Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 9 : Le dojo Makuhita

6087 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/01/2021 00:49

- (Kecleon) Reviens ici, sale voleuse !

S’énerva le marchand du village, en poursuivant de son faible cardio une boule de poils couleur crème qui sautait partout. Elle avait assez de force pour grimper sur le toit d’une maison, bondir à plusieurs mètres de hauteur et se rattraper en enroulant sa queue autour d’un arbre, avant de reposer pattes au sol et courir à vive allure. Tout cela en portant un sac de baies et pendant que munit de son simple tablier, Kecleon s’effondra de fatigue.

- (Kecleon) Mes… *souffle* mes baies… !

Se sachant intouchable, la voleuse baissa sa garde en le niaisant d’un regard hautin. C’est alors qu’à l’intersection d’une allée, Salamèche lui bondit dessus.

- (Salamèche) Je te tiens !

Exclama-t-il en la plaquant à terre. Le sac de baies s’écrasa un peu plus loin.

- (Salamèche) C’est terminé, Férosinge, tu es en état d’arrestation !

- (Férosinge) Tu devais tant rêver de la sortir, ta phrase !

Rétorqua-t-elle, en lui cognant le bas du ventre de deux coups de pieds bien placés. Le secouriste s’effondra en arrière pendant que d’un mouvement agile, elle se redressa en avant. Au loin, Pikachu accourut en crispant les dents.

- (Pikachu) Aïe, pas les bonbons… !

Il pointa sa cible d’un doigt et tira un petit éclair dans le but de la paralyser. Mais elle bondit et l’esquiva en exécutant un joli salto arrière. Salamèche se redressa et Pikachu arriva à ses côtés, tous deux à quelques mètres du sac volé, à la même distance que Férosinge.

- (Salamèche) Ça suffit… ! Rends-toi ou déguerpis sur le champ !

- (Férosinge) Je vais prendre la deuxième option, supplément sac de baies !

- (Pikachu) Meuf, sois raisonnable ! T’es forte, mais nous on est deux !

- (Férosinge) Deux idiots qui n’y connaissez rien aux arts martiaux, je n’ai pas à m’inquiéter !

Assura-t-elle, en bondissant en direction du sac. Pikachu l’imita, mais il s’écrasa sur le sol dur : Férosinge avait attrapé et attiré le sac avant lui. Mais cela laissa à Salamèche le temps de l’attaquer. Enfin… de la bousculer, plutôt, il ne souhaitait pas lui faire de mal. En guise de réponse, la voleuse lui agrippa le bras, le souleva et le plaqua dos contre le sol.

- (Salamèche) W… wow… !

Alors qu’elle accrochait le sac sur son dos, il se releva et tenta de lui donner un coup de poing. Elle le bloqua net.

- (Férosinge) Ridicule. Plus prévisible, tu meurs !

- (Salamèche) Comment ça ?!

Elle lui répondit d’un coup de boule, puis lui percuta les chevilles d’un rapide mouvement de queue. Salamèche s’écrasa une énième fois, bouche bée par cet enchaînement imprévisible. Lorsqu’il se redressa, il était trop tard : Férosinge était déjà bien loin et les deux garçons étaient épuisés.

- (Pikachu) Oh, m’sieur Kecleon va pas être content…

- (Salamèche) Cette fille, elle se débrouillait vraiment bien…

Marmonna le jeune amnésique, pensif.


Chapitre 9 – Le dojo Makuhita


Voilà deux semaines, que les mineurs de Bourg-Tranquille avaient repris la patte sur le Mont Acier. Cela avait coûté à Salamèche un zéro à son examen – ce qui plomba sa moyenne et tous les efforts qu’il avait fourni, depuis le début de l’année scolaire, pour maintenir le niveau – ainsi qu’un demi-mois de soins et rééducations, surtout du bras gauche. Mais ses capacités régénératrices lui permirent de revenir sur le terrain avant la fin du mois de Novembre. Hélas, il dédiait déjà une grande partie de son temps libre à apprendre ses cours auprès de Germignon, menacé d’être exclu de l’école.

Concernant les picotements, il n’avait plus rien ressentit de tel depuis ce jour. Cependant, il n’était pas question d’oublier ce pouvoir et toute la dangerosité qu’il renfermait. Mise à part Pifeuil, il n’en avait parlé à personne et ne comptait le faire, pas même à Pikachu. Ceci-dit, les performances de Férosinge – une récente voleuse de fruits qui s’en était prise pour la troisième fois au marché Kecleon – le rendirent plutôt curieux : il souhaitait apprendre à se défendre et se déplacer comme elle. Le vendeur, lui, préférait râler sur la place du village.

