Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 19 : Roitiflam

9101 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/02/2021 13:03

À nouveau, tout avait changé, tout s’était dégradé d’un coup. Alors que sa vie semblait petit à petit, grâce à leurs efforts inespérés, revenir sur une voie lumineuse et qu’il arrivait à apprécier, le chaos s’était à nouveau abattu sur son sort.

Salamèche rouvrit doucement les yeux, pourtant, cela ne changeait rien. Ils étaient bandés, comme le reste de son corps qui était attaché à une chaise froide et métallique. Son ouïe n’était pas encore affinée, il entendait de lourdes voix tourner autour de lui. Mais petit à petit, il comprenait les paroles adverses.

- Il complète effectivement tous les critères.

- Bien.

Cette dernière voix se démarqua de toutes les autres. Elle était si grave, si transpercent, si sereine et pourtant si effrayante, comme si des flammes destructrices s’échappaient à chaque fois que ses cordes vocales se mettaient en marche. Il poursuivit.

- Félicitation, Simiabraz, je t’attendrai dans mon bureau dès que tu en auras terminé avec lui.

- (Simiabraz) Bien, chef !

- Dois-je procéder à l’effacement de sa mémoire ?

- Non.

Un silence se créa.

- Comment ça, qu’attendons-nous ?

- Je sais qui est ce petit, mes agents à Bourg-Tranquille m’ont envoyé ses dossiers il y a un temps maintenant.

- (Simiabraz) Vraiment… ? Il est si populaire que ça ?

- Ce n’est qu’un pauvre paysan, bien sûr qu’il est inconnu au bataillon. C’est justement pour cela qu’il faut en profiter. Il est accusé d’être un humain, au sein de son village d’ingénue qui l’a lâchement rejeté.

- Un… humain ? Ce serait possible ?

- Les légendaires sont bien de retours, alors pourquoi ne pas y croire ? Nous allons tout de même garder ces informations sous le coude. Il est déjà amnésique, alors si tu effaces à nouveau sa mémoire, nous prendrions le risque de perdre définitivement le moyen de découvrir son ancienne vie. En revanche, si nous y parvenons… alors nous prendrons un avantage considérable sur le reste du monde.

- Oui, il est évident que nous découvrirons des choses au-delà de toutes espérances Pokémon. Le problème étant que si nous le laissons dans cet état, il risque de beaucoup plus difficilement rentrer dans les rangs.

- Non, je ne pense pas.

La grosse voix s’approcha. Il releva la tête de Salamèche en le prenant par le menton, ayant compris qu’il s’était réveillé il y a un temps maintenant.

- Après tout ce qu’il a vécu, je pense qu’il sait lui-même quel choix est irrationnel, et lequel ne l’est pas, hein ?

- (Salamèche) …

Il était tétanisé par la peur, et se mit à transpirer sans même pouvoir dire quoique ce soit. Il sentait le regard insistant de la grosse voix à son égard, avant d’être soudainement relâché.

- Simiabraz, tu sais ce que tu as à faire.

- (Simiabraz) Oui, chef.

Le garde… ou plutôt le soldat s’approcha, sortit un appareil photo et captura le corps blessé et attaché de Salamèche. Puis il le détacha et l’attrapa par la gorge.

- (Simiabraz) Allez, on s’bouge !

Il ne lui laissa pas retirer son bandeau, et le guida assez brutalement vers un autre endroit. Salamèche ne voyait rien, il se sentait juste quitter la salle, marcher dans différents couloirs avant de finalement arriver dans une pièce plus grande. Il n’osait pas dire quoique ce soit, et sentait malgré sa fatigue ses mains trembler activement. Le soldat le bouscula, l’abordant brutalement pendant qu’il se ramassait sur un carrelage sale.

- (Simiabraz) Allez, grouille toi !

Il enleva enfin son bandeau, regardant d’un air affreusement apeuré les alentours. Il était dans des douches collectives, des très petites douches crades, remplies de moisissures et autres textures visqueuses accrochées sur les murs et le sol. La lumière était usagée et peu lumineuse, tandis que le reste était jaunâtre et répugnant. Mais l’enfant se releva doucement, se tournant vers le Pokémon qui lui n’avait pas changé d’un regard. Simiabraz était toujours dans son armure, sans son casque et le regardant de haut.

- (Simiabraz) T’attends quoi pour te déshabiller, pauvre tâche ?

- (Salamèche) Q… quoi ?

- (Simiabraz) Tu veux que les derniers souvenirs de ton ancienne vie brûlent ?

- (Salamèche) … !?

- (Simiabraz) Alors tu as une minute pour enlever tes vêtements.

Disait-il calmement, mais de manière si intimidante. Le petit ne comprenait pas, il était horrifié par la situation, mais comprit qu’il n’était pas en position de discuter. De toute façon, il était encore incapable de formuler une phrase complète. Alors il s’exécuta, il enleva ses accoutrements sous le regard terriblement humiliant de celui qui l’avait agressé au Mont Ardent, c’était la dernière chose dont il se souvenait. Une fois à nu, le soldat lui balança brusquement d’autres affaires tout en récupérant les siennes. Un simple haut à manches courtes et un simple bas long, les deux marrons, égratignés, poussiéreux, crades, parfois déchirés et tâchés par tout ce qu’un Pokémon pouvait produire. Il les enfila tout de même et mit moins de temps à le faire, se rendant compte qu’il était pieds et mains nus, avant d’être à nouveau pris par la gorge et emmené hors des douches. Il n’avait plus de bandeau et pouvait désormais voir l’infâme endroit dans lequel il avait été kidnappé.

Les couloirs étaient sombres, sales, parfois tâchés de sang séché, et tout était extrêmement étroit. Il passa donc devant deux types de douches et toilettes ainsi qu’un réfectoire, un escalier menant à un sous-sol et un étage, et enfin les dortoirs. Ce n’était pas une salle de plusieurs cellules comme dans une prison, mais plutôt une grande salle séparée en trois : un couloir et deux cellules, une petite et une plus grande, dans laquelle le type feu fut sauvagement jeté une fois la porte grinçante ouverte. Simiabraz la referma, puis frappa brutalement les barreaux de la cellule la plus grande afin de réveiller tout le monde.

- (Simiabraz) Vous avez un nouveau fracasse bouche, réveillez-vous et faites la conversation !

Exclama-t-il surtout pour énerver ceux qui avaient réussi à s’endormir. Parce que Salamèche n’était pas seul, dans sa cellule. Il se releva doucement, les larmes aux yeux, mais se retenant désespérément de pleurer. Pourtant, l’enfer ne faisait que commencer.

