Mariages !
Chapitre 1 : Mariages !
7733 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour il y a environ 3 ans
Il allait se marier. C’était une réflexion qui lui revenait souvent, de plus en plus alors que la date approchait.
Après avoir battu Voldemort, après l’avoir vaincu dans un duel surréaliste, Harry Potter était tombé dans une sorte d’hébétude. En moins d’une journée, il avait appris qu’il devait se sacrifier, il avait accepté sa mort, il avait survécu contre toute attente et il avait tué un homme.
Il s’en était tiré étrangement bien. Quelques ecchymoses, uniquement des blessures mineures. Il avait préféré rester entre les mains compétentes de madame Pomfresh plutôt que d’aller à Sainte Mangouste et la brave infirmière lui avait offert quelques jours de repos, en empêchant quiconque d’entrer dans son domaine.
*
Même Kingsley Shakelbolt, tout ministre qu’il fut, avait dû montrer patte blanche pour venir rendre visite au héros du monde magique.
En apprenant que Drago Malefoy avait été enfermé à Azkaban avec ses parents, Harry avait protesté vivement. Il n’avait pas oublié toutes leurs disputes, mais il gardait surtout en mémoire l’air désespéré de Malefoy durant leur sixième année, son incapacité à tuer Dumbledore. Ensuite, il y avait eu ce moment où Drago avait refusé de le dénoncer, lui permettant de s’enfuir et de continuer la mission qui lui avait été donnée par Dumbledore.
Lorsque Kingsley lui avait rappelé que Drago était marqué et qu’il devait être puni, Harry s’était agité, amer. Il avait souligné à l’homme que certains n’avaient pas pu choisir de camp, qu’ils avaient juste fait en sorte de survivre.
Le tout nouveau ministre avait hésité. Mais il avait cédé face à l’air buté et au regard décidé de Harry Potter. Il ne voulait pas avoir à se battre publiquement avec lui et il était prêt à parier que le jeune homme serait capable de se présenter à Azkaban pour sortir son camarade de prison, uniquement parce qu’il trouvait ça juste.
En sortant de Poudlard, Shakelbolt se présentait à Azkaban pour se rendre compte par lui-même de la personnalité du jeune Malefoy. Il observa longuement l’adolescent, replié sur lui-même, toute trace de morgue disparue de ses traits.
Il nota sa maigreur — datant d’avant son emprisonnement, de toute évidence — les cernes sous ses yeux, ses mains tremblantes. Le gamin — il se souvint soudain qu’il avait l’âge de Harry et qu’ils étaient encore des enfants — avait dû être bousculé par les gardiens puisqu’il avait des hématomes se détachant vivement de sa peau claire.
La manche de sa chemise était déchirée et exposait ce qui restait de la marque des ténèbres et Kingsley constata avec un serrement de cœur que l’affreux tatouage, bien que devenu presque invisible, avait été gratté jusqu’au sang, laissant des sillons sanguinolents sur son avant-bras pâle.
Le ministre soupira en comprenant que Harry avait eu raison. Ce gosse ne semblait pas représenter un danger, loin de là. Il était une victime de Voldemort lui aussi… avec un air résigné, il s’approcha de l’adolescent tout juste majeur, prêt à lui offrir une seconde chance.
*
Si Shakelbolt avait eu matière à réfléchir après sa conversation avec Harry, l’inverse était vrai également. Le jeune homme prenait conscience que rien n’allait réellement changer. Le camp de la lumière avait pris le dessus et allait s’employer à détruire ceux qui avaient appartenu aux ténèbres…
Ce constat le rendit amer. Le garçon naïf et enjoué qu’il avait été devint silencieux et plus sombre, se perdant souvent dans ses pensées, glissant vers une dépression insidieuse.
C’est dans cet état d’esprit que les Weasley le trouvèrent. Molly l’entoura d’attentions, le traitant comme son fils, et ne lui laissa pas le choix : elle l’emmena au terrier. Il avait besoin d’être remplumé selon elle et elle était déterminée à le choyer.
Habituellement, Harry aimait ses visites chez les Weasley. Mais il aurait eu besoin d’un peu de calme, pour se retrouver. Pas d’une tribu bruyante, pas d’une maison pleine de va et viens. Il n’y avait aucune intimité, aucun moment de répit. Dès que Harry s’installait quelque part, les yeux dans le vague, un rouquin venait immanquablement engager la conversation…
En plus de ça, Ginny le collait possessivement, visiblement heureuse de l’avoir pour elle seule. Il n’avait pas eu le courage de la repousser ou simplement d’avoir une discussion avec elle sur leurs sentiments respectifs et leur relation.
Pour être honnête, Harry n’était pas certain d’aimer réellement Ginny. Il n’arrivait pas à concevoir sa vie avec elle dans l’avenir et lorsqu’elle parlait d’enfant et de maison, il se sentait totalement déconnecté. Totalement étranger à ces projets qui pourtant le concernaient.
Il aurait probablement dû lui dire, lui en parler. Ginny n’était pas stupide et aurait pu lui laisser un peu d’espace ou de temps. Mais il n’osait pas.
L’idée de blesser la seule fille de la fratrie Weasley le terrorisait et il s’imaginait qu’il finirait bien par s’habituer.
Alors qu’ils n’avaient échangé que quelques sages baisers — de l’initiative de Ginny, jamais de la sienne — Harry se retrouva fiancé sans même le vouloir.
