explorateurs, il perdit en contrepartie toute confiance en lui. N’ayant aucun ami, une mère adoptive trop occupée pour lui et aucun autre enfant que ceux qui le méprisent pour le « faible » qu’il est, il devint l’enfant perdu qui, en cette fin de soirée là, trouva un nouvel idole.

- (Salamèche) Ça va aller… ?

- (Bulbizarre) O… oui ! Je… je suis désolé de vous faire perdre du temps, continuons !

Il avança sans se retourner. Salamèche trouva ce manque de confiance inquiétant.

- (Salamèche) A… attends !

- Ouais, z’est ça, attends un peu !

Mais une nouvelle voix l’empêcha d’en apprendre plus. Les deux regards se tournèrent vers l’entrée du village, bloquée par deux jeunes adultes. Les deux étaient violets, l’un en forme de boule flottante et relâchant du gaz naturellement, tandis que l’autre était plus petit, volait également mais avec des ailes. Il avait deux grandes oreilles, quatre dents pointues, et ne semblait pas avoir besoin d’yeux pour se repérer. Ils s’approchèrent dans une démarche imposante, empêchant leurs deux jeunes interlocuteurs de les esquiver. Salamèche les regarda d’un air indécis, puis se rendit compte que Bulbizarre semblait encore plus gêné à leur côté qu’au sien.

- Alors comme ça, on quitte le village ? Que risquerait de penser ta mère, mon p’tit Bulbizarre ?

Demanda rhétoriquement le Pokémon chauvesouris.

- (Bulbizarre) Je suis désolé, je ne voulais pas…

- Mais oui, z’est ça ! Heureusement qu’on est payé pour te gronder, ah ah ! Hé, Nosferapti, tu crois qu’on s’ra payé plus zher si on fait passer z’type pour un contrebandier ?

Rigolait narquoisement la boule de gaz, tout en pointant du regard Salamèche.

- (Nosferapti) Oh, mais ce n’est pas une idée si stupide, mon cher Smogo ! Non seulement le gamin se fera encore plus laminer, mais en plus on repartira avec une belle image héroïque, de quoi être certain de nous faire respecter à la guilde !

- (Bulbizarre) Quoi !? Vous… ? Vous allez vous inscrire à la guilde, vous aussi !?

- (Nosferapti) On a déjà été accepté, et on comptait y aller après la tempête, quand on t’a vu débouler tel un imbécile heureux, là, avec ton caillou.

- (Smogo) Qu’est-ze qu’on z’est foutu d’toi, quand même !

- (Nosferapti) C’est vrai que tu te parodiais à merveille, à moins que tu fusses simplement toi-même ?

Le petit baissa la tête de honte, et soudainement, les deux adultes explosèrent de rire.

- (Nosferapti) J’hallucine, tu veux vraiment devenir explorateur !? Ah ah ah !!

- (Smogo) Quelle blague, j’aurais adoré que tu franzisses le pas, pour qu’ils te recallent bien comme il faut ! Dommaze que tu zois une merde faiblarde, ah ah !

- (Bulbizarre) … *snif*

- (Nosferapti) Quoi, tu vas te remettre à chialer ?

- (Salamèche) Ça suffit.

Le type feu s’interposa entre le petit et les deux adultes.

- (Smogo) Qu’est-ze qui veut, le lézard trempé ?

- (Salamèche) Vous avez cinq secondes pour dégager de notre chemin.

Affirma-t-il d’un air extrêmement sérieux. Il avait beau avoir négligé l’entraînement depuis la fin de ses dernières aventures, les bases inculquées par Makuhita et Roitiflam étaient et seront toujours ancrées en lui. Mais à l’heure actuelle, il ressemblait effectivement et simplement à un lézard mouillé. Alors les deux adultes se moquèrent à nouveau, avant de se préparer au combat.

- (Smogo) Allez, un p’tit entraînement avant d’aller s’inscrire à la guilde !

- (Nosferapti) On te remercie par avance pour toute l’aide que tu vas nous apporter, volontaire ou non !!

Sur cette exclamation, Nosferapti chargea le type feu. Bulbizarre sursauta de peur.

- (Bulbizarre) Monsieur Salamèche, attention !!

Mais Salamèche, de son côté, garda un calme total. Il esquiva sans problème son premier adversaire, l’attrapa par une aile, puis le rejeta sur le second qui commençait à peine à attaquer. Les deux personnages s’écrasèrent au sol, pendant que l’adolescent soupira.

- (Salamèche) Bon, allons-y.

Il laissa Bulbizarre passer, puis l’accompagna sans regarder derrière lui. Les deux adultes rouvrirent doucement les yeux, encore déboussolés. Le petit, lui, les fixa d’un air bouche bée tout en s’éloignant d’eux. Tout était arrivé si vite, il ne comprenait pas. Et en regardant à nouveau Salamèche, il comprit que « ne pas comprendre » était le mot clé pour le définir. Il n’avait jamais vu ça, il n’avait cessé d’être autant surpris qu’impressionner, et pour la première fois, il se sentait vraiment à l’aise aux côtés d’un autre Pokémon.

Les deux personnages arrivèrent enfin au cœur d’un village que Salamèche découvrit enfin. Le petit prit les devants.

- (Bulbizarre) Bienvenue à Bourg-Trésor !

L’atmosphère était si chaleureuse, et pourtant si différente de Bourg-Tranquille. Là où le village du continent Est se définissait pour sa verdure scintillante, ses arbres dans lesquels les reflets du soleil brillaient aux éclats, les petites fontaines et les lacs qui comblaient les espaces de repos et l’architecture arrondie et principalement en bois ; Bourg-Trésor représentait un espace paradisiaque de vacances aux bords des plages.

La terre était rouge et retournée, les dalles de pierres indiquant les différentes directions n’étaient pas symétriques, et posées de manière plus naturelle. Là où Bourg-Tranquille avait un retard technologique encombrant, Bourg-Trésor l’assumait et le comblait avec ses traditions : de nombreuses torches occupaient l’éclairage du territoire. Beaucoup d’entre elles étaient sur d’imposants piliers, sur lesquels étaient sculptés des Pokémon aux couleurs éclatantes.