Sa cellule était grande pour peut-être quatre prisonniers, mais lui était le cinquième. De toute façon, il n’y avait pas de lits, juste des toilettes et une pauvre ampoule qui était de toute façon cassée. Cependant, tout le monde s’était réveillé, même le seul Pokémon qui se trouvait dans la cellule d’à côté. Tous les regards se tournèrent vers le type feu, qui était paralysé par la peur. Dans l’ombre, il pouvait tout de même observer quatre figures, toutes blessées et couvertes de saletés, bandages et égratignures, dont un Pokémon affreusement poilu d’un pelage blanc et plutôt balèze malgré tout. De l’autre côté, les trois autres l’étaient moins, peut-être mise à part celui qui ressemblait à un dinosaure. Mais dans tous les cas, aucun des quatre personnages ne semblaient amicaux, et Pikachu n’était nulle part. Alors que le dinosaure et le balèze se recouchèrent, l’un d’entre eux se leva finalement. Il était quadrupède, et s’avança lentement vers celui qu’il commença à doucement renifler. Son pelage brun, ses yeux ronds, son petit museau et ses mignonnes pattes ainsi que sa queue touffue fit douter un instant le type feu sur ses intentions… mais il fut rapidement rattrapé par la réalité. Après l’avoir reniflé, le Pokémon chien s’écarta avec un léger sourire narquois.

- Toi… tu ne tiendras pas une semaine…

Il retourna se coucher sur ces mots. Salamèche tremblait. Il avait peur et pourtant, la voix du Pokémon ne semblait pas spécialement plus grave que la sienne. Il devait avoir son âge, et maintenant qu’il regardait les autres avec cette idée en tête ainsi qu’aux propos de ceux qui l’avaient kidnappé, il était désormais persuadé qu’il avait été placé de force dans une prison d’enfants soldats. Silencieux, il se plaça dans un recoin de la cellule, s’installa sur le sol sale, leva les genoux, baissa la tête, ferma les yeux, et espéra de tout cœur que ce n’était qu’un mauvais rêve, que tout allait bientôt s’arrêter. Il était loin, très loin de s’imaginer ce qui l’attendait.

Pour la première fois, ce n’était pas le soleil qui le réveilla. Et cela, il allait devoir apprendre à vivre avec. Simiabraz frappa brutalement sur tous les barreaux des deux cellules.

- (Simiabraz) Allez, on s’réveille !!

Les autres jeunes semblaient rapidement sur pied, pas le type feu. Ils passèrent devant lui pour sortir un à un de la cellule, et le voyant traîner, Simiabraz entra.

- (Simiabraz) Je crois que tu n’as pas compris où tu étais, mon gars !

Il le frappa violemment d’un coup de pied dans le ventre, et le pauvre petit cracha du sang dans un cri étouffé par l’angoisse. Le soldat enchaîna, et les autres le regardèrent se faire torturer, seul et sans défense. Personne ne semblait ressentir de l’empathie pour lui. Finalement, il se fit attraper par la nuque.

- (Simiabraz) De toute façon, t’as de la chance, le chef veut te voir !

Il le tira hors de sa cellule, et demanda aux autres d’aller au réfectoire. Salamèche, lui fut mené au premier étage. Tout était encore sombre et crade, aucune fenêtre ne pointait le bout de son nez. L’étage semblait cependant réservé aux bureaux, entrepôts, chambres du personnel et infirmerie du lieu. Simiabraz emmena Salamèche devant la porte la moins délabrée de toute, avant de toquer et de s’exprimer d’une vive voix réveillant encore un peu le petit.

- (Simiabraz) Je suis ici, chef !

- Bien, entre.

La grosse voix était derrière cette porte, que Simiabraz ouvrit doucement tout en tirant Salamèche à l’intérieur. Il allait enfin pouvoir attribuer un visage à cette voix, mais il ne savait pas s’il devait en être rassuré ou pas. Le soldat ferma la porte derrière lui, pendant que le regard inquiet de l’enfant tourna autour du pot. Des armoires, des étagères, un tapis, une chaise, un grand bureau, une autre grande chaise derrière avec en son antre le responsable de cet endroit. Il leva enfin son regard vers lui, vers ce Pokémon à la peau rouge, aux flammes débordant de son cou, à son groin faisant à tous savoir la moindre de ses respirations, à ses deux gigantesques dents pointues de chaque côté de sa bouche, à ses sourcils noirs débordants de son crâne, et surtout à son immense carrure. C’était une gigantesque montagne de muscle, un rondouillard en costard costaux, mesurant deux mètres et aux mains plus grandes que la tête de Salamèche. Ce jour-là, il rencontra un Pokémon qui le traumatisa à jamais.

- Je t’en prie, viens t’assoir, mon grand.

Malgré cette formulation agréable, sa voix terrorisait toujours autant le petit. Mais Simiabraz le poussa, et c’est tout tremblant qu’il se força à s’installer sur la chaise en face du bureau du chef. Ce dernier le regarda de bas en haut, avant de souffler du nez.

- Ces vêtements te sont répugnants, c’est infect. Vivement que tu montes en grade, que l’on puisse te donner de quoi sublimer ta belle espèce.

- (Salamèche) …

- Ne me regarde pas comme ça, je suis le genre de gars à être tout le temps honnête. Il m’arrive de complimenter mes futurs bras droit, rien de bien surprenant.

Le petit était toujours aussi apeuré.

- C’est ma tête, qui t’effraie ? Parle-moi, mon grand, je suis certain que tu as tout un tas de question en tête.

- (Salamèche) … Où… ?

- Oui ? Où est-ce que tu es ?

- (Salamèche) Où est-il ?

Un silence se créa.

- Qui ça ?

- (Salamèche) Pikachu…

- La batterie ? Oublie son existence, tu ne le reverras jamais.

- (Salamèche) N… non… !

- Et si. Pour toi, ce gosse fait partie des choses qu’il faut apprendre à abandonner, pour passer à autre chose. Lui nous sera utile quelques mois, toi tu seras rentable sur une bien plus longue période.

- (Salamèche) … Qu’avez-vous fait de l… ?

Sa phrase fut soudainement entrecoupée par le poing que le chef mit sur la table. Il ne la frappa pas, mais le simple geste de la relever effraya le type feu, qui se tut instantanément. Son interlocuteur se mit à sourire.

- Le meilleur moyen de passer à autre chose est d’oublier.