Ginny parlait d’avenir, Molly acquiesçait en prenant Harry à témoin… et le soir même au dîner, Arthur le félicitait pour leurs fiançailles.
Harry n’avait pas protesté, il était resté silencieux, le nez dans son assiette. Une fois de plus, son destin était tracé sans qu’il ait son mot à dire et il se sentait trop épuisé pour batailler ou tenter de donner son avis.
Il assista passivement à la suite, comme s’il était dans un rêve étrange. Molly l’emmena chez un bijoutier pour l’aider à choisir une bague. Il ne protesta pas et se fia à son avis. S’il avait eu à offrir un bijou, il n’aurait certainement pas choisi cette bague délicatement ouvragée, bien trop complexe à ses yeux. Cependant… Molly semblait sûre d’elle, et il paya juste, sans dire un mot.
La vendeuse semblait perplexe, mais ne fit pas le moindre commentaire.
La date fut décidée, afin que le mariage ait lieu au plus vite. La seule fois où il donna son avis, ce fut quand Ginny lui proposa de partager la même chambre. Il refusa catégoriquement, sans fournir d’explications.
Ginny tenta bien de le convaincre, mais Molly le trouva adorable de respecter ainsi sa future épouse, tout comme ses parents. Elle ajouta que les murs de leur maison n’étaient pas propices à l’intimité d’un jeune couple et la conversation fut close.
*
Lorsque Harry entra chez madame Guipure — seul pour une fois — il s’attendait à une pénible séance d’essayage. Molly lui avait assuré qu’elle avait fait le nécessaire et que la brave couturière avait juste à vérifier le tombé du vêtement.
Une fois encore, Harry n’avait pas protesté, résigné.
Lorsqu’il eut à grimper sur un tabouret pour être mesuré, il eut une terrible impression de déjà-vu. Il se revoyait, minuscule, découvrant le monde magique pour la toute première fois.
Harry ferma les yeux, laissant le souvenir l’envahir, étirant ses lèvres en un mince sourire nostalgique. Autrefois, tout lui semblait si lumineux… si prometteur.
Lorsqu’il ouvrit les yeux, il sursauta si brusquement qu’il faillit tomber.
Juste devant lui, les yeux écarquillés, se tenait Drago Malefoy.
Ils se dévisagèrent longuement, en silence, cherchant chez l’autre ce qui avait changé. Harry nota que Drago avait maigri. Ses cheveux toujours aussi clairs avaient un peu poussé et ça lui allait mieux, d’autant plus qu’il n’utilisait plus de gel pour les plaquer sur son crâne. Ses yeux gris avaient légèrement foncé, lui rappelant les yeux de Sirius. Les yeux des Black.
Il était habillé simplement, bien loin des tenues chic qu’il affectionnait à Poudlard avant la guerre.
Le jeune homme semblait plus vieux et un pli amer marquait sa bouche.
Incertain, l’ancien Serpentard hocha timidement la tête, sans le quitter du regard.
– Potter.
Harry lui sourit, tout aussi hésitant.
– Malefoy.
Drago déglutit puis leva lentement la main, la lui tendant, détournant les yeux pour ne pas croiser son regard vert. Cette fois, Harry n’hésita pas. Il y avait bien trop de souvenirs entre eux, il y avait ce jour au manoir Malefoy, il y avait le feudeymon. Il serra la main tendue, la gardant un peu trop longuement, frissonnant légèrement à la chaleur de la paume de Drago.
Si la couturière fut surprise de les voir ainsi, elle n’en montra rien. Elle interrompit juste le moment en invitant Drago à s’installer près de Harry, un peu sèchement.
Ainsi côte à côte, ils échangèrent un rapide coup d’œil complice et se sourirent.
— Besoin de nouveaux vêtements, Malefoy ?
Drago grimaça et haussa les épaules. Puis il marmonna, sur un ton légèrement agacé.
— Ma mère organise mon mariage. Et toi, Potter ?
Harry écarquilla brièvement les yeux, un peu perturbé d’apprendre que Drago allait lui aussi convoler. Puis, il se souvint du motif de sa visite et il soupira.
— Je me marie aussi.
Harry n’eut pas le temps d’en dire plus que madame Guipure revenait et lui faisait enfiler une lourde robe sorcière, d’un velours cramoisi, ornée de broderies complexes.
Harry cligna des yeux, effaré, mais il resta silencieux. Drago grogna, hésitant visiblement entre rire et hurler.
— Tu n’as pas opté pour cette horreur quand même ?
La couturière lui lança un regard noir, prête à le remettre à sa place, mais quelque chose se débloqua en Harry et il laissa échapper un éclat de rire hystérique.
— Je n’ai rien choisi. Je… c’est ignoble.
Sa réaction amusa Drago à son tour et Harry se débarrassa de la robe, aussi rapidement que possible. Il la fourra dans les bras de la couturière, ignorant son air choqué, et lui signifia qu’ils repasseraient plus tard.
Sans attendre de réponse, il attrapa le poignet de Drago et il le tira à sa suite.
*
Drago se laissa faire, suivant Harry de bonne grâce. Les regards se faisant insistants sur le chemin de Traverse, Harry le guida dans le monde moldu, jusqu’à un bar discret qui ne payait pas de mine.
Ils commandèrent une bière et s’installèrent au fond du bar, à la table la plus sombre et la plus isolée. Puis, ils se fixèrent longuement, une fois encore.
Harry murmura, un peu hésitant.
