Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 1 : "Tous en place !"

1606 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/07/2021 05:02

Chapitre 1 : « Tous en place ! »


Une voix s’écria faiblement, comme si elle ne souhaitait pas être entendue.


Alors qu’une douce et fraiche brise lui parcourait le corps, alors que le bruit des feuilles se remuants au gré du vent animait la petite forêt chatoyante qui – ce soir-là – fut d’une atmosphère orangée et chaleureuse, il ouvrit pour la première fois les yeux.

Qui donc ? Un petit bonhomme couvert d’une longue tunique marron éreintée et humide, qui se releva d’un somme avec pour premier réflexe d’aller plonger la tête dans cette rivière au teint si bleu, pur et paisible qu’elle fit envier sa gorge desséchée. D’ailleurs, ce fut si agréable de s’hydrater qu’il y plongea le corps entier. Ou alors était-ce par sursaut, à la découverte de son reflet dans l’eau ? En tout cas il y sortit tout aussi vite, se dévisageant d’un air troublé.

Il était haut comme trois pommes. Sa peau était écailleuse, orange avec des teintes de beige sur le ventre, le creux de ses pieds et la partie arrière de sa queue. L’autre, celle qu’il était certain de ne jamais avoir eu avant ce jour. À vrai dire, il était incapable de se rappeler quoique ce soit. Il s’en rendit compte en fixant d’un regard pensif l’embout de cette dite queue, au bout de laquelle s’y étincelait une petite flamme qu’il tenta à plusieurs reprises d’éteindre en la plongeant dans la rivière. Mais rien à faire, elle se rallumait à chaque fois. Ceci-dit, ni elle se propageait, ni elle le brûlait. Devait-il pour autant l’oublier ? De toute évidence, il n’eut le temps d’y penser plus longtemps.

Trois êtres approchèrent. Il ne les remarqua qu’à l’instant où ils ne se distançaient plus, ne les ayant entendus car ils flottaient à quelques centimètres des plus hautes herbes des environs. Ils étaient identiques, gris de peau, mesurant le mètre cinquante, avec pour crâne un immense cylindre peint d’étranges marques noires. Le regard était plus bas, d’un globe oculaire rouge sang. Bref, il sursauta en les apercevant. Puis, il reconnut leurs accoutrements, identiques à sa tunique usée.

- Excusez-moi…

Marmonna-t-il pour les interpeller, avant d’écarquiller les yeux. Sa voix était timide et tremblante : c’était celle d’un enfant. Les trois autres créatures, en revanche, ne réagirent aucunement. L’enfant – appelons-le ainsi – se mouvementa de quelques gestes pour se faire comprendre.

- Je… je suis perdu. S’il vous plaît…

Toujours rien. Il recula d’un pas en avalant sa salive, lorsque le mouvement soudain et brusque de l’un de ses interlocuteurs le percuta. Il s’écrasa dos sur l’herbe, se redressa les larmes aux yeux et, paniqué, déguerpit le plus vite et loin possible. Il ne réfléchissait plus, il n’y arrivait plus. L’adrénaline s’était emparée de lui et ne cessait d’intensifier ses craintes, à l’entente des étranges marmonnements qui le poursuivaient.

- Au secours… à l’aide !!

Hurlait-il de ses faibles forces. Il ne souhaitait qu’une chose : que quelqu’un lui vienne en aide. Il ne souhaitait pas y croire, mais la douleur lui assurait que ce n’était pas qu’un cauchemar. Son endurance le perdait, bientôt, il serait rattrapé. Il ferma les yeux en espérant plus que tout obtenir de l’aide, n’importe laquelle.

C’est alors qu’à l’intersection d’un arbre, quelqu’un le percuta.

Les deux personnages s’écrasèrent. Pensant s’être fait prendre en embuscade, l’enfant ferma les yeux, baissa la tête, crispa les dents et s’avoua vaincu. Mais tout ce qu’il eut…

- Boudiou ! R’garde un peu où tu marches, mon gars !

Ne fut qu’une franche engueulade. La voix d’un homme facilement trentenaire grogna. Il rouvrit les yeux et ne vit qu’une peau verte, douce et faite de plantes. Le bonhomme mesurait le mètre cinquante. Son nez était long, fin et pointu, ses yeux triangulaires aux irises noires tandis que sur sa tête se mouvementait au gré du vent une feuille d’un vert éclatant. Il portait plusieurs couches de lourds tissus qui couvraient tout, du cou aux grosses bottes boueuses.

- Hein… ? Tout va bien, p’tit gars ? Qu’est-ce qu’un pas bien grand comme toi fiche en plein milieu d’un bois ? À cette heure, en plus, et c’est quoi c’te tenue dégarnie ?

Il l’assiégeait de questions à ne plus finir, laissant le temps aux trois agressives créatures de le rattraper. Le bonhomme vert soupira en les apercevant.

