Orbes Opalines

Chapitre 2 : L'Appel

2734 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 28/10/2020 14:59

2.  L’Appel

 

A partir de mes 15 ans, je vois les autres adolescents du village partir l’un après l’autre pour leur voyage initiatique. De mon côté, je commence ma formation de tailleuse de pierre à l’atelier de mes parents. Je passe ainsi plus de temps dans les galeries, je recherche de bons filons, explore des grottes encore peu connues, et me familiarise avec les Pokémons souterrains. Mon papa m’a confié un Gruikui pour m’aider dans ma tâche. Le petit Pokémon Feu est d’un naturel enjoué et très dynamique. Il me précède toujours, court partout et farfouille entre les rochers. Son odorat est très développé et mon papa l’a entrainé à trouver des pierres précieuses et semi-précieuses. Parfois, je ressens un étrange sentiment, comme un vague à l’âme… Je me retrouve le regard perdu à l’horizon, mes pensées vagabondent et je ne saurais les définir. Je me surprends à m’interroger sur ce à quoi peut ressembler le reste de la région, les grandes forêts, les hautes montagnes… Je suis parfois prise d’une envie d’aventures, d’actions, de découvertes. Dans ces moments-là, je ne tiens pas en place, je ressens comme un empressement, un appel qui résonne dans chaque fibre de mon corps. Pourtant, je n’ai toujours aucune envie de partir faire le tour des arènes Pokémon.


Pendant mes temps libres, je continue à aller aux abords de la forêt. Gruikui m’accompagne de bonne grâce, il reste cependant peu à l’aise dans un univers végétal. Depuis ma rencontre avec l’Ursaring lorsque j’étais enfant, je ne me suis plus jamais aventurée profondément dans la forêt. Cependant, je m’applique à observer attentivement le comportement des Pokémons que je rencontre. J’ai pu observer que certains Pokémons avaient un comportement étrange, ils font preuve d’une agressivité surprenante et non liée à leurs espèces. J’ai appris à me faire discrète pour les observer à leur insu. Ils ont quelque chose dans le regard qui me glace le sang, leurs yeux sont d’un noir profond sans nuance et où étincelle une froide colère. Lorsqu’ils sont seuls, ils semblent errer sans but, paresseusement. Mais dès qu’ils croisent un être vivant, ils s’animent et attaquent sans retenus. Au fur et à mesure du temps, j’ai l’impression que le phénomène s’amplifie. Les doyens du village en parlent souvent, certaines familles hésitent à laisser partir leurs enfants en itinérance, on murmure que les routes ne sont plus sûres. Des histoires nous parviennent de villes lointaines, on se chuchote que les organisations criminelles augmentent leurs activités et se cachent de moins en moins, elles mettent les forces de l’ordre en grande difficulté. Flendic étant excentrée de la région, j’ai l’impression que nous sommes épargnés. Mais parfois dans les tunnels qui serpentent autour de la faille, j’entends des grondements, ou des bruits métalliques qui ne me disent rien qui vaillent.

 

°°°

 

      Je viens d’avoir vingt ans, ma formation est terminée et je participe de plus en plus au fonctionnement de la boutique de mes parents. Un jour, après le travail, je vais m’installer à l’orée de la forêt pour m’y reposer avec Gruikui. Assise dans le creux d’un tronc d’arbre, je lance distraitement des baies à mon Pokémon. Celui-ci lance une petite flamme vers elles lorsqu’elles sont en l’air puis les attrape au vol pour les gober juste chaudes. Tout à coup, je remarque un petit Arcko descendre d’une des branches d’un arbre adjacent. Je vérifie rapidement son regard, constatant que leur fond est orangé, je me détends. Je fais mine de ne pas l’avoir vu et je poursuis mon jeu avec Gruikui. Arcko arrive au sol et s’approche doucement. Je continue à faire mine de l’ignorer. Le Pokémon lézard s’approche encore lentement puis il se jette sur mon sac de baies et me l’arrache des mains. Il commence à s’enfuir puis s’arrête à la lisière de la forêt.

-         « Hey, petit ! Je vais t’en donner mais rend moi mon sac, s’il te plait. » je demande.

-         « Gruiiii ! » Râle mon Pokémon.

-         « Ko. » répond le petit lézard qui reprend sa course.


