Secrets de Serpentard : La noble famille Black

Chapitre 13 : Tom Jedusor

4206 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/07/2022 10:23

Bellatrix traîna sa valise, horriblement lourde, jusqu'à Pré-au-Lard, où le Poudlard Express l'attendait. Sa tête était vide, stérile. Elle n'arrivait à penser à rien, à part ceci : elle ne pourrait plus jamais exercer la magie.

Elle ne ressentait aucun remords à propos de ce qu'elle avait fait à Molly Prewett, bien au contraire. Quitte à être renvoyée, elle aurait dû aller jusqu'au bout. Au moins, elle serait en route vers Azkaban, qui était une destination mille fois préférable au 12, square Grimmaurd, où l'attendaient ses parents et la tante Walburga. Et puis, dans sa cellule, personne ne serait venu la narguer avec une baguette. Maintenant, elle allait devoir supporter la vision de ses sœurs qui progressaient, la surpasseraient même, tandis qu'elle stagnerait chez elle comme une vulgaire Cracmol...

À cette pensée, l'estomac de Bellatrix se tordit violemment, et elle eut l'impression que sa tête allait se fendre en deux. Sa vie, sans la magie, était absolument inenvisageable. Elle trouverait un moyen de retrouver une baguette, ou bien elle se jetterait par la fenêtre.

Une fois cette décision prise, elle se sentit un peu mieux. Oui, il devait sûrement y avoir une solution... Peut-être qu'Orion pourrait l'aider. Après tout, il collaborait avec les plus grands malfaiteurs de leur époque, il savait sûrement comment déjouer les lois du monde sorcier.

Distraite, elle hissa son énorme valise dans le Poudlard Express, en pestant contre le poids de celle-ci. Si seulement elle pouvait utiliser la magie, rien que pour la soulever de quelques centimètres... Elle la traîna entre les sièges de velours rouge, mais une anse en cuir se coinça dans un des accoudoirs. D'un geste rageur, elle tira fermement sur sa valise pour la dégager, mais une des coutures se déchira et une partie de ses affaires se déversa sur le sol. En voyant sa valise ainsi éventrée, et ses livres de magie qui s'échappaient par le trou béant, Bellatrix se laissa à nouveau gagner par la fureur.

– C'est pas vrai, mais c'est pas vrai ! Foutue valise, fichue école ! Je les déteste, je les DÉTESTE ! rugit-elle.

Elle frappa du pied contre sa valise, et envoya valser des livres et des vêtements à travers le wagon. Sa colère était si forte que les vitres s'assombrirent, et une des lampes à gaz éclata à côté d'elle, projetant des morceaux de verre sur les banquettes moelleuses qui se trouvaient dans le wagon.

– Besoin d'aide, jeune fille ?

Bellatrix fit volte-face, le cœur battant à tout rompre. Elle était persuadée que le Poudlard Express serait complètement vide, et elle était tellement plongée dans ses ruminations venimeuses à propos de Poudlard et de Molly Prewett qu'elle n'avait pas remarqué cet homme d'une quarantaine d'années, à l'apparence soignée, qui venait à sa rencontre.

– Oh, excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur, dit l'homme avec courtoisie.

– Ce n'est rien, se rattrapa Bellatrix en se tamponnant précipitamment le coin des yeux. Je... Je pensais que j'étais seule.

L'homme désigna sa valise avec amabilité.

– Un coup de main, peut-être ?

Bellatrix considéra le fatras de vêtements et de livres qui encombrait le couloir du train. Elle hocha très légèrement la tête, et l'homme sortit aussitôt sa baguette. Sans qu'il ait prononcé le moindre mot, ni esquissé le moindre geste, les affaires reprirent place dans la valise, qui retrouva aussitôt son intégrité, et qui monta dans le compartiment à bagages. Les bouts de verre, également, se rassemblèrent à nouveau autour de la lampe à gaz, qui se ralluma tout naturellement.

