Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 17 : Bourg-Palissade

7652 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/02/2021 18:47

      De plus en plus, le vent soufflait ; emportant avec lui une vague ensablée.

Au cœur de l’Erg Sans Fin, entre quelques dunes éparpillées dans un horizon parfaitement plat, avait été construit un curieux village du nom de Bourg-Palissade. La journée, le soleil frappait si fort que les habitants couverts d’un pelage devaient s’être habitués à ce que le dessous de leurs pieds soit cramé par le sable. La nuit, sans nuage pour contenir la chaleur accumulée à peine quelques heures plus tôt, tout le monde se couvrait d’épaisses tuniques en laine, vraisemblablement récupérée sur un troupeau de Moumouton sauvages, élevés dans une ferme faite d’un bois usé par le temps. Les maisons, aux architectures arrondies, étaient faites en adobe claire, astucieusement sculptées pour les ouvertures et renforcées par de la roche sédimentaire.

Comme pour tous les autres lieux dits : « civilisés », tous types de Pokémon résident à Bourg-Palissade. Par exemple, certains types Feu doivent être attirés par les fortes chaleurs des environs, car ils peinent à supporter d’autres climats plus variés. Quelques types Plante aussi s’y sentent plus à l’aise, sans doute pour se ressourcer à l’énergie solaire. Les types Eau, de leur côté, sont probablement demandés pour leurs capacités aquatiques très précieuses dans un environnement aussi asséché ; bref, tout le monde y trouve son compte.

Voilà tout ce qu’annota Salamèche dans son petit carnet et ce, sans ne jamais avoir mis une patte à Bourg-Palissade. Il observait et supposait, peinant à se divertir depuis un bon quart d’heure déjà, assis à l’ombre, entre deux ruines rocheuses enfoncées dans une dune. Sa tunique était éraflée, sa peau encrassée par de la terre séchée et du sable agglutiné à sa transpiration, tandis que sous ses yeux à moitié fermés, deux épais cernes s’étaient imposés. Il posa le stylo lorsqu’il entendit quelqu’un approcher en gloussant à répétition.

- (Salamèche) Ça y est, tu as pu t’hydrater ?

Pikachu arriva face à lui après avoir contourné la dune, une bouteille d’eau à moitié vide entre ses pattes trempées. Certes aussi crade que son partenaire, il semblait cependant sautiller d’excitation.

- (Pikachu) Ouais… et bon sang qu’ça fait du bien ! J’en pouvais plus, de boire l’eau plein d’sable des Oasis ! T’en veux ?

- (Salamèche) Ça ira. Combien nous reste-t-il ?

- (Pikachu) Que dalle, on est fauché. Jamais je n’m’étais dit que j’aurai besoin d’sous, en fuguant du village. J’ai pas été très malin…

- (Salamèche) Hm. Il va falloir quitter le désert.

Il se leva et essuya sa tunique plein de sable, lorsqu’un coup de vent leur envoya une vague de grains en pleine figure.

- (Pikachu) Ouais, enfin on est encore loin d’la sortie…

Baragouina-t-il en se frottant le visage.

- (Pikachu) T’es sûr que tu n’veux pas y faire un tour ? J’ai parlé vite fait à des gens au marché, j’suis sûr qu’ils seraient prêts à aider des enfants en sale état.

- (Salamèche) Des enfants fugitifs, Pikachu. Je suis sûr que l’information est passée.

- (Pikachu) J’ai vu aucune affiche et personne n’semblait m’reconnaître.

- (Salamèche) Je ne veux prendre aucun risque.

Affirma-t-il sèchement, en terminant d’attacher son baluchon. Pikachu se pressa de suivre son rythme effréné en récupérant ses affaires malgré le souffle du vent, toujours plus agressif.

Le ciel s’était rapidement assombri, caché par une tempête qui s’éleva en un abrupt quart d’heure. Sans lunettes pour se protéger, leurs yeux grattaient et floutaient leurs visions en larmoyant sans s’arrêter. Sans gants pour se couvrir, leurs pattes s’égratignaient en tentant d’encaisser les vagues de grains qui se jetaient sur eux. Sans repos, Salamèche manqua de force pour résister au vent. Il s’écroula après une demi-heure d’exploration dans la tempête ensablée.

- (Pikachu) Salamèche ?! Hé, mon pote !!

Il tenta de le réveiller tout en le protégeant du sable qu’il manquait d’avaler, lorsqu’une pierre le frappa en plein dos. Pikachu s’écroula en crispant les dents, sentant le vent souffler si fort qu’une tornade emportant tous débris se formait au-dessus d’eux. Il ferma les yeux en maintenant de ses dernières forces son ami, espérant que la tempête s’apaise ne serait-ce qu’un peu. Puis, tout devint noir. Non pas qu’il tomba dans les vapes, pas de suite en tout cas. Mais quelque-chose le couvrit tendrement, lui et Salamèche.

 

Chapitre 17 – Boug-Palissade

 

Lorsque Pikachu ouvrit les yeux, ses oreilles sifflaient encore. Pourtant, le calme régnait entre ces quatre murs peint d’un bleu azur. De la grande fenêtre pénétrait le faisceau chatoyant d’un soleil libre, dans ce ciel vidé du moindre grain de sable. Lui se redressa d’un frêle matelas à plat sol, sous une légère couverture duquel il ne portait que sa braie. Il discerna un lit simple, propre et vide à sa droite. À sa gauche, entre une armoire et un tas de bouquins éparpillés au sol se trouvait un autre matelas. Salamèche y ronflait sagement, enroulé dans une couette ne laissant s’échapper que sa queue dont l’embout était animé d’une flamme discrète.