L’architecture, elle, était principalement en pierre. Les maisons n’étaient pas arrondies mais carrées, notamment car l’espace était utilisé pour sa verticalité plutôt que pour son horizontalité. Ainsi, toutes les maisons, marchands et autres bâtiments avaient des étages, et parfois des sous-sols.

Les habitants portaient des accoutrements moins lourds et plus ouverts, ils semblaient bien moins pudiques et ce évidemment grâce au climat plus apte aux fortes chaleurs que n’importe où ailleurs. D’ailleurs, tous les habitants étaient plus bronzés que le reste de leurs espèces, vivant dans d’autres recoins du monde.

Et tout cela, Salamèche le remarqua dès sa première venue. Il avait fantasmé le village, se refusant de le découvrir à travers des photos. Lui qui était passionné par l’exploration, il s’était senti obligé de découvrir le village dans lequel il allait passer l’examen de la guilde de lui-même, et ce fut une très agréable découverte.

- (Salamèche) C’est vraiment… magnifique. Ton village est incroyable, Bulbizarre !

- (Bulbizarre) Vous trouvez… ? En tout cas, j’espère qu’il vous plaira sur le long terme. Vous êtes là pour toute l’année scolaire, après tout. La guilde est par là-bas.

Disait-il, en pointant d’une de ses lianes un géant escalier de plusieurs centaines de marches.

- (Bulbizarre) Grimpez toutes les marches, et vous arriverez à l’entrée. Pour la suite, je ne sais pas, je n’ai jamais eu le courage d’aller plus loin…

Il baissa à nouveau la tête.

- (Bulbizarre) Je ne sais plus si j’en ai envie…

Repensant à l’idée que Smogo et Nosferapti étaient inscrits, il semblait remettre en question le rôle et la bienveillance naturelle des apprentis explorateurs. Mais Salamèche s’abaissa à nouveau à son niveau, toujours avec cette empathie communicatif qui le définissait aussi bien.

- (Salamèche) Hé, mon grand, ne déprime pas. Oui, les apprentis explorateurs ne sont pas spécialement tous bien intentionnés, mais ce n’est pas une raison pour abandonner.

- (Bulbizarre) Pourquoi je continuerai, personne ne croit en moi ! Smogo et Nosferapti sont des gérants de l’orphelinat, ils se sont inscrits il y a quelques semaines et me maltraitent autant que les autres enfants ! Je les connais par cœur, et aujourd’hui, on me veut me faire croire qu’ils ont l’étoffe de devenir des héros… ? Je… *snif* je devrais peut-être arrêter de me faire des idées…

Il sortit de sa poche son trésor, un petit caillou en forme de rouage et sur lequel une peinture en or formait un insigne particulier. La boue le recouvrait encore.

- (Bulbizarre) Tout ça est ridicule…

Il le laissa tomber, mais Salamèche le rattrapa avant qu’il ne retombe au sol.

- (Salamèche) Non. De tous ceux qui auraient pu le faire, c’est un pauvre enfant apeuré et déprimé qui m’a aidé à me sortir d’un naufrage.

- (Bulbizarre) …

- (Salamèche) Et ce même enfant a un rêve qui pour l’instant me semble évident. Crois un peu en toi, penses à ce qui pourrai te motiver, te convaincre d’un jour devenir explorateur !

- (Bulbizarre) Comme quoi… ?

- (Salamèche) Les deux imbéciles, je crois qu’ils parlaient d’un caillou… c’est celui-là ?

- (Bulbizarre) Euh… oui, c’est mon trésor, mais c’est… un peu ridicule…

- (Salamèche) N’importe quel trésor personnel semble ridicule aux regards des autres. Moi, j’ai un carnet dont tout le monde se moque. Et pourtant, jamais je ne pourrai avancer sans lui. Ce trésor ? Où l’as-tu trouvé ?

- (Bulbizarre) C’est… euh… un Pokémon, qui me l’a donné.

- (Salamèche) Ah oui !?

- (Bulbizarre) Ne le répétez à personne, s’il vous plaît ! Je ne l’avais jamais vu auparavant, elle sortait de nulle part et me l’a donné en me faisant jurer de ne jamais le confier à qui que ce soit. Puis elle est partie dans un amas de lumière, et je ne l’ai plus jamais revue… bon sang, je ne connaissais pas même son nom !

Un silence se créa, avant que le petit ne remarque que Salamèche le regardait avec un grand sourire.

- (Bulbizarre) Quoi… ?

- (Salamèche) Tu viens de trouver ton objectif.

- (Bulbizarre) Hein !? Mais… je n’ai aucune idée de qui c’était ! Jamais je ne pourrais la revoir !

- (Salamèche) C’est justement ce qui restera à jamais impressionnant, avec l’exploration. Quand on s’y lance, on se retrouve toujours à faire bien plus que l’improbable.

- (Bulbizarre) …

- (Salamèche) Deviens apprentis explorateur, obtiens ton diplôme, et retrouve ce Pokémon. C’est un objectif de vie qui me semble à la hauteur de ton potentiel, mon grand.

Il lui gratouilla le crâne avec le sourire, avant de lui rendre son trésor, se relever, et se motiver à poursuivre son aventure. Bulbizarre avait les larmes aux yeux, fixant tout en tremblotant le personnage qui lui redonnait espoir.

- (Salamèche) On se reverra, Bulbizarre. Je n’ai pas l’intention de laisser quiconque interférer dans tes objectifs, parce qu’après tout, à mon stade, il est de mon devoir de faire de mon mieux pour aider les véritables héros à sauver le monde. Allez, à plus tard !

Et il s’en alla sur ces mots. Le petit se retint de pleurer, se retourna, puis rentra en titubant de joie, d’excitation, de peur et d’incertitude à l’orphelinat. Sa vie semblait avoir pris un nouveau départ, et ce en une simple journée.

De son côté, le membre de la Dream Team arriva aux pieds de l’escalier qui, à ce stade, semblait infini. Il s’en moqua, s’étira une dernière fois, puis fonça vers son objectif. Une à une, il grimpa les marches à toute vitesse. Il ne vit pas le temps passer. À chaque fois qu’il se sentait s’épuiser, il repensa à tout ce qui l’avait mené ici, et se reboosta ainsi. Et après presque cinq minutes de montée, il arriva au sommet de l’architecture. Le point le plus haut de Bourg-Trésor, offrant une vue qui, pour un nouveau venu, n’était qu’un teasing de toutes les épreuves qu’il allait devoir affronter. Il ne fit que sourire face à elles, avant de se reconcentrer sur son objectif du jour : s’inscrire à la guilde.