Bellatrix sourit pour la première fois de la journée. L'inconnu lut l'étiquette de la valise, qui pendait à hauteur de ses yeux.

Black... Ton nom m'est familier... Tu viens d'une très noble famille, n'est-ce pas ?

– Oui, tout à fait...

– Et ton prénom est... ?

– Bellatrix. Bellatrix Black.

L'inconnu hocha la tête avec une admiration un peu exagérée.

– Ça sonne bien.

– Oui, je trouve aussi.

Il désigna les deux sièges les plus proches.

– Je t'en prie, Bellatrix, assieds-toi.

Surprise par autant de galanterie, Bellatrix s'installa sur un des sièges. Satisfait, l'inconnu prit place à côté d'elle, tout en la regardant avec une étrange insistance.

– Nous nous sommes déjà rencontrés, je crois...

Bellatrix en profita pour détailler son visage parfaitement sculpté. Malgré son âge, il était très agréable à regarder, avec des pommettes bien dessinées et de grands yeux sombres.

– Chez Barjow & Beurk, répondit-elle, le cœur battant. Je venais y vendre le coffret du Sorcier au Cœur Velu.

L'inconnu fit mine de réfléchir un instant.

– Ah ! Mais oui, je me souviens ! J'étais très admiratif qu'une personne aussi jeune que toi s'intéresse d'aussi près à la magie noire. Quel âge as-tu, au juste ?

– Quinze ans.

– Quinze ans ! Alors tu es encore plus brillante que je ne le pensais.

Bellatrix rosit de fierté.

– Eh bien, Bellatrix, je suis enchanté de faire ta connaissance. Je m'appelle Tom. Tom Jedusor.

Bellatrix lui serra la main, ravie. Ce n'était pas habituel qu'un adulte s'adresse à elle sur un pied d'égalité.

– Pourquoi retournes-tu à Londres ? Il est rare de rencontrer des élèves dans ce train, à cette période de l'année.

– Oh, euh... Une petite urgence familiale, rien de plus...

– Tu dois être contente, de quitter cette école si détestable.

Bellatrix crut avoir mal entendu. À part son oncle Orion, rares étaient les adultes qui critiquaient l'école de sorcellerie.

– Si détestable... ?

– Ne me dis pas que tu t'y plais ? Sinon, tu ne serais pas dans ce train, je me trompe ?

– En fait, je viens d'être renvoyée, avoua Bellatrix.

Contre toute attente, Tom Jedusor n'eut pas l'air surpris, ni choqué le moins du monde par cette révélation.

– Ça ne m'étonne pas.

– Comment ça ?

– Tu sais, le professeur Slughorn m'a beaucoup parlé de toi, ce matin. Tu as l'air d'être vraiment douée...

Il laissa sa phrase en suspens, pour donner de l'effet à sa flatterie.

– Tu ne trouves pas que les cours qu'on donne à Poudlard sont d'une simplicité effarante ? poursuivit-il. Que les professeurs récompensent toujours de petits moutons médiocres, au détriment de ceux qui, comme nous, ont vraiment du talent ? Tu n'as pas l'impression que personne, à Poudlard, ne t'apprécie à ta juste valeur ?

Bellatrix hésita à répondre franchement. Et si c'était Dumbledore qui avait envoyé cet homme, pour qu'elle avoue tout le mal qu'elle pensait de cette école ?

– Le professeur Slughorn est intéressant.

– Oui, c'est bien le seul qui m'ait appris des choses... Mais tu sais, pour les gens comme nous, Poudlard ne fait que restreindre nos capacités ! Il y a tellement de choses passionnantes à apprendre en magie, et que Poudlard veut nous cacher...

Les yeux de Bellatrix brillaient. On ne lui avait jamais fait autant de compliments, ni parlé de choses aussi excitantes.

– La magie noire, par exemple ? osa-t-elle.

– Surtout la magie noire ! Tu n'as pas idée de ce que tu serais capable de faire, seulement avec ta baguette. Franchement, c'était dans l'intérêt de Dumbledore de te renvoyer. Je suis sûr qu'il avait peur de toi.