- (Kecleon) Maudite gamine ! Que font ses parents ?! Qui est responsable d’une éducation aussi calamiteuse ?!

- (Lombre) Hm… amigo, vous allez m’les vendre ces pommes ou pas ?

- (Kecleon) ÇA FERA QUINZE PIÈCES D’OR !!!

- (Lombre) Oh, ça va, c’est juste une mioche ! Retirez-moi c’balais, m’enfin !

- (Kecleon) J’ai averti madame la maire plusieurs fois et je n’ai toujours aucune réponse !! Vu qu’il faut tout faire tout seul ici, dès que je trouve l’un de ses tuteurs, je peux assurer que ça bardera bien plus pour lui que pour elle !!

- (Lombre) Quoi, vous voulez enguirlander l’père Colossinge ? Bonne chance, mon brave gaillard, parce qu’il ne pointe même plus le bout d’son groin au bar, le boug !

- (Férosinge) Tant mieux, son argent ira dans mes caisses !!

- (Lombre) Aïe aïe aïe…

Le dojo Makuhita, donc. Un bâtiment s’étendant en longueur, aux murs jaunes ainsi qu’au toit fait d’un bois orangé. La pancarte à l’entrée indiquait les horaires d’ouvertures, c’est-à-dire tous les jours de huit à vingt heure. Les prix et abonnements y étaient aussi annotés, mais rien de bien coûteux pour les moins de dix-huit ans, d’autant qu’une séance gratuite était offerte pour les plus motivés. Salamèche s’en approcha pour la première fois, tentant de discerner à travers la porte en verre le contenu de ce lieu si intrigant. Intrigant, oui, car il n’avait jamais entendu personne en parler. Au contraire, même, il avait dû se faufiler entre plusieurs charrettes, caissons et arbustes pour arriver jusqu’ici.

- Bonjour ?

Intervint une voix grave mais assurée, juste derrière lui. Salamèche sursauta, puis se retourna et dévisagea cette imposante carrure. Jaune de peau, il ressemblait à un sac rempli dont sa chevelure servait d’attache, tel un nœud. Il n’avait pas de jambes, seulement des pieds. Sur ses joues se dessinaient deux cercles rouges, tandis qu’il accoutrait un épais kimono blanc à la ceinture noire. Ses poings, ou plutôt ses gants de boxe noirs portaient à eux seuls d’immenses cartons ; et il ne tremblait pas d’un pouce.

- (Salamèche) Bonjour, euh… vous êtes monsieur Makuhita ?

- (Makuhita) Tout à fait ! Et à qui ai-je l’honneur ?

Demanda-t-il en avançant vers sa porte, qu’il bouscula d’un léger coup de pied. Salamèche voulait l’aider en la lui maintenant, mais le gaillard était déjà de l’autre côté. C’est même lui, qui devait accélérer la cadence pour le suivre.

- (Salamèche) Je… je m’appelle Salamèche. J’ai cru comprendre que vous entreteniez un dojo et… wow… !

Se coupa-t-il, en admirant la grande pièce dans laquelle il venait d’entrer. Les fenêtres en hauteur orangeaient les rayons du soleil, droit en direction des nombreux tatamis qui occupaient le plus grand de l’espace. Makuhita déposa ses cartons derrière son comptoir conçu d’un bois luisant.

- (Makuhita) Effectivement, je vis dans ce dojo. Comment as-tu appris son existence ?

- (Salamèche) C’est mon père qui est passé devant, en rentrant de sa boulangerie une fois. Je sais qu’il aime bien emprunter des chemins incongrus, mais là…

- (Makuhita) C’est vrai que ce coin-là est un bien beau bazar. J’imagine que « nous n’avons pas besoin d’un lieu sauvage tel que le vôtre » signifie « je vais tout faire pour ne pas qu’on le voit ».

- (Salamèche) Hein… ? Qui a dit ça ?

- (Makuhita) Le piaf qui nous sert de maire. Il semblerait qu’elle ne soit pas au courant de tout ce qu’il se passe ici, ou alors elle s’en moque.

- (Salamèche) … Donc vous apprenez bel et bien aux gens à se battre ?

- (Makuhita) À se défendre, nuance.

- (Salamèche) Ça m’intéresse !

Soudain, la porte des vestiaires s’ouvrit. C’est dans un kimono à la ceinture bleu, qu’un garçon sans sa carapace s’étira en rejoignant les tatamis. Tout du moins, jusqu’à ce que son regard croise celui de Salamèche, bouche bée.

- (Salamèche) C… Carapuce ?

