L'Ankou

Chapitre 1 : I Les MacHingson

4667 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/05/2012 02:55

PREFACE : Et voici le premier épisode d’une petite série en deux volets appartenant à la compilation Dark World. Elle mélange sorcellerie et piraterie. Bonne lecture.

 

LES

PIRATES

DE

L’ANKOU

 

CHAPITRE I : LES MacHINGSON

 

           La journée promettait d’être ensoleillée. William MacHingson pensait déjà à la suée que l’astre solaire lui promettait alors qu’il travaillerait aux champs. Le temps avait passé, il n’était pas encore un vieil homme mais n’était plus tout jeune non-plus. Cela faisait maintenant seize ans qu’il s’était installé sur cette île avec sa femme Soizic et leur fils qui n’avait qu’un an à l’époque. Depuis la famille s’était agrandi grâce à l’arrivée d’une petite fille. Cette dernière, âgée de maintenant onze ans s’amusait devant la maison. Seule.

           William s’approcha de sa fille en regardant aux alentours, cherchant visiblement quelqu’un.

« Morgane, où est ton frère ? demanda-t-il. Il devait rester avec toi aujourd’hui.

-Je ne suis plus une petite fille papa, répliqua Morgane. Même si maman est allée au marché, je peux rester garder la maison. Je lui ai dit qu’il pouvait partir.

-Et comment l’as-tu convaincu ?

-Facile, il a suffit que je lui parle d’Oriane.

-Ah ces enfants ! Soit prudente quand même. Au moindre souci tu envois des étincelles en l’air.

-Mais ce serait avouer que je suis une sorcière !

-Je préfère que ta mère efface quelques mémoires que de perdre ma fille. »

Morgane embrassa son père et le regarda partir.

 

           Un jeune homme de dix-sept ans courait dans la lande. Il montait une côte moyennement pentue. Il aimait passer par là pour rejoindre le port. Car en haut de cette colline, on pouvait voir quasiment toute l’île. Et à chaque fois, ce spectacle le ravissait. Il s’arrêta au sommet. En contrebas, juste en face de lui, se trouvait le port de Sainte-Emmanuelle. Il pensait déjà au visage de la jeune fille qu’il allait rejoindre. Mais avant d’entamer la descente vers le port, il fit un tour d’horizon comme à son habitude. Il aimait essayer d’identifié les navires croisant au large où venant vers eux. Il en connaissait le nom de certains. Pour d’autres, il se contentait d’essayer de deviner la nationalité.

           Au large, un gros galion passait sans vouloir venir vers leur petite île. En plissant les yeux, John MacHingson reconnut son fanion : c’était un navire britannique. D’après sa taille, il devait bien avoir trente-six canons. Son père les appelait les marchands de mort-subite. C’est vrai qu’un tir d’une de ses bordés ne devait pas faire du bien. Par contre, l’autre bateau qu’il repéra était bien plus modeste. C’était un trois-mâts avec seulement une rangée de sabords par côté. Il ne devait pas avoir plus de quinze canons. Il avait l’air de s’approcher de l’île mais sans prendre la direction du port de Sainte-Emmanuelle. John essaya d’identifier ce bateau. Il était blanc et noir. Il n’avait pas de signe distinctif connu du jeune homme. Sa figure de proue représentait un oiseau noir aux ailes déployées épousant la coque. C’était la première fois qu’il le voyait. Quelque chose surprit John, il n’avait aucun pavillon.

           John laissa là ses questions. Il reprit sa course vers le port. Comme disait son père : il est impoli de faire attendre une jeune fille. Il passa une journée très plaisante avec Oriane. Mais le soir menaçait de tomber bientôt. Il devait rentrer. Il repassa par le même chemin qu’à l’allée. Et il s’arrêta encore au sommet de la colline. Il essaya de repérer le bateau vu en début d’après-midi. Il était là, au mouillage dans une crique isolée. S’il voulait passer inaperçu des autorités portuaires de Sainte-Emmanuelle et des habitants, c’était une des meilleures places. John se promit d’en parler à son père en rentrant.

           Lorsqu’il arriva à la maison, son père l’attendait avec un regard qu’il connaissait bien : il allait lui faire la leçon.

« John, ne t’ais-je pas demandé de rester avec ta sœur pour garder la maison ? fit William.

-Mais elle est grande maintenant papa, se défendit John. Elle est capable de se défendre seule. Et puis de toute façon, il n’y a aucun risque sur cette île.

