Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 18 : Le Mont Ardent

6336 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 25/02/2021 13:30

      Le granit brûlé par les coulis de lave se faisait entendre depuis l’entrée du donjon. À son sommet s’échappait sans fin une fumée épaisse et rougeâtre dans un ciel orangé. Cela expliquait l’intense brouillard poussiéreux qui entourait le territoire, plus chaud encore que l’Erg Sans Fin en pleine journée. Pourtant, tout était plus sombre. Aucun grain de sable, que des roches volcaniques, parfois fissurées, parfois noircies par des filons de charbons. La lumière venait du magma lui-même, coulant à flot depuis les hauteurs du volcan pour ruisseler à travers des centaines de voies différentes.

Mais tout ça, Salamèche n’y accordait que peu d’importance. Il fixait l’entrée d’un air inquiet, lui qui peinait pourtant à garder les yeux ouverts. Sa cape flottait au vent, crasseuse et déchirée comme le reste de sa tunique. Mais ses poings étaient fermement serrés. Il inspira un grand coup, puis entama l’exploration de ce donjon recelant ce qu’il convoitait le plus : du réconfort, l’espéra-t-il.

 

Chapitre 18 – Le Mont Ardent

 

Le soleil brillait, au cœur de l’Erg Sans Fin. À l’entrée de Bourg-Palissade, proche de la place du marché, six bottes encrassées par le sable terrirent sur la voie menant aux différentes habitations. Couverts de légers tissus mais d’épais sacs, trois grandes figures assurées pénétrèrent le village sous le regard anxieux de ses habitants. Le plus droit d’entre eux s’inclina en guise de salutation.

- (Alakazam) Nulle crainte, nous sommes une équipe d’exploration.

Rassura le chef Alakazam, en dégainant son badge bordé de dorure. Il transpirait mais restait couvert, se forçant à rester présentable.

- (Dracaufeu) Ouais, et on aurait besoin de quelques renseignements…

Poursuivit Dracaufeu, en se craquant le cou. Ses accoutrements étaient froissés et le haut de sa tunique pendait à sa ceinture.

- (Tyranocif) Les touristes se font rares, n’est-ce pas ? Nous sommes à la recherche de deux jeunes Pokémon qui ne viennent pas d’ici, peut-être pouvez-vous nous aider ?

Conclut Tyranocif, alors que sur son dos reposait le plus grand de leurs sacs, d’au moins une vingtaine de kilos.

- Pas la peine de leur demander. Je suis là.

Les regards se tournèrent vers ce garçon au pelage jaune, ensablé par le climat. Toujours habillé avec cette cape noire, il croisait les bras en fixant les trois arrivants. Ces derniers étaient bouche bée.

- (Pikachu) Je crois qu’il est temps de parler un peu.

Le reste se déroula dans la maison de la famille Branette.

Une bonne demi-heure s’était écoulée, alors que les explorateurs s’étaient rafraichis et hydratés. Tous les trois étaient assis autour de la table, alors que Branette leur servait de quoi se nourrir et que Pikachu leur racontait tout ce que lui et Salamèche avaient vécu, depuis leur dernière venue à Bourg-Tranquille.

D’abord, il conta la fulgurante escalade de la Dream Team vers les cent points de secourisme, prête à postuler à la Guilde d’Exploration avant que de soudains cauchemars envahissent l’esprit de Salamèche. Puis, il rapporta comment l’équipe Chaotique retourna l’opinion du village au sujet de son ami, les larmes aux yeux. Enfin, il confia leur aventure en pleine nature : les bons moments, les plus rudes, ainsi que la tentative d’assassinat d’Arbok, de Charmina et bien sûr, celle de la Magné-Team. Il explosa en sanglot, alors que Branette lui apporta des mouchoirs en le choyant avec sa main spectrale. De l’autre côté de la table, les membres de l’équipe ADT s’échangèrent un regard embarrassé.

- (Tyranocif) Votre vie a… été menacée par des explorateurs ?

- (Alakazam) Hélas, c’était prévisible. Le dossier rapportait les propos de Xatu, qui ne voyait qu’une solution pour mettre fin aux tremblements de terre. En plus de sauver le jeune Pikachu, Rapasdepic a probablement demandé à ses clients d’éliminer l’humain, même si je n’imagine pas Magnézone accepter. Peut-être a-t-il été dupé ?

- (Tyranocif) Cette maire est folle et abusive ! A-t-elle-même le droit d’expulser un enfant du village ?!

- (Alakazam) Les règles sont aisément contournées, lorsqu’il s’agit du bien commun. Malheureusement, le jeune Salamèche serait bien victime d’une malédiction, puisque chaque territoire qu’il a traversé s’est retrouvé victime de violentes secousses. À l’inverse, Bourg-Tranquille recommence tout juste à bien porter son nom.