Ils furent interrompus par l'ouverture de la porte du wagon, suivi du tintement d'une clochette.

– Ah, tiens, voilà cette vieille folle qui vend des bonbons, toujours la même ! Tu aimes ça, les friandises ?

Bellatrix se mordit la lèvre. Peut-être trouverait-il cela puéril, si elle lui avouait à quel point elle adorait se goinfrer de Chocogrenouilles.

– Bonjour, mes trésors, dit la petite dame replète. Vous prendrez bien une sucrerie ?

– On prend tout, déclara Tom Jedusor.

Bellatrix écarquilla les yeux avec gourmandise.

– Oh ! Très bien, ça fera douze gallions, déclara la dame au chariot, sans se départir de son sourire.

Alors que Bellatrix s'attendait à voir Jedusor sortir la somme d'argent de sa poche, le visage de celui-ci changea. Ses prunelles s'obscurcirent, ses traits se durcirent, sa mâchoire se resserra, et il parla d'une voix qui semblait venir d'outre-tombe :

– Nous n'allons rien payer. Tu vas nous donner tout le contenu de ce chariot, sans rien nous demander en échange.

Les traits de la vieille dame se figèrent, et tout son corps se raidit.

– Oui, Maître, bien sûr, Maître, dit-elle avec une voix mécanique.

Elle déversa une montagne de confiseries sur la table, et remporta son chariot vide, avec une démarche anormalement saccadée. Les traits de Tom Jedusor reprirent leur aspect séduisant, et il se tourna vers Bellatrix avec fierté.

– Alors ?

– C'est un Sortilège Impardonnable, constata Bellatrix, impressionnée. Le sortilège Imperium.

– Décidément, tu en sais des choses... Ça te fait peur ?

– Oh non ! Au contraire !

– Je peux t'apprendre, si tu le souhaites.

Bellatrix n'en croyait pas ses oreilles.

– Vraiment ?

– Ça, et bien d'autres choses, confirma Tom Jedusor avec un sourire envoûtant.

Soudain, Bellatrix s'assombrit.

– De toute manière, ça ne servirait à rien. Je n'ai même plus de baguette.

– Une baguette peut être réparée, assura Tom Jedusor. Je peux jeter un coup d'œil à la tienne, je suis certain que ça ne sera pas difficile.

– C'est vrai ? Vous... Vous feriez ça ?

– Bien sûr, Bellatrix, bien sûr...

Le reste du trajet passa à toute vitesse. Tout en se délectant de leurs acquisitions gourmandes, Bellatrix lui raconta la cohabitation difficile au 12, square Grimmaurd, son expédition dans l'Allée des Embrumes, et enfin, le duel avec Molly Prewett et comment elle avait été injustement renvoyée. Tom Jedusor l'écoutait attentivement, et ne l’interrompait que pour abonder dans son sens, ou pour s’extasier devant son courage, sa dextérité et son sens de l'initiative.

Alors que le train s'approchait de Londres, il lui donna rendez-vous dans un des établissements de l'Allée des Embrumes, tout en lui donnant des recommandations sur la manière de camoufler son visage, et les horaires de surveillance des Aurors, afin qu'elle passe inaperçue. Bellatrix s'empressa d'accepter, aux anges.

Au moment de le quitter, elle osa lui demander :

– Excusez-moi, Mr Jedusor, je me demandais... D'où vient votre nom ? Je ne l'avais jamais entendu auparavant.

Tom Jedusor eut l'air froissé, puis se ressaisit.

– Ce nom n'est pas digne de moi. Mais ne t'en fais pas, j'aurai bientôt un autre nom ; et celui-ci, tout le monde le connaîtra... À demain, Bellatrix Black !

À l'arrivée du train, personne n'était venu la chercher, et elle avait mal au cœur à cause de toutes les friandises qu'elle avait ingurgité. Mais Bellatrix s'en fichait : elle avait passé une excellente journée.