- (Carapuce) Toi ?!

Hurla-t-il d’un regard assassin. Le silence qui suivit plongea même Makuhita dans un malaise palpable.

- (Makuhita) Vous… vous connaissez, du coup ?

- (Carapuce) Ouais, c’est le lèche-cul d’service !

- (Salamèche) Nous… euh… sommes camarades de classe…

- (Makuhita) Oh, vous apprenez ensemble ! C’est parfait ! Quoi de mieux pour tester ta détermination, jeune Salamèche ?

- (Salamèche) Ma détermination… ?

Le maître se tourna vers la tortue en kimono. Ce dernier fronça le regard.

- (Carapuce) J’vous arrête tout d’suite, j’refuse de m’entraîner avec ce guignol !

- (Makuhita) Écoute, il souhaite vraiment intégrer le dojo. Vu que tu es mon élève le plus motivé, que dirais-tu de lui montrer un aperçu du chemin qu’il pourrait parcourir à nos côtés ?

Carapuce hésita, avant qu’un sourire se forme sur son visage.

- (Carapuce) Hm… ouais, en vrai, pourquoi ne pas lui montrer ?

Il serrait fermement les poings.

- (Makuhita) Nickel ! Allez, Salamèche, aux vestiaires ! Tu trouveras tous types de kimonos dans les placards, pense à t’équiper d’une ceinture blanche !

Le jeune amnésique tremblait, comme face à un hors-la-loi. Cinq minutes plus tard, il accoutrait un kimono blanc, un peu froissé et trop grand pour lui. Mais la ceinture lui était plus confortable que la corde qu’il utilisait quotidiennement, pour attacher sa tunique.

Carapuce se mit en garde, alors que Salamèche peinait encore à délimiter le terrain.

- (Makuhita) Le premier hors du tatami ou à terre pendant plus de dix secondes est hors-jeu ! Vous êtes prêts ?

- (Carapuce) Ouais !

- (Salamèche) Euh… !

- (Makuhita) Combattez !!

Immédiatement, la tortue bondit sur le lézard. Ce dernier l’esquiva de peu, plus par sursaut qu’autre chose.

- (Salamèche) Hé, attends !

Il tenta de prendre du recul, mais Carapuce lui agrippa la queue.

- (Carapuce) Où crois-tu aller ?!

Exclama-t-il en le soulevant pour le plaquer de l’autre côté, son dos percutant le sol. Salamèche crispa les dents, sentant sa colonne vertébrale l’insulter de tout cœur. Il frôlait la limite du tatami, alors la tortue lui empoigna le kimono.

- (Carapuce) J’en ai pas fini avec toi !

- (Salamèche) S’il te plaît, je veux juste… !

Carapuce le jeta de l’autre côté, au centre du tatami. Alors que sa cible se relevait tout juste, il se précipita sur lui pour le frapper en plein visage. Salamèche l’esquiva, l’air effrayé.

- (Carapuce) Arrête de fuir !

Il l’attaqua de nouveau, sans succès.

- (Carapuce) Bats-toi !!

- (Salamèche) Carapuce, je… !

La tortue lui coupa la parole en même temps qu’il lui asséna un coup de boule de plein fouet. Sa victime s’écrasa, recroquevillé sur lui-même, se tenant la tête les larmes aux yeux. Makuhita se frotta le menton.

- (Carapuce) C’est tout c’que tu sais faire, fuir et chialer ?!

L’engueula-t-il les poings serrés.

- (Carapuce) Qu’est-ce qu’il te trouve, sérieux… ? Qu’est-ce que t’as de si différent ?!

Soudains, de vagues picotements parcoururent les bras du jeune amnésique.

- (Salamèche) Non, pas ça…

Marmonna-t-il en les remuant.

- (Carapuce) C’que t’as fait, j’aurai très bien pu l’faire aussi !

Les picotements s’aggravaient, tandis que Carapuce l’attaqua une dernière fois.

- (Carapuce) Tu n’vaux pas mieux que moi !!

Il le sentait. Salamèche sentait que s’il se défendait, la même chose que l’autre soir se produirait, au Mont Acier. Alors il ferma les yeux et laissa Carapuce l’achever. Le bruit d’une poigne frappant à pleine puissance se fit entendre dans tout le dojo. Mais lorsqu’il rouvrit les yeux, il n’aperçut que Makuhita, dos à lui, les bras tendus, les deux pattes recouvrant celles de son adversaire.

- (Makuhita) Fin de la présentation. Retour aux vestiaires.

Carapuce soupira, s’étira puis s’exécuta.

