Oniromancie

Chapitre 3 : L'invitation

3695 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/11/2020 14:08

Je vis une main baguée, tendue vers moi amicalement. Mes yeux bleus nouvellement acquis remontèrent le long du bras auquel la main appartenait. Au bout de ce bras, de cette épaule et de ce cou, Jedusor me proposait de m'aider à me relever, l'air engageant. Mais... Il était par terre une seconde plus tôt! Comment avait-il pu se relever en un clignement des yeux ? Abasourdie, je contemplai sa main comme si un dilemme d'une extrême difficulté s'offrait à moi : l'accepter ou ne pas l'accepter. Sous le regard insistant de Amy, je l'acceptai et me retrouvai enfin dans une position plus décente que sur le postérieur.

-Merci, murmurai-je, mal à l'aise.

J'avais beau avoir affaire au plus grand mage noir anglais du XXème siècle, à un tueur sans scrupules incapable d'aimer, je lui trouvais un air sympathique et mystérieux, d'autant plus qu'il était très beau. Il le disait lui-même, il avait toujours eu le don de séduire les gens quand il le voulait et cette image qu'il se donnait paraissait si réelle ! Cependant, si on observait attentivement et objectivement, il y avait dans ses yeux sombres un éclat de cruauté et de malfaisance qu'il ne pouvait pas cacher : son âme.

-Bonjour Kenneth, dit-il en souriant. Bonjour Amelia.

-Bonjour, couina Amy qui devint rose vif.

Elle se tourna vers moi et s'empressa de redresser mon insigne de préfète.

-Qu'est-ce qu'il t'a pris de tomber comme ça ?

Sa voix étrangement aigue avait un ton de reproche que je ne lui connaissais pas. Stupéfaite, je me tournai vers Jedusor, qui affichait à présent une expression neutre et polie.

-Mais... Mais...

Tais-toi Edith, Jedusor les a sûrement Oublietté, ainsi que toi. Maintenant arrête de penser. Jedusor est un Legilmens, il est peut-être déjà dans ta tête. Ne pense à rien. Ne pense à rien. Ne pense à rien. Ne pense à rien. Mais ne pense pas au fait de ne penser à rien, ça paraît plus suspect encore !

-Non rien, déclarai-je prestement. J'ai dû glisser... Je... Désolée...

-Rien de bien grave ? Tant mieux, dit le garçon qui accompagnait Jedusor. Je te cherchais.

Grand et filiforme, il aurait pu être beau s'il n'avait pas eu une coupe de cheveux... aussi... nulle... Il avait de petits yeux noisettes et un visage pointu à la Malefoy. Bref, un vrai visage de Mangemort.

-Moi ? demandais-je bêtement.

-Bonjour Connor, dit Amy en se raclant la gorge.

-Bonjour, répéta-t-il à mi-voix.

QUOI ? C'était lui, Connor Rosier ? C'était lui le fiancé de Lacerta ? Mais il est pas du tout mon style !

-Euh... Eh bien, je suis là, maintenant, balbutiai-je.

Tom Jedusor sortit un rouleau de parchemin de son sac et me le tendit.

-Le préfet-en-chef m'a chargé de prendre des notes pour toi. Je sais que tu n'y étais pour rien, mais il serait préférable que tu ne manques pas la prochaine réunion...

-Je sais, soupirai-je en prenant le parchemin du bout des doigts, comme s'il était imprégné de magie noire. Shacklebolt me l'a gentiment fait remarquer. Merci, en tout cas...

-Il n'y a pas de quoi. Viens Amelia, laissons Kenneth et Rosier en tête à tête.

Noooon ! Me laissez pas toute seule avec lui !

Le visage de Amy passa du rose brillant au rouge vif. Elle poussa un couinement discret, hocha frénétiquement la tête et suivit Tom Jedusor d'un pas bondissant. Rosier attendit de ne plus les voir pour prendre la parole :

-Je suis passé te voir à l'infirmerie, hier, mais tu dormais...