- (Tyranocif) Il en souffre plus que quiconque, de ces fichues secousses ! On doit le retrouver, on doit le protéger.

- (Pikachu) Ce… ce n’est pas un piège… ? Vous le pensez vraiment ?

- (Tyranocif) Nous avons nos valeurs, que dame Rapasdepic trouverait sans doute stupides et égoïstes, certes, mais cela nous convient de vivre ainsi.

- (Pikachu) Et si Xatu avait raison ? Et si le onze Juillet, le monde se fracturait ?

- (Alakazam) Alors nous disparaîtrons tous. Il est hors de question de sacrifier la vie d’un enfant innocent, et je suis persuadé que les membres de la Mangé-Team auraient été du même avis, s’ils avaient été en possession des mêmes informations que nous.

Pikachu essuya ses larmes, alors qu’un léger sourire s’esquissait de ses lèvres.

- (Pikachu) … Merci. Merci beaucoup. À force d’être le seul à penser ça, j’avais l’impression de… de devenir fou…

- (Tyranocif) Ne t’en fais pas, tu n’as plus à affronter cette infâme épreuve tout seul. Nous sommes là, désormais.

Aussitôt, le grand dragon rouge frappa du poing sur la table. Lui qui avait gardé le silence jusqu’ici, tout le monde remarqua cette épaisse veine qui avait gonflé sur son front.

- (Dracaufeu) Et si on arrêtait de tourner autour du pot ? Il est où, ce sale mioche ?!

- (Pikachu) Il est parti… au Mont Ardent.

Les trois explorateurs sursautèrent. Dracaufeu crispa les dents.

- (Tyranocif) Quoi, tout seul ?!

- (Pikachu) Oui, depuis bientôt deux semaines.

- (Dracaufeu) … Espèce de sale petit… !

- (Alakazam) Dracaufeu, calme-toi.

Trop tard, l’épais dragon se leva en bousculant la table. Branette recula la chaise sur laquelle s’était posé son ami, tandis que ses deux collègues empêchèrent le déjeuner de se renverser. Le sac sur le dos, il ouvrit sèchement la porte de la maison.

- (Alakazam) Oh, bon sang… ! Tyranocif, dépêche-toi !

- (Pikachu) A… attendez ! Ne le pourchassez pas, par pitié !

- (Tyranocif) Ne t’en fais pas, il est grognon parce qu’il tient à lui !

Rigola-t-il, en récupérant seulement les petits sacs.

- (Alakazam) Nous serons de retour au plus vite. Avec notre poids sur son dos, s’il bat des ailes à pleine puissance, Dracaufeu devrait nous y emmener en moins de trois jours. Nous protègerons Salamèche, je t’en fais la promesse.

Assura le chef de l’équipe, en refermant la porte de la maison. Un solide coup de vent se fit ressentir dans tout le village, alors que la flamme brûlante du dragon s’éloigna dans les cieux. Le silence s’imposa et Pikachu soupira.

- (Pikachu) … J’espère que j’ai fait le bon choix…

- (Branette) … Tu ne m’avais pas dit que vous connaissiez un Dracaufeu.

- (Pikachu) Ah… ? Et qu’est-ce que ça change, au juste ?

- (Branette) À ce stade, ça ajoute seulement du feu au poudre, je suppose.

Moins de trois jours, voilà la période estimée par Alakazam pour atteindre le Mont Ardent. De son côté, cela faisait plus d’une cinquantaine d’heures que Salamèche avait fait face à ce territoire. Il avait gravi les collines, sauté au-dessus des lacs de lave et contourné maintes crevasses et fissures peu perceptibles. Arrivé face à l’entrée du donjon, il avait lâché un soupir de soulagement. Puis, il se prit les pattes dans un galet et trébucha tête la première dans un tas de cendres.

À son réveil, sans savoir combien de temps il avait été étourdi, il toussa, peinant à se relever. Sa vue se troublait, alors qu’inspirer lui demandait beaucoup plus d’efforts. Certes, jamais il n’avait eu à faire à une atmosphère aussi lourde, mais il était de type Feu – pensa-t-il – alors il devait résister. Il se releva et continua d’avancer. Un groupe de sauvages le dévisagea, comme des flaques de magma gluantes avec des yeux. Il reconnaissait l’une des illustrations du livre, mais son crâne chauffait trop pour y penser plus longtemps. Puis, il marcha sur un sol plus brûlant encore que la roche volcanique qui la composait. Une épaisse fumée se dégagea soudainement de sous son pied, le faisant perdre l’équilibre face à un Pokémon qui se déplia de sous cette roche. Tout autour de lui, un groupe de Chartor sauvage se réveilla. Un genou à terre, Salamèche se mit en garde. Mais ses prétendus adversaires ne le regardaient même pas. Alors il tituba à reculons, n’arrivant plus à clarifier la moindre idée dans son esprit. Puis, il tomba en arrière, probablement dans une crevasse, trop épuisé pour ne serait-ce que regarder jusqu’où il chuta.