-On ne sait jamais.

-Elle avait sa baguette. Donc à moins de tomber sur un sorcier…

-John, écoute ce que dit ton père. »

John se tourna vers une belle femme d’une quarantaine d’années aux cheveux châtains. Elle était fine mais il ne fallait pas s’y fier, elle cachait une forme physique que peu de femme de son âge possédait.

« Oui maman, fit John.

-On ne sait jamais qui pourrait venir, continua Soizic.

-Comme des pirates, lança Morgane.

-C’était peut-être ça ! s’exclama John.

-Quoi donc ? demanda son père.

-En allant à Sainte-Emmanuelle, j’ai vu un bateau s’approcher de l’île mais il ne semblait pas vouloir se rendre au port. Et ce soir, je l’ais vu arrimer dans la crique à l’est. Ce sont peut-être des pirates venu se ravitailler ou réparer. »

William et Soizic échangèrent un regard.

« Peux-tu me décrire ce bateau ? questionna William.

-Quinze canons si j’ai bien compté, décrivit John. Trois mâts. Il est de couleur blanc et noir. Je n’ai pas vu de pavillon mais sa figure de proue représentait un oiseau noir aux ailes déployées. On aurait dit un corbeau. »

William lança un autre regard à sa femme. Celle-ci se contenta de hocher la tête et poussa ses enfants vers la table pour le repas.

           Après le dîner, William sortit en prétextant avoir besoin de prendre l’air. Morgane voulut l’accompagner mais sa mère lui demanda de rester pour l’aider à faire la vaisselle. William se rendit à un vieux calvaire de bois. Il s’assit sur un tronc d’arbre couché non-loin et attendit. Tout d’un coup, la lame d’un sabre surgit de l’ombre derrière lui et se posa sur son cou.

« Tu te ramollis, lança une voix.

-Tu crois vraiment, sourit William. »

Le couteau de William était pointé vers l’entrejambe de l’inconnu.

« Tu les aimes brouillés tes œufs ? questionna William. »

L’inconnu émit un petit rire et retira son sabre qu’il rengaina. Il vint dans la lumière de la lune. C’était un homme de plus de trente ans. Il avait de long cheveux châtains foncés et une barbe entretenue. Une cicatrice lui zébrait le visage du front jusqu’à la joue gauche en passant sur le nez et entre les deux yeux. Ses yeux noirs étaient souriants. Il portait un sabre à la gauche de son bassin et un pistolet à pierre, poignée vers l’avant, à la droite.

           Les deux hommes se tombèrent dans les bras pour se retrouver. Mais malgré la joie de revoir son ami, William conserva son visage sérieux.

« Que viens-tu faire ici Gaël ? demanda William.

-Je ne peux pas venir prendre des nouvelles ? fit Gaël.

-Gaël.

-Je voulais voir si tout allait bien.

-Pourquoi ?

-Tu penses vraiment qu’il me faut une raison.

-Je te connais. Tu nous as jurés de ne pas venir. Si tu as brisé cette promesse c’est qu’il se passe quelque chose de grave. Alors dis-moi quoi.

-Tatiana, elle sait où vous êtes.

-Comment est-ce possible ? Tu en es sûr ?

-Oui. Nous ne l’avons pas vu en venant ici mais, si elle sait où vous êtes, alors vous êtes en danger. Vous devez quitter cette île.

-Tu n’as pas répondu à ma première question. Comment ?

-Le coupable est mort ne t’en fais pas.

-Tu veux dire qu’il était des nôtres. Qui ?

-C’est inutile de le savoir pour le moment. Le temps presse. Va chercher Soizic et John et venez.

-Il y a quelqu’un en plus maintenant.

-Oh !

-Nous avons eu une fille, elle s’appelle Morgane et elle a onze ans.

-Amène-les tous. C’est votre seul échappatoire et tu le sais. »

William parut réfléchir.

« Nous ne leur avons jamais rien dit, avoua William. Comment prendront-ils nos mensonges ?