Une petite infrastructure, à l’architecture colorée et sculptée à l’image d’un imposant Pokémon rose lui faisait face. L’entrée était barrée par une importante grille en bois, tandis qu’un petit grillage en maille n’attendait que sa venue pour l’ouvrir. Il s’avança sur ce dernier, comprenant tout de suite qu’il s’agissait d’un système de vérification, obligatoire pour accéder aux compartiments de la guilde. C’est alors qu’une voix robotique s’exclama :

« Pokémon détecté ! Pokémon détecté ! C’est l’empreinte d’un… Salamèche ! »

- (Salamèche) … (L’emprunte ? Comment fait-il pour le savoir, j’ai des chaussures ?)

Et soudainement, la grille s’ouvrit.

« Il s’agit de votre première venue, Pokémon Salamèche ! Veuillez-vous enregistrer à l’accueil ! »

- (Salamèche) … (Riolu n’a pas spécialement tort, quand il parle de révolution technologique. Et dire que quelques habitants de Bourg-Tranquille n’ont pas encore accès à l’électricité… Bref, il faut que j’avance !)

Il passa de l’autre côté de la grille, qui se referma assez brusquement derrière lui. Il se retrouva enfermé dans un très petit espace sombre, tandis qu’une échelle descendante lui faisait face. Lui qui avait monté des escaliers pendant cinq minutes, il se retrouva à devoir descendre, heureusement pendant sept fois moins de temps.

- (Salamèche) … (Je vois. Toute l’infrastructure de la guilde est construite sous cette colline aménagée. Je me demande jusqu’où ça descend, mais dans tous les cas, c’est immense !)

Enfin, il arriva au premier sous-sol. Si le grand espace pouvait apparaître dérangeant pour les claustrophobes, les deux gigantesques fenêtres de plus de quatre mètres de hauteurs transmettaient un sentiment de liberté à quiconque les regardaient. La première donnait vue au bout d’une forêt, mais surtout à la plage et l’horizon de la mer, la seconde directement à Bourg-Trésor.

Pour en revenir à l’intérieur, les murs étaient rocheux, le sol en herbe. L’idée de garder du naturel se faisait grandement sentir, tandis que le peu de construction civile était réalisé à partir de planches de bouleaux et d’acajous. Une deuxième échelle collait directement la première pour descendre encore, à leurs côtés se trouvaient des panneaux d’affichages. Salamèche les reconnaissait tout de suite, c’étaient les même que ceux de la poste Bekipan, à Bourg-Tranquille. Ils devaient servir à regrouper les différentes missions pour un explorateur, ici centrées sur le continent Sud et probablement réservé aux apprentis de la guilde seulement.

- Excusez-moi ?

Une voix féminine interpela l’adolescent, toujours dans son analyse des environs. Il se tourna de l’autre côté de la pièce, où un comptoir en bois enfermait un Pokémon flottant, bleu et au corps mince et original, qui devait gérer l’accueil de la guilde. Son nom était indiqué sur un Ponytalet : Eoko.

- (Eoko) Vous êtes Salamèche ?

- (Salamèche) Oui, bonsoir !

Il s’approcha en feuilletant du regard les alentours.

- (Salamèche) Navré du retard, j’ai eu un léger contretemps.

- (Eoko) En quoi puis-je vous aider ? Il y a un problème au village ?

- (Salamèche) Quoi… ? Non, absolument pas, je viens m’inscrire à la guilde.

Un silence se créa, avant que l’adulte ne soupir de fatigue.

- (Eoko) Ok… veuillez m’excuser, c’est ma première année en tant que gérante, comptable, médecin, cuisinière, stagiaire et alcoolique à ses heures perdues dans cette infrastructure. J’ignorais qu’ils avaient le droit de recruter des mineurs, mais peu importe…

Marmonnait-elle, en cherchant le nom de Salamèche dans la base de données de l’ordinateur du comptoir.

- (Eoko) Effectivement. Salamèche, né le 17 Septembre 217 à Bourg-Tranquille et membre de la Dream Team, accepté pour s’inscrire à la guilde d’exploration et participer du 15/09/231 au 15/06/232 avec le reste de son équipe, soit Pikachu, Germignon, Riolu, Carapuce et Branette. Vous aimez vous faire attendre, en tout cas.

- (Salamèche) Comme il n’y avait pas d’hôtels à Bourg-Trésor, nous avons préféré venir le jour même.

- (Eoko) On vous aurait logé. Nous ne sommes pas des monstres, enfin pas encore. Vous m’direz, je vous critique, mais l’équipe Crâne ne s’est toujours pas pointée…

Disait-elle sur un ton aussi cynique qu’ennuyé.

- (Eoko) Bref, il faut aller confirmer votre inscription auprès du chef et du maître.

Le « chef » et le « maître », voilà deux mots qu’il ne cessait d’entendre, lorsqu’on lui parlait de la guilde d’exploration. Ils étaient les symboles de l’infrastructure, et Alakazam le lui avait bien précisé qu’ils étaient tous deux aussi bienveillants que strictes, enfin à leurs manières.

Par ailleurs, Eoko n’eut pas besoin de sortir de son comptoir pour voir le chef qui, grimpant l’échelle d’un air grincheux, se montra sans que personne ne le demande. C’était un Pokémon oiseau, petit et au plumage bleu et blanc. Sa tête en forme de note de musique était noire, ses pattes et son torse jaune. Il portait un accoutrement assez fermé, noir et blanc. Salamèche pensait qu’il s’agissait d’un autre apprentis, et lui sourit en le voyant approcher.

- (Salamèche) Salut !

Un silence se créa, Eoko se couvrit les yeux de honte.

- Salut… ? C’EST COMME ÇA QUE TU PARLES À TON CHEF !?

- (Salamèche) Quoi… !?

D’un bond soudain, le vieil oiseau frappa de son aile durcie le crâne de son interlocuteur, qu’il fit la seconde d’après s’agenouiller à ses pattes.

- (Salamèche) Je suis désolé, je ne savais pas… ! (Aïe, ça fait super mal !)