- Toi et les Neitram devront patienter, des années s’il le faut, le temps que notre ami acquiert toutes les capacités de son nouveau corps. Si le processus échoue, si un malheur venait à lui arriver avant qu’il ne devienne l’arme de guerre dont la Résistance a besoin…

- (Pifeuil) Ne parlez pas d’malheur ! Déjà qu’on doit placer tous nos espoirs sur… un humain ? Bon sang, mais c’est ici qu’ça s’passe !

- Votre union est notre dernier espoir. Si tout se passe comme prévu, alors faites de lui notre sauveur ultime. Sinon… profitez du temps qu’il vous reste ensemble pour découvrir le monde, avant l’apocalypse. C’est un humain, justement, tu serais le premier à avoir la chance de vivre aux côtés d’une telle espèce.

- (Pifeuil) Super, j’ai hâte de mimer l’père de famille avec un monstre !

Ce dernier mot raisonna dans son esprit, alors que d’anciens frissons refirent surface.

- (Barbicha) C’était un monstre. Un être capable des pires atrocités.

- (Xatu) Tu as brisé l’équilibre d’un monde que tu n’étais jamais supposé rejoindre, la planète réagit en conséquence.

- (Ectoplasma) … Salamèche est l’humain qui détruira le monde.

- (Nanméouïe) … Est-ce si improbable ?

- (Lombre) Qui sait qui il était, avant que tu l’rencontres ?

- (Makuhita) Sans parler de son potentiel hors du commun. Forcé de constater qu’il est le seul Pokémon à ne pas avoir de limites.

- (Carapuce) Faut vraiment pas être normal, pour réussir à faire ça.

- (Charmina) Il est humain, il veut notre fin à tous !

- (Hippodocus) Tu nous cachais tout ça depuis le début !

- (Pikachu) Salamèche !!

- (Charmina) Debout, minable ! Prouve-nous que tu mérites d’être l’un des nôtres ou on t’achève sur le champ !

- (Pikachu) J’ai dit que j’te protègerai, que j’veillerai sur toi quoiqu’il en coûte !!

- (Magnézone) Mais te voilà enfin face à nous ; et tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Nous agissons au nom du bien, rien de plus.

- (Pikachu) Pourquoi… ? POURQUOI ?!

- Du calme.

Raisonna cette voix féminine, tendre et assurée, la seule qu’il n’arrivait toujours pas à identifier.

- Tu paniques, un sentiment que ressentent autant les humains que les Pokémon. J’aimerai te dire que tout ira bien, mais à quoi bon t’infantiliser ? Ton geste, ton sacrifice, qui d’autre peut prétendre atteindre ta sagesse ? Mon ami, je te souhaite de vivre la plus exaltante de tes vies. Tu n’es pas un élu, tu n’es pas spécial. Tout peut échouer et peut-être que des centaines de fois, tout risquera d’échouer. Tu devras alors faire preuve d’une détermination sans égale. Tu devras résister, quoiqu’il arrive. Allez… courage !

Courage.

Courage…

Salamèche ouvrit les yeux. Allongé dos sur la chaleureuse roche volcanique du donjon, il éternua et fit sursauter le petit Pokémon sauvage qui lui léchait le visage. D’une fourrure brune et crème, ses grands yeux noisette s’écarquillèrent et ses six petites queues bouclées s’hérissèrent. Elle recula en fixant le jeune garçon se relever, puis déguerpit à vive allure lorsqu’il tenta d’approcher.

- (Salamèche) Non, attends, je…

Marmotta-t-il, d’une discrète et tremblante voix épuisée. Elle était déjà loin. Tant pis, il soupira en observant les environs. Du minerai partout, rouge d’une lueur étincelante, comme s’il peinait à contenir toute l’ardeur du donjon. Il s’était engouffré dans une crevasse, pourtant, il s’y sentait bien. Alors qu’il approcha la paroi pour l’escalader, son regard se posa sur le ruissellement de la lave, que jamais il n’avait pris la peine d’admirer. La chaleur qui s’en dégageait était si agréable qu’il manqua d’y plonger un doigt. Bienheureusement, son regard continua de suivre le mouvement, qui s’écoula étroitement jusque dans un gigantesque lac rempli de cette texture liquide d’un rouge aveuglant, à l’entrée d’une caverne devant laquelle il hallucina.