Je me lève et, accompagnée de Gruikui, nous nous lançons à la poursuite d’Arcko. Le petit Pokémon est rapidement monté se mettre à l’abri dans les arbres, il saute de branches en branches. J’ai parfois l’impression qu’il s’arrête, jette un regard en arrière et reprend sa course dès que nous nous approchons. Gruikui ayant du mal à suivre, je l’ai pris dans mes bras, j’avance tant bien que mal entre les arbres. Nous nous y avançons de plus en plus, les souvenirs de mon enfance remontent à ma mémoire… Je m’arrête et m’apprête à faire demi-tour. Après tout, ce n’est qu’un sac de baies… Cela m’attriste un peu de le perdre, c’est maman qui me l’a confectionnée. Alors que je me détourne, j’entends derrière moi :

-         « Arcko ! Kooo ! »

En me retournant, je vois le petit Arcko qui sautille sur sa branche en me faisant de grands signes. Il n’a visiblement pas envie que je rebrousse chemin.

-         « Rends-moi donc le sac. » je demande.

-         « Ko, ko ! » fait-il en secouant la tête.

-         « Grui, gruiiii ! » tente d’argumenter mon Pokémon.


Alors que nous négocions, une douce mélodie nous parvient. Je ne suis même pas sûre qu’il s’agisse de notes de musique, les sons sont comme projetés vers nous, ils me donnent l’impression d’être comme une lumière. Arcko descend de l’arbre et s’avance vers la source de la mélodie. Je le suis sans même y réfléchir, Gruikui dans mes bras. Nous marchons une bonne demi-heure, nous frayant un chemin entre les fougères épaisses et les buissons épineux. Soudain, nous émergeons de la forêt. Nous nous tenons sur un espace de terre battue bordant la faille. A cet endroit, elle décrit un arc de cercle assez vaste. Flendic n’est pas visible, cachée par un repli de la fissure sur elle-même. Face à nous, un promontoire rocailleux s’avance au centre de l’arc de cercle. Je n’ai jamais vu cet endroit, je n’en ai jamais entendu parler. De l’autre côté de la faille, je distingue sur l’autre pan, des cascades vertigineuses dégringolant des parois abruptes. Je dépose machinalement Gruikui au sol. Arcko s’est avancé jusqu’au promontoire et semble m’attendre. Je m’avance vers lui, comme hypnotisée. Je le dépasse et me retrouve au bord du précipice, sur cet éperon rocheux surplombant un vide sans fond. Alors que je me tiens immobile, la lumière du soleil semble absorbée par la nuit, un voile bleu marine recouvre le ciel et des myriades d’étoiles viennent le consteller. La mélodie atteint à ce moment son paroxysme.


°°°

 

« Le mal fait son chemin, dans les forêts profondes, les abimes et les cieux,

Des ombres tourmentées, errent sur les sentiers,

Les esprits possédés, emplis de haine incontrôlée,

Les Pokémons en danger, l’humanité apeurée,

La nature désarmée, seule ne peut rien,

Pour rétablir l’équilibre rompu, de ton aide nous avons besoin,

Des orbes dispersés aux quatre coins,

Les clés scellées doivent être retrouvées,

Sur la piste innocemment, de l’abîme, mon appel tu as suivi,

Je t’attendais. »

 

°°°

 

Dans un flash lumineux, un immense Pokémon apparait. Je n’avais jusqu’à présent jamais rencontré une telle créature, hormis dans les livres d’histoires. L’immense Pokémon est un quadrupède blanc aux sabots pointus et dorés. Son port de tête est fier, surmonté d’une longue crinière blanche et grise, et une étrange roue dorée sertie de joyaux entoure son abdomen. Arcéus, le Pokémon créateur. J’ai le souffle coupé. Je me sens comme pétrifiée.

-         « Bonjour Kaze. » la voix profonde et grave d’Arcéus résonne dans ma tête.

-         « Euh… je… bonjour. » je réponds en bégayant.

-         « Bonjour Gruikui. Arcko, merci de l’avoir protégé et mené jusqu’à moi. »

-         « Ko… » répond le petit Pokémon en s’inclinant légèrement en signe de respect.

-         « Kaze… Merci d’être venue. Tu as pu constater en observant la forêt que les ténèbres guettent et se répandent dans le Monde Pokémon. Les perturbations climatiques et géologiques se multiplient, les êtres qui peuplent ce monde sont affectés par une sorte de rage, ils perdent conscience et errent sans but, détruisant et se blessant. Les humains sont encore peu affectés mais le mal progresse de jour en jour. L’équilibre est rompu entre les forces qui dirigent notre monde. Le monde Pokémon a besoin de ton aide. » prononce gravement le Pokémon fabuleux.

-         « Mon aide ? Mais comment ? » je demande.