Le lendemain, Bellatrix retourna dans l'Allée des Embrumes. Cette fois-ci, elle était munie d'une longue cape noire, et un épais capuchon recouvrait son visage et ses cheveux. Elle était folle d'excitation : elle s'était échappée de la maison, alors que tout le monde dormait, enfreignant ainsi un nombre considérable de règles.

Elle se fraya un chemin entre les flaques visqueuses et les mendiants éborgnés qui s'amoncelaient dans l'obscurité, en prenant bien soin de se tourner vers le mur lorsqu'elle croisait des passants à l'allure trop proprette. Dans les vitrines, elle vit des bocaux remplis d'ongles humains ou d'araignées vivantes, de la bouse de dragon en pot, ou encore des têtes humaines réduites. Elle déchiffra tant bien que mal les enseignes inscrites au-dessus des devantures : Barjow & Beurk, bien sûr, où elle avait vendu le coffret du Sorcier au Cœur Velu ; et les suivantes, Le Cerveau Flou, À La Corne Rouge, ou encore Cingus & Barbefolle, où son ami Thorfinn Rowle avait un jour acheté un Bathynome Chevelu – qui avait fini écrasé sous la chaussure de Corban Yaxley, mais c'était une autre histoire.

Bellatrix s'arrêta devant une devanture aux vitres si épaisses qu'on voyait à peine ce qui se passait à l'intérieur. Au-dessus de la vitrine, on pouvait déchiffrer des inscriptions mal entretenues : Au Serpent qui fume. Le tout était souligné par un long serpent vert, grossièrement gravé dans le bois, et une fumée opaque s'échappait par un petit trou au niveau de la langue fourchue du serpent.

Elle entra en poussant la petite porte grinçante. Le bar était désert, à l'exception d'un petit homme courbé, qui devait être le patron de l'établissement. Celui-ci, accoudé à un comptoir crasseux, d'une couleur indéterminée, remplissait des chopes d'un liquide vert et phosphorescent. Derrière lui étaient alignés des dizaines de tonneaux fendillés, d'où gouttaient différentes boissons non identifiables. En l'apercevant, l'homme lui adressa un sourire édenté :

– Bienvenue, ma jolie. Prends un verre, le Maître ne va pas tarder à arriver.

Impressionnée par cette appellation, Bellatrix prit place au comptoir et prit le verre que lui tendait le barman. Le contenu était un peu épais, mouvant, et de temps à autre, une bulle verte remontait à la surface et éclatait en éclaboussant les rebords du verre.

– Qu'est-ce que c'est ?

– Du Bigoliard, grogna le barman. Ça, t'en trouveras jamais au Chaudron Baveur, je peux te l'assurer...

Bellatrix n'en avait jamais entendu parler, ce qui attisa encore davantage sa curiosité. Elle trempa ses lèvres dans le liquide phosphorescent, et en prit une minuscule gorgée : la boisson lui brûla les lèvres, la bouche et l'œsophage, et elle dut s'ébrouer pour se débarrasser de cette horrible sensation.

– Ça fait toujours bizarre, la première fois, ricana le barman. Mais tu verras, on s'habitue vite. Le Maître m'a dit que tu n'avais pas froid aux yeux.

Bellatrix acquiesça, rayonnante. Tom Jedusor lui avait donc parlé d'elle ! Elle reprit une gorgée, qui lui sembla déjà un peu moins désagréable.

– Quand arrivera-t-il ?

– Oh, avec lui, on ne sait jamais vraiment. Mais ne t'en fais pas, il avait l'air d'avoir très envie de te voir...

L'impatience de Bellatrix augmenta encore d'un cran. Elle eut beaucoup de mal à rester assise, et pour se distraire, elle se mit à lire les noms des différentes boissons, inscrits sur les fûts : le Brulator, le Têtournis, le Décroche-panse... Les liquides que le barman manipulait étaient tous de la même texture visqueuse, mouvante et effervescente.