— Alors tu vas te marier ? Je ne savais pas que tu avais… quelqu’un.
Drago haussa les épaules sans le quitter des yeux.
— Ce n’est pas le cas. C’est ma mère qui a tout organisé, elle ne m’a pas vraiment laissé le choix. Avec… mon passé, je ne peux pas vraiment espérer mieux. Et toi ? La belette femelle ?
Harry se mordilla la lèvre, les sourcils froncés. Il hocha la tête en haussant les épaules.
— Ginny… enfin, elle est pressée de se marier visiblement.
Drago sembla choqué.
— Et toi ?
— Moi quoi ?
— Tu veux te marier ?
Harry resta silencieux si longtemps que Drago crut qu’il avait été trop loin et qu’il ne répondrait pas. Finalement, il haussa les épaules, résigné.
— Je crois que c’est un peu tard pour y songer, non ?
Le jeune homme laissa échapper un ricanement résigné et but une gorgée de son verre. Drago se frotta le visage, perturbé. Cependant, Harry le tira rapidement de ses pensées.
— Et toi ? Tu en as envie ?
Drago cligna des yeux et baissa les yeux, avec une grimace étrange. Puis il haussa les épaules.
— Je n’ai pas vraiment… le droit de me plaindre. Je suis sorti d’Azkaban par miracle avec ma mère et… elle a réussi à signer un contrat avec la famille Greengrass. Ils sont probablement les seuls à accepter aussi bien… mon passé. Quoique je suppose que la fortune restante des Malefoy est une bonne motivation.
Harry murmura, l’air choqué.
— Conneries ! Pourquoi tu t’infliges ça, Malefoy ?
L’ancien Serpentard se redressa, piqué au vif.
— Et tu me proposes quoi, Potter ? Ma mère… elle est tout ce qui me reste. Je ne peux pas refuser. Si elle me renie, je suis à la rue. Qui s’intéressera à un Malefoy déchu ?
Les yeux de Harry brillèrent presque d’une lueur surnaturelle alors qu’il se penchait vers son camarade, les poings serrés.
— Mais tu ne l’aimes même pas ! Tu vas juste… épouser une fille qui t’indiffère ? C’est pour toute ta vie, Malefoy !
Drago but le reste de son verre d’un coup pour cacher son incertitude. Plutôt que de s’apitoyer sur son sort, il se concentra sur son agacement de voir Potter lui donner des conseils, et il siffla, venimeux.
— Parce que toi, tu l’aimes ta belette ? Tu as conscience que c’est sa famille que tu essaies d’épouser ? Mais une fois la cérémonie passée, tu devras vivre avec elle et lui faire des enfants !
Leurs yeux se croisèrent, longuement. Puis Drago hocha la tête, comme s’il prenait une décision.
— Très bien, Potter. De nous deux, tu es le courageux Gryffondor. Donc… Si tu annules le mariage que tu ne désires pas réellement, je ferai la même chose. Tu as jusqu’à la cérémonie pour te décider. Si tu viens, je ne protesterai pas, je te suivrai juste.
Harry sembla effaré et il secoua la tête.
— Je ne peux pas… Tu ne comprends pas ! Ce n’est pas…
Drago se leva, et déposa une poignée de pièces moldues pour payer sa consommation. Puis il se pencha vers son rival de toujours, avec un étrange pincement au cœur. Il se doutait que c’était la dernière fois qu’il le verrait…
— C’est ma condition, Potter. Tu as toi-même avoué que tu ne l’aimais pas vraiment, pas au point de te marier. Si tu… mets fin à cette mascarade, je refuserai mon union avec la fille Greengrass.
Harry murmura, l’air nauséeux.
— Tu ne connais même pas son prénom ?
Drago haussa les épaules avec un rictus moqueur, bien que ses yeux soient tristes.
— Quelle importance ? Je l’apprendrais bien assez tôt.
Puis, il partit, tranquillement, sans se retourner. Aussitôt, Harry commanda un autre verre, l’engloutissant rapidement. Les pensées tournoyaient dans sa tête, ne lui laissant aucun répit, si bien qu’il repartit à pas lents en direction de square Grimmaud en espérant pouvoir y réfléchir à son aise.
Il n’eut pas vraiment l’occasion de se questionner sereinement sur ce qu’il voulait. En premier lieu, il s’enivra après avoir trouvé quelques bouteilles de whisky pur feu dans un placard de la cuisine.
Puis, alors qu’il s’écroulait enfin sur un fauteuil, l’esprit engourdi par l’alcool, Molly débarqua en compagnie de Ginny. Il eut droit à de sérieuses remontrances et il fut ramené manu militari au Terrier.
Harry ne protesta pas. Il se laissa entraîner, résigné.
*
Drago était dans sa chambre d’enfance au manoir Malefoy. Si autrefois cette pièce avait été son refuge, la guerre avait changé beaucoup de choses et il ne s’y sentait pas si bien que lorsqu’il était plus jeune.
Debout devant le miroir en pied, il s’observait, les sourcils froncés.
Il portait une robe sorcière noire brodée de soie. Sa mère voulait qu’il se marie en blanc, mais il avait refusé. Le blanc était bien trop joyeux pour un mariage imposé, et c’était sa façon de se rebeller.
Il aurait aimé pouvoir se plaindre de ses vêtements, mais la robe était réellement magnifique. Les broderies étaient discrètes et représentaient des constellations, puisqu’il était coutume de nommer ses enfants selon les étoiles dans la famille Black.