- Ah, j’ai eu peur ! Pendant un p’tit instant, j’ai cru que c’petiot était tout seul ! Faites gaffes, quand même, il a failli s’faire quelques bobos !

Cependant, la sentence ne fut pas unique. À son tour, il encaissa une attaque.

- Arrêtez… !

Marmonna l’enfant, en tentant d’intervenir. Mais sa voix était faible, son corps encore plus. Lui aussi, se fit cogner de plein fouet.

- Ah, ça suffit !

Exclama le gaillard vert en se redressant. Il accourut vers l’enfant, l’agrippa par le ventre et l’emporta dans sa fuite. Il était plus rapide, plus agile, plus malin. Il sema ses ravisseurs en un rien de temps. Le petit était en larmes, se laissant porter à bout de bras par quelqu’un qui, comme il l’avait souhaité plus que tout, lui apporta son aide.

Dix minutes s’étaient écoulées.

Alors agenouillé sur l’herbe, l’enfant vomit. Il tremblait comme une feuille et pourtant, il n’avait pas froid. L’adulte lui tapota le dos tout en scrutant les alentours.

- J’crois qu’c’est bon, ils ne nous lèchent plus les bottines ! Sacrée journée, en tout cas !

L’enfant s’essuya et reprit son souffle. Toujours à quatre pattes, il prit du recule.

- Je n’vais pas t’manger, tu sais ?

L’adulte lui tendit la patte, mais il recula de nouveau.

- Hé, tout va bien, ne t’en fais pas. Mon nom est Pifeuil, et je n’te ferais aucun mal, jamais !

- Pifeuil… ?

- (Pifeuil) Ah, donc tu sais parler !

Plaisanta-t-il d’un soudain rire.

- (Pifeuil) Ouaip, Pifeuil, c’est mon nom ! Je n’suis qu’un brave boulanger qui habite Bourg-Tranquille, rien d’plus, rien d’moins !

En guise de réponse, le petit cligna deux fois des yeux.

- (Pifeuil) Minute, tu n’viens pas d’Bourg-Tranquille ?

- Bourg… Tranquille… ?

- (Pifeuil) Le village d’à côté, boudiou ! D’où sors-tu, au juste ?

Le petit fronça les sourcils. Il dévisagea ses mains griffues, tourna à nouveau le regard vers la flamme au bout de sa queue, puis lui répondit d’un simple mouvement de tête.

- (Pifeuil) Tu… tu n’sais pas ? Bon sang…

Marmonna-t-il en se grattant l’arrière du crâne. Il semblait troublé, vraiment troublé.

- Je suis désolé…

Murmura l’enfant.

- (Pifeuil) Pourquoi t’excuses-tu ? P’tit gars, tu n’y es pas pour grand-chose…

Pifeuil se releva et tourna en rond, ruminant dans sa feuille d’un air pensif.

- (Pifeuil) Amnésique, hein… ? Je suppose que ça n’pouvait pas être aussi simple. Que ferait-elle à ma place… ?

Il se tourna vers le jeune garçon assit dans l’herbe, seul et apeuré.

- (Pifeuil) Hmmm… de toute évidence, je n’peux pas t’laisser pourrir seul ici, mon gars. Viens avec moi, j’vais t’offrir un toit le temps qu’on te trouve de l’aide !

- Vraiment… ?

- (Pifeuil) Bah oui, andouille ! Pour qui j’passe, moi, si j’t’abandonne comme ça ?! T’as besoin de t’couvrir, de t’débarbouiller, probablement d’manger et assurément d’roupiller ! Allons à Bourg-Tranquille ! Ce soir, tu dors à la maison ! Demain, j’me renseignerai sur ton cas, en espérant que ta mémoire te revienne vite…

Il approcha et lui tendit la patte. L’enfant ne reculait plus.

- (Pifeuil) Allez, debout !

Les deux personnages se dévisagèrent un court instant. Mais pour ce jeune garçon, le doute n’était pas de mise. Ce brave homme, à ses côtés, il se sentait bien. Alors il attrapa sa patte et accepta son aide.

- Merci. Merci beaucoup…

- (Pifeuil) Pas de soucis, mon p’tit… euh… c’est quoi ton nom ?

Il haussa les épaules.

- (Pifeuil) Évidemment. Quoiqu’un lézard orange avec une flamette pareille, y en a pas cent-cinquante-et-un non plus ! À vérifier, mais il me semble que t’es un Salamèche !

- Salamèche… ?

- (Pifeuil) Ouaip, c’est le nom d’ton espèce ! C’est comme ça qu’on s’appelle, ici. Tu t’y feras, je te l’promets !

- Salamèche…, répéta-t-il en se dévisageant.

Petit à petit, sa peur se transformait en curiosité.

- (Pifeuil) Allez, en route mauvaise troupe !

Lui sourit-il en pointant l’horizon.

- (Salamèche) … Oui !

Et sur ces mots, Pifeuil et Salamèche partirent tous deux en direction de Bourg-Tranquille.

Laisser un commentaire ?