Sur les murs qui n'étaient pas recouverts de barriques, des tableaux s'alignaient, tous plus macabres les uns que les autres. Bellatrix reconnut des représentations d'Inferi, avec leurs yeux blancs au regard flou, enfoncés dans leurs orbites. Il y avait également un portrait de Salazar Serpentard qui dormait en ronflant légèrement, et un autre de Sylis Parkinson, l'auteure du livre Magie Noire : apprenez à punir et à tuer vos ennemis comme il se doit, que Bellatrix avait lu de multiples fois lors de ses vacances au 12, square Grimmaurd – au grand désespoir de son père, évidemment.

Tard dans la nuit, alors que Bellatrix avait commencé à somnoler, la porte d'entrée grinça et Tom Jedusor entra, sans se presser. Bellatrix avait fini de boire son verre de Bigoliard, et la tête lui tournait un peu, mais elle vit très nettement le sourire enjôleur qui se dessina sur les lèvres de Tom Jedusor lorsque celui-ci s'approcha d'elle.

– Ah, Bellatrix, je suis si heureux de te voir, dit-il en posant une main sur son épaule. J'avais très peur que tu ne viennes pas.

Toute la fatigue de Bellatrix s'envola aussitôt. Le patron du bar s'inclina devant Tom Jedusor, et plaça un verre de liquide rouge sombre devant lui. Celui-ci ne lui adressa pas un mot, et n'avait manifestement aucune intention de s'excuser, ni d'expliquer son retard.

– Alors, tu as bien réfléchi ? demanda-t-il à Bellatrix.

Elle fronça les sourcils, perplexe.

– Réfléchi ? À quoi donc ?

Tom Jedusor but une gorgée de son verre, et le recracha aussi sec.

– Burton ! Qu'est-ce que c'est que cette horreur ?

Le barman se précipita, manifestement affolé à l'idée d'avoir pu froisser Jedusor.

– Qu'y a-t-il, Maître ?

– Ce Brulator est infect ! rugit Tom Jedusor. Comment oses-tu me servir cette infamie ?

Un instant, Bellatrix crut voir un éclat rouge briller dans ses yeux, mais elle se dit que ce devait être un reflet du contenu de son verre. Le barman se répandit en excuses, et plaça un nouveau verre devant Jedusor, en se tenant le plus loin possible de celui-ci.

Jedusor porta le verre à ses lèvres, sous le regard anxieux du barman.

– Ça ira, dit-il après avoir dégluti.

Burton poussa un soupir de soulagement, et se détourna en marmonnant :

– Ces satanés Yaxley m'ont encore roulé... Ils vont m'entendre, ces gredins...

Jedusor reprit une expression aimable et détendue, et s'adressa de nouveau à Bellatrix.

– Excuse-moi, Bellatrix... Où en étions-nous ? Ah, oui, je disais donc...

Il se cala confortablement sur son siège, et s'approcha encore un peu d'elle.

– Je suis prêt à t'apprendre beaucoup de choses, comme je te l'ai déjà dit. Mais auparavant... Je dois connaître tes motivations.

– Mes motivations ?

– J'ai besoin de savoir pourquoi tu es là. Je veux savoir à quoi tu emploieras tout ce que je vais t'apprendre.

Bellatrix fut décontenancée par cette question. Elle n'avait jamais vraiment réfléchi au sens qu'elle souhaitait donner à sa vie. L'idée de puissance la galvanisait, c'était une certitude, mais elle ne s'était jamais interrogée sur la manière dont elle souhaitait l'utiliser.

– Que penses-tu des Moldus ? demanda Jedusor.

– Des... Des Moldus ?

– Vas-tu répéter bêtement tout ce que je te dis ? siffla soudain Jedusor en tapant du poing sur la table.

Bellatrix sursauta. En un instant, les yeux de son interlocuteur étaient devenus rouge vif, ses traits s'étaient brouillés et sa peau avait pris une teinte cireuse inquiétante. Soudain secoué de tremblements, il sortit une fiole rouge de sa poche, et la but d'un trait.