Il retraça la constellation du dragon sur sa manche droite, puis effleura d’une main tremblante sa manche gauche, qui laissait apparaître la constellation du lion.
Il pensa à Potter et se demanda s’il avait finalement épousé sa rouquine. Rien n’avait filtré dans la presse, mais le brun avait toujours détesté exposer sa vie privée au public. Même s’il était le sauveur, il devait avoir fait en sorte que personne ne soit au courant. Personne en dehors de ses proches et de ses amis.
Dans son cas… sa mère avait fait passer un communiqué dans la Gazette. Rien d’aussi extravagant qu’avant la guerre, mais suffisant pour rappeler à tous que la famille Malefoy, malgré sa disgrâce, était toujours riche et puissante.
Un instant, Drago ferma les yeux, nauséeux, et se demanda s’il serait capable de stopper cette mascarade. D’annoncer à sa mère qu’il refusait de s’engager dans une union sans amour et de tourner le dos à des décennies de tradition familiale.
Dès son plus jeune âge, son père lui avait appris qu’un mariage n’était rien de plus qu’un contrat, une façon d’enrichir et de faire briller sa famille.
Seulement, il n’était plus certain que ce soit utile désormais. Les Malefoy ne seraient plus jamais aussi puissants qu’autrefois, et il faudrait des générations avant qu’ils ne redeviennent respectables.
Sans compter que s’il avait des enfants, il se jurait de les laisser choisir. Ses enfants n’auraient pas à se sacrifier pour leurs parents et n’auraient pas à épouser quelqu’un pour leur famille.
Il sursauta presque quand la porte s’ouvrit et regarda sa mère entrer. Elle lui sourit chaleureusement, mais il l’ignora. Il lui en voulait bien trop pour faire comme si tout allait bien.
Depuis la fin de la guerre, depuis l’instant où le ministre Shakelbolt l’avait tiré d’Azkaban, il n’arrivait pas à lui pardonner. Son père était encore en prison et il n’avait plus qu’elle, mais… quelque chose était brisé entre eux.
— Mon garçon. Tu es magnifique.
Il émit un vague grognement pour toute réponse et elle lui posa la main sur l’épaule, ignorant son humeur sombre.
Drago l’ignora, la détestant en cet instant de faire comme si rien n’avait changé. Elle lui sourit tranquillement.
— Ton père serait fier de toi.
Il se dégagea d’un geste brusque, résistant à l’envie d’arracher la robe hors de prix qu’il portait. Il avait jusqu’à présent suivi passivement les préparatifs de son mariage, mais il n’était pas certain de pouvoir aller jusqu’au bout.
Il ferma les yeux, se souvenant de cette conversation avec Potter dans ce bar moldu, et de ce défi stupide qu’il lui avait lancé…
Il lui fallut quelques secondes pour se reprendre et pour se calmer. Refusant de croiser le regard de sa mère, il murmura, d’un ton sec.
— Je suis bientôt prêt, mère.
Narcissa hésita, avant de soupirer et de quitter la pièce. Les yeux brûlant de larmes contenues, Drago regarda autour de lui.
C’était la dernière fois qu’il venait dans cette pièce. Il allait épouser Astoria Greengrass — il avait fini par apprendre son prénom — et le jeune couple allait emménager dans un manoir bien plus petit, près du domaine des parents de la mariée.
Drago serait ensuite pris en charge par son beau-père, qui lui apprendrait à gérer ses affaires et il aurait une longue vie ennuyeuse.
Avec l’impression de porter le poids du monde sur ses épaules, il quitta la pièce et referma doucement la porte. Puis il avança dans le couloir désert avec l’impression d’être un condamné en route vers l’échafaud.
L’union aurait lieu dans le parc du Manoir. Il n’avait même pas encore mis un pied à l’extérieur qu’il entendait déjà le bourdonnement des conversations.
L’idée d’être exposé aux yeux de la foule lui serrait le cœur. Ils savaient tous qui il était et surtout ce qu’il avait fait. Ils n’étaient pas venus pour le féliciter ou pour le soutenir, uniquement pour le détailler et essayer de trouver les traces de sa disgrâce sur sa peau.
Il réprima un ricanement mauvais en songeant qu’il aurait dû prévoir une robe de cérémonie à manches courtes, pour satisfaire leur curiosité morbide. C’était ça qu’ils étaient venus voir en premier lieu, après tout. Le Mangemort qui n’avait pas eu le choix… et qui continuait à ne pas avoir le choix.
À l’extérieur, de la musique retentit, et il comprit qu’il était temps pour lui d’apparaître. Ensuite, Astoria arriverait et ils seraient unis.
Il regarda une dernière fois sa manche gauche, comme pour puiser des forces dans les étoiles du Lion, puis poussa la porte, le visage lisse de toute émotion.
Il n’eut pas le moindre sourire, pas le moindre geste à l’attention de ceux qui étaient venus. Il avança juste comme s’il était seul jusqu’à la petite estrade, en jetant un regard méprisant à la décoration. C’était tellement surchargé qu’il en avait la nausée, mais il était probablement un peu tard pour donner son avis.
Il garda la tête droite, parcourant du regard la foule — comme s’il espérait y croiser une paire d’impossibles yeux verts — puis attendit calmement, fier.