Tous les sauvages, répertoriés dans le livre qui l’avait motivé à venir, vivaient dans cet espace à l’atmosphère apaisante. Des Magby dégustaient les rares champignons qui poussaient dans les recoins, alors qu’un Galopa et plusieurs petits Caninos se nourrissaient de baies et autres nourritures provenant de l’extérieur. Dans le lac se baignait une famille de Pokémon. D’une peau écailleuse, orange avec des teintes beige sur le ventre, le creux de leurs pieds et la partie arrière de leur queue, cette espèce avait la particularité de faire crépiter, sur le bout de cette dite queue, une flamme scintillante. Les enfants sautaient partout, tandis que les plus âgés, d’une peau plutôt rouge et aux griffes acérées, semblaient se reposer sans se soucier des leurs. Seule une grande dragonne, au regard assuré et aux gigantesques ailes, s’occupait de nettoyer les plus petits tout en jetant quelques regards aux plus grands.

Les larmes aux yeux, le jeune garçon approcha ce groupe de Salamèche, de Reptincel et de Dracaufeu.

- (Salamèche) Enfin… enfin… !

Marmonnait-il d’un air soulagé alors qu’il titubait, le regard fixé sur ces êtres si heureux.

- (Salamèche) Moi aussi… j’ai une famille… !

Plus qu’à quelques mètres, il tendit une patte tremblante. Un Salamèche se tourna vers lui. Ils s’échangèrent un simple regard.

- (Salamèche) J’ai enfin… une raison d’exister… !

Mais le Salamèche hurla en reculant, attirant toute l’attention des siens. Immédiatement, la grande Dracaufeu rugit à en faire trembler les environs. Déstabilisé, le jeune fugitif s’écroula. Lorsqu’il releva la tête, les Reptincel lui faisaient barrage, les griffes en avant. Les Salamèche s’étaient éloignés, recroquevillés derrières leur mère en tremblant comme des feuilles. Cette dernière avança et sortit du lac.

- (Salamèche) Je… je ne comprends pas…

Beuglait-il, alors qu’elle lui faisait face. Elle pencha son museau au-dessus de lui et renifla. Et le silence pesa. Presque une minute, durant laquelle tous les Reptincel fixaient cette anomalie d’un air assassin, prêts à lui sauter dessus au moindre geste. Mais peu à peu, l’ancien secouriste lâcha un léger sourire. Cette odeur, cette chaleur, cette atmosphère, tout l’apaisait chez ce peuple, comme s’il le connaissait depuis toujours. Il était l’un des leurs, cela ne faisait plus aucun doute. Il se mit à rire, se sentant enfin digne d’être appelé S…

Brusquement, la dragonne rugit. Plus fort, plus violemment. Elle lui asséna un coup de queue, l’envoyant valser dans la paroi volcanique. Les Salamèche se mirent à geindre, larmoyant de terreur. Les Reptincel entourèrent leur mère, prêts à la protéger de ce monstre. Ce monstre, qui se dégagea des roches dans lesquelles il avait été encastré non sans grincer des dents. Il s’écroula, peinant à reprendre son souffle.

- (Salamèche) P… pourquoi… ?

Répétait-il, le regard perdu. Il dévisagea ses pattes, encrassées par les cendres, la terre, les égratignures et le temps. Il repensait au chemin parcouru, aux dangers bravés.

- (Salamèche) Pourquoi ?!

Reprit-il d’une voix plus grave, plus colérique. Alors que les Reptincel avançaient, lui se redressa les poings fermés. Et peu à peu, les cailloux l’entourant se mirent à trépider.

- (Salamèche) J’ai tout fait pour qu’on m’accepte… ! Tout !!

Ses dents se crispaient, ses veines gonflaient, sa flamme fulminait. Le sol entier frissonna.

- (Salamèche) JE NE SUIS PAS SPÉCIAL !!!

Hurla-t-il de toutes ses forces, alors qu’une nouvelle secousse frappa. La plateforme sous ses pieds se fissura. Depuis le plafond plongèrent des pavés dans le lac de magma. La dragonne bondit jusqu’à ses petits, qu’elle protégea de plusieurs débris. Mais même elle, n’aurait su résister à l’éboulement qui s’écroula droit dans sa direction. Ce fut sans compter sur ce torrent enflammé, qui se dégagea du lac pour propulser le tas de roches dans une autre direction.

De ce torrent se dégagèrent deux épaisses ailes bordées d’intenses flammes. De son long bec marron grogna une voix dont l’écho transperça l’ouïe de tous les habitants du Mont Ardent. De sa crinière et sa fulgurante queue enflammée s’échappèrent une épaisse fumée qui se répandit dans toute la caverne, la réchauffant d’encore une vingtaine de degrés. Il mesurait au moins trois mètres, exactement comme son frère, munit d’une fourrure électrique.