– Excuse-moi, se rattrapa-t-il en reprenant son apparence initiale. Je ne voulais pas te faire peur.

– Je n'ai pas peur, rétorqua Bellatrix, plus intriguée qu'effrayée.

Toute trace de colère disparut sur le visage de Tom Jedusor, aussi soudainement qu'elle était apparue.

– Reprenons, dit-il en souriant de nouveau. Tu étais dans la maison Serpentard, il me semble ?

– Oui, répondit Bellatrix, soulagée d'entendre une question à laquelle il était facile de répondre.

– Bien. Et si je te disais que j'étais le dernier descendant de Salazar Serpentard... Et que j'avais la ferme intention de réaliser son vœu le plus cher, à savoir éradiquer tous les Moldus et leurs apparentés de la surface de la Terre ?

– Érad...

Bellatrix se mordit la langue pour ne pas commettre une nouvelle bévue. Elle prit quelques secondes pour assimiler ce que Jedusor venait de dire.

– Je n'ai jamais imaginé que c'était possible, souffla-t-elle.

– Et pourtant, tu as tort... Car bientôt, le monde que nous connaissons va s'écrouler. Je vais le détruire... Nous allons le détruire, le débarrasser de tous les êtres indignes qui nous oppressent... Et reconstruire un monde nouveau, à notre image, un monde pur, où plus aucune goutte de cet immonde sang moldu ne coulera dans les veines de notre descendance...

Les lèvres de Tom Jedusor bougeaient à peine. Bellatrix buvait ses paroles, enveloppée par son regard brûlant. Elle n'avait jamais osé rêver entendre de telles choses. Elle avait l'impression que le monde entier s'était tu autour d'eux, que Burton et tout le reste avait été avalé par la Terre, que plus rien n'existait à l'exception de Tom Jedusor. Elle pensait avoir rencontré un simple professeur de magie noire, et voilà que celui-ci venait d'abattre devant elle les limites du possible, et de lui proposer d'atteindre avec lui la domination du monde.

– Je reformule ma question : en échange de tout ce que je vais t'apprendre, acceptes-tu de m'assister dans cette noble tâche ?

Bellatrix revint brutalement à la réalité. L'espace de quelques instants, elle avait visualisé le monde dont Tom Jedusor parlait, et celui-ci lui semblait infiniment plus exaltant que l'existence étroite et médiocre qu'elle avait vécu jusqu'ici.

– Oh, oui, murmura-t-elle avec émotion.

Tom Jedusor l'observa quelques instants.

– Je dois te prévenir, Bellatrix, dit-il d'une voix douce. J'ai déjà eu de nombreux... amis, par le passé, et aucun d'entre eux ne s'est montré à la hauteur de mes attentes...

– Moi, je le serai ! bondit Bellatrix.

Elle avait haussé la voix, poussée par l'émotion. Tom Jedusor fit une moue satisfaite, et héla Burton qui s'affairait un peu plus loin.

– Serviteur ! Je crois que ma nouvelle élève est prête. Viens, Bellatrix, suis-moi.

Ils passèrent derrière le comptoir. Tom Jedusor ouvrit le robinet d'un des tonneaux, sur lequel figurait l'inscription Trapouvert, et un fluide noir épais se répandit sur le sol. Sous les yeux stupéfaits de Bellatrix, celui-ci prit la forme d'un large rectangle, et s'évapora progressivement en larges volutes noires, qui obscurcirent momentanément la vision de Bellatrix. Lorsque les volutes se dissipèrent, elle écarquilla les yeux : une trappe venait de se découper dans le plancher.

Tom Jedusor fit un geste de la main, et la trappe s'ouvrit, découvrant un escalier en pierre noire, qui s'enfonçait dans les profondeurs de la Terre.

– Après toi, Bellatrix, lui dit-il avec un geste galant.