- (Carapuce) Tu m’as fait perdre un jour d’entraînement, lèche-cul…

Plaça-t-il avant que la porte des vestiaires ne les sépare. Salamèche s’affaissa sur le tatami en se maintenant le bras gauche, essoufflé. Makuhita s’abaissa à son tour, lui tapotant le dos le sourire aux lèvres.

- (Makuhita) Et bah, sacrée journée d’intégration ! J’espère qu’il ne t’a pas traumatisé ?

- (Salamèche) … Il est fort. J’aimerai bien être comme lui…

Bougonna-t-il en sentant les picotements le quitter.

- (Makuhita) Chacun son style. Celui de Carapuce est disons… agressif. Je n’ai beau lui apprendre que des techniques défensives, il trouve toujours le moyen de les adapter à sa manière. Honnêtement, je ne pensais pas qu’il irait aussi loin avec toi. Je ne l’avais jamais vu autant se défouler.

- (Salamèche) Est-ce qu’il traîne ici souvent ?

- (Makuhita) Dès qu’il a du temps libre, j’imagine. Heureusement que je ferme à vingt-heure, ce petit ne sait pas s’arrêter. M’enfin, je suppose que le numéro un des explorateurs ne se l’est pas coulé douce pour en arriver là.

- (Salamèche) Hm…

- (Makuhita) … Et toi ? Pourquoi viens-tu ici ?

Le jeune amnésique divagua son regard, pensif.

- (Salamèche) Je… je ne sais pas…

- (Makuhita) Ne le laisse pas te décourager.

- (Salamèche) Ce n’est pas lui, je m’en fiche ! C’est juste que…

Il ferma les yeux, serra les poings, crispa les dents.

- (Makuhita) Hé…

Intervint le maître du dojo, en posant une patte sur son épaule.

- (Makuhita) Aucun jugement, pas dans un lieu d’apprentissage.

- (Salamèche) … Je suis responsable de l’explosion de l’autre fois, au Mont Acier.

- (Makuhita) Hm… ? Cette histoire avec Triopikeur et le hors-la-loi, là, Airmure ? Qu’est-ce que tu entends par responsable ?

- (Salamèche) Je l’ai provoqué avec ce bras.

Reprit-il en levant sans entrain son bras gauche.

- (Salamèche) Je voulais juste nous défendre, pas m’en prendre personnellement à Airmure. J’aurai pu le tuer…

- (Makuhita) J’ai du mal à croire qu’un si petit gars peut produire une aussi grande puissance de frappe. Cette explosion était digne d’un grand Dracaufeu surentraîné, pas d’un jeune Salamèche sans la moindre expérience. Que faisais-tu là-bas, d’ailleurs ?

- (Salamèche) Je voulais juste aider ! Quand on voit tout ce qu’il se passe ici, les tremblements de terre, les hors-la-loi qui s’en prennent aux habitants et les secouristes qui ne bougent pas la moindre griffe pour les sauver… je veux devenir meilleur qu’eux ! Je veux que l’on puisse compter sur moi, devenir suffisamment fort pour rejoindre la Guilde, pour devenir explorateur, pour devenir comme Pharamp !

Il serra le poing, le regard froncé, sérieux, confiant.

- (Salamèche) Apprenez-moi à devenir comme lui ! Apprenez-moi… à aider les gens, pas leur faire du mal.

- (Makuhita) … Soit.

Lui sourit-il, les bras croisés.

- (Makuhita) Va souffler un peu, puis reviens t’assoir sur le tatami. On va commencer par les bases de la méditation.

Salamèche hocha la tête, s’inclinant presque face à son nouveau maître. De l’autre côté de la porte des vestiaires, carapace sur le dos depuis déjà un moment, la tortue aquatique souffla du nez.

- (Carapuce) … C’est quoi son problème… ?

Et ainsi débuta le mois de Décembre. Après l’école, un jour sur quatre, la Dream Team partait explorer les environs sauvages. Le reste du temps, le jeune élève le passait à étudier aux côtés de la première de la classe. Un jour sur deux, alors que Pikachu s’éclipsait nourrir les sauvages, Salamèche fonçait au dojo. Pendant deux longues semaines, il consacra le reste de ses après-midi à renforcer son corps et son esprit.

Pour commencer, Makuhita lui conçut un programme musculaire chargé. Cinquante squats, pompes, enroulements vertébraux et trois minutes de gainages. Ensuite, il agrippait deux haltères de cinq kilos et répétait sept exercices différents pendant un bon quart d’heure. Les premiers jours, il peinait à enchainer cinq pompes. Après deux semaines, le tout lui prenait trente-cinq minutes.