-Oui, il m'est arrivé un tr...

-Et j'étais occupé à d'importantes affaires quand tu t'es réveillée, c'est pour ça que je ne suis pas allé te souhaiter un bon rétablissement lors du repas.

-Oh, ce n'est pas gra...

-Bref, je te cherchais pour te parler du mariage de Lucretia Black.

Je n'en croyais pas mes oreilles. Non seulement Connor Rosier ne cessait de me couper la parole, mais il ne se souciait pas le moins du monde de ce qui avait bien pu arriver à sa fiancée pour qu'elle finisse à l'infirmerie. Au lieu de cela, il blablatait sur une alliance de Sang-Pur. Pour un futur mari, il n'était pas du meilleur choix !

-Mmh ? marmonnai-je en fronçant les sourcils.

Je me contentai d'un bruitage, pour être sûre de ne pas être coupée en plein élan.

-Ce mariage est très important, reprit Rosier. La famille Black n'a pas été liée à la famille Prewett depuis maintenant deux siècles. Toutes les familles de Sang-Pur sont invitées, hormis, bien évidemment, cette vermine de Weasley.

Il s'arrêta, surpris pas la soudaine quinte de toux dont je fus secouée, suite à son insulte sur les Weasley. S'il y avait une seule famille dont il ne fallait pas dire de mal devant moi, c'était bien celle de Fred et George.

-Je disais donc, continua Rosier avec légèrement moins d'assurance, que Lucretia Black va se marier à Ignatus Prewett. La date a enfin été fixée à la semaine prochaine et j'ai justement reçu les invitations ce matin.

Il me donna une lettre cachetée sur laquelle était écrit:

Connor Rosier et Lacerta Kenneth

Poudlard

La lettre, qui avait déjà été ouverte, était à nos deux noms. Comme si, aux yeux de la communauté des Sang-Pur, Lacerta et Rosier étaient déjà mari et femme.

-Comme tu es ma fiancée et la seule Kenneth encore au Royaume-Uni, tu es priée, si ce n'est suppliée de venir. En parlant de ça, tu féliciteras ton père de ma part pour son élection à la Confédération Internationale.

Je hochai la tête, la bouche ouverte, ce qui devait donner au joli minois de Lacerta un air particulièrement stupide. Ce que m'avait dit Rosier sur le père de Lacerta expliquait maintenant pourquoi je restai à Poudlard pour ces vacances.

-Amy en a reçu une, elle aussi ? demandai-je alors.

J'avais peut-être très envie de me rendre dans un mariage de sorciers (surtout d'après ce qu'en disait Les Reliques de la Mort) mais je ne me sentais pas vraiment de me retrouver plongée dans une foule d'inconnus méprisants les Moldus (c'est-à-dire la vraie moi) sans personne sur qui me rabattre quand on viendrait vers moi aborder des sujets auxquels, malgré mes connaissances de Potterhead, je ne comprenais pas. À mon grand soulagement, Rosier acquiesça.

-Évidement! N'ai-je pas dit tous les Sang-Pur ? Vol... Jedusor doit être en train de la lui donner en ce moment même. Lui aussi est invité, bien sûr.

Il eut un petit rire suffisant que je traduis par : "Quel idiot de Sang-Pur songerait à ne pas inviter l'héritier de Serpentard à son mariage ?" À noter également que Rosier avait failli appeler Jedusor par le nom qu'il s'était donné. Le temps d'associer Tom Jedusor à Voldemort et Voldemort aux Horcruxes, l'image d'une main baguée qui m'avait secouru quelques minutes plus tôt me revint à l'esprit, aussi nette qu'à travers une Pensine. Je chassais de mon crâne l'image de la bague des Gaunt et de tous les meurtres qu'elle représentait. Je devais être la moins suspecte possible.

-Nous serons de retour pour Noël ? l'enquis-je.

-Tout est dans la lettre, répondit Rosier, d'une voix indifférente.