- (Pikachu) Oh, bon sang… ! Salamèche… ! Hé, réveille-toi… !

Lui chuchota-t-il en peinant à l’atteindre, craignant d’avoir été récupéré pour de mauvaises raisons.

- Tu devrais le laisser dormir.

Il sursauta à l’entente de cette soudaine voix, pourtant calme, sereine, rassurante. Dans l’ombre de la pièce se dessina deux yeux rouges aux irises en fentes. Pikachu bondit du lit, pointant ses deux index dans leur direction.

- (Pikachu) T’es qui, au juste ?! C’est toi qui nous as amené ici, pourquoi ?!

- Aurais-je dû laisser la tempête vous ensevelir ?

- (Pikachu) Euh… non, mais… !

- Par pitié, un peu de calme. J’ai l’impression que notre ami n’a pas eu l’occasion de se reposer ainsi depuis des lustres.

- (Pikachu) « Notre » ami… ? Qui es-tu ?

Le silence pesa. Puis, cette figure accoutrée d’une cape noire se laissa dominer par la lumière. Son corps ressemblait à une poupée à la tête cornée et dont un bout de tissu déchiré lui servait de chevelure.

- Mon nom est Branette. J’ai pour mission de protéger Bourg-Palissade.

- (Pikachu) Branette… ? Non, attends, Bourg-Palissade ?!

Il jeta un rapide coup d’œil à la fenêtre. Le ciel s’était juste éclairci ; ils n’avaient en rien quitté le territoire.

- (Pikachu) On a fait marche arrière… ?

- (Branette) Vous venez de Bourg-Tranquille, n’est-ce pas ? La route a dû être longue.

- (Pikachu) Oh non, c’est pas vrai… ! Salamèche avait raison, l’information est arrivée jusqu’ici… !

- (Branette) L’information ?

- (Pikachu) Il ne reviendra pas à Bourg-Tranquille !

Ses doigts s’électrifièrent brusquement.

- (Branette) Je… crois qu’il y a quiproquo.

Rétorqua-t-il en levant les bras vers le ciel, toujours avec cette voix détendue, presque détachée de la menace qui pesait sur lui.

- (Branette) À ma connaissance, tu ne faisais pas partie des écoliers à infiltrer l’école du village, le soir d’Halloween. J’ai rencontré Salamèche à cette occasion, voilà tout.

Pikachu défronça peu à peu les sourcils.

- (Pikachu) Oh… alors c’est Branette, ton nom ? C’est vrai qu’on m’a parlé de toi, c’est juste que… les visages familiers, c’est compliqué en ce moment. Désolé d’avoir été agressif.

L’électricité se dissipa, alors qu’il s’affaissa sur son matelas en soupirant.

- (Branette) Pas de soucis, je crois comprendre que quelque-chose vous est arrivé à Bourg-Tranquille.

Le rassura-t-il, en fouillant dans son armoire.

- (Pikachu) Qu’est-ce que tu sais, exactement ?

- (Branette) Que jusqu’à très récemment, vous subissiez de redoutables secousses. Il semblerait cependant que les choses se soient calmées.

- (Pikachu) Et vous, alors ? Je croyais que les tremblements de terre frappaient le monde entier ?

- (Branette) Nous en avons recensé un il y a longtemps ; en Septembre dernier, me semble-t-il. En réalité, depuis ce jour, nous sommes plutôt victimes de dangereuses tempêtes ensablées, et j’ai l’impression que les choses empirent. Honnêtement, j’ai eu beaucoup de chance de vous trouver. Tiens, enfile ça le temps que tes vêtements sèchent.

Il lui tendit une cape comme la sienne et en déposa une autre à côté du jeune amnésique.

- (Pikachu) Ah ouais, merci ! C’est sympa d’les avoir nettoyé pour nous.

- (Branette) Plus pour moi. Quand on vit dans un désert, on devient rapidement maniaque. Allons dans le salon, veux-tu ?

Les deux garçons sortirent de la chambre et Branette ferma délicatement la porte derrière lui. Pikachu renifla une odeur herbacée, alors que son regard se posait sur les meubles de la maison, fabriqués en argile, en bambou et en cuir. Trois types de balais étaient accrochés comme sur un porte-manteau à côté de l’entrée, tous égratignés par le sable. Le Pokémon à la peau faite de tissus récupéra la théière bouillonnante de la cuisinière et versa son contenu dans deux tasses en céramiques.

- (Branette) Tu aimes le thé à la menthe ? J’ai du sucre, s’il le faut.

- (Pikachu) T’as quel âge, au juste ?

- (Branette) Treize ans.

- (Pikachu) T’en fais cinquante, mon pote.

- (Branette) Les jeunes ne boivent pas de thé, à Bourg-Tranquille ?

- (Pikachu) C’est toute une attitude, en fait. Et je crève de soif, alors je m’en contenterais !

Il s’installa à table, se frottant les pattes à la vue de toutes ces nouvelles pâtisseries, faites de sucres, de pistaches, d’amandes ou encore de noix de coco. Branette l’observa tout dévorer de manière très impudique, glissant un dessous de plat en sisal pour ne pas salir l’argile.

- (Pikachu) C’est trop bon… !

Dégoisa-t-il la bouche pleine.

- (Pikachu) J’en avais marre de bouffer des baies et des pommes, miam… !

- (Branette) Hm. Bon appétit, je suppose.

- (Pikachu) En tout cas, elle est super cosy ta piaule ! Tu vis seul ?

- (Branette) Non, ma mère est commerçante au marché du village. Elle a accepté de vous héberger quand je lui ai raconté l’état dans lequel je vous ai trouvé.

- (Pikachu) Et comment tu nous as trouvé ?