-Je ne peux pas t’aider là-dessus, dit Gaël. Nous vous attendons dans une crique à l’est. A tout à l’heure mon ami. »

           William ne cessa de penser à ce qu’il allait dire à ses enfants en marchant vers sa maison. Il en voyait enfin les lumières, filtrant par les interstices des volets. Les alentours étaient silencieux. Trop silencieux. William s’arrêta. La porte était fracassée et un corps gisait sur le sol. Un homme armé d’un sabre d’abordage. La main de William chercha son couteau. Un frôlement l’alerta et il se retourna d’un coup. Il eut à peine le temps de bondir pour esquiver le sabre. Il dut parer âprement le second coup avec sa lame mais parvint à frapper l’assaillant d’un coup de pied dans l’abdomen. William profita de l’ouverture pour entrer dans la garde et trancher la gorge d’un geste vif et précis.

« Je vois que tu es toujours aussi efficace William, lança une voix féminine.

-Tatiana, fit William.

-Cela faisait longtemps mon ami. »

La femme qui s’avançait en le menaçant d’une baguette était une belle blonde approchant des quarante ans. Elle avait un œil marron, le droit étant caché par un bandeau de couleur blanche. Elle tenait sa baguette de la main gauche, sa main droite occupée par son sabre d’abordage.

« Nous ne sommes plus amis, dit William. Où sont Soizic et mes enfants ?

-Mes hommes vont les ramener, fit Tatiana.

-Alors tu ne les as pas. Bien, je sais qu’ils s’en sortiront.

-Toujours à penser à toi avant les autres. C’est quelque chose qui m’a toujours impressionné chez toi William. Mais n’y compte pas trop. Ils ne peuvent pas fuir de cette île. Je les aurais.

-Que veux-tu ? Pourquoi t-en prendre à nous ?

-Je veux toujours la même chose William : l’Ankou et son secret.

-Ce n’est pas nous qu’il te faut chercher alors, mais Gaël.

-C’est une possibilité. Mais il n’est pas le seul Morbrez.

-Tu es venue pour Soizic.

-Oui. Et toi, tu es inutile. Désolé. Perforo ! »

Le rayon surgit de l’extrémité de la baguette de Tatiana et vint traverser la poitrine de William de par en par. Le sang coula sur le sol alors que William s’effondrait.

« Je n’ais jamais aimé le maléfice de l’Avada, reprit-elle en se penchant sur lui. Profite bien de la douleur de tes derniers instants. »

Tatiana s’en alla, laissant William se vider de son sang.

           William sentait la vie le quitter peu à peu. Et pourtant, ce n’est pas de mourir qu’il avait peur. Il avait peur pour sa femme et ses enfants. Il fallait absolument qu’il trouve un moyen d’appeler Gaël, de le prévenir que Tatiana était déjà là. Mais comment ? Si seulement il était sorcier, il lui aurait suffit d’une baguette. Comme il avait vu Soizic le faire si souvent. Il savait qu’il ne lui restait plus que quelques minutes, peut-être même quelques secondes avant que son cœur ne s’arrête. Il crut entendre de pas s’approchant. Etait-ce Tatiana et ses hommes qui revenaient ?

« William ! lança Gaël en apparaissant au dessus de lui. William !

-Gaël, soupira difficilement William. Sauve-les. Elle les cherche. Elle le veut toujours.

-J’ai compris. Garde tes forces.

-Ce n’est plus la peine. Tu le sais aussi bien que moi. Justin n’arrivera pas à temps. Veille sur eux. »

Ce fut ses derniers mots. Comme à son habitude, William MacHingson avait pensé aux autres avant lui. Jusqu’à sa mort.

 

           Soizic avait emmené ses enfants dans la forêt derrière la maison. Elle était si dense qu’ils pourraient facilement s’y caché, surtout de nuit. Elle n’avait donné aucune explication à ses enfants. Elle avait perçu des bruits au dehors. Instinctivement, elle s’était saisie de sa baguette et s’était mise entre la porte et ses enfants. Et quand la porte s’était ouverte d’un coup, elle n’eut aucune hésitation, elle incanta un Avada, tuant l’attaquant sans qu’il ne comprenne. Ils avaient ensuite couru dehors et sous les ordres de leur mère qui lançait des maléfices pour briser le cercle des assaillants, ils avaient fui vers la forêt.

           Maintenant, le silence était pesant. John et Morgane se tenaient l’un contre l’autre, baguettes tendues. Soizic semblait calme. Cela surprit John qui déjà ne s’attendait pas à ce que sa mère soit capable de tuer.

« Maman, chuchota-t-il. Qu’est-ce qui se passe ?

-Je n’ai pas le temps de t’expliquer John, fit Soizic. Tu vas faire exactement ce que je te dis sans discuter. Tu te souviens du bateau que tu as vu dans la crique à l’est ?

