Oniromancie

Chapitre 1 : Le réveil

2616 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/10/2020 21:07

Dans mes draps moelleux, je me réveillai, la lueur du soleil s'infiltrant au travers de mes paupières. Une lumière bleutée m'accueillit lorsque j'ouvris les yeux. J'avais oublié les rideaux d'azur qui entouraient mon lit à baldaquin. 

...

Sauf que je n'avais pas de lit à baldaquin... Et je m'étais endormie sur le canapé la veille...

Avec appréhension, j'entrouvris les lourds rideaux et regardai la pièce dans laquelle je me trouvais. C'était une salle circulaire bleue, de la moquette sombre au plafond marine parsemé d'étoiles. Quatre autres lits comme le mien étaient collés aux murs, chacun séparés par une commode et une fenêtre. Des valises ouvertes, leur contenu gisant un peu partout, donnaient à ce qui semblait être un dortoir un aspect négligé. Au pied de mon lit en revanche, le sol était propre et paraissait même plus clair qu'ailleurs. Je me levai et considérai le pyjama dans lequel j'étais : Une robe de nuit carrément vieillotte, d'un beige monotone, qui aurait été au top de la mode si j'étais venue des années cinquante. Je ne l'avais jamais vu avant. Face à cette situation étrange, je déduis que je faisais un rêve.

La fenêtre qui se trouvait à la droite de mon lit donnait sur des montagnes, aux arbres dénudés, couvertes d'une neige qui brillait comme une rivière de diamant. Des hiboux volaient bas, près d'une volière qui semblait pouvoir tomber en ruine n'importe quand. Une personne en sortit, vêtue d'une longue cape noire qui, soudain, regarda en ma direction. Affolée, je fis un bond en arrière et atterrit sur une boule de verre qui se brisa sous mon poids. Ce fut un vacarme assourdissant lorsque je criai de douleur.

Au travers de la porte en bois massif, j'entendis une multitude de pas de et chuchotement avant qu'elle ne s'ouvre à la volée.

Du calme, ce n'est qu'un rêve.

Cette pensée me permit de ne pas prendre mes jambes à mon cou lorsque deux jeunes filles apparurent devant moi. L'une avait le trait délicat, le teint parfait et une cascade de cheveux noirs qui lui tombaient jusqu'aux hanches. L'autre – peut être était-ce dû à sa mâchoire forte et son air renfrogné – paraissait très masculine et peu gracieuse à coté. On eut dit que j'avais affaire à Blanche-Neige et Grincheux.

-Oh mon Dieu ! s'exclama Blanche-Neige en se précipitant vers moi. Tu ne t'es pas fait mal ?

Elle m'aida à me relever avec une force impressionnante pour son petit gabarit.

-Olive Hornby va crier quand elle va voir que t'as cassé son Rapeltout, se moqua Grincheux en désignant l'endroit où j'avais atterrit.

-Je crois que Olive a des affaires plus importantes à régler qu'un Rapeltout, Sharon, répliqua Blanche-Neige en levant les yeux au ciel.

-Ouais, tu m'étonnes, ricana Sharon en imitant des lunettes avec ses doigts.

Blanche-Neige lui lança un regard meurtrier et reporta son attention sur moi avec des manières presque maternelles.

-Que c'est-il passé ?

-La fenêtre... répondis-je après un long moment de silence. Il y avait quelqu'un qui me regardait par la fenêtre...

-D'où venait-il ? Comment était-il ?

Derrière elle, Sharon leva les yeux et sortit un bout de bois de la poche de sa robe.

-Il... il venait de la volière ... balbutiai-je... Et il portait une longue cape noire... Comme dans les films d'horreur...

-Lacerta, c'était un élève, soupira Sharon en levant les yeux une nouvelle fois. Reparo ! ajouta-elle en brandissant son bout de bois sur le verre cassé.

Le verre se matérialisa à nouveau en une sphère transparente dans laquelle se mouvait une fumée blanchâtre. J'écarquillai les yeux de surprise. Un rêve sur Harry Potter ? Cool ! Ça expliquait la cape noire, les hiboux, les lits à baldaquins et le Rapeltout. Mais était-ce moi ou cette Sharon m'avait appelé Lacerta ? Était-ce courant de changer de nom dans un rêve ?

-Qu'est-ce qu'un « film d'horreur » ? demanda Blanche-Neige.

-Je crois que Lacerta ne s'est pas remise de sa chute, Amy.

Bon, j'avais maintenant le prénom des deux filles.

-C'est un rêve sacrément cool, mais vous n'êtes pas obligées de m'inventer un prénom, dis-je en lissant mon affreuse robe. Vous pouvez m'appeler Edith, ou Eddie, comme tout le monde. On est où dans Poudlard ?

Les deux amies froncèrent les sourcils. Amy tenta même de me prendre la température de la paume de sa main.

-On est dans la tour de Serdaigle, Lacerta, tu es sûre que ça va ? Tu t'es pris un coup sur la tête ? Tu veux aller à l'infirmerie ?