- Très belle première image, Salamèche de Bourg-Tranquille, tu me montres que je suis le seul à avoir fait mes devoirs ! Mon nom est Pijako, et je suis le chef de la guilde d’exploration !

- (Salamèche) Pardon, monsieur Pijako ! Je vous promets de me rattraper !!

- (Pijako) Et comment !?

- (Salamèche) En donnant le meilleur de moi-même chaque jours !!

- (Pijako) ET COMMENT !?

- (Salamèche) EN ME SURPASSANT À CHAQUE INSTANT !!!

Un autre silence se créa, Eoko bâilla.

- (Eoko) Bon, moi j’vais m’faire un café.

- (Pijako) *tousse* Bien, ce n’est pas trop mal. Appelle-moi chef, par contre.

- (Salamèche) Oui chef !

- (Pijako) La procédure veut que l’équipe entière assiste à son inscription officielle auprès maître. Mais au vu de ce qui vous est arrivé ce matin, mieux vaut que le plus en forme d’entre vous y aille.

- (Salamèche) Je viendrai sans problème, mais… est-ce que je peux passer voir mes amis avant ?

- (Pijako) Déjà en train de négocier, je sens que cette année va être longue… Tu as cinq minutes, je t’attendrai devant la porte du bureau du maître. Eoko, amène-le à l’infirmerie !

- (Eoko) Pas d’soucis, chef !

Disait-elle, en faisant léviter sa tasse de café. Elle devait être de type psy.

- (Pijako) Ah, et une dernière chose… penses à prendre une douche dès ce soir, tu as vraiment la même odeur que les marins les moins propres de notre monde.

Il s’en alla sur ces mots, laissant la gérante faire son travail. Elle le mena au deuxième sous-sol en empruntant l’échelle qu’il vit plutôt, et ce tout en lui faisant faire le reste de la visite.

- (Eoko) Comme t’as pu le voir, au premier se trouve l’accueil, les tableaux d’affichages et un grand espace qui nous sert de salle commune. C’est ici qu’on se regroupera tous les matins, mais également lorsque vous ferez les comptes de votre mission auprès du chef. C’que t’as pas vu, c’est qu’un couloir menait à la salle à manger, à la laverie, aux cuisines, au placard à balais et aux placards tout court ; et t’auras besoin de cette info quand tu t’fera punir, crois-moi.

- (Salamèche) Le chef punit facilement ?

- (Eoko) Je n’en sais rien, c’est ma première année. Mais au vu de son caractère, mieux vaut ne pas chercher ses limites. Bref, là, on arrive au deuxième sous-sol. Le centre est aussi grand que le premier, mais les couloirs mènent à des espaces beaucoup plus grands, c’est l’avantage d’être au cœur de la colline qui nous sert d’habitation. Y a des canapés, des fauteuils et une télé, mais je suppose que c’est plus un piège qu’autre chose que de s’attarder ici. Les deux portes à côté de l’échelle mènent aux bureaux du chef et du maître, donc tu iras là après avoir salué tes petits copains. Le couloir à gauche mène vers l’infirmerie, les toilettes, les vestiaires et les douches. Et enfin, le couloir de droite mène vers les dortoirs.

- (Salamèche) Et cette porte-là ?

Disait-il, en pointant du regard une porte en métal fermée à clé. Elle se trouvait plus proche des dortoirs que du couloir de gauche.

- (Eoko) Les cachots, pour enfermer les hors-la-loi le temps que des explorateurs les embarquent. Normalement on n’y enferme aucun apprentis, mais fais quand même gaffe.

- (Salamèche) Hum, je prends note.

Ils empruntèrent le couloir de gauche, et s’arrêtèrent devant la porte de l’infirmerie.

- (Eoko) Et voilà, visite terminée.

- (Salamèche) Merci beaucoup, c’est gentil d’avoir pris le temps de…

- (Eoko) J’suis payé pour ça, cherche pas à être sympa pour rien.

- (Salamèche) Ah… pardon…

- (Eoko) Et arrête de t’excuser tout le temps, bon sang ! T’as de la chance qu’on soit peu, cette année, même si je suis sûre qu’ils arriveront quand même à te marcher dessus !

Exclamait-elle, en mentionnant probablement les autres apprentis de la guilde. Déjà qu’entre adultes, de lourdes rivalités pouvaient engendrer beaucoup de moqueries, si ce n’est pire ; alors avec une équipe d’adolescents, cela s’annonçait exclusif, et pas spécialement dans le sens positif du terme. Bref, elle s’en alla sur ces mots, se replongeant dans ses pensées. Salamèche la regarda d’un air gêné, puis soupira et fit face, seul, à la porte de l’infirmerie. Les autres l’attendaient, et tout ce qu’il espérait était qu’ils aient moins souffert que lui. Il ferma les poings, s’attendit au pire, puis ouvrit la porte…

- (Germignon) … Salamèche ?

La voix de Germignon semblait rompre un puissant silence. Et petit à petit, tous les regards se tournèrent vers le nouveau venu. L’infirmerie était grande, au moins quinze lits comblaient la pièce. Et dix de tous ces lits étaient occupés par les mêmes Pokémon avec qui le type feu avait parcouru un long chemin vers le continent Sud. Ils étaient tous conscients, et à part Ptyranidur, n’avaient presque aucune égratignure.

- (Salamèche) Les amis… !

- (Pikachu) SALAMÈCHE !!!

Pikachu sauta dans les bras de son meilleur ami. Le type électrique était en pleure, l’adrénaline semblait l’avoir contrôlé pour l’espace de quelques secondes.

- (Salamèche) Ça va aller… ?

- (Pikachu) Et toi !? On… *snif* on croyait que tu… !

Il n’arrivait pas à terminer sa phrase, plongeant de honte et de soulagement sa tête sur la poitrine de son ami, qui l’enlaça de tout cœur.

- (Salamèche) C’est bon, ne t’en fais plus pour moi, je te promets que je vais bien…

- (Mangriff) Dommage que tu sois en bon état…

Un silence se créa.

- (Mangriff) Quoi ? Ça aurait été marrant de le voir avec un bras en moins.

- (Poussifeu) Ferme-là…

- (Salamèche) Il faut que j’aille inscrire l’équipe à la guilde, rassurez-moi juste sur vos états.