Le petit fut totalement dominé et baissa la tête, se mettant à nouveau à trembler comme une feuille.

- Hum… ça aussi, il va falloir le régler. Mais ne t’en fais pas, tu seras un jour heureux dans nos rangs, qu’importe le temps que cela prendra.

- (Salamèche) …

- Tu n’oses plus parler ? C’est dommage, ta voix était adorable. Pour ma part…

Il s’enfonça dans son siège.

- Mon nom est Roitiflam. Tu te trouves actuellement dans mon repaire : le seul et unique centre de formation de soldats de la DDR !

- (Salamèche) … ?

- (Roitiflam) Ah, aurais-je réussi à captiver ton attention ? As-tu déjà entendu parler de moi ou de notre organisation ?

- (Salamèche) …

- (Simiabraz) Répond, sale raclure !

- (Roitiflam) Laisse-lui le temps, mon cher Simiabraz.

- (Salamèche) N… non, monsieur…

- (Roitiflam) Voilà, pas la peine de se presser ! Ne t’en fais pas, tout cela est normal, en fait… si tu ne nous connais pas, alors cela veut dire que nous faisons bien notre travail. DDR signifie « Droit De Réponse ». Il s’agit d’une organisation criminelle formée depuis la fin des années 180 et qui fut formée dans les quartiers pauvres de Loliloville, ceux que la société toujours en place aujourd’hui continue de maltraiter en l’entretenant toujours aussi peu. Et moi, je suis le chef de la DDR.

Salamèche leva lentement son regard, toujours aussi apeuré mais de plus en plus intrigué, vers le monstre musclé qui se tenait devant lui.

- (Salamèche) …

- (Roitiflam) Je t’écoute. Pose-moi toutes les questions qu’il te faudra, même les plus indiscrètes !

- (Salamèche) … Avez-vous déjà confronté Pharamp… ?

Simiabraz explosa de rire, et le type feu rebaissa instantanément la tête, pensant avoir posé une question à problème. Mais Roitiflam se tourna vers le soldat.

- (Roitiflam) Peux-tu nous attendre dehors, s’il te plaît ?

- (Simiabraz) Hein… !? Euh… oui, chef, bien sûr !

Il s’exécuta, et s’assura bien de fermer la porte derrière lui. Les deux types feux se retrouvèrent seuls, et l’adulte se leva de son siège. Il approcha les armoires de son bureau, les ouvrit, et feuilleta du regard tous les livres qui s’y trouvaient.

- (Roitiflam) C’est une question extrêmement intéressante. De ce que j’ai compris, tu faisais partie d’une équipe de secours, je me trompe ?

- (Salamèche) N… non, monsieur.

- (Roitiflam) Les erreurs de jeunesses, ça arrive à tout le monde. Être influencé par ceux qui brillent à la télévision, voilà à quoi tous les enfants en sont réduits, depuis la démocratisation du métier d’explorateur. Pharamp doit être un sacré héros pour toi, hein ? Il t’apparaît si parfait, si honnête… Nous sommes dans son air, après tout, l’air des explorateurs. Pour répondre à ta question, non, je ne l’ai confronté.

Il trouva finalement le bouquin qui l’intéressait, le sortie, ferma l’armoire et le donna à son interlocuteur. Ce dernier n’osa pas l’ouvrir, il y regarda juste son titre : « La lâcheté d’un monde de sauveur ». Roitiflam se réinstalla sur son siège.

- (Roitiflam) Je suis né en 178 dans les quartiers pauvres de la ville la plus riche, grande et influente au monde. J’ai été élevé dans une misère infâme, j’ai subi mon enfance pour satisfaire celle des autres, j’ai évolué alors que je me faisais abuser sexuellement, et enfin je n’ai pas pu sauver ma mère d’un incendie alors que nous étions tous deux de type feu. Ma vie fut un véritable enfer et pourtant… j’ai survécu. Le jour de sa mort fut le jour où j’ai pris les choses en main, et tu veux savoir ce que j’ai fait à ceux qui l’avaient assassiné ?

- (Salamèche) …

Roitiflam rigola.

- (Roitiflam) Nan, t’es trop jeune pour ça. Toujours est-il que j’étais seul, après ça. J’ai trouvé un moyen de me faire de l’argent facilement, j’ai récupéré le respect qui me revenait de droit et j’ai finalement attiré l’œil du Pokémon le plus important de cet univers.

- (Salamèche) … ?

L’adulte se pencha sur son bureau, abordant le petit d’une voix plus murmurante.

- (Roitiflam) Je te confie un petit secret, quelque chose que même Simiabraz ne sait pas, quelque chose qui restera entre nous… je ne suis pas le véritable chef de la DDR. Quelqu’un tire les ficelles en cachette, si je peux reprendre l’expression. On l’appelle le boss, et personne ne semble réellement le connaître. Lui a déjà confronté Pharamp, mais il n’a pas eu de chance. Heureusement il s’est enfui, et c’est aujourd’hui grâce à lui que j’ai ce travail, ces responsabilités, cette influence, ces pouvoirs, ce poste. Et aujourd’hui… je te laisse l’opportunité de saisir une telle chance.

- (Salamèche) … Je ne comprends pas.

- (Roitiflam) Oh que si, bien sûr que tu comprends. J’ai cinquante-trois ans, il est temps pour moi de chercher un successeur. Et ce successeur, je veux que ce soit toi.

Un silence se créa, Salamèche fit non de la tête pour se rassurer.

- (Salamèche) Vous… vous me connaissez depuis quelques heures seulement, c’est insensé ! Et puis, vous…

Il hésita un instant, puis ferma soudainement les poings, prenant son courage à deux mains.

- (Salamèche) Vous pensez vraiment que je vais accepter de prendre votre relève !? Je… je suis secouriste, et vous le savez !!

- (Roitiflam) Non, tu n’es qu’un enfant influençable. Mais nous allons arranger ça, car il est évident que tu n’es pas encore prêt.

- (Salamèche) Pourquoi moi !?

- (Roitiflam) Parce que tu as le parfait dossier. Tu penses vraiment qu’un pauvre Pokémon insecte sans le moindre membre peut prendre une telle place dans la société ? Soyons réaliste, il faut un Pokémon à la hauteur, un Pokémon bipède, d’un type plutôt intimidant, qui sait se battre et en impose rien qu’en vue de sa taille, de sa voix, de son regard. Un Dracaufeu rempli parfaitement ces critères, tu pourras même t’envoler une fois sous cette forme, ce que je suis incapable de faire. Tu seras un meilleur moi que moi, que me fallait-il de plus pour commencer à m’intéresser à ton dossier ?