Bellatrix descendit avec assurance, malgré l'humidité glaciale qui la saisit dès les premières marches, et l'odeur âcre qui lui chatouilla désagréablement les narines. Au fur et à mesure qu'elle progressait, des torches s'allumaient le long des murs suintants. En bas de l'escalier, elle se retrouva face à un rideau constitué de dents en collier, qu'elle traversa d'un pas résolu.

Des torches s'allumèrent le long des murs. La pièce qui se trouvait de l'autre côté était immense et ponctuée de piliers en pierre, auxquels d'autres torches ardentes étaient accrochées. Au milieu de la pièce trônait une immense console en marbre noir ; dans un recoin, Bellatrix aperçut des marmites où bouillonnaient toutes sortes de philtres et de décoctions ; un peu plus loin, elle pouvait voir des bocaux remplis d'ossements, des objets ensanglantés et des inscriptions en runes anciennes qui recouvraient les murs. Elle sourit de façon incontrôlable en imaginant la tête de ses camarades de Poudlard, lorsqu'elle leur raconterait la journée qu'elle venait de passer.

Tom Jedusor apparut à sa suite, et embrassa la salle du regard. Dès qu'il entra, la surface de la console en marbre qui se trouvait au centre de la pièce prit feu, et un immense brasier éclaira la pièce jusque dans ses moindres recoins.

– Ici, je t'apprendrai à maîtriser la magie noire mieux que personne, dit Tom Jedusor. Toi, tu n'auras qu'une chose à faire...

Un fin sourire étira ses lèvres.

– Te montrer à la hauteur de la confiance que je t'accorde.

Bellatrix fit un pas vers lui, les yeux embués. À cet instant, c'était la chose qu'elle désirait le plus au monde.

– Mr Jedusor...

– NE M'APPELLE PLUS AINSI !

Il avait hurlé. Tout en fixant Bellatrix de ses yeux sombres, dans lesquels dansait le reflet des flammes, il rabattit son capuchon noir sur sa tête, et reprit d'une voix doucereuse :

– Ce nom est un faux, Bellatrix. Celui qu'on appelait Tom Jedusor est mort depuis bien longtemps. Mon véritable nom est celui-ci...

Il saisit sa baguette, dont l'extrémité devint rouge comme de la braise, et dessina des lettres qui s'inscrivirent dans les airs, devant les yeux de Bellatrix.

– Lord Voldemort, lut-elle à voix haute.

Et aussitôt qu'elle l'eut prononcé, un frisson désagréable parcourut son corps.

– Je suis Lord Voldemort, le Seigneur des Ténèbres, dit-il d'une voix sépulcrale. Ne m'appelle plus jamais Tom Jedusor, Bellatrix. Tu dois oublier ce nom. Est-ce que tu m'as bien compris ?

Bellatrix hocha la tête avec conviction.

Oui, Maître, dicta Voldemort.

– Oui, Maître, répéta docilement Bellatrix.

– Nous en avons terminé pour aujourd'hui. Ton apprentissage commencera demain... Rendez-vous ici, même heure. À demain, Bellatrix.

– À demain, Mr Je... À demain, Maître.

Lorsque Bellatrix fut partie, Voldemort revint s'accouder au comptoir.

– Elle est bien, non ? demanda-t-il à Burton, comme si son avis lui importait.

– Si le Maître en est satisfait, c'est l'essentiel, dit Burton en s'inclinant plus bas que terre. Le serviteur espère simplement qu'elle vous servira mieux que les précédents... Et qu'elle ne sera pas effrayée, lorsque le Maître lui montrera son vrai visage.

Voldemort reprit une gorgée de son breuvage et sourit. L'effet de la Potion de Charme qu'il buvait habituellement pour ne pas effrayer ses interlocuteurs s'était totalement dissipé. Sous son capuchon, ses cheveux bouclés n'étaient plus qu'un fin duvet noir ; sa peau avait repris son aspect cireux, et, à certains endroits, semblait recouverte d'écailles ; ses yeux étaient injectés de sang, et ses pupilles rougeoyaient d'un éclat malveillant.



À suivre...

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