- (Branette) La flamme de Salamèche se perçoit malgré la tempête. J’explore toujours les environs lorsqu’elles surviennent, au cas où quelqu’un n’aurait pas eu le temps de revenir au village. Mais j’aurais dû tiquer, lorsque j’ai entendu parler d’un enfant étranger et miséreux, aux accoutrements déguenillés. Navré de ne pas être arrivé plus tôt.

- (Pikachu) Yep, c’était moi c’midi, en train de dépenser nos dernières thunes dans de l’eau propre et fraiche ! M’enfin, tu nous as sauvé, c’est l’plus important. J’savais qu’on aurait dû faire une pause, mais Salamèche était si borné…

- (Branette) Que vous est-il arrivé ? Pourquoi s’être autant éloigné de vos proches ?

- (Pikachu) C’est… une longue histoire.

- (Branette) J’ai tout mon temps, et je crois que vous deux aussi.

- (Pikachu) Hm, c’est vrai…

Pikachu inspira un grand coup, avant de s’abattre sur le dossier de la chaise, détendre les épaules et raconter leur périple. Pendant un long quart d’heure, Branette l’écouta attentivement sans l’interrompre. Le jeune fugitif conta, supposa, s’énerva. Il manqua de larmoyer, mais reprit ses esprits en expliquant ce qu’ils comptaient faire, avant d’avoir été surpris par la tempête.

- (Branette) Voyager le plus au Nord possible ?

- (Pikachu) Et quitter le continent, s’il le faut. Salamèche ne se sent plus à l’aise nulle part.

- (Branette) Tu m’étonnes. Je n’avais jamais entendu parler de cette légende, ni de son amnésie. Ses proches, ses modèles d’inspiration, presque tous ceux en qui il a placé sa confiance l’ont trahi. S’est-il déjà attaché à un autre type Feu ?

- (Pikachu) Hm… à part à un Hélionceau sauvage dont on s’était occupé, non. C’était le seul type Feu du village. Pourquoi ?

- (Branette) Parfois, se rapprocher des siens sérénise. Peut-être que s’il rencontrait un autre membre de son espèce… ?

- (Pikachu) À quoi bon, s’il est humain ?

- (Branette) En a-t-il la parfaite certitude ?

Le bruit d’un bois fracassé retentit soudainement, suivi de plusieurs cris d’angoisse. Alors que Pikachu sursauta sur sa chaise, Branette bondit jusqu’à la porte d’entrée, qu’il transperça telle une ombre.

- (Pikachu) Quoi… ? Hé, attends !!

Il accourut ouvrir la porte, marchant pieds nus sur le sable chaud de l’Erg Sans Fin. Au loin s’éparpillait une fumée de plus en plus sombre qu’il s’empressa de rejoindre. La place de Bourg-Palissade, plus vaste encore que celle de Bourg-Tranquille, était entourée d’étals et autres stands de marché. L’un d’entre eux était détruit et commençait à prendre feu à cause des grills et planchas qui semblaient avoir été déréglés en même temps que la destruction du stand.

Les habitants tremblaient, effrayés face au responsable de ce désastre. Une figure bleue, ronde et très imposante, accoutrée d’épais gants blancs et d’une tunique légère égratignée par le temps. Il continuait de frapper le bois. Le sol tremblait à chacun de ses coups.

- Je vous en supplie, arrêtez !! Je vous donnerai tout ce que vous voudrez !

- Trop tard ! Il fallait réfléchir, avant d’essayer de marchander avec moi !

Se gaussa-t-il d’une rude voix, en jetant les résidus de bois dans le feu.

- D’où sort ce monstre… ?

- Cette brute est terrifiante… !

- Que quelqu’un fasse quelque-chose, ou c’est notre village entier qui va disparaître !

Bouche bée, Pikachu fouilla du regard les alentours. Personne ne s’avançait, personne ne portait de badge, personne n’avait le courage d’un secouriste, et encore moins d’un explorateur. Tout du moins jusqu’à l’intervention d’une gigantesque masse violette, ressemblant à une main griffue, agrippant puissamment l’imposante créature. Les regards suivirent la traînée violette jusqu’à un stand, qui dans son ombre laissait percevoir deux yeux froncés, rouges aux irises en fentes.

- Hein… ? T’es qui, toi ?

- (Branette) Je te retourne la question. Pour qui te prends-tu ?

Le questionna-t-il sèchement, d’une voix plus grave qui se propageait tel un écho.

- Moi ? Hé hé hé… mon nom est Tartard, et vous devriez apprendre à me respecter ! Les types Eau se font rare, ici !

- (Branette) Penses-tu que cela te donne tous les droits ?

- (Tartard) J’sais pas, vous voulez éteindre cet incendie ou non ?

Pikachu baissa les yeux, intrigué par le sable qui lui grattait les pieds. Il ne rêvait pas, les grains se mouvementaient de plus en plus violemment, jusqu’à ce que le sol entier se mette à trembler.

- Non, non non non, pas un tremblement de terre !

- Allons-y vite, la maison risque de s’effondrer, comme la dernière fois !

- Pitié, que les dieux m’entendent et protègent mes biens… !

- Les enfants, à l’abri, dépêchez-vous !

- Ne vous mettez pas sous des meubles en bambou, ils risquent de céder !

- (Branette) Une secousse… ? Pourquoi… ?

- (Tartard) Tiens, bouffe ça !

Le temps de se reconcentrer, Branette encaissa un redoutable jet d’eau qui l’envoya valser dans l’étal qui le protégeait du soleil. Maintenant en pleine lumière, son pouvoir spectral se dissipa et Tartard se libéra. Il avança vers sa cible en se craquant les doigts.