-Oui.

-Tu vas le rejoindre. Emmène Morgane et faîtes attention. Quand vous y serez, dîtes vos noms. Tu as compris ?

-Mais qui sont-ils ?

-Je n’ai pas le temps je t’ai dit.

-Et toi que vas-tu faire ?

-Je vais retrouver votre père. Ensuite je vous rejoindrais. Allez-y. »

John aurait voulu protester mais le ton de sa mère n’autorisait aucune discussion. Soizic regarda ses deux enfants disparaître dans la nuit.

           Soizic se déplaçait silencieusement dans la forêt. Elle demeurait attentive au moindre souffle. Elle repéra les hommes de Tatiana entrain de fouiller le moindre arbuste. Soizic repéra le plus isolé. Il était armé d’un sabre et s’en servait pour taillader un arbuste. Elle parvint à se glisser derrière lui sans se faire repérer et d’un geste vif entoura son cou d’un de ses bras en plaquant une main sur sa bouche. Elle fit vite et lui brisa la nuque d’un geste sec. Elle cacha le corps. Elle lui prit son sabre, son pistolet ainsi que son poignard. Elle transplana et se retrouva au milieu de quatre malfrats. D’abord surpris, l’un d’eux pointa son pistolet sur elle. Il tira au moment où elle transplana à nouveau. La balle atteignit en pleine tête un autre assaillant.

« Ne tire pas ! s’écria un autre. Gorluna la veut vivante ! »

Soizic réapparut au milieu. Elle brandit son sabre et trancha l’aine d’un des hommes. Elle se retourna en pointant sa baguette, repoussant un deuxième violement contre un arbre. Le dernier resta figé par la facilité avec laquelle Soizic s’était débarrassée de ses acolytes.

           D’un Experliarmus, elle le désarma. Elle le plaqua au sol d’un autre sortilège et le maintint écraser face contre terre. Le malfrat avait l’impression d’avoir un rocher sur le dos.

« Tu parlais de Gorluna, dit Soizic. Tu es de son équipage ?

-Oui, répondit le pirate.

-Et elle me veut vivante ?

-Oui.

-Où est votre bateau ?

-Dans une crique au sud.

-Et où est votre capitaine ?

-Je suis ici Soizic, lança Tatiana en s’avançant. Experliarmus. »

La baguette de Soizic vola en l’air, retombant dans les fourrés.

           Soizic toisait la avec haine et dégout.

« Cela doit faire seize ans qu’on ne s’est pas vu et tu ne me prends même pas dans tes bras ! ironisa Tatiana.

-Si bien sûr, si tu veux, fit Soizic. Attends juste que je sorte mon poignard pour te le planter entre les côtes en même temps.

-Et dire qu’avant nous étions comme deux sœur.

-Je ne te savais pas nostalgique.

-Non, c’est vrai. J’aurais même plutôt tendance à détruire mon passé. Et tous ceux qui l’ont connu. C’est la seule manière de se construire un avenir.

-Et pour cela, tu veux encore acquérir l’Ankou et son secret.

-Oui. Et tu vas me le donner.

-Tu peux crever.

-J’espère que tu n’apprends pas de tels mots à tes enfants. Mais que peut-on attendre d’une pirate ? Tu vas m’aider que tu le veuilles ou non. Je saurais t’y obliger.

-Je t’ai déjà pris un œil Tatiana, je peux t’arracher l’autre si tu veux. »

D’un geste nerveux, Tatiana porta sa main à son bandeau blanc. Son visage se déforma en un rictus douloureux. Elle parut sur le point de lancer un maléfice mortel mais se ravisa en tremblant.

« Toi, grogna Tatiana. Si tu n’avais pas été là, l’Ankou serait à moi. Et ton frère aussi.

-Gaël n’est pas un imbécile, il a compris qui tu étais, dit Soizic. Si je ne te tue pas, il le fera.

-Personne ne va mourir ce soir.

-Si, toi ou moi. Peut-être même les deux.

-Ni toi ni moi. J’ai besoin de toi pour apprendre le secret de l’Ankou.

-Va en Enfer ! »

Soizic dégaina le pistolet qu’elle avait volé au pirate et le pointa sur Tatiana. La détonation résonna dans l’air. Tatiana parvint à éviter la balle en plongeant vers le sol. Ce faisant, elle se rapprocha de Soizic. Elle lança un Diffindo qui trancha le bras de Soizic au dessus du coude. Soizic fut aveuglé par la douleur durant un instant et tenta de se reprendre en sortant un poignard de sa main restante. Tatiana leva sa baguette par réflexe.