Un autre silence se créa, mais lui fut bien plus pesant.

- (Salamèche) Qu… quoi ? Que s’est-il passé ?

- (Rocabot) Rien de plus, tout le monde va bien, mais…

- (Salamèche) C’est en rapport avec monsieur Octillery ? Où est-il ?

- (Branette) Non, lui se repose dans une de ses maisons à Bourg-Trésor.

- (Rocabot) C’est en rapport avec nous. Comment dire…

- (Riolu) Ils sont traumatisés, tu comprends.

Disait Riolu d’un ton sarcastique.

- (Riolu) Après tout, c’est bien la première fois que l’on perd quelqu’un.

- (Germignon) …

- (Pikachu) …

- (Argouste) L’ambiance est superbe, en tout cas.

- (Salamèche) Attendez… vous ne vous défilez pas, quand même ?

- (Germignon) J’y ai songé, mais… ce serait faire un immense pas en arrière.

- (Rocabot) C’est vrai qu’après tout ce qu’on a vécu, on ne devrait pas s’inquiéter. Mais… je ne sais pas…

- (Salamèche) Vous avez l’impression de ne pas être à la hauteur ?

Personne ne lui répondit, et presque tout le monde baissa la tête.

- (Carapuce) C’est ridicule.

- (Poussifeu) Essaie de les comprendre…

- (Salamèche) Non, les mots sont justes. C’est ridicule de penser ainsi, et c’est pour cela que nous sommes là. Au moindre problème, à la moindre question, par pitié, parlez-nous. Je serai toujours là pour vous, pour écouter vos remords, vos craintes, vos peines ou vos envies. Ne pas participer à la guilde pour cette raison est ridicule, parce que vous avez tous l’étoffe de devenir explorateur. Et selon moi… vous le devez.

- (Germignon) …

- (Pikachu) …

- (Riolu) …

- (Salamèche) J’ai été confronté à beaucoup de Pokémon, beaucoup d’ordures, de hors-la-loi, de psychopathes… et je peux vous affirmer que le monde manque de gens de confiance. Vous avez tous une qualité que j’admire profondément, et je suis prêt à tout pour vous faire passer une bonne année à la guilde.

- (Ptyranidur) Tu n’as pas besoin de ça, mon ami…

Le dinosaure se leva de son lit, déterminé à accompagner Salamèche malgré le fait d’être le plus blessé.

- (Ptyranidur) À tes côtés, je suis certain de passer une excellente année… !

- (Salamèche) Ptyra…

- (Carapuce) Oh, butez-moi ! Au pire on y va à trois, c’est assez pour former une équipe.

- (Germignon) Non, je viens aussi.

- (Carapuce) Tu t’es décidée ?

- (Germignon) Je ne vous laisserai plus seuls, c’est terminé.

- (Pikachu) Content de te savoir motivée… ! J’ai hâte de commencer !

- (Poussifeu) Parfait, alors tout le monde reste !

- (Argouste) Je n’avais pas l’intention de partir.

- (Rocabot) La même, pas maintenant !

- (Mangriff) Perso j’m’en branle de la pression.

- (Branette) Je vous suivrai.

- (Riolu) *soupir* Bah voilà, affaire réglée.

Marmonnait-il, en reprenant son journal de bord. De son côté, Salamèche aida Ptyranidur à se poser dans son lit.

- (Salamèche) Bon, je vais inscrire la Dream Team !

- (Argouste) Il faut inscrire notre équipe également.

- (Ptyranidur) Tu veux que je t’accompagne ?

- (Salamèche) Non, Ptyra, je veux par pitié que tu te reposes. J’ai tellement eu peur pour toi…

- (Ptyranidur) Ah ah, tu stresses trop pour moi, ces derniers temps !

- (Salamèche) On ne change pas les vieilles habitudes. D’ailleurs, tu es libre ce soir pour la suite des aventures de Pharamp ?

- (Ptyranidur) Bien sûr ! J’ai pris le tome douze dans ma valise.

- (Salamèche) C’est vrai !? T’es trop fort, je l’avais complètement oublié !

- (Argouste) Bon, vous voulez des mouchoirs ou vous avalerez ?

- (Rocabot) Quoi !? Dégueu, mec !

- (Argouste) Bouge-toi, Salamèche, on va s’inscrire !

- (Salamèche) J’arrive !

Les deux personnages sortirent de l’infirmerie, et Salamèche guida Argouste devant les bureaux de la guilde. Pijako les attendait, des dossiers entre les ailes.

- (Pijako) Vous êtes en retard.

- (Salamèche) J’ai mis plus de cinq minutes… ? Désolé, je n’avais vraiment pas la notion du temps…

- (Pijako) Crois-moi, tu vas l’apprendre très rapidement. Et toi, tu fais partie de l’autre équipe ?

- (Argouste) Ouais, on va dire que je serai leur représentant…

- (Pijako) Bien. Nous n’avons plus qu’à attendre l’équipe Crâne.

- Nous voilà, chef !

Exclama une lourde voix grave, qui n’avait jusqu’ici jamais traversée les oreilles de quiconque. On le sentit avant de le voir, tandis que l’atmosphère qui l’entourait recouvrait lentement le deuxième sous-sol de la guilde. Argouste se couvrit le nez, Pijako se retint de pleurer, malgré les intenses piqures que ses yeux lui procuraient. Il descendit enfin de l’échelle, cet imposant Pokémon quadrupède à la fourrure violette et beige, aux griffes et aux dents pointues, à sa grande queue remontant sur son dos et formant une sorte de mèche, couvrant une partie de son regard sournois.

- Mon nom est Moufflair ! Moi et mon équipe avons été accepté à la guilde, chef !

- (Pijako) Vous et… votre équipe ?

- (Moufflair) Exactement ! Hé, les gars, amenez-vous !

Ses deux autres coéquipiers descendirent à leur tour : il s’agissait de Nosferapti et Smogo. Ils semblaient encore un peu déboussolés de leur précédente raclée.

- (Smogo) Pardon du retard, on a dû affronter un dragon enrazé… !

- (Nosferapti) Ouais… et même qu’il était prêt à éliminer le village, si nous n’étions pas intervenus !