Et ce n’était que l’échauffement. Ensuite, le maître montait sur le tatami.

- (Makuhita) Allez, amène-toi !

Exclamait-il en se mettant en garde. Salamèche le chargeait, lui le bloquait.

- (Makuhita) Pas mal !

S’enjouait-il, avant de l’envoyer paître à l’autre bout du dojo. Ensuite, ils échangeaient les rôles. Le jeune garçon devait apprendre à encaisser d’épaisses charges adverses, parfois sans trop de succès.

- (Pifeuil) Boudiou, c’est quoi c’coquard ?! Je paie pour ça, moi ?!

S’horrifia Pifeuil, lors du dîner. Mais Salamèche en rigolait sincèrement.

- (Salamèche) Tout va bien, j’ai compris ce que j’avais manqué !

Et deux jours plus tard, il le prouva à son maître en le bloquant.

- (Makuhita) Ah ah, bien !

- (Salamèche) Ouf… j’avais vu juste ! Vous faisiez mine d’utiliser vos avants bras, mais votre force vient surtout de votre bassin ! Il était donc plus judicieux de prendre appui de manière à… !

- (Makuhita) Hé, oh ! Profite du repos pour reprendre ton souffle !

- (Salamèche) Euh… oui, pardon !

- (Makuhita) Allez, on va renforcer le programme !

Vint l’heure de mettre son agilité à l’épreuve. Pour cela, rien de mieux qu’un gigantesque mur à escalader en un temps imparti. Makuhita l’attendait en haut, un caisson de balles à ses côtés.

- (Makuhita) Prêt ? Partez !!

Au début, le jeune garçon se précipita en ligne droite. Autant dire qu’il se mangea plusieurs balles en pleine poire. Son derrière se renforça autant que ses bras et ses jambes à force de s’écraser, puis se relever dans la foulée, prêt à recommencer. Mais plus il s’entraînait, plus il établissait le parcours idéal. Il n’était pas plus rapide, non, mais il finissait par anticiper chaque lancer de balle. La dernière, il la récupéra avec ses dents avant de gravir le sommet du mur.

- (Salamèche) J’en étais sûr !

Exclama-t-il après avoir recraché la balle.

- (Salamèche) À force, j’ai compris ! Comme vous êtes droitier, vous tirez avec plus de force et de précision de cette patte ! Et comme vos deltoïdes sont plus courts que la moyenne, vous… !

Le maître lui cogna le visage, le renversant tout en bas du mur.

- (Makuhita) Mais qu’est-ce que tu racontes ?! C’était de la chance, rien de plus ! On recommence !!

- (Salamèche) O… oui, maître… !

Enfin, la touche finale de l’entraînement.

- (Hippodocus) Mais qu’est-ce qu’il lui prend, à celui-là ?

Se questionna un villageois, en dévisageant le nouvel apprenti du dojo courir dans tout le village pour son footing, désormais quotidien. Parce qu’à quoi bon un explorateur qui peine à se déplacer ? Il renforça ainsi son endurance, tout du moins jusqu’en cette fin de soirée, mi-Décembre, lorsqu’il bouscula par inadvertance une jeune passante.

- (Salamèche) Pardon !! Je suis désolé, je ne vous avais pas… !

Il s’arrêta net, lorsqu’il reconnut cette boule de poils couleur crème.

- (Salamèche) Férosinge… ?

- (Férosinge) Oh, super… !

Grogna-t-elle, avant de s’enfuir.

- (Salamèche) Hé, attends !

Il tenta de lui attraper le bras, mais elle bondit hors de sa portée, sur le toit d’une maison. Salamèche s’y précipita, s’appuya sur une barrière puis sauta à son tour, accrochant ses griffes dans la toiture pour ne pas tomber. Férosinge sursauta.

- (Férosinge) Wow ! T’es sérieux, là ?!

- (Salamèche) Je dois te parler !

- (Férosinge) Je t’en prie, essaie donc !

Se moqua-t-elle, en bondissant jusqu’à un arbre. Elle accrocha sa queue autour d’une branche, se laissa tomber puis courut à vive allure jusqu’à une allée plus étroite, dans laquelle elle se propulsa de mur en mur pour gagner de la hauteur jusqu’à se faufiler au-dessus d’une grande barrière. Elle contourna autre maison, cachée par des arbres, des poubelles et le creux d’une colline.

- (Férosinge) Enfin tranquille…

Souffla-t-elle en s’appuyant sur la clôture délabrée.

- (Salamèche) Hé !!

Se fit remarquer le jeune secouriste, essoufflé et peinant à escalader la grande barrière, juste derrière la maison.