D'accord... Merci...

-La lettre dit aussi quand et où se rendre ?

-Il ne faut se "rendre" nulle part. On viendra nous chercher dans une délégation. Lis la lettre, elle répondra mieux à tes questions que moi.

Durant quelques secondes, je restai immobile et hésitante. Je ne savais pas vraiment s'il fallait que je la lise devant lui ou que je prenne congé. Heureusement, en tant que grand type super louche et ultra distant, Rosier décida de me dire au revoir en premier.

-Eh bien, voilà, c'est fait. Tu as tout ce qu'il faut, donc à tout à l'heure, Lacerta.

-Au revoir, Connor.

Sur ce, Rosier retourna vers l'escalier qui menait à la salle commune de Serpentard dans un tourbillon de cape. Je retrouvai Amy et Jedusor dans la salle des trophées. Ils marchaient, l'un à côté de l'autre, discutant comme de bons amis. Enfin, c'était surtout Amy, dont les joues avaient à peu près regagnées leur couleur naturelle, qui parlait tandis que Jedusor se contentait d'écouter et de répondre à ses questions de la manière la plus neutre et juste possible.

-Serdaigle et Serpentard sont des maisons très proches dans leur façon de penser, disait Amy. L'intellect à une très grande place dans le choix des élèves. Quand les Serdaigle ou Serpentard se lancent des défis, ils ont souvent un lien avec la réflexion et l'agilité de l'esprit. Tandis que les Gryffondors testerons beaucoup plus leurs aptitudes physiques, par exemple.

-Je suis d'accord, répondait Jedusor avec un ton aimable et compréhensif. Les énigmes sont vraiment ce qui connecte Serdaigle et Serpentard.

Il ne faisait que répéter ce que venait de dire Amy, mais le ton qu'il employait et la manière qu'il avait de s'exprimer donnait l'impression qu'il venait de dénicher un nouveau point commun.

-Hum-Hum, intervins-je dans une imitation si parfaite de Dolores Ombrage que j'en vins, pour la première fois de ma vie, à regretter qu'elle n'existe pas encore, Jedusor et Amy ne pouvant pas comprendre la référence...

-Lacerta ! s'exclama Amy. Connor t'as dit pour le mariage ?

-Oui.

-Tu te rends compte ? Lucretia Black qui se marie déjà! Dire qu'elle était encore à Poudlard l'année dernière, dire qu'elle n'a que deux ans de plus que nous ! Tu imagines ? Ça veut dire que dans deux ans c'est à ton tour, à toi !

Oh, joie ! J'avais beau envie de donner des claques à la véritable Lacerta, personne ne méritait d'épouser un homme aussi peu empathique et démonstratif que Connor Rosier, d'autant plus qu'elle avait de puissants pouvoirs magiques et une longue vie devant elle. A quoi bon passer ses ASPICs avec dix matières si c'était pour finir dans une maison, enfermée avec des enfants, sans même pouvoir s'occuper à la nettoyer puisque les elfes de maisons s'en chargeaient ? Jedusor semblait penser la même chose.

-Ces unions sont indispensable pour la survie du Sang-Pur, cependant, je dois m'avouer un peu surpris : pourquoi les sorcières n'ont-elles pas le droit de travailler, comme les sorciers ? Après tout, le sexe n'a pas de conséquences sur le sang. Une femme de Sang-Pur est tout aussi capable de tenir un combat qu'un homme de Sang-Pur.

Rectification ; il pensait la même chose que moi si on enlevait toutes ces allusions à la supériorité des Sang-Pur... Voldemort avait de nombreux défauts : sadique, cruel, insensible, mégalo, égocentrique, colérique, haineux, et j'en passais. Oui, on pouvait le qualifier de tout ça. Mais il était loin, très loin, malgré la mentalité de son époque, d'être sexiste. Il suffisait de regarder qui était son premier lieutenant.

Rien que pour ça, chapeau, Voldy. Maintenant, arrête de torturer ce Né-Moldu.