- (Pijako) Très bien, je vois…

Disait le chef, en détournant le bec de Moufflair. Tout le monde se regroupa autour de lui, alors qu’il s’apprêtait à ouvrir la porte. Smogo bouscula Salamèche, qui le laissa passer sans dire le moindre mot.

- (Argouste) Tu les connais ?

- (Salamèche) Non.

- (Pijako) Ah, et maintenant que j’y pense. Cela m’apparaît évident, mais au vu de l’âge de certains de nos apprentis, j’aimerai vous rappeler que vous devez un respect IMMENSE au maître ! Ne le contrariez jamais, ne le sous-estimez jamais, bref, ne le remettez JAMAIS en question !

- (Moufflair) Bien sûr, chef, nous ne sommes pas en pleine crise d’adolescence…

Il tourna un regard narquois vers les deux jeunes.

- (Moufflair) Oups, pardon, je vous avais oublié… !

- (Argouste) Mais… t’es qui ?

- (Moufflair) Oh, ne t’inquiète pas, tu ne connaitras bientôt que mon nom.

Le type feu soupira, puis concentra son attention sur le Pokémon qu’il allait rencontrer.

- (Salamèche) Nous sommes prêts, chef.

- (Pijako) Bien.

Pijako ouvrit enfin la porte vers le bureau du maître. Ça y est, ils allaient enfin le rencontrer, le Pokémon qui avait entraîné tous les explorateurs depuis les deux dernières décennies, un modèle pour beaucoup de monde, un sauveur malgré lui, un véritable héros. Il devait être très ordonné et droit dans ses bottes. Il devait paraître très intelligent, connaître tous les territoires les plus inexplorés. Il devait paraître invincible, parce qu’il l’était probablement ; et ce Pokémon, Salamèche n’attendait que de le rencontrer. D’ailleurs, l’atmosphère s’intensifia à l’instant où la figure imposante du personnage se montra de dos, lui et son accoutrement d’explorateur, avec un foulard rouge, une ceinture blanche et un pantalon épais et blanc… à moins qu’il ne s’agît que d’une couche ? Son bureau n’était par ailleurs pas véritablement un bureau, mais… plutôt une salle de jeu en désordre.

- (Pijako) Maître, les derniers apprentis sont arrivés !

- Hum… ?

Il se retourna, s’introduisant en train de dévorer une pomme parfaite. Ce n’était pas un foulard rouge, mais un torchon pour qu’il ne tâche pas son pelage d’un rose très clair. Des résidus du fruit en question entouraient toute sa bouche, du moins avant qu’il ne les essuie d’un coup de bras.

- Coucou, les copains !

Exclama-t-il d’une voix toute aigue. Un énorme silence s’en suivis, avant que Pijako ne les regarde d’un air enragé.

- (Pijako) Qu’attendez-vous, agenouillez-vous… !!

Leur chuchotait-il férocement. Ils s’exécutèrent, toujours dans l’attente de la chute. Mais il n’y en avait pas, il s’agissait bel et bien du maître de la guilde d’exploration.

- Mon nom est Grodoudou, et c’est moi l’patron, ah ah !

- (Pijako) Appelez-le évidemment « maître ».

- (Grodoudou) Alors, mon p’tit Pijako, qu’est-ce que tu m’as amené, aujourd’hui ?

- (Pijako) Deux grands groupes d’adolescents, ainsi que l’équipe Crâne.

- (Grodoudou) Ah, oui, les petiots que j’avais décidé d’accepter !

- (Pijako) Oui, sans qu’on en discute avant…

- (Grodoudou) Enfin, il n’y a pas d’âge pour exercer sa passion ! Surtout que l’une des deux équipes est recommandée par l’équipe ADT, et l’autre par le maître du dojo Makuhita. Vous avez un sacré bon dossier, mes copains, mais j’aimerai bien en savoir un peu plus. Pourquoi vous vous êtes inscrit aussitôt ?

- (Salamèche) Parce que nous voulions obtenir le droit de sauver des vies le plus tôt possible.

- (Moufflair) Pff… (Quel cucul, sérieux.)

- (Grodoudou) Oh oh oh, bien dit ! Généralement, une équipe de secours est formée vers l’âge de 18 ou 19 ans, et le nombres de points nécessaires pour s’inscrire à la guilde prend à cette dernière au moins un an. Mais je me retrouve actuellement en face de petiots de 14 ans, c’est dingue comment notre monde évolue !

- (Pijako) Pour le meilleur ou pour le pire…

- (Grodoudou) Ne sois pas ronchon, Pijako ! Tu te souviens de notre projet ?

- (Pijako) Oui, décupler le nombre de jeunes explorateurs…

- (Grodoudou) Exactement ! Chaque année, le nombre de demandes diminue, et ce car le principe de l’examen annuel apeure tous ceux qui ne veulent pas vivre de l’exploration. Mais la guilde n’a jamais eu pour but de donner du travail à qui que ce soit, il s’agit surtout de former ceux qui se lassent de l’injustice aux bases du sauvetage, de la découverte et de la vie en communauté.

- (Argouste) … (Je n’avais jamais vu les choses comme ça.)

- (Grodoudou) Et faire accéder à de jeunes Pokémon à cet examen, surtout s’ils sortent du système scolaire, est d’après-moi un très bon moyen de faire des futures générations des Pokémon plus compétents, plus préparés et plus soutenus que les précédents. Voyez-vous, mon ultime objectif est de vous apprendre à ne pas refaire les erreurs du passé. Et cette année… je ferai de mon mieux pour vous enseigner les valeurs de la victoire.

Termina-t-il sur un ton un peu moins enfantin. Tout le monde ressentait un brin de culpabilité, mais surtout de sincérité dans la voix du maître. Puis, la seconde d’après, il leva les bras au ciel et se mit à danser.

- (Grodoudou) Bref, bienvenue à la guilde !

- (Smogo) … (C’est qui z’guignol, sérieux ?)

- (Nosferapti) … (Je sens qu’on va bien s’amuser, finalement… !)

- (Moufflair) … (Il est encore plus stupide qu’on me l’avait vendu, j’ai hâte de commencer la guilde !)

- (Argouste) … (Je sens que cette année va être longue…)

- (Salamèche) … (Il est étrange, mais… je me sens bien, à ses côtés.)