- (Tartard) Enfin ! Hein… ? Mais t’es juste un gamin, en fait !

Branette tenta de se relever, mais son dos lui infligeait une trop grande douleur. Tartard l’aspergea d’un second jet, l’envoyant paître quelques mètres plus loin, éloigné de toute ombre. Le tremblement de terre cessa, alors que le hors-la-loi se gaussait à gorge déployée.

- (Tartard) Voilà donc tout ce qui protège Bourg-Palissade ? Ah ah ah ! J’ai bien fait de venir ici ! J’en avais marre de bouffer des sauvages !

- Non, laissez-le tranquille !!

Paniqua une vielle femme, en s’interposant. Elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à l’enfant fait de tissus.

- (Tartard) Oh, maman vient régler les embrouilles, hein ?

- (Branette) Non… ! Pars, c’est dangereux… !

- Qu’est-ce que vous voulez ?! Je vous donnerai tout, mais pitié, épargnez-le !

- (Tartard) Là maintenant, j’ai une p’tite faim ! Et puisque personne ne daigne me donner la moindre bouffe, j’ai décidé que j’irai la chercher moi-même !!

Il bondit à vive allure sur la famille, lorsqu’un éclair le frappa de plein fouet. Il s’écrasa au sol, sous le regard angoissé de Pikachu, essoufflé, qui le pointait avec ses deux index électrifiés.

- (Pikachu) Ce… ce type est terrifiant… !

- (Branette) Pikachu ?!

- (Pikachu) C’est bon, tranquille, heureusement qu’il est de type Eau !

- (Tartard) Je ne te l’fais pas dire… !

Rétorqua-t-il d’une voix rongée par la colère, en se relevant malgré tout. Pikachu recula, bouche bée.

- (Pikachu) Quoi… ? Impossible, t’es censé être cloué au sol !

- (Tartard) Tu croyais qu’une pauvre étincelle comme celle-ci allait m’abattre ? Mon grand, laisse-moi te dire quelque-chose… !

Il se tourna vers lui, l’air assassin.

- (Tartard) Je n’ai jamais été vaincu !

Il bondit à nouveau, le poing fermement serré. Pikachu se recroquevilla en fermant les yeux, alors que son adversaire allait le frapper à pleine puissance. C’est alors qu’une flammèche se faufila à vive allure, juste à temps pour emporter le jeune garçon avant l’impact. La cape noire l’accoutrait à ravir.

- (Pikachu) Salamèche… !

- (Tartard) Hein… ?

Bégaya le hors-la-loi en le dévisageant, alors que d’étranges frissons lui parcouraient le corps. Salamèche se redressa les poings serrés. Tartard, de son côté, recula d’un pas en fouillant du regard les alentours.

- (Tartard) Pourquoi… ? Pourquoi je tremble ?!

- (Salamèche) Tu n’as jamais été vaincu ? Je suis presque sûr d’avoir vu Pharamp te mettre hors-piste en un éclair !

Il sursauta à l’entente de ce nom.

- (Tartard) Non… ! C’est toi ! T’es le sale mioche responsable de mon départ des marécages !

- (Salamèche) Et il n’hésitera pas à recommencer, si tu continues à te mettre en travers de notre route !

Il sursauta de nouveau, sous le regard troublé de tous les spectateurs.

- (Tartard) Espèce de sale… ! Vous savez quoi, tant pis, démerdez-vous avec cet incendie vous-même !!

Jacassa-t-il, en fuyant dans la précipitation. Le silence s’imposa, laissant le crépitement des flammes animer les environs. Pikachu reprit son souffle et la mère de Branette releva son fils. Les quelques habitants qui s’étaient cachés dans leur stand approchèrent le champ de bataille.

- Qu’est-ce que… qu’est-ce qu’il vient de se passer… ? Qui était ce type… ?

- Et ce tremblement de terre… ? Est-ce un mauvais présage… ? Les dieux tentent-ils de nous dire quelque-chose… ?

- Peu… peu importe ! Il faut vite éteindre ces flammes !

- Il nous faut un type Eau ! Quelqu’un, n’importe qui !!

- Pas le choix, il va falloir utiliser l’eau du puits !

- Quoi, se servir de nos réserves ?!

- Si on ne se dépêche pas, c’est le marché entier qui va brûler ! Allez, on y va !!

- (Branette) Je… je vais vous aider !

Les deux fugitifs observaient le village entier s’affoler. L’un était navré, l’autre pensait déjà à autre chose.

À plus d’une centaine de kilomètres d’ici, alors que le soleil se couchait, entre plusieurs forêts et hautes herbes s’enfonça dans la terre ferme de Bourg-Tranquille une épaisse botte dégageant des flammes à son impact. Le dragon qui en était responsable observa silencieusement les alentours, laissant la fraiche brise cogiter ses grandes ailes pointues.

- (Dracaufeu) … C’est calme. Trop calme.

- (Tyranocif) Nous revenons d’une grande ville, profite un peu de ne pas avoir à constamment regarder où tu mets les pattes !

Badina son partenaire à la peau faite d’une pierre cornue, en fixant les affiches et banderoles accrochées depuis peu. Rapasdepic régnait sur toutes, se présentant pour les prochaines élections.

- (Rapasdepic) Tiens, vous voilà enfin !

En parlant de l’oiseau au bec imposant, elle descendit du ciel, mouvementant les écharpes et autres vestes entrouvertes de ceux à qui elle avait fait appel. Entre Dracaufeu et Tyranocif avança le chef, la patte tendue.

- (Alakazam) Madame la maire.

- (Rapasdepic) Qu’est-ce qui vous a pris autant de temps ?!