Il entendit des murmures, il nota des flashs d’appareils photo. Il pouvait deviner les commentaires, sur son attitude hautaine alors qu’il n’était qu’un repris de justice… mais pour une fois, il se moquait bien de l’opinion des autres.
Il y eut de l’agitation alors qu’Astoria arrivait et il lui fallut toute sa concentration pour ne pas grimacer de dépit. Il avait espéré qu’elle ait un minimum de bon sens et finisse par renoncer à ce mariage insensé… Visiblement, Astoria espérait beaucoup de sa fortune, et il se jura qu’elle ne pourrait toucher que le strict minimum. S’il devait dilapider son héritage pour l’empêcher d’en profiter, il le ferait sans le moindre état d’âme.
C’était une réaction mesquine, mais le poids qui pesait sur sa poitrine lui rappelait qu’il n’avait pas le choix…
Astoria trébucha en le rejoignant, mais il ne tendit pas la main, la laissant se débrouiller. Il entendit les murmures désapprobateurs sans s’en soucier, désormais impatient que cette mascarade se termine.
Lorsque la musique s’arrêta, Drago était prêt.
*
De retour au terrier, Harry eut le droit à une humiliation en règle. Devant toute la famille Weasley, Molly déplora son comportement irresponsable. Apparemment, madame Guipure avait prévenu qu’il fallait fixer un nouveau rendez-vous pour les essayages.
Harry la bénit cependant mentalement de ne pas avoir divulgué les raisons de sa défection… Aussitôt, Molly et Ginny étaient parties à sa recherche, écumant le chemin de Traverse jusqu’à finalement penser au Square et le retrouver en état d’ébriété avancée.
L’incident fit ricaner Ron, qui imagina que Harry avait vu une occasion de briser les règles établies. Il bouscula son ami d’une bourrade affectueuse, en lui murmurant qu’il aurait dû l’inviter.
Percy — revenu dans les bonnes grâces — se permit de lui faire la morale, en parlant des ravages de l’alcool et du fléau que c’était pour le Ministère d’avoir à gérer des sorciers ivres, prêts à se dévoiler aux moldus.
Arthur resta silencieux, tout en l’observant attentivement, laissant comme toujours Molly prendre les choses en main.
Quant à Georges, il resta muet lui aussi, perdu dans son monde comme toujours depuis qu’il avait perdu Fred.
Harry eut l’impression d’étouffer, mais il resta silencieux. Il les laissa le traiter comme un enfant et fut soulagé que la colère de Ginny lui permette de respirer un peu. Habituellement, elle se pendait à la première occasion à son cou, essayant de l’embrasser.
Il mangea en silence, n’écoutant même pas le sermon de Molly, puis rejoignit la chambre qu’il partageait avec Ron pour se coucher.
Même s’il ne voulait pas l’admettre, Drago Malefoy lui avait donné matière à réfléchir.
Plus la date de son mariage approchait, plus Harry faisait des cauchemars et dormait mal. Il affichait des cernes impressionnants, et si Ron lui jetait des regards inquiets, Molly lui tapotait l’épaule en lui assurant de ne pas s’inquiéter que son mariage serait parfait.
Il était retourné sagement chez madame Guipure et avait refusé la robe de velours rouge, choisissant une tenue plus discrète, plus en adéquation avec son caractère. Même s’il en crevait d’envie, il ne demanda pas si Drago Malefoy était venu… il se doutait que son rival d’école était dans la même situation que lui.
Lorsqu’il était rentré au terrier, Molly avait plissé le nez, visiblement déçue de son choix de robe pour la cérémonie, et elle s’était dirigée vers la cuisine à grands pas. Ginny avait été moins discrète, lui reprochant d’avoir pris un vêtement de deuil pour son mariage avant de fondre en sanglots.
Ron avait roulé des yeux et avait marmonné que sa sœur devenait cinglée avec cette histoire de mariage. Harry n’avait pas répondu, indifférent.
La veille de la cérémonie, Harry eut l’impression qu’il ne survivrait jamais jusqu’au lendemain. Son cœur battait à toute allure alors qu’il prenait conscience qu’il était piégé. Il se glissa silencieusement dans le jardin, levant la tête pour regarder les étoiles, essayant de se calmer.
Après tout, il connaissait les Weasley depuis son arrivée dans le monde magique. Ginny était une gentille fille, bien qu’un peu autoritaire parfois… il finirait probablement par l’aimer réellement. Et puis, il verrait souvent Ron, ou George.
Une petite voix lui rappela que Ginny voulait des enfants, très rapidement. Son souffle se coupa, horrifié. Il avait souhaité une famille de tout son cœur, mais il n’était pas vraiment certain d’être prêt à avoir un bébé. Il n’était même pas certain de vouloir toucher Ginny de cette façon, la voyant plus comme une petite sœur que comme la femme qui allait partager sa vie. Toute sa vie.
Il suffoquait presque lorsqu’une main se posa sur son épaule, le faisant sursauter. George lui sourit, tristement.
— Harry. Ça va ?
Aussitôt, il se redressa, essayant de cacher son mal-être au mieux. Puis, il haussa les épaules et marmonna, en détournant les yeux.
— Juste un peu… stressé.
George s’installa près de lui tranquillement. Puis, il murmura, sans regarder Harry.
— Juste avant son mariage, Bill était stressé. Il a fait comme toi, il est venu dans le jardin. Avec Fred… avec… enfin, on l’a rejoint et on a discuté une partie de la nuit.
Harry resta silencieux, attendant la suite. George marqua une pause puis reprit.