- (Salamèche) …

- (Roitiflam) Et la suite est encore plus croustillante. Tu as treize ans, soit dans l’âge parfait pour apprendre une toute nouvelle éducation, pour changer de vie du tout au tout. Tu es intéressé par l’exploration, et donc par un métier physique qui demande de prendre du risque et de perfectionner autant son corps que ses techniques. Tu t’entraînais même dans un dojo, voilà qui en dit long sur ta détermination !

- (Salamèche) Où avez-où eu toutes ces information ?

- (Roitiflam) J’ai des contacts partout, que crois-tu ? Nous ne sommes pas redevenus la plus grande organisation criminelle comme cela, il a fallu manipuler les foules. Laisse-moi terminer, s’il te plaît.

Salamèche baissa à nouveau la tête.

- (Roitiflam) Et enfin, alors que tu te démenais pour aider ton village… tous ses habitants t’ont rejeté. Ils ont fait un vote pour décider de ton exécution, te forçant à fuir, à devenir un fugitif, à vivre en territoire sauvage et à te confronter aux pires ordures du métier, tout cela à l’âge de treize ans.

Le petit trembla de moins en moins. Il était obligé de reconnaître ce point.

- (Roitiflam) As-tu été confronté à des profiteurs ?

- (Salamèche) … Oui. Des profiteurs de points, de popularité, de toutes les ressources nécessaires pour accéder à la guilde d’exploration.

- (Roitiflam) Mais oui, bien sûr, cette fameuse guilde dirigée par un imbécile heureux et un escroc bien trop vieux pour apprendre à des jeunes à se défendre !

- (Salamèche) V… vraiment ?

- (Roitiflam) J’exagère un peu, il doit avoir le même âge que moi. Mais il suffit de regarder ce que deviennent la plupart des explorateurs une fois sortie avec l’examen en proche, pour se rendre compte de ce à quoi à servit l’année d’examen à la guilde : à former d’autres escrocs, d’autres profiteurs de popularité. Penses-tu que je te mens ?

- (Salamèche) … Non, mais…

- (Roitiflam) Mais quoi, Pharamp est un contre-exemple ? Lui et son équipe sont les pantins du gouvernement, ils agissent selon leurs règles, qu’ils le veulent ou non. Maintenant je vais te demander de me lire ce livre, ce sera ton devoir pour la semaine prochaine. Tu vas me le lire en entier, et lors de notre prochain rendez-vous, tu me diras haut et fort que Pharamp est un héros, d’accord ?

- (Salamèche) …

- (Roitiflam) Je n’ai pas entendu ?

- (Salamèche) … Oui, monsieur.

- (Roitiflam) Bien. Notre conversation s’arrête là pour aujourd’hui. En attendant la prochaine fois, que tu acceptes ou non de me remplacer, tu devras subir les mêmes entraînements que tes camarades de cellule. Si tu ne supportes vraiment pas, alors tu sais ce que tu auras à me dire, la prochaine fois.

Il se leva de son siège, et Salamèche en fit de même en emportant le livre qu’il lui avait été confié.

- (Roitiflam) Penses-y, la vie de chef est tellement plus agréable que celle de soldat. Mais dans tous les cas… ton choix est binaire.

Ils se dirigèrent tous deux vers la sorite, et Simiabraz reprit la surveillance de l’enfant. Roitiflam les regarda partir, avant de s’enfermer en soupirant dans son bureau. Mais quelques secondes plus tard à peine, c’est un autre Pokémon qui toqua à sa porte. Il lui ouvrit, et tomba sur un Pokémon jaune de peau, mesurant le mètre soixante-dix, au nez imposant et à la fourrure blanche tout autour du cou. C’était le Pokémon qui avait parlé d’effacer la mémoire de Salamèche, et le chef le laissa entrer.

- (Roitiflam) Que veux-tu, mon chef Hypnomade ?

- (Hypnomade) Votre voix porte, j’ai tout entendu depuis mon espace privé.

- (Roitiflam) Navré, mais nous ne sommes pas en heure de repos.

- (Hypnomade) Je ne suis pas venu discuter de ça. Le petit, vous voulez en faire votre successeur ?

Un silence se créa, Roitiflam soupira du nez.

- (Roitiflam) Oui, je pense qu’il est à la hauteur.

- (Hypnomade) Il faut absolument lui faire effacer la mémoire, si vous voulez un jour espérer le convaincre ! Bon sang, ce petit a le cœur pur !

- (Roitiflam) Justement, s’il nous rejoint, il sera un atout puissant et de confiance certaine. Il suffit juste de lui faire comprendre que tout est la faute des explorateurs, et le tour est joué. Ça risque d’être long, je le conçois, surtout s’il doit faire le deuil de la pile électrique. Mais nous y parviendrons, j’en suis persuadé. Déjà aujourd’hui, malgré toute la peur et le dégout que j’ai pu lui faire ressentir… il fut intrigué.

Au même moment, Salamèche regarda l’arrière du bouquin. Il était effectivement très intrigué, ne connaissant rien au monde extérieur à Bourg-Tranquille. Il se retrouvait avec un énorme roman parlant de l’endroit qui l’intriguait le plus en ce monde entre les mains : Loliloville.

- (Salamèche) … (Pharamp aurait abandonné les quartiers pauvres ?)

C’est ce qu’il avait déduit des propos de Roitiflam. Simiabraz le bouscula, et le petit se ressaisit immédiatement.

- (Salamèche) … (Qu’est-ce que tu racontes, Salamèche !? Ce sont des criminels, il te l’a lui-même dit ! Je ne vais tout de même pas… lire ce livre probablement arrangé à sa sauce, si ?)

Il ne savait pas quoi faire. Peu importe, il arriva dans sa cellule, tous les autres prisonniers y étaient déjà. Ils semblaient être revenus du petit déjeuné. Le type feu déposa le bouquin dans le même coin où il avait dormi, ne comptant pas y toucher. Il s’installa juste et resta le plus isolé possible. Il sentait les regards sur lui, mais n’osa pas bouger le petit doigt. Cependant, il entendait tout de même les voix un peu graves des autres garçons.

- Il le sort d’où, son livre ?

- C’est le chouchou du chef, vous croyez ?

- Peu importe. Nous sommes ennemis, et j’ai hâte de lui casser la gueule.