- (Férosinge) C’est… une blague… ?

Elle l’entendit se ramasser lamentablement, puis se relever et contourner la maison à son tour.

- (Salamèche) Fiou… ! Je… *souffle* deux secondes… *souffle*

Elle le fixa d’un air troublé. Enfin, il la pointa d’une griffe.

- (Salamèche) Ok, donc c’est ici que tu habites ! Je comprends mieux pourquoi monsieur Kecleon ne venait pas se plaindre directement à ta porte ! C’est quoi ton problème ?!

- (Férosinge) Dis, tu ne veux pas te mêler de tes affaires ?

- (Salamèche) T’es culoté pour dire ça ! Si tu t’occupais des tiennes, je n’aurais pas eu à faire tout ce chemin ! Je n’ai pas mon badge sur moi, mais je t’arrête sur le champ !

- (Férosinge) Oh, pitié, arrête de te prendre pour un adulte ! De toute façon…

Soudain, elle lui bondit dessus.

- (Férosinge) … Tu ne fais pas le poids !

Et le cogna d’un coup de pied en plein ventre. Salamèche s’envola sur deux mètres, avant de s’écraser non plus contre le tatami du dojo, mais bien contre la terre ferme de la nature. Il se redressa en se tenant le ventre et la bouche, le regard froncé. Ses bras picotaient.

- (Férosinge) T’en as pas eu assez ?!

À nouveau, elle le chargea. Mais cette fois, son adversaire lui agrippa la cheville juste avant qu’elle l’atteigne. Il lui renvoya l’appareil, d’un coup de boule qui lui percuta le groin. Férosinge tomba. Du sang coulait de ses narines, des larmes de ses yeux. Essoufflé, le jeune garçon la dévisagea plusieurs secondes. Son regard se posa peu à peu sur ses pattes. Il ferma les yeux et inspira un grand coup.

- (Makuhita) Rappelle-toi de ce qui te motive.

Disait le maître en sentant son pouls, durant les séances de méditations.

- (Makuhita) Tu n’es pas quelqu’un d’agressif, mais de réfléchi. L’adrénaline te fera défaut, plus encore si tu crains de reproduire le désastre survenu au Mont Acier. Quand la colère, le stress, l’angoisse, la peur te submergeront, contente-toi de te rappeler. Où veux-tu aller ? Que veux-tu devenir ?

Salamèche rouvrit les yeux. Les picotements avaient disparu. Il tendit une patte à Férosinge.

- (Salamèche) Je suis désolé. Je n’aurai pas dû te faire peur, avec mes menaces de secouriste à deux balles.

Elle hésita, avant de se relever d’elle-même. Elle se retourna, passa la clôture de la maison et ouvrit la porte qui semblait avoir perdu son verrou. Elle entra sans la fermer. Perplexe, Salamèche approcha, esquiva les fleurs mortes sur son passage et jeta un bref coup d’œil à la boîte aux lettres, pleine à ras bord de courriers. Lorsqu’il passa la porte, une odeur de nourriture décrépie lui piqua les narines. Des tas de déchets comblaient les recoins de la pièce, alors qu’une simple couverture semblait lui servir de lit. Le sac qui lui avait servi à transporter les biens volés du marchand trainait à même le sol, vide. De la moisissure peignait les murs, tandis que la seule et minuscule fenêtre était brisée, laissant pénétrer l’air qui de jour en jour se rafraichissait. Férosinge était là, au milieu de tout ça, assise sur sa couverture.

- (Férosinge) Y a plus de baies, alors va-t’en.

Marmonna-t-elle, le regard baissé.

- (Salamèche) Tu vis ici ? Mais… pourquoi ?

Elle détourna le regard.

- (Salamèche) Hé… !

Le jeune garçon s’abaissa face à elle, l’air inquiet.

- (Salamèche) À qui appartient cette maison ?

- (Férosinge) À mon père, j’imagine.

- (Salamèche) Que lui est-il arrivé ?

- (Férosinge) Il est parti.

- (Salamèche) Comment ça, parti… ? Est-ce qu’un hors-la-loi l’a enlevé, lui aussi ? Je peux aller le sauver ! Dis-moi juste… !

- (Férosinge) Non, tu ne comprends pas.

L’arrêta-t-elle brusquement.

- (Férosinge) Il est parti, juste parti. Pas mort, pas enlevé. Parti.

Salamèche en était bouche bée.

- (Férosinge) Voilà, c’est bon, tu sais tout. J’rendrai rien à Kecleon parce que je n’ai plus rien à lui donner. Ta mission n’a plus d’intérêt, donc tu peux partir.