— Bill était stressé. Nerveux. Mais impatient et heureux. Toi… tu es en train de mourir de l’intérieur Harry. Crois-moi, je sais à quoi ça ressemble. Je vois le même regard à chaque fois que je nous… me vois dans un miroir.
Une larme roula sur la joue de Harry.
— J’aurais voulu le sauver.
George laissa échapper un rire triste.
— Idiot. Fred serait furieux de t’entendre dire ça. Il… On savait tous les deux ce qu’on risquait… C’est juste qu’on ne pensait pas être séparés.
Harry chuchota, ouvrant enfin son cœur à quelqu’un.
— J’aurais dû mourir. Je devais… je devais le laisser me tuer. Il y avait cette chose en moi, ce morceau d’âme avec lequel il m’avait marqué. Je devrais être heureux d’avoir réussi, mais… je suis juste déçu d’avoir survécu encore une fois.
George soupira.
— J’ai voulu rejoindre Fred. Plusieurs fois. Et puis, chaque fois, il suffisait que je voie mon visage dans un miroir pour imaginer ce qu’il dirait. Il voudrait que je vive pour nous deux, que… je continue nos rêves. C’est bien plus compliqué. Il me manque, j’ai l’impression d’avoir été coupé en deux. Nous n’avions jamais été séparés, tu sais ?
Une larme roula sur la joue de George et Harry resta silencieux, le laissant poursuivre. Finalement, le jumeau survivant reprit.
— J’ai trouvé ma raison de vivre. Il est là, avec moi, en permanence. Si… si j’abandonne, ça serait comme le tuer encore une fois. Comme… lui tourner le dos.
Maladroitement, Harry attira George dans ses bras, horrifié de se rendre compte de ce qu’il avait traversé seul.
George lui ébouriffa affectueusement les cheveux, souriant malgré ses larmes.
— Fred me hurlerait dessus de t’avoir abandonné, tu sais, et il aurait raison.
Harry sursauta et cligna des yeux, incrédule.
— De quoi tu parles ?
George lui sourit avec affection.
— Harry… Tu es celui qui nous a permis de réaliser notre rêve. Tu nous as… aidé et encouragé, bien plus que n’importe qui d’autre. Tu as cru en nous. Quoi que tu puisses dire, c’était un cadeau merveilleux.
— Mais c’était juste…
George le coupa en reprenant tranquillement.
— Quoi que tu puisses dire, c’était incroyable de ta part.
Gêné, Harry soupira.
— Tu ne m’as pas abandonné.
— Harry. Tu n’es pas heureux. Tu n’es pas stressé pour ton mariage, tu es désespéré.
Harry s’empourpra, honteux d’être percé à jour. Cependant, George n’avait pas l’intention de lui faire le moindre reproche.
— Le jour où tu as bu, que s’est-il passé ?
Harry ferma les yeux et commença à parler, murmurant à peine. C’était George et il avait totalement confiance en lui. Alors, il lui raconta la rencontre de Malefoy, leur interaction cordiale, leur conversation. Il lui raconta comment ils s’étaient avoué qu’ils n’avaient aucune envie d’épouser leurs fiancées respectives, puis l’ultimatum de Malefoy.
George laissa échapper un rire moqueur.
— Il est malin, ce petit serpent… Tu vas faire quoi ?
Harry soupira.
— Il ne changera pas d’avis. Tu veux que je fasse quoi ? Je ne vais pas… abandonner Ginny pour l’aider, ta famille ne me pardonnerait pas.
Immédiatement, George redevint sérieux.
— Tu as juste peur de décevoir ma famille, Harry ? C’est uniquement pour ça que tu as accepté de te marier ? Je ne t’ai jamais entendu le dire vraiment, alors sois honnête s’il te plaît. Veux-tu réellement épouser Ginny et passer ta vie près d’elle ?
Harry resta silencieux. Il n’arrivait pas à assurer qu’il voulait de ce mariage, tout en refusant d’avouer ses véritables sentiments. Comment pourrait-il dire à Geroge qu’il n’aimait pas sa petite sœur ?
Son absence de réponse sembla suffire au jeune homme puisqu’il grogna.
— Idiot.
Harry se tendit, mais George ne le laissa pas fuir.
— Harry. Personne ne t’en voudra si tu n’épouses pas Ginny. Bon… Ginny va être furieuse et maman aussi, parce qu’elle a tout organisé, mais… elles comprendront ! Tu ne peux pas juste te sacrifier comme ça pour nous faire plaisir !
— Mais c’est…
— Tu sais quoi ? Tu vas aller Square Grimmaud ou dans un hôtel, peu importe, et tu vas te reposer et réfléchir sérieusement. Si tu aimes réellement Ginny et que c’est ce que toi tu veux, tu reviendras te marier. Si tu as le moindre doute, la moindre hésitation, reste où tu es et je me charge de leur expliquer.
Sans réfléchir, Harry marmonna en haussant les épaules.
— C’est trop tard, Malefoy doit être marié maintenant.
George ricana.
— Tu as encore le temps de le sauver, ton serpent, son mariage est aussi demain. C’était dans la Gazette.
Harry rougit légèrement et tenta de protester, mais George insista, terriblement sérieux.
— Cette guerre… beaucoup sont morts, Harry. Tous ceux qui ont donné leurs vies l’ont fait pour un avenir meilleur. Tu es en vie et tu as durement gagné le droit d’être heureux.