-Pourquoi Eddie ? marmonna Sharon. C'est encore un secret bizarre entre toi et ton fiancé ?

-Non, c'est mon prénom, répliquai-je, déçue d'avoir atterrit à Serdaigle, bien que ma déception fut de courte durée. J'ai un fiancé ? Qui est-ce ?

D'un accord commun et silencieux, Amy et Sharon me prirent chacune par un bras.

-Ça suffit, on t'emmène à l'infirmerie, décréta Amy.

Je me laissai emporter par les deux sorcières qui me menèrent à une salle plus grande qui ressemblait exactement à la description faite de la salle commune de Serdaigle dans les Reliques de la Mort mais sur le seuil de la sortie, Amy stoppa net.

-Quoi ? grogna Sharon.

-On ne peut pas l'emmener comme ça...

-Comment ?

Amy désigna ma tenue, l'air embarrassée. De tout évidence, on ne pouvait pas traîner en tenue de nuit dans un château rempli de sorciers et de courants d'air.

Elle ne formula même pas le sortilège que je me retrouvais dans une robe noire semblable aux leurs et dans des petits souliers vernis.

Il y avait beaucoup de chemin à faire entre la salle commune de Serdaigle et Mme Pomfresh, ce qui me laissa le temps de les questionner, même si mes questions leur donnaient de plus en plus envie de presser le pas.

-Je n'ai jamais entendu parler de vous. Vous n'êtes pas des personnages importants, si ?

-Pardon ?! s'étrangla Sharon.

-Votre nom n'est mentionné nulle part ! Je n'ai jamais noté le nom d'une certaine Amy...

-Blackthorn.

-Ou d'une certaine Sharon...

-Ackney. Bon ça suffit, où veux-tu en venir ?

J'y réfléchi moi-même un instant. Puis j'en vins vraiment au fait.

-Savez-vous qui est Harry Potter ? enquis-je.

Amy secoua la tête.

-Les Potter sont une famille de Sang-Pur très respectable et respectée, mais aucun d'entre eux ne s'appelle Harry...

Ah ? Harry Potter n'existait pas dans ce rêve ? Pour un monde de Harry Potter, le fait que Harry Potter n'existe pas était drôlement étrange.

-Et Hermione Granger?

Elles secouèrent la tête.

-Peut être James Potter alors ?

À mon grand dam, elles secouèrent à nouveau la tête de dénégation. En boudant (parce que je n'avais pas plus le droit aux Maraudeurs qu'au Trio d'Or) je demandai :

-Mais on est en quelle année ?

-Lacerta, qu'est ce que cette question ? dit Amy de la voix d'une maman qui disputerait son enfant.

On ne peut plus sérieuse, je réitérai ma question et Sharon me répondit :

-On est en pleine guerre, Miss. Et puis 1943 c'est pas difficile à retenir, si ?

Outch ! Je n'étais pas prête de voir les Maraudeurs s'ils ne naissaient pas avant vingt ans ! Ma robe de nuit me parut soudain plus moderne. Lorsque l'information atteint enfin vraiment mon cerveau, il se mit à tourner à cent à l'heure. Seconde Guerre Mondiale, Churchill, Hitler, débarquement... Puis il fit remuer des pensées beaucoup moins plongées dans la réalité de mon monde. Grindelwald, Dumbledore, Reliques de la Mort, Chambre des Secret, Basilic, Tom Jedusor, Tom Jedusor, Tom Jedusor... Oh mon Dieu ! Tom Jedusor était élève à Poudlard en 1943 ! Il devait avoir quoi, seize ans ? Par Merlin !!! J'allais peut-être voir Voldemort à mon âge !!! Quel rêve fantastique !!! Je m'empressai d'en parler à Amy et Sharon – mais surtout Amy.

-Et Tom Jedusor ? fis-je avec un sourire en coin. Vous connaissez Tom Jedusor ?

Sharon éclata d'un rire presque féroce et Amy rougit jusqu'à la racine des cheveux. Je compris tout de suite. La pauvre. Être amoureuse d'un mage noir en devenir qui n'avait d'affection que pour lui-même ne devait pas être facile tout les jours.

-Alors tu as oublié qui on était, par contre tu n'as pas oublié ce parfait petit premier de la classe ! s'exclama Sharon.

C'était perturbant d'entendre ce genre de phrase de la bouche d'une Serdaigle. Toujours d'un rose soutenu, Amy lui donna une tape légère sur le biceps.

-Tom Jedusor est un garçon tout à fait remarquable, défendit-elle d'une voix fluette. Il est intelligent, poli et charismatique et il est toujours là quand les professeurs ont besoin de lui !

-Ou l'inverse, marmonnai-je si bas qu'aucune ne m'entendit.

-Et il est surtout très bien fait de sa personne, ajouta Sharon. Parce que tu peux être intelligent, poli et charismatique, si tu es moche ça ne te sers à rien... (Elle se mit à battre des paupières et à passer sa main dans ses cheveux courts dans une caricature intemporelle de l'adolescente transie.) Qu'il est beau avec sa peau aussi blanche que celle d'un cadavre ! Et le noir de ses cheveux ferait pâlir un Détraqueur ! Vous ai-je parlé de son regard ? Il est si sombre qu'il absorbe votre âme quand vous le croisez ! C'est tellement romantique...