Il baissa la tête, faisant comme s’il n’avait rien entendu. En tournant le regard vers l’autre cellule, il vit un, ou plutôt une dernière prisonnière. La salle avait probablement été séparée selon ce critère, mais de cette distance, il pouvait parfaitement la distinguer. Elle était assez petite, avait de petites ailes, de petites pattes, un petit bec mais deux grands yeux noirs et déterminés. Son plumage était orange, presque de la même couleur que sa peau écailleuse : elle devait être de type feu. Mais il arrêta rapidement de l’observer, ne voulant pas qu’elle ressente ce que lui ne cessait de ressentir, c’est-à-dire le regard appuyé de plusieurs Pokémon qui ne voulaient pas spécialement son bien.

Simiabraz revint finalement dans la salle des cellules.

- (Simiabraz) Bon, les merdes, c’est l’heure de l’entraînement matinal !

Il ouvrit les cellules, et tout le monde le suivit. Salamèche resta derrière, ne voulant plus se faire remarquer. Il ressentait les mêmes sensations que lorsqu’il se sentait isolé, lors de la rentrée en Septembre. Mais aujourd’hui, après huit mois d’aventure, les enjeux étaient beaucoup plus importants et problématiques.

Ils empruntèrent les escaliers menants au sous-sol, et traversèrent un long couloir reliant quelques sales fermées pour finalement arriver dans une grande pièce remplie de tatamis. Le soldat ouvrit une armoire, et y sortit tout un tas de matériel pour la musculation. Pendant ce temps, les jeunes commencèrent à s’échauffer. Salamèche les suivit timidement, toujours un peu derrière, toujours un peu perdu. Rien d’atroce ne semblait se passer, peut-être n’était-ce tout simplement pas aussi horrible qu’il l’imaginait ? Après avoir tout déposé, le soldat s’exclama.

- (Simiabraz) Vous avez cinq minutes pour vous préparer !

Sur ces mots, les jeunes foncèrent récupérer le matériel d’entraînement. Salamèche n’en eut aucun, et se contenta donc des entraînements physiques que Makuhita lui avait appris. Ce qu’il remarqua, c’est qu’à nouveau, tout le monde restait dans son coin. Les cinq minutes passèrent, et le soldat regroupa tout le monde autour des tapis.

- (Simiabraz) Bien, donc on va aujourd’hui commencer par… A132 contre A133. Allez, bougez-vous !

Deux des six jeunes s’avancèrent alors, toujours aussi silencieusement. Le premier, nommé A132, était le Pokémon chien. L’autre, A133, était celle au pelage orange. Salamèche comprit à cet instant : il s’agissait d’une séance d’entraînement en combat en un contre un. Cela le rassura tout d’abord, surtout en sachant qu’ils se battaient sur un tatami. Malgré le fait qu’ils soient tous forcés à se battre, ils semblaient le faire dans de bonnes conditions et sans trop se mettre en danger. Ça, c’est ce qu’il pensait au départ, mais il ne semblait pas avoir remarqué que les tapis n’étaient pas rouges, à la base. Les deux jeunes se mirent en garde.

- (Simiabraz) GO !!!

À la fraction de seconde près durant laquelle il cria, les deux se sautaient déjà l’un sur l’autre. Le chien sortit les crocs et tenta de transpercer son adversaire, mais cette dernière sauta suffisamment haut pour entièrement l’esquiver, avant qu’elle ne le plaque au sol avec sa patte aux griffes pointues. Cependant, son adversaire n’abandonna pas et mordit brutalement sa patte. Du sang gicla d’un coup, et Salamèche se couvrit la bouche de dégout. Mais ce n’était que le début : au lieu de se dégager, elle referma la patte et enfonça très violemment toutes ses griffes dans son ventre. Le chien se mit à hurler, il faisait de son mieux pour ne pas lâcher la patte adverse, mais lorsqu’elle lui planta tout aussi brutalement son bec dans le museau, et que ce dernier gicla tout autant de sangs, le garçon lâcha finalement l’affaire, s’avouant vaincu malgré lui.

- (Simiabraz) Combat terminé. Sujet A133 l’emporte, A132, je note ton nom…

- Non, je… ! Je n’ai pas encore perdu ! P… pitié !!

- (Simiabraz) Trop tard.

Il se mit à pleurer, traumatisé par quelque chose dont Salamèche n’avait pas encore conscience. Lui était encore terrorisé par ce qu’il venait de voir. Il comprenait enfin pourquoi ils étaient tous blessés, sales et égratignés. Mais Simiabraz ne lui laissa pas le temps de respirer.

- (Simiabraz) Deuxième affrontement, A131 contre Salamèche.

- Salamèche ? Pourquoi il a un vrai nom, lui ?

Semblait demander le fameux A131.

- (Salamèche) … (Je vais devoir… me battre aussi sauvagement !?)

- (Simiabraz) Allez, bougez-vous l’cul !

Ils montèrent tous deux sur le tatami. Son adversaire était le dernier Pokémon qu’il n’avait pas encore trop vu. Il était assez petit, mais se tenait à deux pattes. Sa peau était brune, mais le haut de son crane ainsi que son ventre étaient jaunes. Il avait une sorte de petite barbe pointue, et ses yeux ronds mais froncés affichaient surtout son air sûr de lui. Il se cogna les poings, le sourire aux lèvres. Salamèche, lui, n’osa pas se mettre en garde. Il le regardait avec dédain.

- (Simiabraz) GO !!!

Et le petit Pokémon sauta sur le type feu. Ce dernier l’anticipa facilement, et l’esquiva sans le moindre problème. Ce premier geste fut rapide, mais terriblement humiliant pour le prisonnier.

- Wow, il est rapide !

- Espèce d’enfoiré, qui t’a permis d’esquiver !?

Il refonça à la charge, enchaînant cette fois-ci une multitude de coups. Mais chacun d’entre eux, Salamèche les esquiva sans en bloquer aucun, sans crisper les dents, sans éprouver la moindre difficulté ou le moindre stress face à celui qui voulait tant le dominer. En d’autres termes, Salamèche était beaucoup plus fort que lui. Après une longue minute d’humiliation, le jeune se retrouva essoufflé, face à l’enfant immobile, toujours avec cet air de pitié.

- Bordel… !

- C’est tout ce que tu sais faire, esquiver ?

Demanda en se moquant le Pokémon poilu. Les autres rigolèrent, et le soldat regarda son chronomètre.

- (Simiabraz) Si dans une minute l’un des deux n’est pas hors d’état de combattre, les deux seront considérés comme perdants.