-         « Tu es une âme voyageuse, une protectrice de l’équilibre des mondes. De vie en vie, ton âme s’enrichit d’énergie. Cette énergie peut être utilisée pour rééquilibrer les puissances en ce monde. En tant que son créateur, je te demande de nous venir en aide. »

-         « De vie en vie… » je murmure.


Des images défilent dans ma tête, à pleine vitesse, me laissant à peine le temps de m’en saisir. Je me revois, à différents âges, vêtus d’habits qui me semblent saugrenus, tantôt une enfant dans une ferme ou dans un château couvert de lierres, tantôt une vieille femme dans une maison de retraite ou dans un jardin parfumé. De nombreuses versions de moi-même semblent me revenir…

-         « Je… que dois-je faire, Arcéus ? » je demande, encore abasourdie par cette étrange révélation.

-         « Huit Orbes Opalines sont dispersées dans notre monde. Elles sont gardées dans des temples tenus secrets, loin des humains. Ces Orbes renferment chacune une puissance primitive telle que la Force, l’Amour ou la Sagesse… Leur puissance est connectée à toute chose évoluant dans ce monde, l’eau, la terre, le feu, les Pokémons et les humains. L’activation de ces Orbes permettra de rééquilibrer les puissances du Monde et rétablir la paix. » m’explique-t-il.

-         « D’accord. J’irai les chercher. » je réponds d’un ton résolu.

-         « Pour les activer, il existe des clés. Les humains les détiennent sans même en avoir conscience. Il s’agit des badges d’arène. Obtenu dignement, selon les règles établies par les hommes, une âme voyageuse peut associer chaque badge à l’Orbe qui lui correspond et libérer sa puissance. »

-         « … » je prends quelques secondes pour mesurer l’ampleur de la tâche. « Je vais devoir faire le tour des arènes Pokémon ? » je demande, incrédule.

-         « Oui, Kaze. Si tu l’accepte, seulement. L’intention est la plus importante des conditions pour la réussite de cette démarche. »

-         « … Arcéus, j’obtiendrai les badges et j’irai chercher les Orbes Opalines. Je veux que les Pokémons de la forêt retrouvent leur quiétude. » je reprends, solennellement.

-         « Je n’en attendais pas moins de toi, Kaze. Merci. Je ne pourrai que rarement t’aider directement dans ton périple mais les Pokémon Protecteurs sauront te reconnaitre et t’apporter leurs concours s’ils t’en jugent digne. » conclut-il.

-         « Merci Arcéus. »

-         « Dans ton périple, cet Arcko t’accompagnera. » dit-il en désignant le petit Pokémon lézard.


Je me retourne et vois l’Arcko qui m’a menée jusqu’ici. Ce dernier avait commencé à s’éloigner dans l’espoir de repartir dans la forêt. Aux paroles d’Arcéus, il se fige et se tourne vers nous, stupéfait.

-         « Oui, mon ami. Ta tâche ne s’arrête pas là. » ajoute le Pokémon créateur.

-         « Ko. » bougonne Arcko en donnant un coup de pied dans un caillou et en venant se mettre à côté de moi au bout du promontoire. Son air boudeur m’amuse et j’étouffe un rire. Il n’est visiblement pas ravi de partir avec moi.

-         « La première étape de votre voyage consistera en l’obtention du badge de Zamgoure à l’Ouest d’ici dans le désert d’Aharas. La première Orbe devrait se trouver dans les ruines de Cirupe au Nord-Est de la ville. Je vais sceller notre pacte et lier vos âmes. Les humains font de même grâce aux Pokéballs qu’ils ont créé. Avancez-vous et serrez-vous la main. »


Lentement, je m’agenouille. Arcko fait un pas vers moi et pose sa patte dans ma main. Un filet de lumière part d’Arcéus et vient encercler nos mains. Je sens une douce chaleur envahir mon corps puis j’ai l’impression de ressentir comme du lierre s’enrouler autour de mes jambes et de mes bras. Je plonge mon regard dans celui d’Arcko, un courant de compréhension nous traverse. La lumière disparait, et nous nous lâchons les mains.


-         « Au revoir Kaze et Arcko. Bonne chance. » dit Arcéus avant de disparaître comme il est apparu.


La voûte de ciel étoilé semble rentrer sur elle-même. Un beau couché de soleil la remplace. C’est comme si nous étions revenus dans notre espace-temps. Arcko et moi quittons le promontoire ensemble. Que nous le voulions ou non, nous sommes liés de façon irrémédiable dans cette aventure.

 

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