L’agressa-t-elle, en ignorant les présentations bienséantes.

- (Alakazam) Nous étions débordés à l’autre bout du continent. De votre côté, je vois que vous vous préparez à une éventuelle réélection. La période électorale débute en Juin, dans trois petites semaines…

- (Rapasdepic) Ce ne sont que des formalités, je suis déjà réélue.

- (Alakazam) Vous êtes confiante.

- (Rapasdepic) Au moins là-dessus, oui. Cela compense le stress engendré par l’incompétence des explorateurs, lorsque je les engage pour une simple mission ! Vous avez lu le dossier, je n’ai pas besoin de vous réexpliquer la situation.

- (Alakazam) Je vais être concis. Nous en avons longuement discuté. Depuis que les secousses frappent notre monde, je dédie ma vie à la recherche d’une solution. Et que cette solution implique l’élimination un être vivant, enfant ou adulte, Pokémon ou humain, cela ne nous enchante aucunement.

- (Tyranocif) Cependant, il est indéniable que nous ne pouvons pas laisser deux jeunes fugitifs dans la nature. C’est dangereux pour les sauvages et eux même. Alors nous vous ramènerons Pikachu.

- (Rapasdepic) Bien !

- (Dracaufeu) Quant à Salamèche, nous refusons de vous le confier.

- (Rapasdepic) … Vous savez quoi ? Je m’en moque ! Faites ce que vous voulez de lui, tant qu’il provoque ses secousses ailleurs ! Bourg-Tranquille porte de nouveau bien son nom, nous ne sommes plus victimes de la moindre catastrophe naturelle depuis plusieurs semaines !

- (Tyranocif) Bon sang, quel égoïsme…

- (Alakazam) Si vous le voulez bien, nous aimerions fouiller son ancienne demeure, à la recherche d’un bien suffisamment imprégné de son odeur pour que je puisse identifier son aura et me téléporter jusqu’à lui.

- (Rapasdepic) Faites donc, je vous y emmène !

Ainsi, l’équipe ADT fut chargée d’une nouvelle mission. Sous le regard navré des habitants, ils traversèrent la place du village, grimpèrent le pont au-dessus de la rivière et passèrent la clôture menant au jardin sans vie d’une maison abandonnée depuis un mois. Rapasdepic ouvrit la porte et les laissa opérer, le sourire au bec.

Sombres et vides, voilà comment Dracaufeu et Tyranocif ressentaient ces deux pièces froides et poussiéreuses, alors qu’Alakazam marchait lentement en posant son regard sur chaque objet à sa disposition. La grande table ne portait qu’un tas de poussière et les placards ne semblaient pas avoir été ouverts depuis des lustres. Le matelas du salon avait une odeur semblable à un type Plante, alors il changea de pièce. Arrivé dans la chambre, tout devint morne, comme si personne n’avait jamais vécu dedans. Une armoire et un bureau vides, un tapis nettoyé de toute odeur et un autre matelas, ôté de tous ses draps. De même dans la salle de bain. Pas de brosses à dents ni de serviettes, même la douche sentait l’arôme fruité.

- (Alakazam) … Il a été malin. Rien ne me permet de l’identifier.

- (Tyranocif) Même ça ?

Tyranocif dégaina une boîte sous le lit de la chambre. En l’ouvrant, l’équipe y découvrit un foulard doré en parfait état.

- (Alakazam) … Sa présence y est trop mince, comme s’il se sentait indigne de l’accoutrer.

- (Tyranocif) Ah ouais ? Ce n’est même pas suffisant pour y téléporter une seule personne ?

- (Alakazam) Non, ce n’est juste pas comme ça que le pouvoir fonctionne. Il m’est moins coûteux de téléporter l’un d’entre vous que d’y aller moi-même, mais j’ai dans tous les cas besoin d’un repère parfaitement identifiable. À la limite, je pourrai faire le contraire et nous téléporter à un objet que j’arrive à identifier et qui est imprégné de son odeur, mais je n’ai aucune idée de ce qu’il accoutre ou possède sur lui.

- (Dracaufeu) Arrête de baragouiner, personne ne comprend rien à ton pouvoir stupide ! Tant pis, faisons-le à l’ancienne ! On va l’chercher avec nos griffes !

- (Alakazam) Allons tout de même fouiller la maison du jeune Pikachu, même si je m’attends à un résultat similaire.

Il referma la boîte avec délicatesse, soupirant en reconnaissant tout autant l’aura de Salamèche que celle de Pharamp. Quelques maisons plus loin, Germignon terminait de ranger les dernières affaires de Salamèche – récupérée grâce au double des clés sous le paillasson – ainsi que celles de Pikachu – après avoir demandé à ses parents de déposer des devoirs dans sa chambre, pour ouvrir la fenêtre et y faire faufiler ce qui aurait permis à Alakazam de le détecter – le tout dans son placard. Elle était essoufflée, ayant dû faire preuve d’une discrétion sans faille. Elle s’affala contre la porte de sa chambre, les larmes aux yeux. Sur son tapis, face à elle, reposaient les deux badges de la Dream Team.

- (Germignon) J’espère que je fais le bon choix. Salamèche, Pikachu, par pitié… donnez signe de vie… !

Marmonna-t-elle en fixant la fenêtre.

La lune se levait.

Depuis Bourg-Palissade, Salamèche l’observait, assis sur la toiture de la maison qui l’avait accueilli. Sa nouvelle cape noire flottait au vent, alors qu’il avait récupéré sa tunique usée, débarrassée de toute crasse ou grain de sable. Une gigantesque main griffue s’accrocha dans les tuiles en terre cuite à côté de lui. Branette grimpa, l’air intrigué.