-Oh, je ne sais pas, avoua Amy, les murs, peut-être...

-Il y a peut-être du bien dans les traditions, mais parfois, il ne faut pas hésiter à innover.

Mille Gorgones ! Jedusor citait de l'Ombrage ! Cette femme était le diable avant même sa naissance ! Amy réfléchit un cours instant à ce qu'il venait de dire et acquiesça.

-Tu as raison, Tom, finit-elle par dire. La sorcière mérite plus que le rôle qu'on lui impose.

-D'autant plus que cette mentalité est beaucoup trop proche de celle des Moldus, ajoutai-je avec douceur.

Pour moi c'était le féminisme d'abord et la défense des moldus après. Jedusor sembla d'autant plus convaincu par cet argument. Si je lui avais dit que les Moldus adoraient les chauves sans nez, aurait-il eu une apparence différente dans le futur ?

Je pris congé d'eux aussi sous les regards insistants de Amy. Ce fut à la bibliothèque (et quelle bibliothèque !) que j'ouvris la lettre d'invitation, passant outre des notes de Jedusor sur la réunion des Préfets.


***

Il y avait tout d'abord Poppy Xian. C'était une jeune fille aux sombres yeux bridés cerclés de grosses lunettes aux verres fins et aux montures d'acier. Ses cheveux coupés courts rebiquaient çà et là en épis autour de sa tête. Sa haute taille et sa beauté froide la rendait presque intimidante. Elle portait, en guise de vêtements, un legging rayé, des Rangers trois fois trop grandes et un tee-shirt long décoré d'un Sombral, qu'elle avait fait elle-même. Poppy était une fille très distante mais tout aussi perspicace et intelligente. C'était également une artiste que l'on ne voyait jamais sans peinture sur les doigts.

Puis venait Tom Rumford. Plus petit que Poppy (mais de peu), il avait toujours cette manie de se gratter la tempe avec l'annulaire quand il voulait objecter. Sa plus grande ambition, avoir un métier très haut placé dans le droit, pouvait parfois tourner à l'obsession. N'ayant pas les facilités de Poppy, passer des heures et des heures à lire et relire ses cours ne le dérangeait pas du tout. Et cela payait par des notes excellentes dans toutes les matières. Sa volonté et son ambition en faisait un élève que Serpentard aurait rêvé d'avoir dans sa maison. Tom, qui portait fièrement le prénom de son idole, avait les cheveux blond foncés et des yeux clairs, des caractéristiques qui, comme la rousseur des Weasley, étaient commune à toute la famille.

La dernière à sortir du bus fut Edith Xavier. Parvati Patil, selon ses deux amis.. Peut-être pour les origines indiennes, ou pour la maison Gryffondor... Ou les deux ? Mais bon, Poppy était chinoise ET à Serdaigle, et pourtant, personne ne l'appelait Cho Chang... Pour toute vérité, Edith aurait aimé être rousse, avec de magnifiques yeux verts. Mais ça allait aussi les cheveux bruns et les yeux marron... Son caractère, elle-même ne savait pas le définir, alors vous croyez que le narrateur va y arriver ?

Poppy étira ses longues jambes et bailla sans grande discrétion, grimaçant à moitié. Elle détestait les transports en communs.

-La prochaine fois, je rentre à pied, décréta-t-elle.

-Mais bien sûr, marmonna Tom dans un ricanement.

Les trois amis prirent la direction d'une grande maison, au coin de la rue, presque entièrement cachée par les arbres de son jardin. La maison de Tom, ou ils allaient passer le reste de la journée

******

Voilà ce que je retins du début lettre : Blabla... Sang-Pur.... Blabla... Honneur... Blabla... Tradition...

Le plus important était dans la suite.

"La cérémonie du mariage sera succédé d'un grand bal masqué, pour ainsi favoriser les rencontres entre les jeunes sorciers.