- (Salamèche) Sulfura… !

L’Oiseau enflammé en personne.

- (Sulfura) Qui ose détruire ma demeure ?! Qui ose abattre les miens ?!

- (Salamèche) Ce n’est rien, le tremblement ne va pas durer !

- (Sulfura) Des impurs… ? Ici ?!

- (Salamèche) Je… attendez, quoi ?

Soudain, une violente traînée enflammée se propulsa sur lui. Une grande patte rouge composée de trois épais doigts griffus lui agrippa le crâne et s’envola avec lui. En quelques secondes, il traversa toute la caverne et percuta un nouveau mur. Son cou était fermement maintenu par ces griffes acérées, s’en dégageant en vain. Cette odeur, cette chaleur, c’était encore un Dracaufeu, il le comprenait sans même avoir besoin d’ouvrir les yeux.

- (Dracaufeu) Qu’est-ce que t’essayais d’faire, espèce d’imbécile ?!

Mais il les ouvrit quand même, sous le choc d’entendre à nouveau cette voix.

À l’extérieur du donjon, au sommet d’une colline les éloignant le plus possible des coulis, Alakazam et Tyranocif s’hydrataient autant qu’ils le pouvaient. Ils n’avaient plus beaucoup d’eau. Le type Psy était essoufflé et accroupi, son accoutrement à moitié détaché, ses équipements et son badge éparpillés autour de lui.

- (Alakazam) Tyranocif… tu dois boire, toi aussi, tu m’en as déjà suffisamment laissé… !

- (Tyranocif) Je résiste mieux au feu que toi, alors économise ta salive !

Lui rétorqua son ami, debout sur le rebord, le regard fixé sur l’entrée du donjon.

- (Tyranocif) Je suis surtout inquiet à cause de la secousse ! Le Mont Ardent peut s’effondrer d’une minute à l’autre !

- (Alakazam) Je… je suis navré d’avoir perdu connaissance…

- (Tyranocif) T’inquiète, on ne pouvait pas savoir que la chaleur du territoire avait autant augmentée. Par contre, Dracaufeu a intérêt à s’en sortir, on ne pourra pas aller le chercher !

- (Alakazam) Au vu de comment il s’y est élancé, j’espère surtout qu’il ne va pas faire empirer les choses… argh… !

Geint-il, en se maintenant les tempes.

- (Tyranocif) Hé, reste avec moi !

- (Alakazam) Ça va aller… ! Je… j’ai l’impression que… quelque-chose d’anormal se trame là-bas. Comme si…

Sa voix se coupa lentement, ses yeux s’écarquillèrent peu à peu.

- (Alakazam) Oh, bon sang… ! Tyranocif, on doit absolument lui venir en aide !

- (Tyranocif) Hein… ? Pourquoi, que se passe-t-il ?!

Au loin, hors du champ de vision des deux explorateurs épuisés, une montagne cachée dans l’ombre craqua ses gigantesques poignes griffues, le sourire aux lèvres.

- Chef, Sulfura vient de se réveiller !

- C’est c’que j’avais cru comprendre ! Allez, on applique le nouveau plan !

De retour dans les profondeurs du Mont Ardent, toujours coincé contre un mur, Salamèche se débattait de toutes ses forces. Mais Dracaufeu le bloquait d’une seule patte. Sa tunique semblait s’être usée par le voyage et l’encolure pendait encore à sa ceinture. La musculature de ses bras était massive et son ventre à lui seul ressemblait à une armure impénétrable. Malgré la secousse, il ne tremblait pas d’une écaille.

- (Salamèche) L’équipe ADT est ici… !?

- (Dracaufeu) Les autres nous attendent dehors, mais je n’ai pas l’intention de te ramener tout de suite.

- (Salamèche) Laissez-moi tranquille… ! Vous… vous n’aurez pas ma peau !

- (Dracaufeu) Ta peau ?!

Reprit-t-il d’un ton exalté, avant de soulever sa cible pour la plaquer à pleine puissance contre le sol, qui explosa à son impact. Salamèche voulait crier, mais l’imposant dragon continuait de l’étranger.

- (Dracaufeu) Espèce d’égoïste !! As-tu la moindre idée du danger dans lequel tu mets notre peuple ?! Les tremblements de terre te poursuivent et toi, tu décides d’aller dans leur caverne instable ?!

- (Salamèche) Ce n’est pas mon peuple… ! Ils m’ont rejeté !!

- (Dracaufeu) ET ALORS ?!