- (Branette) Hé. J’ai l’impression que tu es resté ici toute la journée. Je peux venir ?

Son ami acquiesça d’un mouvement de tête, alors Branette s’installa silencieusement.

- (Salamèche) … Tu es donc devenu le héros de ton village ?

- (Branette) Oui, j’essaie d’utiliser mon pouvoir pour aider les autres.

Répondit-il avec le sourire. Mais Salamèche ne réagit pas.

- (Branette) Tu… tu avais raison, il n’y a rien de plus satisfaisant que de parvenir à rassurer autrui. Lorsqu’on a des capacités hors du commun, il faut apprendre à les utiliser pour ce même bien commun.

Le jeune fugitif détourna le regard.

- (Branette) N’es-tu… pas d’accord ?

- (Salamèche) … Est-ce que c’est vraiment la bonne chose à faire ? N’as-tu pas plus à perdre en essayant d’aider tout le monde ?

- (Branette) Euh… si, bien sûr. Moi qui fuyait Bourg-Palissade pour ne pas que mes bêtises retombent sur le dos de ma mère, au final, je me demande si ça ne la met pas encore plus en danger d’essayer d’être une bonne personne. Ce Tartard a failli lui faire du mal.

- (Salamèche) Et tous ces gens qui t’ont remercié, après avoir éteint le puits, crois-tu vraiment en leur sincérité… ?

- (Branette) … Salamèche. Ce qui t’est arrivé est une exception.

- (Salamèche) Et donc quoi, je le méritais ?!

S’énerva-t-il brusquement.

- (Branette) Ce serait insensé, évidemment. Mais penses-tu que leur rejet était réfléchi ? Ou ont-ils réagi par effet de masse, motivés par des croyances obscures et des faits inexplicables ? Le mal ne semblait venir que d’un petit groupe en particulier.

- (Salamèche) Quelle importance ?! Des gens que j’admirais m’ont menti, rejeté, pourchassé, combattu et certains ont même tenté de m’assassiner ! À quoi ont servi tous mes efforts ? À quoi bon servir le bien commun… ?

- (Branette) … Parfois, il est important d’agir pour soi et avant tout pour soi. Je suis passé à la bibliothèque tout à l’heure.

Il sortit de sa sacoche un bouquin sur les territoires sauvages entourant Bourg-Palissade et l’ouvrit à son marque-page. Salamèche le dévisagea vaguement, puis, son regard se posa sur ce gigantesque volcan débordant de lave.

- (Salamèche) … Le Mont Ardent.

- (Branette) Ah, tu connais ? Vous l’avez peut-être déjà étudié à l’école ?

- (Salamèche) Non, ce donjon m’a juste l’air si… différent des autres.

- (Branette) C’est bon signe, regarde.

Il tourna la page, affichant une liste des espèces sauvages vivant au cœur du donjon. Des Magby, des Limagma, des Chartor, des Galopa, des Caninos, des Reptincel. Que des Pokémon au teint de peau semblable à ce garçon, dont la flamme au bout de la queue crépitait, que dis-je, étincelait à la vue de cette dernière espèce.

- (Salamèche) Des Reptincel… !

- (Branette) Et donc probablement des Salamèche, voire des Dracaufeu. À leur côté, peut-être te sentirais-tu enfin un peu en sécurité ?

Bouche bée, il ne trouva qu’une chose à faire : bondir hors du toit. Branette referma le bouquin, perplexe.

- (Branette) Attends, je ne te demande pas de partir maintenant !

- (Salamèche) Pikachu, il faut qu’on y aille !

Exclama-t-il en débarquant dans la maison. La mère de Branette, alors en train de préparer le dîner, se montra surprise auprès de son fils, qui ferma la porte d’entrée d’un air embarrassé.

- Déjà… ?

- (Branette) Laisse, il ne sait rien faire dans la demi-mesure…

De son côté, le garçon au pelage jaune sortait tout juste d’une rafraichissante douche. Alors qu’il rangeait ses affaires, il sursauta lorsque son ami déboula dans la chambre et agrippa son sac à dos.

- (Pikachu) Hé, tu fais quoi là ?! Comment ça, on doit y aller ?!

- (Salamèche) Le Mont Ardent, c’est là que vit mon peuple !

- (Pikachu) Quoi, les humains ?!

- (Salamèche) Non, les autres Salamèche !

Il en imposa le silence.

- (Pikachu) … Hein ?

- (Salamèche) Je savais que cet endroit était spécial ! Déjà la dernière fois, je l’avais remarqué !

- (Pikachu) Attends, s’il te plaît ! T’es au courant que c’est l’un des donjons les plus dangereux du continent ? Y a d’la lave partout, jamais je n’y survis !

- (Salamèche) Pas grave, on posera notre tente à côté et je m’y aventurerai seul !

- (Pikachu) Et tu comptes y faire quoi ? T’incruster dans le groupe et devenir un sauvage ?

- (Salamèche) Non, c’est juste pour vérifier ! S’ils me reconnaissent comme étant l’un des leurs, je… je serai un vrai Salamèche !

Pikachu recula d’un pas.

- (Pikachu) Je… je croyais que t’étais passé à autre-chose.

- (Salamèche) Pourquoi fuirait-on, si j’étais passé à autre-chose ?

- (Pikachu) Pour leur prouver qu’on s’en tape, de qui tu es ! C’était la raison de notre départ, à la base ! Fuir jusqu’au onze Juillet, rien d’plus !

- (Salamèche) Oui, parce que je ne savais pas quoi faire d’autre ! C’est quoi le problème, au juste ? Tu n’aimerais pas que j’en apprenne plus sur mes origines ?