« Perforo ! fit la blonde. »

Le maléfice toucha en pleine poitrine.

           Soizic s’effondra en lâchant son poignard. Tatiana la regarda s’écrouler avec stupeur. Elle se jeta à côté d’elle et la secoua vigoureusement.

« Non ! s’écria-t-elle. Reste en vie ! J’ai besoin de toi pour atteindre mon but ! »

Soizic tourna difficilement les yeux vers elle. Un sourire douloureux se dessina sur son visage.

« Si tu veux le secret de l’Ankou, tu vas devoir te frotter à Gaël, souffla Soizic. Et tu en mourras.

-Non, contredit Tatiana. Il reste d’autres solutions. Mes hommes recherchent tes enfants. Le sang des Morbrez coule dans leurs veines. Ils me permettront d’accéder au secret de l’Ankou.

-Si tu touches à mes enfants, je te maudis.

-Meurs donc, fit Tatiana hautainement en se relevant. Tu avais raison en disant que l’une de nous deux allait mourir ce soir. Va donc rejoindre ton cher mari. Vous allez mourir de la même façon, sois en heureuse. »

           Tatiana disparut en un claquement de fouet, laissant Soizic seule. Ces dernières forces la quittaient. Elle n’entendit pas les pas précipités s’approcher et sentit à peine Gaël la prendre dans ses bras.

« Soizic, appela-t-il. Kaoc’h ! Toi aussi !

-Arrêtes de hurler petit frère, sourit difficilement Soizic. Tu as autre chose à faire. Écoute-moi bien. Tatiana veut le secret de l’Ankou. Tu dois le protéger, tu le sais. Et protège mes enfants. Je les ais envoyés vers ton mouillage. Mais les hommes de Tatiana les poursuivent.

-J’ai compris. Nous allons les sauver, je te le jure.

-Je sais. Kenavo Gaël.

-Kenavo Soizic. »

Soizic se relâcha dans un dernier souffle. Gaël s’accorda quelques secondes de silence. Mais il releva la tête rapidement, il devait agir, retrouver ses neveux et les sauver des griffes de Tatiana.

 

           John et Morgane courait main dans la main entre les arbres et les buissons. John ouvrait la voie, protégeant sa sœur des branches. Il se savait poursuivi. Il entendait les jurons et les pas de leurs poursuivants. John risqua un coup d’œil en arrière. Mais ce faisant, il ne vit pas la racine au sol et tomba lourdement, entraînant sa sœur avec lui. Les pirates de Tatiana en profitèrent pour les rejoindre et les encercler. Ils étaient quatre. Morgane se serra contre son frère. Ce dernier brandit sa baguette mais un Experliarmus le désarma aussi sec. Il n’avait même pas remarqué qu’il y avait un sorcier parmi eux.

« Vous nous avez fait courir, dit ce dernier en menaçant toujours de sa baguette. Maintenant, vous allez nous suivre gentiment.

-Mais qui êtes-vous ? demanda John.

-Des cadavres, lança une voix tranchante. »

Les pirates se tournèrent vers la source des paroles. Ils ne virent qu’une silhouette gracile surgir et s’attaquer à l’un d’eux. Le pirate resta debout mais ses bras pendaient sans vie le long de son corps alors que le mystérieux sauveur restait protégé derrière lui. Le sorcier allait lever sa baguette quand il perçut des pas précipité derrière lui. Il se retourna juste à temps pour voir un autre individu foncer vers ses deux autres acolytes. Une lame d’acier surgit et en deux mouvements fluides et parfaits, trancha les corps des pirates avec une facilité déconcertante. Le sabreur se tourna vers le sorcier. C’était une jeune fille d’à peine seize ans, asiatique, ses cheveux noirs étaient retenus par un chignon. Elle était habillée d’un kimono ample noir et protégée d’une pièce d’armure japonaise sur le torse et le dos. Son sabre katana maintenant rougit du sang des pirates était tenu fermement mais en douceur.

           Le sorcier eut un rictus mauvais.

