Liberté

Chapitre 1 : La décision

1447 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/10/2021 19:36

Guenièvre referma la porte de la cuisine, sans un mot, sans une larme, mais avec un intense vague à l’âme, qui la fit s’appuyer sur le mur, silencieusement. Elle avait tout supporté par devoir, pour rester reine, pour ne pas décevoir ses parents, et même, quelque part, pour ne pas décevoir Arthur: maîtresses, humiliations, moqueries de la part de ses plus proches, son propre père, sa propre mère. Il n’y avait guère que Bohort et Lancelot qui avaient toujours été gentils avec elle: mais même la douceur et la prévenance de Lancelot n’avaient jamais été gratuites. 

Le seigneur Lancelot est amoureux de vous

Elle était tombée de haut en l’apprenant, quand Bohort le lui avait dit, dans cette pièce, seuls à seuls. La reine était attirée par le beau chevalier, comme la majorité des femmes de la cour, mais, pour autant, elle ne pouvait lui donner ce qu’il voulait. Elle ne pouvait s’y résoudre. 

Guenièvre rejoignit sa chambre, dévastée, et s’allongea dans les draps en regardant la place vide de son roi, de son mari. Le lit était froid, comme il l’avait toujours été entre eux. Soudain, elle entendit le loquet de la porte de leur chambre s’ouvrir, et Arthur entra. Ils échangèrent un regard, un simple regard qui en disait long sur l’état de leur relation. Plus rien ne serait comme avant: le roi avait franchit la seule ligne rouge que Guenièvre s’était fixée. Il s’était entiché d’une femme mariée, de chevalier, d’un de ses amis les plus proches. Comme s’il n’avait pas assez de maîtresses différentes, il fallait qu’il aille les prendre là où il n’en avait pas le droit. Avant, la reine était rassurée de voir son époux la rejoindre, même si ce n’était que pour dormir, même si ce n’était que quelques nuits par semaine. C’était une preuve de sa légitimité en tant que reine: tant qu’il ne désertait pas le lit conjugal, il y avait un espoir qui demeurait dans son cœur. L’espoir qu’un jour, ils auraient une vraie vie de couple. Mais, à présent, sa présence l’insupportait, la dégoûtait purement et simplement. Elle avait honte: honte de lui, de son comportement, et même honte d’elle, quelque part. Guenièvre le regarda encore: il s’était endormit, tout simplement, comme si tout allait bien. Elle se recroquevilla sur elle-même, s’éloignant le plus possible, pour ne pas le toucher, pour ne pas le sentir contre elle. 

La nuit fut longue: elle ne put fermer l’œil. Elle revoyait la scène en boucle dans sa tête, son irruption dans la cuisine, Mevanwi et Arthur qui s’étaient séparés sans qu’il y ait le moindre doute sur ce qu’ils étaient en train de faire, l’aplomb du roi qui l’avait d’abord fait passé pour une esclave, prenant sa femme pour une imbécile jusqu’au bout. Et puis le coup de grâce, ces mots horribles, ces mots cruels, dit avec un tel naturel qu’elle en avait été malade. Elle vit l’aube arriver, le soleil se lever, et son mari se réveiller, tout naturellement, prendre son petit déjeuner alors qu’elle regardait devant elle, hagarde, la gorge et l’estomac tellement noués qu’elle était incapable d’avaler quoi que ce soit. Il s’habilla et quitta la chambre pour vaquer à ses occupations, et Angharad prépara la reine. D’habitude, elles discutaient ensemble, mais là, Guenièvre resta muette. Elle se laissa habiller et coiffer comme une zombie. Mais, dans sa tête, tout devenait de plus en plus clair: il fallait qu’elle parte. Pour elle, avant de devenir folle, folle de douleur, de rage, de tristesse. 