- (Pijako) Bref, je vais vous demander d’inscrire le nom de votre équipe et de vos coéquipiers. Ce sont les papiers officiels de la guilde, alors ne faites pas d’erreurs.

Il donna à une feuille et un stylo à Argouste, Salamèche et Moufflair. Chacun la compléta comme il le fallait, n’hésitant plus à un seul instant à la tendre, une fois terminée, aux gérants de la guilde d’exploration.

- (Pijako) Alors, vérifions ça… Équipe Crâne, composée de Moufflair, Smogo et Nosferapti. (Mon dieu, qu’il écrit comme un pied…)

- (Moufflair) En effet.

- (Pijako) La Dream Team, composée de Pikachu, Germignon, Riolu, Branette, Carapuce et Salamèche. (Mon dieu, qu’il écrit comme un étudiant en médecine…)

- (Salamèche) Oui, chef.

- (Pijako) Et enfin… l’Équipe Renaissance, composée de Ptyranidur, Rocabot, Poussifeu, Argouste et Mangriff. (Mon dieu, qu’il écrit comme quelqu’un qui a appris à écrire depuis moins de deux mois…)

- (Argouste) C’est ça.

- (Salamèche) Équipe… Renaissance !? C’est donc ça, le nom de votre équipe ?

- (Argouste) Ouais, et on a mis beaucoup de temps à le trouver, alors t’as pas intérêt à dire que c’est de la m…

- (Salamèche) C’est un nom génial !!

- (Argouste) … Tu trouves ?

- (Nosferapti) Nan, ce nom est vraiment éclaté.

- (Smogo) Vous croyez impressionner qui, sérieux !?

- (Salamèche) Ne les écoute pas, moi j’adore !

- (Argouste) … Merci. Tu sais à quoi ça fait référence, après tout.

- (Pijako) Et voilà une bonne chose de faite. Vous voilà tous inscrits à la guilde d’exploration de cette année ! Les choses sérieuses commenceront dès demain.

- (Grodoudou) Parfait ! On se retrouve ce soir dans la salle à manger, j’ai hâte de voir le reste de vos équipes ! Pijako, veux-tu bien leur léguer trois chambres ?

- (Pijako) Trois, donc seulement deux pour les jeunes ? Pour onze personnes, c’est peu.

- (Grodoudou) Il nous reste de la place ?

- (Pijako) Bien sûr ! Comme vous le savez déjà, les demandes ont fortement diminuées ces derniers temps, encore plus cette année. Nous avons au moins six chambres de libres.

- (Grodoudou) Six !? Ah oui, quand même… Bon, donne-en une pour l’équipe Crâne, et quatre pour la Dream Team et l’équipe Renaissance. Gardons une chambre de secours, au cas-où.

- (Pijako) Bien, maître ! Suivez-moi, apprentis explorateurs.

Voilà comment ils étaient appelés, désormais. Ils n’étaient plus secouristes, ils étaient passés au niveau supérieur. La période de transition entre l’amateur et le professionnalisme, ils y étaient enfin. Pijako les guida donc vers les dortoirs, confia une clé à l’équipe Crâne et quatre pour les deux adolescents. Ils n’avaient pas spécialement pour obligation de s’installer par équipe, mais tout le monde l’avait fait pour des raisons évidentes. La plus grande des chambres, celle au fond du couloir, était réservée pour la majorité des membres de la Dream Team. Bref, Pijako leur donna une fiche des différentes horaires d’ici le lendemain, puis les laissa vaquer à leurs occupations d’ici le dîner.

La Dream Team et l’équipe Renaissance se retrouva complète à l’infirmerie, dans laquelle ils se répartirent ainsi : la grande chambre pour Salamèche, Pikachu, Riolu, Mangriff et Branette ; une chambre pour Argouste, Ptyranidur et Rocabot ; une chambre pour Germignon et Poussifeu ; et enfin la dernière dédiée uniquement à Carapuce. Il avait réussi à la négocier sans trop insulter, heureusement que Pijako n’était pas tout de suite au courant de cette répartition. Les chambres se collaient presque toutes, mais celle de l’équipe Crâne collait malheureusement celle de Salamèche. Peu importe, il n’était pas intimidé.

Eoko se chargea de vérifier une dernière fois l’état des adolescents, avant de les laisser quitter l’infirmerie. Ils n’avaient définitivement rien de grave. Chacun se répartit dans sa chambre, soufflant un instant sur cette longue journée. Ils remarquèrent seulement à cet instant que les lits de toutes les chambres étaient en paille. Dégoûtés, ils demandèrent des explications à Pijako, qui leur expliqua que c’était l’une des nombreuses traditions de la guilde. Rocabot l’essaya un instant, puis se retrouva avec une fourrure aussi complète en poils qu’en paille. « S’adapter fait partie des bases de l’exploration », disait le chef. À l’heure actuelle, les adolescents avaient juste envie de se blesser exprès pour dormir dans les vrais lits de l’infirmerie, mais ils se retinrent par respect pour leur dignité.

Germignon avait remarqué un téléphone fixe au deuxième sous-sol, à côté de la télévision. Elle le fit remarquer aux autres, et appela en première ses parents pour les rassurer de leur arrivé. Elle mentionna le naufrage, mais les rassura immédiatement derrière, puis affirma sa détermination dans l’idée de devenir exploratrice. Salamèche en fit de même avec Pifeuil, Pikachu avec ses parents, Branette avec sa mère et Carapuce avec Mégapagos, même si lui insultait pour rassurer… Ptyranidur passa le bonjour aux gérants de l’orphelinat, qu’il respectait plus que tout. Les autres s’abstinrent, même Riolu, qui semblait vouloir être seul avec son journal de bord. Les autres le laissèrent donc, profitant du temps de repos pour enfin aller prendre une douche.