Il déploya ses ailes et s’envola plus profondément dans la caverne, le tout en raclant le corps de son adversaire contre le sol. Arrivant face à un tas de roches bloquant la voie, il l’envoya paître en premier puis s’y propulsa d’un puissant battement d’aile. Il explosa l’éboulement avec Salamèche comme bouclier, libérant la voie à de nombreux sauvages enfermés de l’autre côté de la grotte. Telle la destruction d’un barrage, le lac rouge s’écoula à flot dans la direction des deux civilisés.

L’intensité du tremblement de terre diminua, jusqu’à cesser pour de bon.

À terre, le jeune garçon tremblait en se tenant la partie droite du visage. Il saignait abondamment. Sa cape s’était déchirée tandis que sa tunique se triturait à chaque frottement. Il tenta de se relever, parvint à se retourner sur le ventre, mais régurgita brusquement. Le lancinant craquement de son dos l’imposa de rester immobile, la tête dans ce qu’il venait de cracher. Un mélange de larmes, de sueur et de sang coulait de son visage crispé. Sa respiration se coupait sans cesse, peu importe à quel point il tentait d’appliquer les méthodes de méditation de son maître. La douleur s’aggrava, lorsque la gigantesque botte de son assaillant le plaqua au sol.

- (Dracaufeu) Tu es si susceptible ! Arrête de jouer la comédie, tu n’as aucune idée de ce qu’est la vraie douleur !

En guise de réponse, seul du sang sortait de sa bouche.

- (Dracaufeu) J’ai cru comprendre que tu possédais un pouvoir hors du commun. Qu’attends-tu pour l’utiliser ? Dois-je t’imposer une mort imminente pour te faire réagir ?! Es-tu au moins capable de comprendre l’état dans lequel tu as mis tous ceux qui t’ont aimé ?!

D’un coup de botte, l’explorateur le retourna sur le dos. Ce dernier répliqua en lui lançant des résidus de gravas et charbons poussiéreux au visage.

- (Dracaufeu) Argh… ! Espèce d’ingrat !!

Il lui infligea une droite en plein ventre, explosant de nouveau le terrain sur lequel ils combattaient. Désormais en pente, Salamèche se trouvait face à la lave, coulant peu à peu jusqu’à lui.

- (Salamèche) N… non… !

Bafouilla-t-il, d’une voix aussi tremblotante que desséchée.

- (Dracaufeu) Je vais être parfaitement clair et précis ! Que tu le veuilles ou non, tu es un Salamèche ! Tu portes notre nom ! Tu te régénères et cicatrises aussi aisément que nous ! Et surtout, comme tous les types Feu…

- (Salamèche) Non… non… !

Trop tard, la lave engloutit le haut de son corps. Ce dernier angoissait, craignant de fondre sur le champ. Puis, il ouvrit les yeux. Il avait chaud, rien de plus. Sa tunique, en revanche ; celle qu’il accoutrait depuis son réveil, au cœur des Petits Bois, alors qu’il ne connaissait pas même son propre nom, grilla à l’instant où elle effleura ce brûlant liquide. Jusqu’à sa ceinture, faite de cette corde aujourd’hui craquelée et ternie, Salamèche se retrouva à nu. Son petit carnet manqua de peu l’érosion.

Dracaufeu plongea une patte dans le lac et l’agrippa de nouveau par le cou. Il le souleva à sa hauteur, lui permettant de reprendre un souffle effrayé, coupé par des crachas de magma.

- (Dracaufeu) Comme tous les types Feu, tu résistes aux chaleurs extrêmes. Pas un seul autre Pokémon n’a cette capacité, tu m’entends ? Non mais sérieusement, regarde-toi ! Tu comptais devenir explorateur ? Tu n’arrives même pas à prendre soin de toi !

Brama-t-il, en toisant son ventre. La teinte beige était presque entièrement recouverte de saletés et d’égratignures. La forme aussi avait changée. Moins ronde, plus fine. Le temps, les entraînements et la fugue l’avaient marqué, puisque sur sa poitrine avaient commencé à se dessiner de légers pectoraux. Mais à côté de l’épais dragon, il restait une brindille.

- (Dracaufeu) Je me fiche de ce que tu étais auparavant ! Aujourd’hui, tu es un Salamèche, et tu n’as pas besoin d’être né au Mont Ardent pour le prouver ! Nous disposons de grandes capacités et ta volonté d’aider autrui était louable ! Mais tu as complètement déraillé, en décidant de venir ici ! Tu as failli massacrer notre peuple ! Je refuse de te laisser trainer mon, NOTRE nom dans la boue, c’est compris ?!

- (Salamèche) Par pitié… ! Fermez… là… !

Geint-il, en recommençant à pleurer.