Le prisonnier écarquilla les yeux, en entendant cela. Salamèche se douta que les perdants avaient une punition, et il se sentit mal pour son adversaire terrorisé.

- (Salamèche) Écoute, on… on peut s’arranger, si tu veux.

- S’arranger de quoi, tu crois que c’est ce à quoi on sera destiné ? À faire des putains d’arrangements !?

- (Salamèche) Je n’en sais rien.

- Alors ferme-là et crève !!

Il sauta désespérément sur son adversaire, et ce dernier, attristé par la situation, se laissa faire. Il se fit donc plaquer à terre, et violemment frappée au visage à plusieurs reprises. Son sang rejoignit les tapis, comme tous les prisonniers qui avaient déjà mis les pieds ici. Il tomba semi-conscient après un interminable enchaînement, jusqu’à ce que Simiabraz annonça la fin du combat.

- (Simiabraz) Fin de l’affrontement, A131 l’emporte !

- Ah ah… *souffle* ouais… !

- (Simiabraz) Cependant, comme Salamèche est pris cet après-midi, tu le remplaceras pour tout le temps que tu nous auras fait perdre.

- Q… quoi !?

- (Salamèche) … (N… non !)

- (Simiabraz) C’est comme ça, maintenant on repart pour des entraînements intensifs !

Salamèche perdit conscience après ça. Lorsqu’il se réveilla, il se trouva attaché sur une table d’opération. Il semblait être à l’infirmerie, comme le démontrait tous les meubles blancs, les vitres teintées ou simplement cette odeur d’équipements métallique qui le mettait mal à l’aise. Ses blessures étaient bandées. Un Pokémon arriva quelques minutes plus tard.

- (Hypnomade) Ça y est, tu es réveillé ?

- (Salamèche) Qui êtes-vous !?

- (Hypnomade) Appelle-moi monsieur, tout simplement.

Il s’approcha, tournant lentement autour de lui.

- (Hypnomade) Je crois que tu ne te rends pas compte de la chance que tu as. Être un humain transformé en Salamèche, tu ne pouvais pas mieux intéresser notre chef.

- (Salamèche) Qu’est-ce que vous voulez faire de moi !?

- (Hypnomade) J’ai pour mission de t’extirper d’anciens souvenirs de la mémoire, ceux d’avant ton amnésie. Si j’en crois l’analyse que j’ai fait de ton cerveau, elle date de Septembre 230. Je ne sais pas si j’y arriverai aussi facilement, mais visiblement, la torture mentale fait aussi partie de ton entraînement… futur chef.

- (Salamèche) Ne… ne m’appelez pas comme ça… !

Exclama-t-il, avant de soudainement hurler de douleur. Le type psy avait posé ses mains sur son crâne, se servant de ses puissants pouvoirs pour fouiller l’esprit du jeune type feu. C’était à peu près la même douleur que lorsqu’Ectoplasma l’avait torturé, mais ce qu’y faisait le Pokémon du plus puissant type du centre de formation d’enfants soldats de la DDR était bien plus atroce, puéril et humiliant. Il prit le temps de fouiller absolument tous les souvenirs de Salamèche, sans que ce dernier ne s’en souvienne lui-même, et ce en partant depuis la fin. Salamèche ne cessait d’hurler de douleur, et ce n’était que le début…

De nombreuses heures s’écoulèrent, et la torture durait encore. Salamèche transpirait désespérément, ses accoutrements sentaient affreusement mauvais. Bienheureusement, Simiabraz entra dans l’infirmerie.

- (Simiabraz) Hypnomade, je suis chargé de le récupérer.

- (Hypnomade) Déjà ?

- (Simiabraz) Comment ça, déjà ? Tu l’as gardé toute la journée.

- (Hypnomade) Ah bon ? Que le temps passe si vite, quand on doit tout fouiller…

Il tourna son regard vers le petit, que le soldat commença à détacher.

- (Hypnomade) Vu le temps que tout cela me prend, nos séances vont s’étendre sur des mois, j’en ai bien peur.

- (Salamèche) N… non… !

- (Hypnomade) Alors peut-être te souviens-tu soudainement de quelque chose qui pourrait nous intéresser ?

Un silence se créa. À travers cette réplique, Hypnomade suggéra l’idée que s’il leur avait caché quelque chose, il était encore temps de le dévoiler. Mais à part le souvenir de la conversation qu’il eut étant humain, avec Pifeuil et un autre Pokémon non-identifié, il ne se souvenait vraiment de rien d’autre. Il fit alors simplement non de la tête, et le type psy soupira.

- (Hypnomade) Dans ce cas, on se revoit demain.

Il quitta l’infirmerie sur une intense douleur crânienne. La nuit semblait tomber, il ne le savait pas et ne pourrai jamais le savoir. Le soldat le ramena dans la salle des cellules, les deux sujets étants considérés comme perdants étaient encore plus blessés que pendant l’entraînement. Ils avaient dû être torturés comme punition. Simiabraz, de son côté, ouvrit les cellules et exclama.

- (Simiabraz) Allez, c’est l’heure de la douche !

Et tout le monde partit dans leur direction, sachant parfaitement leur emplacement. Salamèche les suivit, les ayants aussi vu le soir dernier. Les deux pièces étaient petites et étroites, mais les genres étaient séparés. La seule fille avait donc toute la salle pour elle, tandis que les cinq garçons se partageaient cette même pièce. Simiabraz attendit entre les deux sales, exclamant qu’ils n’avaient que dix minutes. Salamèche, lui, pensa que comme dans les cellules, tout le monde allait rester dans son coin, et cela l’arrangea. À vrai dire, il avait peur d’être terriblement mal jugé si les autres découvraient son orientation sexuelle. Mais malheureusement, rien ne tourna à son avantage. La porte étant fermée, le soldat ne l’entendit pas crier soudainement de douleur, quand il se fit attaquer dans le dos. Il s’écrasa à terre, avant de se faire maintenir au sol par le sujet A131, le même contre qu’il avait dû se battre plutôt. Il était sérieusement blessé, et semblait enragé à cause de cela.

- Tu m’les brise, le privilégié ! J’ai subi TA punition parce que t’es spécial ou je ne sais quoi, mais pour qui tu te prends !?

- (Salamèche) Je suis désolé, je… !

- REGARDE-MOI !!!

Il le frappa brutalement d’un coup de pied dans le ventre, et Salamèche se fit mettre sur le dos. Mais il le regarda effectivement droit dans les yeux.