Une délégation sera envoyée aux invités demeurant à Poudlard le 23 Décembre à 17 heures à l'entrée de Pré-au-Lard.

Vous serez priés de garder cette lettre, qui sera votre gage d'entrée

Votre présence... blablabla..."

Je reposais la lettre avec un grand sourire. Un bal masqué ! J'avais toujours rêvé de participer à un bal masqué ! Soudain, j'aperçus Dumbledore du coin de l'oeil, lisant l'édition journalière de la Gazette du Sorcier.

-Professeur ! l'interpellai-je, en me levant soudainement.

-Chut ! me réprimanda la bibliothécaire.

Dumbledore leva les yeux vers moi et sourit.

-Que puis-je faire pour vous, Edith ?

-Je me demandais, vous savez lire dans les pensées, n'est-ce pas ?

-Excusez-moi ?

-Lire dans les pensées ! Pratiquer la Legilmencie !

-La Legilmencie ne consiste pas à simplement lire dans les pensées, corrigea-t-il d'une voix douce, mais...

-Aller chercher les souvenirs et les émotions chez l'individu visé, complétai-je avec la précision de Hermione Granger. Oui, je sais. Je veux simplement que vous me disiez si vous arrivez à lire... scruter mon esprit.

Je me concentrai sur un souvenir particulièrement neutre qui était le jour où j'avais conduit pour la première fois. Dumbledore eut un sourire indulgent. Se moquait-il de mon souvenir ? C'était un très bon souvenir pourtant !

-Savez-vous de quel bois est fait la baguette de Lacerta ? me dit-il.

Je secouai la tête de gauche à droite, contemplant la magnifique baguette magique de Petite-Peste Kenneth.

-Elle est composée de bois de tilleul argenté. Ce bois ne choisit que les sorciers doués dans les arts de l'esprit. Lacerta est la meilleur Occulmens de tout Poudlard. Meilleure que moi, je dois l'admettre. Lorsque je tente d'entrer dans votre tête, ce que j'ai déjà essayé de faire, je l'avoue, je ne vois rien d'autre qu'un sentiment de paix, qu'elle que soit l'émotion sur votre visage.

Un grand poids disparut de mes épaules. Ainsi, Tom Jedusor ne pouvait pas savoir que j'étais une imposture ! Harry Potter était sauvé ! Le coeur plus léger, je me résignais alors à lire les notes de Jedusor sur la réunion des Préfèts.

********

-Tous les Serpentard ne sont pas diaboliques ! soupira Tom. Pourquoi vous nous diabolisez tout le temps ?

-Voldemort, Malefoy, Bellatrix, cita Edith.

-Slughorn, Rogue, Regulus, répliqua Tom.

-Des exceptions...

-Andromeda Tonks, Alphard Black, l'oncle de Sirius, Merlin. Et puis, tu peux juger ma maison avec tes Queudver et tes Cormac...

-Moi j'ai Quirrell et Lockhart, dit Poppy distraitement.Vous avez vu le chat qui nous suit depuis qu'on est sortis du bus ?

Tom et Edith se retournèrent en choeur. En effet, un siamois les suivait, la queue fouettant les airs, les yeux bleus fixant les trois amis avec intelligence.

*********

-La bleue ou la rose ? demanda Amy en me présentant deux magnifique robe, plus chère à elles deux que la maison des Weasley.

Le mariage était dans deux jours. Nous avions demandé une autorisation spéciale au directeur pour aller acheter nos costumes à Pré-au-Lard. Autorisation qu'il nous avait tout de suite accordé. J'avais tellement serré la main de Amy, lorsque nous avions pénétré dans le village qu'elle avait poussé une exclamation. La bouche ouverte sous mon écharpe d'azur et de bronze, le nez en l'air à contempler les cottages, Amelia s'était retrouvée obligée de me tirer jusqu'à la boutique de prêt à porter Gaichiffon. Même pour moi, qui avait le shopping en horreur, cette boutique était le paradis (d'autant plus que j'avais une bourse bien pleine). Amy avait filé vers les robes à une telle vitesse qu'on aurait dit qu'elle avait transplané.