- (Salamèche) Le Mont Ardent peut… tomber sous un tremblement de terre, je m’en moque… j’ai eu ma réponse ! Je ne suis personne !! Juste un… imposteur d’humain dans le corps d’un Salamèche ! Je… ne sais pas ce qu’ils attendaient de moi et ça… ça n’a plus d’importance. Je ne veux plus servir qui que ce soit ! Je veux juste… que tout s’arrête ! Frappez-moi autant que vous le voudrez, humiliez-moi comme bon vous semble, je m’en fiche… ! Finalement, j’aurai préféré… que la lave me réduise en cendres… !

Dracaufeu le dévisagea dans un triste silence. Un boucan avait lieu plus loin dans la caverne, mais à leur niveau, seuls de légers échos animaient cette piteuse confrontation. Finalement, Le dragon lâcha prise. Salamèche ferma les yeux en s’écroulant. Son ouïe s’assourdissait peu à peu. L’autre type Feu s’agenouilla et lui tapota le dos.

- (Dracaufeu) … Navré, mais c’était nécessaire. Le monde est rude et ta survie est un miracle. Si tu tiens vraiment à la vie, tu vas devoir faire face à bien pire. Tu récupèreras vite, c’est notre particularité. Ensuite… je ferai de toi le meilleur membre de notre espèce ! Tu as du potentiel et jamais je n’abandonnerai l’un des miens. Je serai là, je te le promets…

Soudainement, l’éboulement face à eux explosa. L’explorateur sursauta, protégeant le jeune garçon des débris qui s’étaient propulsés jusqu’à eux. Une figure se dressait, au sommet de ce trou causé par une puissance incommensurable. Sulfura ? Non, c’était un bipède.

Deux mètres de haut. Ce n’était pas un dragon et il ne possédait aucune aile. Pourtant, cette montagne de muscles surpassait Dracaufeu, qui le dévisageait d’un air troublé, les yeux écarquillés.

- (Dracaufeu) Ce… ce n’est pas vrai… ! Non… !

Sa peau était orangée, ses sourcils épais et noirs. Il était pourvu d’un grand groin rouge et de deux longues dents pointues. Il accoutrait une combinaison construite d’un nylon noir en-dessous d’une armure grise faite d’un métal rouillé. Autour de son cou et s’étendant jusqu’à sa poitrine embrasait de violentes flammes d’un rouge agressif. Ses bras mesuraient chacun la taille de Salamèche. Dracaufeu crispait les dents, reculant pas à pas. Ses jambes tremblaient.

- (Dracaufeu) Ça ne peut pas être toi !!

- Quel accueil ! Moi, je suis heureux de te rencontrer !

Exclama une voix suave et confiante. Il bondit face à lui. À son impact, le sol se fractura. Dracaufeu se mit en garde, les poings fermement serrés.

- (Dracaufeu) Je… je sais très bien qui tu es, chef de la DDR !! Rends-toi sur le champ !!

- Enfin, un peu de pudeur ! Dracaufeu l’arrache mâchoire, membre de la célèbre équipe ADT ! J’ai tant entendu parler de vos exploits et de Ô combien vous vous engagiez dans la lutte contre le mal ! Malheureusement, je crains que tes deux collègues soient contraints de prendre une petite pause.

- (Dracaufeu) Quoi… ? Qu’est-ce que tu leur as fait ?!

- Ils se reposent juste un peu mais ne t’en fais pas, nous saurons leur… enfin, vous trouver le foyer idéal !

- (Dracaufeu) Non… écarte-toi !!

- Oh que non, je vais plutôt faire une pierre deux coups ! Ne m’en veux pas, tu sais très bien à qui est la faute !

Lui sourit-il, avant de lui sauter dessus. Une figure monstrueuse, imposante, pointue et au regard froncé d’excitation. N’arrivant pas même à avaler sa salive, Dracaufeu tenta de l’esquiver, mais son adversaire lui agrippa la queue. Sans effort, il le tira d’une force telle qu’il l’envoya paître contre un mur. L’explorateur s’y cogna si fort qu’il s’en brisa quelques côtes en le transperçant. Son ennemi inspira profondément, puis mollarda par le groin un vivace jet enflammé. À son impact surgit une redoutable explosion, faisant s’effondrer le mur entier sur sa cible. Il rigola en se tapotant le ventre.

- Eh bah ! Mon estomac est en forme, aujourd’hui !

Scrutant les alentours, son regard se posa un bref instant sur le jeune garçon.

- Oh ? Mais qu’avons-nous là ? Un Salamèche en piteux état ? C’est donc ainsi que tu traites les tiens ?

- (Dracaufeu) Ne t’approche pas de lui !!

S’énerva-t-il, en se dégageant des débris qui l’ensevelissaient. Sa peau était égratignée et poussiéreuse, néanmoins, il se propulsa d’un robuste battement d’aile, les griffes en avant. Son belligérant, d’un sourire narquois, esquiva le premier crochet. Il laissa le second glisser sur son armure, puis il lui attrapa les poignets et le bloqua net. Ensuite, il contracta. Un répugnant craquement retentit, tandis que les pattes du dragon se tordirent dans des directions anormales. L’un hurla, l’autre se gaussa.