- (Pikachu) Si, bien sûr que si ! C’est juste que…

- (Salamèche) Pikachu, pour toi qui portes des vêtements épais, il vaut mieux partir la nuit, pendant que le vent est frais, plutôt que de risquer d’être agressé par les rayons du soleil en pleine journée ! J’ajouterai que si je suis bel et bien responsable des tremblements de terre, il vaut mieux que je parte pour ne plus causer de problèmes à ce village !

Il en imposa le silence. Branette et sa mère les observaient, aussi silencieux que préoccupés. Mais peu à peu, le visage de Pikachu se décomposa. Il serra les poings, alors qu’une veine commençait à gonfler sur son front.

- (Pikachu) T’es… t’es sérieux, là… ?

Il laissa s’échapper un rire empli de nervosité.

- (Pikachu) J’hallucine, j’arrive pas à croire que tu viennes de dire ça… !

- (Salamèche) Quoi… ?

- (Pikachu) Si tu t’inquiétais vraiment pour Bourg-Palissade, justement, tu resterais sans rechigner ! Et si tu faisais vraiment ça pour moi, tu ne te précipiterais surtout pas comme un abruti !! Nan mais sérieux, tu m’prends pour un gros débile ou quoi ?!

Cria-t-il en le pointant du doigt.

- (Salamèche) Hé, tout ce que je veux, c’est découvrir la vérité ! Dans tous les cas, on a dit qu’on continuerait vers le Nord ! Le donjon est sur le chemin, ça ne coûte rien d’y faire un tour ! Et puis en quoi rester ici protègerait le village ?!

- (Pikachu) J’sais pas, peut-être parce que y a un taré de hors-la-loi ultra dangereux qui rôde dans les environs !?

- (Salamèche) Et alors ?!

- (Pikachu) Comment ça, « et alors » ?! Depuis quand la vie d’autrui n’a plus d’importance pour toi ?!

- (Salamèche) À ton avis ?! Peut-être depuis que TOUT LE MONDE veut ma peau ?!

Hurla-t-il de toutes ses forces.

- (Salamèche) Je ne mets en danger personne ! Je fais ma vie, ils font la leur ! Je pensais que tu me comprenais !

- (Pikachu) Bien sûr que j’te comprends et bien sûr que j’irai jusqu’au Mont Ardent avec toi, si c’est vraiment c’que tu veux ! Salamèche, c’est juste que… notre ultime barrière morale, c’est notre sens du secourisme ! Peu importe à quel point on s’fait ensevelir jusqu’au fond du puits, on doit toujours garder la tête haute, en direction d’la lumière… !

Il tenta d’approcher, mais c’est Salamèche qui recula.

- (Salamèche) Je ne suis pas d’accord. J’ai trop donné pour des gens qui ne le méritaient pas. Je n’ai plus de temps à perdre, plus de risques à prendre. Attends sagement dans ce puits, que l’on vienne te chercher. Moi, je préfère creuser un autre chemin.

Il attrapa son sac et se dirigea vers la sortie.

- (Pikachu) Salamèche, attends ! C’est trop dangereux d’partir seul !

- (Salamèche) Ça l’est encore plus d’attendre que l’on vienne me tuer.

Il quitta la maison.

- (Pikachu) J’ai dit que j’te protègerai, que j’veillerai sur toi quoiqu’il en coûte !!

- (Salamèche) Ce n’est pas mon problème.

Il quitta Bourg-Palissade. Pikachu s’agenouilla, les larmes aux yeux. La flamme scintillante de son meilleur ami disparaissait peu à peu dans l’horizon. Il hésita une dernière fois… avant de cogner le sol en éclatant en sanglot.

- (Pikachu) Pourquoi… ? POURQUOI ?!

Hurla-t-il d’une voix enragée qui raisonna dans tout le village. Branette avança jusqu’à lui.

- (Branette) … Rentrons, tu vas attraper froid.

- (Pikachu) Qu’est-ce que j’ai fait, Branette… ? Qu’est-ce que j’ai fait… ?

- (Branette) Rien de mal, qu’on soit bien clair. La scission était inévitable, encore heureux qu’il te lâche en lieu sûr.

La nuit fut longue, affreusement longue. Répugné, Pikachu ne parvenait pas à avaler quoique ce soit. Au contraire, il vomit à plusieurs reprises et manqua de faire une nuit blanche, si l’épuisement ne l’avait pas rattrapé. Conscient de son état, la mère de Branette accepta de l’héberger autant de temps que nécessaire. De son côté, le type Spectre réfléchissait à un moyen de surprendre Tartard sans mettre en danger les habitants. À l’inverse de Salamèche, il avait la chance de ne plus être seul.

Un beau matin, sur la place du marché de Bourg-Palissade, une figure imposante fit trembler les habitants. Il avait beau accoutrer une légère capuche le couvrant du soleil, personne ne l’avait oublié.

- Oh non, pas lui… !

- Ça y est, il est revenu… !

- Je ne peux pas me permettre de perdre mon étal une fois de plus, tant pis.

L’un d’entre eux lui tendit sa nourriture, alors les autres suivirent sans rechigner.

- (Tartard) Bien… et ça a intérêt à me régaler, sinon je dévore l’un d’entre vous… !

- Hé, venez goutter ça !

Insista la mère de Branette en présentant une tarte rudement préparée sur son stand entouré de tapis, à l’écart des autres. Le hors-la-loi avança d’un air hautain et curieux. Son ventre gargouillait ne serait-ce qu’en sentant cette alléchante odeur fruitée.

- (Tartard) Hm… alors, qu’avons-nous là ?