- (Salamèche) … Tu voudrais que je te laisse vivre comme ça ? Comme… une voleuse désespérée que tout le monde préfère détester ?

- (Férosinge) Ça ne te regarde plus.

Le jeune secouriste fronça les sourcils. Il se releva et lui tendit à nouveau la patte.

- (Salamèche) Viens, je connais un endroit un peu plus chaleureux que ça.

Elle le fixa, perplexe.

- (Salamèche) Ce n’est pas un piège, je te le promets.

Lui assura-t-il sans détourner le regard. Elle hésita à nouveau.

Un quart d’heure plus tard, alors que la lune se levait tout juste, Makuhita ouvrit exceptionnellement les portes de son dojo aux deux enfants. Il paraissait surpris de voir Férosinge. Alors qu’elle se débarbouillait dans les vestiaires, Salamèche expliqua à son maître la situation.

- (Makuhita) Bon sang, je n’étais pas au courant…

Soupira-t-il, en préparant un plateau de nourriture.

- (Makuhita) Je connais Férosinge, c’est d’ailleurs à sa venue que j’ai décidé de baisser les prix pour les mineurs. Elle était motivée et venait surtout le matin. Je suppose qu’elle n’était pas scolarisée et qu’elle pouvait rester jusqu’au réveil de son père. Un jour, elle m’a annoncé ne plus pouvoir payer l’abonnement au dojo. Même si je lui ai proposé un accès gratuit, elle a refusé et je ne l’ai plus jamais revu.

- (Salamèche) Elle n’est pas dans ma classe, je vous le confirme. Mais encore une fois, le village ne semble pas concerné par la situation catastrophique dans laquelle vit l’une de ses habitantes. Qu’est-ce que ça m’énerve… !

- (Makuhita) Ce n’est pas exactement pareil qu’avec l’enlèvement de Triopikeur. Cette petite semblait vouloir cacher le départ de son père.

- (Salamèche) Mais pourquoi ? Il l’a abandonné, c’est lui qui devrait avoir honte !

- (Makuhita) J’aimerai que ce soit aussi simple. Hélas, pour faire ce qu’il a fait, il devait avoir un sacré culot. Elle, en revanche, a été prise de court et n’eut pour explications que ses pensées négatives. Elle doit se sentir terriblement coupable…

La jeune fille sortit des vestiaires, le pelage humide, un kimono en guise de pyjama.

- (Makuhita) Ah, ton bon vieux kimono ! Comment te sens-tu ?

- (Férosinge) Bien, mais… je ne sais pas, je ne veux pas vous déranger plus longtemps, Makuhita.

- (Makuhita) Hm… si par : « ne pas me déranger », tu veux dire : « retourner vivre dans une déchetterie », sache que c’est plutôt maladroit de ta part. Ton lit est prêt, mais je t’ai préparé un plateau de nourriture, si tu as faim.

- (Férosinge) Vous… vous êtes sûr… ?

- (Makuhita) M’enfin, tu es à la maison, ici !

- (Férosinge) Merci… merci beaucoup…

Souffla-t-elle, en s’installant face au plateau de nourriture. Salamèche enfila son sac.

- (Salamèche) Bon, moi je vais y aller !

- (Férosinge) Merci… de m’avoir emmené ici…

Grommela-t-elle, d’un ton opposé à la manière dont elle l’abordait jusqu’ici. Le jeune secouriste lui sourit.

- (Salamèche) Pas de soucis, repose-toi bien !

Il quitta le dojo sous le regard pensif de la jeune fille.

- (Férosinge) Pourquoi est-il comme ça… ? Qu’attend-t-il de moi… ?

- (Makuhita) Il est malin, rien de plus !

Rigola le maître du dojo, en terminant d’accrocher d’épaisses couvertures sur les fenêtres de son établissement.

- (Makuhita) Il s’aide lui-même en aidant les autres. Peut-être que Bourg-Tranquille l’a enfin trouvé, son secouriste rationnel.

- (Férosinge) … Le village en aurait bien besoin, en tout cas.

Et ainsi s’acheva une rude journée mouvementée. Mais pour Salamèche, ce n’était qu’une énième session d’entraînement. Deux jours plus tard, après l’école, il débarqua à poings fermés, le même sourire assuré au coin des lèvres.

- (Salamèche) Bonjour, maître ! Je suis prêt !!

- (Makuhita) Déjà ?! Bon sang, même Carapuce prend le temps d’aller pisser un coup, avant de venir !

- (Salamèche) Aujourd’hui, on doit réviser l’autodéfense et la contrattaque. Est-ce que ça vous va ?