- Finalement, je vais peut-être faire une pierre trois coups !

Il le relâcha, recula son poing, dégaina ses griffes et l’imita en le frappant d’un simple coup. En une demi-seconde, il atteignit, transperça et empala sèchement son ventre, en plein abdominal. Il enfonça son bras le plus profondément possible, alors que des giclées de sang s’extirpaient de cette effroyable plaie qui fit hurler l’explorateur de douleur, de rage et d’angoisse. Il en vomit une flaque entière de sang, avant de se faire rosser d’une droite en pleine mâchoire et de s’écrouler au sol. Sans attendre, la créature s’attabla sur sa taille, appuyant avec ses bottes sur les poignets cassés. L’explorateur meugla, les larmes aux yeux. Dès qu’il essayait de se débattre, la douleur s’intensifiait. Son rythme cardiaque augmentait, alors qu’il esquivait le regard forcené de son truand. D’une sévère droite, ce dernier le martela.

- Lâche comme vous êtes, je préfère toujours demander avant de frapper !

Il enchaîna une deuxième fois. Une dent vola et du sang gicla sur ses poings.

- Mais de ce qu’on m’a dit de toi, la dignité semble être l’une de tes grandes valeurs !

Une troisième fois. Cette fois, elle atteignit son armure.

- Alors tant pis ! Et pourtant, les dieux savent à quel point tu aurais fait un bon chef, avec le bon entraînement !

Une quatrième fois. Elle jaillit jusqu’à son visage.

- Avec la bonne philosophie !

Une cinquième fois. À ce stade, il ne frappait plus qu’un tas de chair ensanglanté. Dracaufeu ne bougeait plus.

- Hé, reste en vie quand même ! T’as beau être endoctriné, tu restes le membre d’une espèce aussi précieuse que puissante ! On a besoin d’une armée, au cas où tu ne suivrais pas l’actualité !

Il se redressa et s’étira en rigolant.

- Quelle journée, ma parole !

- Chef !

Déboula un autre Pokémon Feu dans la pièce, également accoutré de cette combinaison noire en-dessous de cette armure grisâtre. Un primate, à la fourrure orange et aux longues oreilles dégagées. Ses yeux bruns étaient entourés de marques bleus et rouges. Lui aussi, possédait une queue – certes plus longue et fine – dont l’embout brûlait d’une modeste flammèche. Il s’inclina face à celui qu’il appelait « chef ».

- Qu’as-tu à m’annoncer, mon cher Chimpenfeu ?

- (Chimpenfeu) Nous nous sommes occupés de Sulfura ! À l’extérieur, l’autre escouade s’est chargée des explorateurs !

- Oui, enfin vous avez fini l’travail, plutôt ! Bon, au final, on va repartir avec plus de colis que prévu. Embarquez Sulfura, l’équipe ADT et aussi ce p’tit gars, là-bas !

Ordonna-t-il, en pointant d’une griffe le corps inconscient de Salamèche.

- (Chimpenfeu) Quoi, ce sauvage ?

- Il a une braie, imbécile, il a juste fait trempette dans la lave.

- (Chimpenfeu) C’est… pour l’armée ? N’est-il pas un peu jeune ?

- T’inquiète, lui on va en prendre soin.

Il avança jusqu’au fugitif, qu’il attrapa par la queue et souleva jusqu’à lui.

- Je crois que c’est le Pokémon dont Arbok et Charmina m’ont parlé. S’ils m’ont dit vrai, alors c’est le jackpot !

S’esclaffa-t-il, d’un air plus que malsain.

Cet étrange groupe quitta donc les lieux, laissant les déchets et équipements de ceux qu’ils venaient de capturer. Et le territoire redevint calme. Non… il devint morne. Les jours qui suivirent, la température diminua d’une cinquantaine de degrés. La fumée s’échappant du sommet se fit de plus en plus discrète et peu à peu, le magma se solidifia. La lumière s’estompa, la pénombre gagna du terrain.

Le voilà avantagé, lui qui avait le pouvoir de se déplacer à vive allure en se cachant dans les ombres. Il reprit forme en arrivant sur cette colline. Son regard avait été attiré par quelque-chose de brillant. Quelle fut sa surprise, lorsqu’en fouillant le territoire à la recherche d’informations, Branette ne trouva qu’un badge bordé de dorure.

Salamèche fut donc éloigné du Mont Ardent. Que cela lui plaise ou non, il avait obtenu une réponse à ce qu’il cherchait. Et maintenant… ?

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