Une larme roula sur la joue de Harry, puis une seconde. Voyant qu’il était proche de craquer, George l’enlaça.
— File au Square. Je me charge de t’envoyer tes affaires.
Harry le serra de toutes ses forces dans ses bras et le remercia d’une voix rauque. Il s’éloigna ensuite, prêt à transplaner, mais George le retint une seconde avec un large sourire.
— Oh et j’ai hâte de lire dans la presse le scandale que tu vas provoquer en venant au secours d’un pauvre petit serpent perdu…
Harry s’empourpra violemment, mais n’émit pas la moindre protestation, se contentant de transplaner.
George secoua la tête avec un sourire, imaginant le rire de Fred… Puis, il se retourna et murmura avec un demi-sourire.
— Ça fait longtemps que tu es là ?
Sa mère sortit de l’ombre, les joues baignées de larmes. George la prit dans ses bras et Molly renifla, l’air perdu.
— Je croyais l’aider. Je… je n’ai rien vu !
— M’man… Harry est doué pour… pour faire plaisir aux gens. Il est incapable d’être égoïste et il voulait te faire plaisir.
— J’aurais dû voir qu’il n’allait pas bien ! Mais je pensais qu’il serait moins triste après avoir épousé Ginny. Il n’a jamais protesté…
George ricana, moqueur.
— M’man. Quand il n’a pas voulu partager sa chambre, tu aurais dû te douter de quelque chose… Aucun adolescent normalement constitué ne refuserait de tripoter un peu la fille qu’il aime…
Molly lui donna une légère tape sur l’arrière du crâne en rouspétant, souriant malgré tout au travers de ses larmes. Puis elle soupira.
— Bien. Je vais annuler tout ça. Même si Harry revient, je veux que cette fois il choisisse ce qu’il aime.
George serra sa mère dans ses bras, soulagé.
*
En arrivant square Grimmaud, Harry avait regardé autour de lui, un peu perdu. C’était si silencieux qu’il n’osait pas bouger…
Il ferma les yeux et sentit ses muscles se détendre alors qu’il savourait le calme. George lui avait dit de réfléchir, mais il se rendit compte que sa décision était prise.
Il rejoignit la chambre de Sirius pour se reposer quelques heures, émotionnellement épuisé. Il pensait qu’il aurait du mal à s’endormir, mais lorsque sa malle apparut dans le salon, il était déjà profondément assoupi.
Le lendemain matin, Harry s’éveilla avec le sentiment de revivre. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, il avait pris une décision et il avait un plan d’action.
Il passa sous la douche, longuement, savourant le jet d’eau brûlante. Il perdit un temps fou à discipliner ses cheveux. Somme toute, il se rendait à un mariage, alors il se devait d’être présentable.
Il enfila sa robe de cérémonie noire, toute simple, avant de s’examiner d’un air sérieux dans le miroir. Il y aurait probablement des photos de prises et il ne voulait pas qu’on puisse un jour critiquer sa tenue.
Enfin, déterminant qu’il était prêt, il ferma les yeux pour se donner un peu de courage. Il avait conscience que sa vie était sur le point de basculer, et un bref instant, il douta de sa décision.
Son caractère de Gryffondor refit surface cependant, et il sortit de square Grimmaud pour transplaner. Après tout, il était malpoli d’arriver en retard à un mariage…
*
Un instant, Harry crut être arrivé en retard finalement.
Puis, le silence se fit et tous les yeux se tournèrent vers lui. Harry s’obligea à rester calme, à ne pas se tortiller de gêne et à ne pas grimacer.
Tête haute, essayant de garder un visage neutre, Harry avança lentement. Seuls ses yeux reflétaient ses incertitudes et son malaise d’être ainsi exposé.
Bien qu’il n’aimait pas être au centre de l’attention, Harry était particulièrement satisfait de voir le choc sur les visages autour de lui, alors qu’une fois encore il se montrait totalement imprévisible…
*
Drago ferma un instant les yeux, comme pour se donner du courage. Puis, il se redressa, décidé, sans jeter le moindre regard à sa future épouse. Cette chère Astoria serait probablement furieuse, mais il ne comptait pas lui faciliter la tâche. Il ne l’aimait pas, il ne l’appréciait même pas… et elle allait rapidement saisir qu’il n’était pas du genre à plier.
Cependant, le silence quasi surnaturel autour de lui le fit se retourner, sourcils froncés. Il se retint de se pincer, pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Ses yeux s’écarquillèrent en comprenant ce qui se passait.
Face à face, Harry Potter et Drago Malefoy se dévisageaient, sans un mot, ignorant les sorciers qui les entouraient.
Astoria commença à protester vivement, sans que Drago lui prête la moindre attention. Ce fut suffisant pour pousser Harry à agir. Il tendit la main vers Drago, sans une parole, lui laissant le choix.
Drago n’eut pas la plus petite hésitation. Harry Potter était venu pour lui. Il esquissa un mouvement vers lui, mais Astoria tenta de le retenir, une grimace furieuse déformant ses traits. Il la repoussa machinalement, sans même lui jeter un regard et rejoignit le Sauveur du monde magique. Son sauveur.
Il saisit la main tendue, frissonnant presque lorsqu’ils se touchèrent. Il nota le regard vert malicieux et sut immédiatement ce que Harry allait faire.
L’instant d’après, ils avaient transplané, disparaissant du mariage programmé, laissant le chaos au Manoir Malefoy.