-La bleue est plus jolie, mais la rose te donne un plus beau teint...

Amy les contempla toutes les deux, puis les reposa avec une moue.

-Je n'arrive pas à choisir, il en faudrait une entre les deux...

-Une violette ? Tu sais, il suffit d'un coup de baguette pour en faire changer une de couleur...

-Changer de couleur ! Très bonne idée !

Elle pointa du doigt une robe sertie de pierres précieuses qui passait lentement du bleu au vert, du vert au jaune, du jaune à l'orange et ainsi de suite. Elle me faisait beaucoup penser aux tenues qu'arboraient les nobles du Capitole, dans Hunger Games. Amy l'attrapa et se précipita vers la cabine d'essayage la plus proche.

-Alors ? demanda-t-elle en sortant de la cabine, quelques instants plus tard.

Je n'avais jamais rien vu d'aussi sublime. On aurait dit un mélange de la Belle au Bois Dormant, à la façon dont sa robe changeait de couleur, et de Blanche-Neige. Elle était si radieuse dans sa robe, que Lacerta devait paraître bien fade à côté.

-Wahou ! m'exclamai-je. Si tu ne la prends pas, tu le regretteras !

-Et bien je la prends ! ria-t-elle.

Elle tournoya, l'air rêveur, sa robe éclatant aux couleurs de l'arc-en-ciel.

-A combien est-elle ? demanda Amy au sorcier vendeur qui avait un profil de Stan Rocade.

-Deux cent, répondit-il, le ton sans âme.

-Gallions ? s'exclama Amy, horrifiée.

Le vendeur haussa les sourcils.

-Vous ne l'imaginez pas vendue à deux cent noises, j'espère ? Cette robe est un modèle unique...

Je ne compris pas pourquoi Amy faisait cette tête-là. D'accord, je n'aurais personnellement jamais payé une robe aussi chère, parce que je ne m'amusais pas à dépenser mon argent dans ce genre de chose. Mais Amy était riche. Puis je me rappelai qu'un Gallion valait environ cinq livres ! Cette robe valait plus de mille livres !!!

-Je n'ai que cent trente Gallions, se lamenta Amy. Je comptais aussi m'acheter le masque...

Le vendeur haussa les épaules, l'air indifférent, et retourna à son travail.

-Je te paye ce qui te manques, décrétai-je.

-Oh, non, tu ne peux pas ! s'affola Amy. Ne dépense pas ton argent pour moi, je trouverais quelque chose de moins cher !

-Surement pas ! m'esclaffai-je.

J'étais bien trop heureuse de dépenser l'argent de cette insupportable Lacerta à ses dépens ! Sans que ne m'y attende, Amy me sera dans ses bras. Rougissant, elle me lâcha et tournoya à nouveau dans sa robe.

-Merci ! Merci beaucoup !

-De rien, lui souris-je.

La robe que je me trouvai était loin d'être aussi fantastique, mais elle seyait parfaitement au teint de Lacerta. Bleue et longue, elle ressemblait un peu à celle de Cendrillon. Je me sentais un peu Cendrillon...

*************

-C'est McGonagall ! s'exclama Tom.

-N'importe quoi, renifla Edith. McGonagall est un chat gris rayé. Allez, ouste, ajouta-t-elle en direction de l'animal.

Mais le siamois ne réagit pas. Il continuait de les regarder, avec du défi dans les yeux lorsqu'il croisait ceux d'Edith. Ce n'était pas sa faute si elle ne les aimait pas ! Ils étaient si diaboliques ! Cependant, il cessa de les suivre et ils purent se rendre tranquillement chez Tom.

Cette nuit-là, Edith ne se rendit pas compte, endormie devant la télévision, qu'on l'observait depuis la fenêtre du salon... C'était un chat, un siamois, plus précisément. Et il avait les yeux bleus...



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