Salamèche redoutait cet instant. Lui qui n’avait pas encore fait son coming-out, bien que personne ne lui forçait la main (pas même l’auteur horrible que je suis, je trouve d’ailleurs le principe du coming-out assez homophobe), il avait peur que son corps surréagisse à ceux qui l’entoureraient dans les douches collectives. Et ce fut le cas, mais pas au départ. Dès qu’il entra dans les douches, il fut tout d’abord surpris par la propreté du lieu. Des urinoirs se trouvaient dans un coin, les douches en face et de l’autre côté, un immense bain collectif qui allécha immédiatement tous les autres habitants de Bourg-Tranquille. Des apprentis s’y trouvaient déjà, se reposants contre un coin, apaisés par l’agréable chaleur de l’eau. Bref, tout le monde fonça sans réfléchir, sauf Salamèche. Son corps avait évolué : il ne réagissait plus à la vue où au touché d’un inconnu. Mais parmi ses amis garçons, deux d’entre eux lui provoquaient encore cette sensation. Et malheureusement, rien que l’idée de s’imaginer dans le même bain qu’eux le lui fit sentir cette sensation. Affreusement gêné à l’idée d’être vu, il fonça du côté des douches, desquels un simple petit mur les séparait du bain. Il était le seul à le faire, à ne pas profiter du premier et pour le moment unique cadeau de la guilde. Les autres le trouvèrent bizarre, pudique à en mourir, et Mangriff se moqua à haute voix, de quoi encore plus l’humilier. Mais Pikachu et Branette, qui connaissaient son problème, arrivèrent à ne plus centrer l’attention sur lui, sur ce pauvre adolescent qui n’assumait pas son orientation sexuelle.

Tout le monde enfila ensuite un peignoir offert par la guilde, puis retourna dans sa chambre jusqu’à ce qu’Eoko les appellent pour le dîner, désormais servi. Ils entrèrent pour la première fois dans la salle à manger, gigantesquement large. La table en bois mesurait presque dix mètres, tandis que les tabourets étaient faits à base de bois et de bambou. La nourriture était principalement composée de fruits et légumes traditionnels du continent Sud, de la salade, des jus et plats fait à base de baies, mais également de la viande de Tauros et des Magicarpe chauffés et embrochés. Bref, de quoi suffisamment se remplir la panse pour un lendemain encore plus féroce en effort.

Tout le monde dégusta après un discours du maître, enfin de lui et de la pomme parfaite avec laquelle il dansait, et ce après qu’il ait salué un à un les membres de la Dream Team et de l’équipe Renaissance qu’il ne connaissait pas encore. Ils représentaient une bonne partie de tous les apprentis, qui ce soir se montèrent au complet. Mise à part l’équipe Crâne, ce n’étaient que des duos. Ils étaient tous adultes, autour de la vingtaine. Et ils semblaient tous sûr d’eux, heureux d’être là et prêts à donner le meilleur d’eux. Peut-être se pensaient-ils être les meilleurs, peut-être avaient-ils des qualités inespérées et qui surprendraient assurément les adolescents, dans tous les cas, ils finiraient par le découvrir. Ce soir-là, dans cette grande salle à manger, le sentiment d’une nouvelle aventure fut plus fort que jamais.

Ils finirent de manger, débarrassèrent puis partirent faire leurs derniers soins avant de se regrouper dans leurs chambres. Salamèche emporta toutes les affaires sales de ses partenaires de chambre dans la laverie de la guilde. Il pensait simplement déposer les vêtements, mais se retrouva à devoir les laver lui-même, après qu’Eoko l’ai rembarré. Oui, l’adolescent apprit ce soir-là à faire sa propre lessive. Il rentra tout autant lessivé, puis fit mettre son rappelle-tout à sécher avant d’aller enfin se coucher.

- (Salamèche) Bon sang, cette journée est enfin terminée… ! *souffle*

Lui et ses amis partenaires de chambre soufflèrent, tous allongés à leur manière dans ces lits de paille.

- (Pikachu) C’est l’premier pas vers notre rêve, mon pote ! Je m’y sens tellement bien… !

- (Salamèche) Je sais, je t’ai vu manger comme à l’époque, et je suis fier de toi. Tu as pensé à prendre ton traitement, d’ailleurs ?

- (Pikachu) Euh…

Un silence se créa, avant que le type feu se bondisse du lit duquel il s’était pourtant effondré.

- (Salamèche) Allez, on y va !

- (Pikachu) Mais c’est bon, je peux le louper un soir…

- (Salamèche) J’ai fait promettre à ta mère de te surveiller, alors dépêche-toi où je te tire les oreilles !

- (Pikachu) Oh là là… oui, Salamèche…

- (Branette) Ah ah, c’est adorable !

- (Mangriff) …

Mangriff gardait le silence, le regard fixé sur le corps de Salamèche. Riolu, de son côté, était partit prendre un bain après tout le monde. Il emporta son journal de bord, qu’il compléta pour la troisième et dernière fois aujourd’hui.

 

« Cher journal ; troisième récit

Nous sommes enfin arrivés à la guilde. Cette journée était atroce, aussi interminable que décevante. Le navire s’est fait attaquer, je n’ai pourtant pas ressenti la moindre once d’anxiété face à ces hors-la-loi. Je crois que je n’ai même plus la force d’avoir peur… mais je ne suis pas dépressif, non. Enfin je ne pense pas.

Écoute, Arcko, tu sais ce que je pense de l’hypocrisie. Rien ne m’énerve plus que les gens qui mentent ouvertement et aussi délibérément. Comment l’écrire… Salamèche a failli mourir. Je ne veux pas le tourner de manière à te faire croire que ça m’a apaisé, ce serait horrible. Mais d’un autre côté, je… ne voyais pas qui d’autre aurait pu provoquer ces réactions ; tout le monde aime Salamèche. Et sa disparition a traumatisé tout le monde. Il est heureusement revenu, ce qui m’a permis d’en être certain : ils t’ont oublié. Ces ordures ne pensent qu’à leur voyage entre ami, et étaient prêts à tout arrêter sans le pilier qui fait de la Dream Team une « équipe ». Mais ça n’est plus une équipe, plus sans toi. Et crois-moi, je vais leur faire savoir. Un jour viendra où… ils paieront. Je peux te jurer qu’ils se souviendront de toi comme celui qu’ils ont et qu’ils ne devront plus jamais oublier.

De mon côté, je continue mes recherches. Dès les prochains jours, je trouverai tout un tas de nouvelles informations à décortiquer, j’en suis certain. Si seulement il existait un moyen de te faire revenir… je ferai tout pour l’obtenir. »

 

Il ferma son carnet, le posa sur le rebord du bain, puis laissa la chaleur agréable de ce dernier l’emporter dans un sommeil qui, pour la première fois depuis sa disparition, n’engagea sur aucun cauchemar.

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