- Je ne suis personne ! C’est ça, mon problème, je ne sais rien faire de spécial, je n’ai rien de spécial, je suis juste un Pokémon de merde qui sert de chair à canon !!

- (Salamèche) … !!

- Qu’est-ce que tu vas m’faire ? Me voler ma place, m’éliminer définitivement, réduire en cendre la vie de merde que je subissais déjà à cause de mon espèce !? Je n’ai aucune idée de qui je suis, mais tout ce que je sais, c’est que vous êtes tous plus balèze que moi grâce à qui VOUS, vous êtes ! Alors je te préviens, l’nouveau… ! T’as beau avoir un nom, une identité ou attirer l’œil du chef, je n’en ai rien à foutre ! J’éliminerai la concurrence s’il le faut, mais je donnerai tout pour !!

Il le frappa brutalement au visage. Salamèche essaya de se défendre, et commença bien en le dégageant, en se relevant et en se préparant à combattre. Mais le Pokémon poilu arriva soudainement derrière lui, et le bloqua en l’enlaçant dans le dos, à la surprise de tout le monde.

- (Salamèche) … (Qu’est-ce que… !?) Lâche-moi !!

- Nan… j’suis plutôt d’accord avec lui, en fait. J’ai trouvé ta performance du jour terriblement ingrate, pour un futur soldat de la DDR. Je pense qu’il faut redistribuer la punition. Alors vas-y, défoule-toi sur lui.

- Ouais… merci !

Son aide, en revanche, il l’accepta sans problème. Le sujet A131 commença donc à tabasser Salamèche, bloqué et impuissant face à la situation qui lui était déjà affreusement humiliante. La force physique de celui qui le maintenait était plus grande que la sienne, il n’y pouvait rien, et les deux garçons passèrent donc leur quart d’heure à le tabasser dans les douches. Bienheureusement, la sensation ne se déclencha pas, mais à vrai dire, Salamèche n’y pensait même plus. Il emplissait juste son esprit de haine.

Simiabraz arriva finalement pour leur ordonner de rentrer dans leur cellule, tout en leur balançant des serviettes crades. Ils se séparèrent à cet instant, attrapant chacun une serviette. Pour l’humilier encore plus, le sujet A131 en récupéra deux, et Salamèche se retrouva sans rien pour se couvrir, le temps de récupérer ses vêtements, alors même que nettoyer son sang aurait été le stricte nécessaire. Mais un Pokémon s’approcha et lui tendit sa propre serviette.

- Tiens, prends-là. Tu en as sans doute un peu plus besoin que moi…

Un silence se créa. Il le regarda d’un air bouche bée, avant de finalement récupérer la serviette et de s’entourer avec.

- (Salamèche) M… merci…

- Allez, debout !

Il l’aida à le relever, puis à marcher vers leur cellule. Ce Pokémon était le dinosaure, silencieux depuis le début et lui aussi physiquement assez balèze. Salamèche ne savait pas quoi en penser. Tout ce qu’il avait vécu depuis ce matin l’avait dégouté de tout contact social, et il demanda.

- (Salamèche) … Pourquoi m’aides-tu ?

- Bonne question. Mon instinct me hurle de ne pas t’aider, de profiter au mieux de tes faiblesses.

- (Salamèche) …

- Mais… je n’ai pas trop envie, bizarrement. Je t’ai entendu, ce matin, tu voulais trouver un compromis pour faire éviter à ton adversaire la punition. C’est gentil de ta part, et je pense que…

- (Salamèche) Ne m’approche plus.

Un silence se créa. Le dinosaure se montra perturbé, ne comprenant pas la soudaine prise de distance du type feu.

- Q… quoi ?

- (Salamèche) Tu vas finir par avoir de gros problèmes, alors oublie-moi et laisse-moi tranquille, la prochaine fois.

Disait-il tout aussi froidement.

- Euh… d’accord… ?

Le prisonnier semblait déçu. Salamèche, lui, avait finalement compris quelque chose : il n’avait pas d’amis à se faire, ici. Il rentra dans sa cellule sans aucune aide, et vit le même Pokémon poilu mouiller ses vêtements dans l’eau des toilettes, avant de les lui balancer au visage.

- Désolé, il fallait bien utiliser quelque chose pour déboucher les chiottes !

- (Salamèche) …

Ce Pokémon s’était soudainement réveillé depuis les douches, comme s’il avait eu une révélation là-bas. Mais depuis, il semblait tout faire pour être haïs du type feu. Mais ce dernier se contenta de les récupérer, de les essorer puis de les remettre. Même s’il évitait de s’énerver, une rage s’accumula doucement en lui. Salamèche se posa ensuite au même endroit que la dernière fois, et se mit à attendre, l’estomac vide. Il n’avait pas mangé de la journée, mais il semblait être le seul. Voyant les autres dégourdis, il en conclut que le diner avait eu lieu pendant qu’il se faisait torturer à l’infirmerie. Voilà une nouvelle chose qui l’enragea, mais il se contenta de garder son calme. Enfin, son regard se tourna vers le bouquin que Roitiflam lui avait donné la veille. Lui qui ne voulait pas le lire, le matin même, par peur qu’il contienne des mensonges sur la société qui arrangerait le criminel ; dans cette mentalité d’esprit-là, il n’y songea même plus, et attrapa rapidement le roman qu’il se mit à lire, espérant sincèrement ne pas exploser de rage avant la fin de la soirée.

Voilà comment se termina sa première journée dans le centre de formation d’enfants soldats de la DDR, cette étrange organisation criminelle dont il n’avait jamais entendu parler, qui entrait enfin dans sa vie et qui n’était pas prête d’en sortir. À partir de là et jusqu’à la semaine qui suivit, la routine infernale l’enragea de plus en plus, petit à petit et de manière frustrante. Même s’il n’avait aucune notion du temps, il comprenait comment se déroulait une journée normale pour un prisonnier : petit déjeuné ; entraînements de soldats ; déjeuné ; entraînements de soldat pour les gagnants, tandis que les perdants subissaient la punition ; diner ; douches. Mais lui, à la place du deuxième entraînement, il avait ses sessions privées avec Hypnomade, qui étaient peut-être encore plus atroces que les punitions des perdants. Et chaque après-midi, il devait les subir. Simiabraz lui laissa heureusement le temps de déjeuner avant et diner après, d’ailleurs le petit prenait bien le temps de s’isoler à chaque fois dans le petit réfectoire, mais le pire moment de ses journées restait encore et toujours ces séances d’hypnoses. C’est ce qui l’enragea le plus, et les gérants du centre semblaient le comprendre. Ils le manipulèrent en l’encourageant malgré lui à défouler sa haine pendant les entraînements matinaux, et s’il hésitait encore durant le deuxième et peut-être encore un peu le troisième jour, notamment parce qu’il devait affronter le petit dinosaure, le seul à avoir été sympathique avec lui ; les jours suivants, il y alla à fond.