« Akiko Ryukawa, dit-il. Et j’ai reconnu ta voix : Igor Stradus. »

Le premier attaquant relâcha le corps du pirate qui s’effondra. John vit que la gorge de ce dernier avait été mordu jusqu’au sang. Ce mystérieux sauveur serait-il un vampire ? Il le va les yeux vers lui. Une peau blafarde, des yeux d’un éclat rouge sang, de longs cheveux blancs. Oui, il ne pouvait être qu’un vampire. Un sourire gourmand se dessina sur le visage d’Igor Stradus alors qu’il enjambait le corps du pirate comme s’il s’agissait d’une vulgaire souche.

« Bryan Quinnon, fit le vampire. Toujours à la botte de Tatiana à ce que je voie.

-Comme toi avec les Morbrez, répliqua Quinnon. Ne t’approches pas ou je te fais brûler comme un fétu de paille.

-Tu sais bien que si tu tues l’un de nous, l’autre te tuera aussi sec. Tu n’as pas d’échappatoire.

-Si, il m’en reste un.

-Tatiana ne sera pas contente. Je suppose qu’elle a toujours le Doloris facile.

-Ce ne serait pas la première fois. Vous gagnez cette fois-ci. Mais la prochaine fois… »

Un claquement de fouet résonna quand Bryan Quinnon transplana pour fuir.

           La japonaise agita son sabre d’un geste sec pour en faire tomber les gouttes de sang avant de le rengainer. La japonaise resta malgré tout sur le qui-vive. Le vampire s’approcha des deux enfants. John leva sa baguette en se remettant debout. Il ne voulait pas que sa sœur soit le prochain repas de ce suceur de sang.

« Ne vous approchez pas ! cria-t-il.

-Nous ne vous voulons aucun mal, assura Stradus en s’arrêtant. Nous sommes là pour vous protéger John Morbrez.

-Je ne m’appelle pas Morbrez mais…

-MacHingson, finit le vampire. Logique. Le nom de William passe plus inaperçu que celui de Soizic.

-Vous connaissez mes parents ?

-Oui. Je peux même dire que nous sommes amis. Cette jeune fille est votre sœur je suppose.

-Mais qui êtes-vous ?

-Vos parents ne vous ont-ils jamais parlé de l’Ankou ?

-Non. Qu’est-ce que c’est ?

-Pas le temps pour le moment Igor, lança Gaël en sortant des ténèbres. On remonte à bord tout de suite. Akiko, tu restes près d’eux.

-Bien, acquiesça la japonaise.

-Mais qui êtes-vous ? Je veux savoir ! s’écria John.

-Je m’appelle Gaël Morbrez. Je suis votre oncle. Maintenant venez.

-Non ! Je ne vous crois pas ! Je veux d’abord voir mes parents. »

John menaçait Gaël de sa baguette. Il ne remarqua qu’au dernier moment les yeux de la japonaise devant lui. Elle lui saisit le poignet et le projeta au sol d’une facilité déconcertante. Lui tordant le poignet, elle l’obligea à ne plus bouger et le désarma.

« Personne ne menace le capitaine devant moi, fit-elle en intensifiant sa clé, arrachant un gémissement de douleur au jeune homme.

-Ça ira Akiko, assura Gaël. Remontons à bord. Tu peux l’emmener personnellement si tu veux.

-Ai Taishô.

-Igor, aide la petite. Morgane c’est ça ?

-Ou…oui, balbutia la fillette.

-Je ne veux pas que ce vampire s’approche d’elle ! hurla John. Argh ! »

Akiko l’avait relevé en lui maintenant le bras tordu dans son dos. Elle venait de lui tordre un peu plus pour le faire taire. Igor tendit une main accueillante à Morgane. Le sourire du vampire était doux et chaleureux. Rien à voir avec son sourire tranchant de tout à l’heure. Morgane sentait qu’elle pouvait avoir confiance. Elle posa sa main dans la sienne sans hésitation.

           Gaël aurait souri au spectacle de cette étrange procession si la soirée n’avait pas été aussi tragique. Ils atteignirent une crique dans laquelle se trouvait le bateau noir et blanc avec une figure de proue en forme de corbeau que John avait remarqué dans la journée. Ils montèrent dans des canots pour rejoindre le bateau.

« Bienvenu sur l’Ankou, annonça Gaël une fois à bord. »

 

 

NDA :Kaoc’h = merde en breton.

           Kenavo = au revoir en breton.

           Ai Taishô = « Oui capitaine » en japonais.

 

 

Laisser un commentaire ?