- (Makuhita) J’sais pas, demande à ta partenaire.

- (Férosinge) Si je suis prête ?

Intervint soudainement la jeune fille. Salamèche se retourna, comprenant que son adversaire l’attendait au centre du tatami, le regard aussi jovial que le sien.

- (Férosinge) Ce n’est pas moi qui traîne à me changer !

Sa situation semblait s’être arrangée. La maire Rapasdepic fut signalée du départ de Colossinge, un homme aux multiples dettes qui passait beaucoup de temps au bar du village. Elle envoya dès lors une équipe de nettoyage sur sa résidence, désormais désertée, sans adulte pour y affirmer sa propriété. Elle la réquisitionnera donc, pour : « les intérêts de Bourg-Tranquille ».

Malgré la tragédie familiale, Kecleon n’en démordit pas et réclama compensation. Salamèche et Pikachu lui présentèrent donc un sac rempli de baies, fraichement cueillies dans les Petits Bois et bien plus que ce qu’on lui ôta, en échange du pardon de Férosinge. Le lendemain, plus personne ne râlait sur la place du village.

Concernant la jeune fille, Makuhita accepta de la prendre en charge. Alors pour le remercier, bien qu’il ne lui en demandait pas tant, elle proposa son aide au dojo. Quotidiennement, elle participait aux entraînements des élèves.

- (Salamèche) Attends, attends ! Tu vas trop vite !

Beugla le jeune amnésique, en peinant à parer ses coups.

- (Férosinge) C’est toi qui es trop lent !

Lui rétorqua-t-elle en lui cognant le museau, le déstabilisant hors du tatami.

- (Makuhita) Pause. Férosinge l’emporte.

- (Salamèche) Wow ! C’était super intense… !

- (Férosinge) T’avais l’air beaucoup plus balèze la dernière fois, mais tu réfléchis trop avant d’agir. T’es trop facile à prendre de vitesse.

- (Salamèche) Je sais, j’essaie juste de comprendre comment tu te déplaces…

- (Férosinge) Quel intérêt ? Nos corps sont trop différents, tu vas juste t’emmêler les pinceaux.

- (Salamèche) Justement, je commence tout juste à comprendre comment tu utilises astucieusement ta morphologie à ton avantage ! Tes jambes font la même taille que ton corps et le doigt à l’arrière de tes pieds permet de te stabiliser avant chacun de tes déplacements, que tu exécutes en sautant parce que tes gastrocnémiens doivent avoir un développement bien plus proéminent que ceux des autres Pokémon au même âge…

Le silence s’imposa. Férosinge et Makuhita s’échangèrent un regard perplexe.

- (Férosinge) Mais de quoi tu parles ?

- (Makuhita) Tu as appris les muscles précis du corps des Férosinge ?

- (Salamèche) Euh… non, je le suppose à partir du mien.

- (Férosinge) Trop bizarre ! Qu’est-ce que t’aime, au juste ? Le combat ou la biologie ?

- (Salamèche) Aucun des deux, je veux juste devenir explorateur.

- (Férosinge) Bah fais comme tous les autres et frappe sans réfléchir !

- (Makuhita) Mais non, tu as bien raison, ah ah ! Tiens, attrape !

Rigola-t-il en lui lançant un petit objet rouge vif. Salamèche l’attrapa non sans trébucher, mais reprit son souffle en constatant qu’il ne s’agissait que d’un petit carnet. Il le feuilleta, vierge d’une bonne centaine de pages.

- (Salamèche) Vous vous êtes trompé, je crois. Ce carnet est vide.

- (Makuhita) Justement. Il est à toi, et je veux qu’il déborde de tes constats !

- (Salamèche) Ah bon… ? Est-ce que ça peut vraiment m’aider ?

- (Makuhita) Qui sait ? Chacun son style, tu te souviens ?

Lui assura-t-il en approchant. Il lui tapota le crâne, l’air souriant.

- (Makuhita) Fais-en ton arme ultime ! Deviens le plus grand des explorateurs en le submergeant de tes flammes !

- (Férosinge) Wow, la phrase de fou…

- (Salamèche) … Oui, maître !

Affirma-t-il, des étoiles plein les yeux.

- (Makuhita) Ah ah ah ! Bien ! Ah et… euh… c’était une métaphore, hein, ne le brûle pas vraiment…

Bref, pour Salamèche, ce fut une intense introduction aux arts martiaux et à la maîtrise de soi, même si cela avait encore réduit son temps de sommeil. Malgré tout, il semblait de plus en plus déterminé à devenir explorateur, quel qu’en soit le prix.

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