Dans l’après-midi, elle changea ses habits pour une tenue toute simple, une tenue de marche. Elle prit la couronne de fleurs d’Arthur qu’elle gardait depuis le jour de leur mariage et la déposa sur son oreiller, attrapa la rançon du faux enlèvement qu’elle gardait également et la fourra dans sa besace, avec une seule tenue de rechange. Elle fit une halte dans les cuisines, prit des provisions pour tenir quelques jours, et elle traversa le château, ignorant les regards et les questions des serviteurs. Dans les jardins, elle aperçut Arthur et Mevanwi en train de s’embrasser à nouveau, et elle détourna le regard, partit tête basse, et jeta un dernier coup d’œil sur le château une fois qu’elle eut franchi la grande porte. 

Au lieu de traverser la forêt, la reine prit le chemin de la plage, sans jamais se retourner: là-bas elle espérait trouver un bateau, payer un capitaine et embarquer pour le continent. Après, elle se débrouillerait. Elle ne savait pas comment, mais elle savait qu’elle pourrait s’en sortir seule. Il fallait qu’elle trouve au fond d’elle-même assez de force pour ne plus dépendre de personne: ni d’Arthur, ni d’un autre homme, ni même de ses parents. C’était la première fois qu’elle prenait une décision elle-même depuis sa naissance: jusque-là elle avait toujours suivit les ordres de son père, puis ceux d’Arthur. À Kaamelott, c’était à peine si elle pouvait choisir ses toilettes, et encore… même ça, Arthur trouvait un moyen de les critiquer. Tenant fermement la lanière de sa besace, elle marchait résolument, rapidement, et atteignit la plage un peu avant le coucher du soleil. Elle mangea quelques fruits et quelques tranches de saucisson avant d’arpenter le sable fin à la recherche d’un bateau. Il faisait presque nuit quand elle en aperçut un, poussé par un homme qui s’apprêtait à quitter la plage. Elle courut vers lui en l’interpellant. Il se tourna vers la voix et ne bougea pas jusqu’à ce qu’elle le rejoigne. 

« Vous allez où? » elle demanda directement, sans tergiverser. 

« Qu’est-ce que ça peut vous faire? » il répliqua avec une moue suspicieuse. « Mais attendez… » il prit une lanterne dans le bateau et l’approcha tout près du visage de Guenièvre. 

« Je vous connais! Vous êtes la reine! Mais qu’est-ce que vous faites là? »

« Ça ne vous regarde pas. Répondez à ma question » Guenièvre redressa la tête, fièrement.

« Je vais sur le continent » il répondît vaguement, ne voulant pas donner trop de détails. 

« Parfait »

Elle enjamba la barque et s’assît dedans. 

« Allons-y » elle l’encouragea à la rejoindre.

« Mais…. Euh…. Je peux pas vous emmener, qu’est-ce que vous croyez? »

« Je vous connais moi aussi. Votre nom, c’est Venec n’est-ce pas? » Guenièvre le regarda sans ciller et il acquiesça. « Vous faites n’importe quoi pour de l’argent. Alors vous allez m’emmener sur le continent et vous allez la fermer. Une fois arrivés, je vous récompenserai. Très généreusement si vous voyez ce que je veux dire. »

Venec regarda la plage et la mer, successivement:

« Je ne peux pas. Je suis désolé. Je ne sais pas ce que vous croyez faire, là, mais c’est impossible. Le roi me tuerait. »

« Je ne bougerai pas de votre barque » elle s’entêta. « Vous n’oserez pas me violenter. Alors vous n’avez pas le choix. Grimpez et ramez. C’est un ordre de votre reine. »

Venec soupira, et monta à bord: il n’aurait qu’à prévenir le roi une fois sur le continent, et il viendrait récupérer sa femme. 

« Très bien » il grogna et commença à ramer. 

« Vous comptez traverser la mer avec cette barque ridicule? » Guenièvre demanda. 

« Non, ma reine, je ne suis pas vraiment suicidaire. Je rejoins un bateau au large. Ils ne s’attendent pas à un passager clandestin, je vous préviens. »

« Eh bien vous leur expliquerez » elle haussa les épaules, et regarda la plage s’éloigner rapidement, jusqu’à disparaître dans la nuit noire. 

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