- Je vous laisse le choix. Vous pouvez en pâtir pour nous et utiliser vos capacités pour le bien de Bourg-Palissade, ou vous emparer de cette nourriture et ne rien regretter.

- (Tartard) Quoi, tu l’as drogué ?

Se moqua-t-il, en lui balançant la tarte en pleine figure.

- (Tartard) Pauvre idiote, tu pensais vraiment que j’allais m’y tenter ?

- Hm… dommage. Tant pis, nous aurions même pu vous offrir un toit. Sur ce, bonne chance !

Le nargua-t-elle, en tirant une corde. Les tapis cédèrent soudainement, faisant trébucher la montagne de muscles dans un large et profond trou entouré de grès. Elle déplia ensuite un simple drap, le privant du dernier rayon de soleil.

- (Tartard) Alors celle-là… ah ah ah ! Pas mal, ma bonne dame !

S’esclaffa-t-il en se craquant les doigts.

- (Tartard) Ce n’est pas parce que je ne vois rien que je n’ai plus de force ! Je te laisse cinq secondes pour déguerpir, ou tu risques de te briser quelques os lorsque j’exploserai le sol tout entier !

Soudain, une gigantesque présence se déplaça derrière lui.

- (Tartard) Hein ?!

Trop tard. À peine avait-il le temps de comprendre qu’il n’était pas seul, qu’une main griffue de plusieurs mètres de hauteur et d’épaisseur le frappa à pleine puissance. Il l’encaissa de plein fouet.

- (Tartard) Encore toi… ? Hé hé hé… t’es plutôt mauvais joueur, dis-moi !

- (Branette) Je ne joue pas avec les criminels.

Assura une voix grave dont l’écho lui provoqua de sévères frissons. La force exercée devenait de plus en plus forte, jusqu’à le pousser petit à petit contre les parois du trou.

- (Tartard) D’accord, et après ? T’es conscients que si tu me pousses trop fort, je pète ton petit piège ?!

- (Branette) Tu brises du métal ?

- (Tartard) Quoi… ?

Soudain, une sévère charge électrique le piqua. Son dos frôlait non pas la paroi, mais bien la grille placée devant, faite d’un métal non isolé et relié directement à l’extérieur. De son côté, Pikachu se frottait les pattes.

- (Pikachu) Allez, à moi d’jouer !

Il se déchargea sur cette pauvre grille. Tartard se retenait de crier. Dès que son corps touchait la grille, une nouvelle décharge le percutait.

- (Branette) Qu’y a-t-il ? Je croyais que tu résistais aux charges électriques ?

- (Tartard) Arrête !!

- (Branette) Ou peut-être que ça chatouille ? Tu es invaincu, après tout.

- (Tartard) Arrête, je t’en supplie !!

Il perdait en endurance, alors que ses mouvements se ralentissaient de plus en plus et que la douleur s’aggravait.

- (Branette) Tu viens de traiter ma mère d’idiote…

Plaça-t-il d’une voix rongée par la colère, avant de laisser exploser toute la puissance de son pouvoir. Il encastra le corps entier du hors-la-loi dans la grille. Tartard hurla de douleur avant de s’écrouler, inconscient.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était attaché à une dizaine de cordes autour d’une poutre en bois plantée dans le sable, éloigné de Bourg-Palissade, au sommet d’une dune que l’on pouvait apercevoir depuis la place du marché. Toujours couvert de tous ses tissus, il transpirait à n’en plus finir face à ce soleil frappant.

- (Tartard) Pitié… ! J’ai besoin d’eau… !

- (Branette) N’es-tu pas capable d’en produire ? Tu ne sers définitivement à rien. Mais ne t’en fais pas, les explorateurs sont prévenus, ils viendront bientôt t’embarquer. Enfin, « bientôt » … nous sommes dans l’Erg Sans Fin, donc tout est relatif.

- (Tartard) Non… ! Pitié, aide-moi… ! Aide-moi !!

Mais Branette était déjà loin. Le soir-même, les habitants célébrèrent la victoire de leur jeune héros et la place du village devint festive. De nombreuses mélodies entraînantes étaient jouées aux tambours et aux flûtes. Même Pikachu était affecté par tous ces sourires qui rendaient cette atmosphère si agréable. Pendant un court instant, il arrivait à penser à autre-chose.

Épuisé, il rentra se coucher un peu avant la fin. Branette l’accompagna.

- (Branette) À propos de Tartard et de la manière dont je m’y suis pris… je suis navré si ma cruauté peut surprendre, mais je m’assure de bien faire la distinction entre les délinquants et les criminels.

- (Pikachu) T’inquiète, je comprends. Ce type a déjà dévoré des sauvages, alors qu’il souffre. D’ailleurs préviens-moi, quand les explorateurs le récupèreront. Je pense qu’il est temps que je redonne signe de vie à mes proches.

- (Branette) … Soit.

Conclut-il d’un air navré, en constatant les dégâts psychologiques de toutes ces mésaventures sur ce pauvre garçon. Cela faisait une semaine que Salamèche avait quitté Bourg-Palissade. S’en sortait-il ? Pikachu n’en savait rien. Il était en revanche certain d’une chose : sans son intervention, Tartard serait toujours en captivité.

Voilà quelque-chose qu’il ne se serait jamais pardonné.

Au même moment, à plus d’une vingtaine de kilomètres au Nord de l’Erg Sans Fin, Salamèche descendit d’un arbre. Il s’était reposé une petite heure avant de se réveiller d’un énième cauchemar. Peu importe – pensa-t-il – il resserra sa ceinture, rattacha sa cape et fit face à l’horizon, duquel il pouvait distinguer la figure d’un volcan en éruption.

La vérité n’était plus si loin.

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