Le quatrième jour, il affronta le sujet A133. Il eut beaucoup de mal à s’en sortir, mais malgré de nombreuses blessures, il arriva à l’assommer en lui brisant une patte.

Le cinquième jour, il confronta le sujet A132. Ce fut beaucoup plus simple, il l’envoya valser à plusieurs reprises hors des tatamis, dans les murs en briques du centre pour le blesser le plus rapidement et froidement possible.

Le sixième jour, il fit face au sujet A131, une nouvelle fois. Il n’avait plus aucune pitié à avoir, il se moquait désormais totalement de son sort, se sentant encore salement trahis pour ce qui était arrivé durant le premier jour. Il le frappa alors, il l’agressa très violemment et défoula tout ce qu’il avait sur le cœur. Il aurait très facilement pu l’envoyer valser hors du tatami dès le début, mais il prit bien le temps de reproduire les exactes mêmes blessures qu’il lui avait été infligé dans les douches. Ce fut probablement son combat le plus simple et satisfaisant.

Enfin, le dernier jour, il dû affronter le sujet A130, le Pokémon poilu et balèze. Alors que tout le monde avait appris à avoir peur de Salamèche, cet adversaire était le dernier qui continuait à faire le malin, et à raison. Le type feu se souvenait encore de sa force physique redoutable, lorsqu’il le maintenu dans les douches. Alors il y alla à fond, et l’affrontement fut féroce. Beaucoup de sang gicla, et des deux côtés. Mais après deux minutes acharnées, le sujet A130 l’emporta malgré tout, en transperçant d’une de ses gigantesques griffes le ventre de Salamèche par surprise. Celui-ci s’effondra à terre et perdit le combat ainsi. Il avait mal, très mal, mais ce n’était rien par rapport à ses séances de l’après-midi, alors il ne cria pas.

Néanmoins, à partir de ce jour-là, plus personne ne l’emmerda dans les cellules, dans le réfectoire ou dans les douches. Plus personne, mise à part le sujet A130, qui s’était montré plus fort que lui mais qui avait probablement dû subir la punition à la place de Salamèche, comme A131 lors du premier jour. Cela semblait l’avoir traumatisé, et pour se venger, il vola le livre que le type feu passait son temps à lire et y arracha toutes les pages du chapitre vingt-cinq, celui qu’il lisait actuellement.

- (Salamèche) Rends-le moi.

Disait calmement le type feu. Mais son adversaire lui répondit en arrachant à nouveau une page, avant de la jeter dans les toilettes de leur cellule. Il ferma les poings, n’en pouvant plus de garder toute sa rage en lui. Après tout, les entraînements matinaux lui étaient satisfaisant, car il ne pensait à plus rien d’autre que lui et le bonheur qu’il ressentait en se vengeant.

- Et qu’est-ce que tu vas faire ? Me casser la gueule ?

- (Salamèche) Tu sais quoi… ? Je vais arrêter de tourner autour du pot !

Il brisa son dernier mur de gentillesse, de bonté et d’empathie à cet instant. Ça y est, il avait été poussé à bout, et ce en seulement une semaine par la DDR. En réalité, cela durait depuis que l’équipe Chaotique était entrée dans sa vie, il y a trois mois. Mais depuis qu’il avait été kidnappé, tout avait été fermement accéléré, comme si Roitiflam avait profité de la haine que les habitants de Bourg-Tranquille avaient défoulés sur ce pauvre petit exclu et rejeté… pour finalement lui montrer que tout le monde pouvait rapidement basculer.

Désormais, quand Salamèche repensait à son ancienne vie, celle d’avant son kidnapping, il ne pensait plus à Pikachu, à Pifeuil, à Makuhita, à Mégapagos, à Germignon, à Riolu ou à Branette. Non, il pensait plutôt à la fois où Carapuce l’avait tabassé dans la ruelle du dojo, à la fois où Lombre l’avait soudainement agressé sous prétexte qu’il était un humain, au vote de tous les villageois pour son exécution ou non, à l’équipe Chaotique qui l’avait torturé à trois reprises, que ce soit dans les Petits Bois, dans les Bois Brouhaha ou dans la minuscule et non-officielle prison du village ; à la Magné-Team qui cherchait malgré tout à l’arrêter ou aux autres Pokémon qui s’en étaient pris à lui sans chercher à comprendre ce qu’il était réellement. Mais après tout cela, Salamèche lui-même ne savait pas réellement qu’il était. Lui qui pensait avoir enfin trouvé sa place en ce monde, tout avait été remis en question par la concurrence ainsi que par ceux qu’il voulait juste aider. C’était leur faute, pensa-t-il, et il n’avait pas totalement tort. Mais il ne pensait plus qu’à ça, il n’arrivait plus à se souvenir de quelque chose de positif, dans son ancienne vie. Tout cela participa à l’accumulation d’une profonde haine, qui s’était suffisamment renforcée ce soir-là, à cause des autres prisonniers et des tortures d’Hypnomade, pour finalement lui faire briser ce dernier mur.

Sur ces mots, donc, Salamèche sauta sur le sujet A130, et un affrontement débuta dans les cellules. Les autres s’écartèrent, mais tous les regards étaient fixés sur les deux rivaux. Mais une nouvelle fois, le Pokémon poilu rusa et parvint à surpasser le type feu en le blessant mortellement. Il s’écrasa à terre, mais ce n’était malheureusement pas encore la fin pour lui. Le sujet commença à le tabasser au sol, sans lui laisser le temps de se redresser, ou simplement de respirer. Il l’enchaîna de coups en explosant de rires, défoulant lui aussi toute la haine que ce lieu pouvait lui inculquer. Après tout, Salamèche n’était pas le seul à être frustré, tous les prisonniers l’étaient terriblement et depuis bien plus longtemps que lui.

- Il va falloir apprendre à fermer sa gueule, pauvre tâche !!

Le type feu tomba inconscient sur ces paroles adverses. Cela renforça la haine que son esprit avait accumulé, il changea radicalement sa vision du monde ce soir-là.

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