*
Drago rattrapa Harry à l’arrivée, amusé de sa maladresse malgré sa puissance. Puis, toujours sans échanger le moindre mot, il regarda autour de lui, un peu étonné.
Ils étaient dans un cimetière. Cependant, Drago retint une remarque sarcastique en voyant la tombe la plus proche d’eux.
James et Lily Potter.
Levant un sourcil surpris, il dévisagea Harry qui semblait gêné. Ce dernier s’empourpra et se mordilla la lèvre.
— Je ne savais pas trop où aller en fait… Je voulais… enfin… savoir…
Drago l’interrompit avec un léger ricanement, presque affectueux.
— Je ne vais pas te sauter à la gorge, Potter. Peu importe où tu veux aller, je te suis. Je n’ai… nulle part où aller.
Il ajouta rapidement, toutefois avec une légère grimace.
— Cependant, si tu pouvais m’épargner la maison des belettes, je te serais reconnaissant…
Harry gloussa, un peu nerveusement, mais les yeux brillants. Il haussa les épaules.
— Je ne suis pas certain d’y être le bienvenu. En fait, je ne savais pas où aller et je pensais qu’on pourrait… voyager ?
Drago haussa les épaules avec un demi-sourire.
— OK.
Ils échangèrent un sourire et Harry sembla se détendre soudain. Il tourna la tête vers la tombe de ses parents, sans dire un mot. Mal à l’aise, Drago intervint.
— Tu veux voyager où ? Juste en Angleterre ou à l’étranger ?
Harry se mordilla la lèvre avant de souffler, un peu hésitant.
— Peut-être l’étranger ? Au moins, on ne nous connaît pas dans les autres pays. Qu’est-ce que tu en penses ?
Face à l’air surpris de Drago, Harry gloussa, les yeux brillants d’amusement.
— Si tu viens avec moi, tu as le droit de donner ton avis. D’accepter ou de refuser. Tu n’es même pas obligé de rester avec moi si tu ne le veux pas.
Drago roula des yeux et ricana.
— Vu ta propension à te mettre en danger, je préfère rester près de toi et m’assurer que tu ne t’attireras pas d’ennuis…
Ils tendirent leurs mains l’un vers l’autre et leurs doigts s’entrelacèrent. Harry ferma les yeux et les fit transplaner, dans la zone sorcière de l’aéroport de Londres.
Face aux destinations qui s’offraient à eux, ils se chamaillèrent légèrement, avant de tomber d’accord pour un départ aux États-Unis. Le pays était assez grand pour y disparaître et pour y découvrir de nouveaux paysages. Personne n’irait les chercher sur un autre continent, après tout.
Juste avant de monter dans l’avion, Harry posa la question qui lui brûlait les lèvres.
— Si je n’étais pas arrivé… Tu l’aurais réellement épousée ?
Drago baissa la tête, un peu mal à l’aise. Puis il grimaça.
— Oui. Sans toi, je n’avais aucune raison de tourner le dos à ma famille… ce qu’il en reste.
Les yeux de Harry brillèrent et il hocha la tête.
— Alors je suis content d’être venu finalement.
Leurs regards s’accrochèrent longuement, jusqu’à ce que Harry rosisse légèrement et détourne le regard. Cependant, leurs mains ne s’étaient pas lâchées et ils avancèrent ensemble vers l’enregistrement des passagers.
Un sort de confusion plus tard, ils avaient une place dans le premier vol à destination des États-Unis.
Ils partaient sans aucun bagage, fermement décidés à profiter d’un nouveau départ. Ils avaient du mal à se détourner de l’autre, mais Harry ne s’en inquiétait pas vraiment. Après tout, Drago Malefoy avait toujours été présent depuis ses onze ans. Il était le premier garçon sorcier de son âge qu’il rencontrait, son premier rival, celui qu’il avait surveillé toutes ces années. Il était celui qu’il n’avait pas pu protéger, celui qu’il avait failli tuer et enfin celui qu’il avait sauvé.
C’était logique que ce soit avec lui qu’il entame une nouvelle partie de sa vie…
Lorsque l’avion s’ébranla, leurs mains se cherchèrent et se nouèrent à nouveau. C’était la première fois qu’ils prenaient l’avion après tout, et la présence de l’autre les rassurait.
En voyant l’Angleterre s’éloigner, Harry sut qu’il reviendrait un jour, au moins pour faire la paix avec son passé. Et il sut qu’il ne serait pas seul, que Drago serait à ses côtés. Il ignorait quelle relation ils auraient à l’avenir, mais il était impatient de le découvrir. Surtout parce qu’aux côtés de Ginny, jamais son cœur n’avait battu aussi fort. Jamais il ne s’était senti aussi vivant et aussi apaisé…
Drago ne le ménagerait pas. Il le pousserait dans ses retranchements, il exigerait de lui des concessions constantes. Comme lui le ferait.
Souriant, Harry soupira et posa sa tête sur l’épaule de Drago tranquillement. Son compagnon de voyage maugréa et pesta, se plaignant de ses cheveux trop longs, mais il l’empêcha de se relever, l’obligeant à s’installer plus confortablement, presque dans ses bras.
Somnolant, Harry songea que Drago était parfait pour lui. Sans ces mariages avortés, il ne l’aurait probablement jamais su… Alors il nota dans un coin de son esprit qu’il devrait envoyer une carte postale à George, pour le remercier de son aide inestimable.