J'éclatai de rire face à une Amy blessée dans son amour propre.

-En attendant, c'est lui qui a sauvé l'école du monstre qu'elle renfermait, l'année dernière. Du monstre qui a tué Myrtle Warren. Et qui aurait tué encore plus de personne s'il n'était pas intervenu. Tom Jedusor est un héros, et vous ne pouvez rien dire là-dessus !

Moi, en tant que Eddie Xavier, Moldue Potterhead de seize ans s'étant endormit la veille devant la télé de son appartement à Glasgow, je le pouvais, et j'avais des preuves. Mais si ce personnage de mon rêve voulait être amoureuse du méchant ultime de ma saga préférée, libre à elle. Sa petite tirade m'avait informé que j'avais raté le meilleur. La Chambre des Secrets avait déjà été ouverte et refermée, Mimi Geignarde était déjà morte et Hagrid déjà viré... Je pus aussi en déduire à la neige sur le rebord des fenêtres que les vacances de Noël n'allaient pas tarder... Je me retins de rire à cette dernière information, si futile.

De tout ce que je savais sur le jeune Voldemort en 1943, c'était qu'il était déjà sur la voie des Horcruxes, qu'il avait tué son père et ses grands-parents, mit ça sur le compte de son oncle et récupéré la bague des Gaunt (qui était en fait la Pierre de Résurrection, mais chuuut !). C'était un excellent Legilmens et le plus brillant manipulateur de tout le siècle. Il adorait voler des objets et récolter des secrets pour les retourner contre les gens. Vraiment pas le genre de personne à croiser lorsqu'on connaît son histoire de sa naissance à sa mort, en passant par sa première « mort » et sa deuxième « naissance » ...

Nous arrivâmes enfin à l'infirmerie après avoir descendu sept étages et traversé la moitié du château. Une femme d'un âge mûr nous accueilli. Son air était un peu sévère. La chronologie de mon rêve rendait impossible le fait qu'il s'agisse de Madame Pomfresh, ce que confirma Amy lorsqu'elle dit :

-Bonjour Madame Whisp.

-Bonjour jeunes filles... Qu'est-ce qui vous amène ?

-C'est Lacerta Kenneth, expliqua Sharon en me poussant vers Madame Whisp avec très peu de ménagement. Elle a perdu la boule.

Amy et moi lui lançâmes un regard noir. Heureusement que Amy faisait preuve de beaucoup plus de délicatesse face à l'adulte.

-C'est-à-dire que Lacerta ne se souviens plus de nous... Ni de personne d'autre...

Elle ouvrit la bouche puis la referma sans rien dire.

-Elle dit qu'elle s'appelle Eddie et qu'elle est dans un rêve, ajouta Sharon. On lui a lancé un mauvais sort ?

Madame Whisp fronça les sourcils et me poussa dans l'infirmerie. Bien que moins aérée que la salle commune de Serdaigle, cette salle avait des fenêtres immenses et impeccables. Elle me fit m'installer sur un petit lit grinçant et m'ausculta brièvement.

-Rien d'anormal physiquement, me dit-elle. Vous savez comment vous vous appelez ?

Sharon et Amy se tenaient derrière, droites comme des piquets. Si Sharon se faisait du souci pour moi, peut-être était-ce parce qu'elle m'aimait bien malgré ses moqueries ?

-Eddie Xavier, répondis-je. Mais si vous voulez m'appeler Lacerta Kenneth, si vous y tenez tant.

-Depuis quand est-elle dans cet état ? demanda Madame Whisp à Amy.

-Depuis ce matin. Elle se croit dans un rêve. C'est étrange parce qu'elle ne se souviens plus de sa vie ou même de l'année dans laquelle nous sommes mais elle peut citer des noms comme les Potter ou comme celui de Tom Jedusor... Elle sait ce qu'est Poudlard mais elle ne se souvenait pas de notre dortoir de Serdaigle...

-Et elle a eut la peur de sa vie parce qu'un élève est sorti de la volière, dit Sharon. Et elle a été surprise quand j'ai lancé un Reparo.

-C'est de la magie noire ? s'inquiéta Amy. Oh, Merlin ! Que vas dire Connor ?

-Connor ? C'est lui mon fiancé ? je réagis. Il est beau ?

-Vous voyez Madame, dit Sharon. Elle a même oublié Connor Rosier...

Madame Whisp ignora gentiment Sharon et regarda mes pupilles avec un Lumos (et un Lumos dans les yeux ça fait un peu mal d'ailleurs) ...

-Je ne détecte pas de trace de magie noire, avoua l'infirmière. Mais votre cas est étrange... Vous souvenez vous être tombée sur la tête il y a peu ?

-Elle est tombée sur les fesses et a cassé le Rapeltout de Olive Hornby tout à l'heure...accusa Sharon. Ça compte ?

-Non, ça ne compte pas, dis-je. Mais je ne me souviens pas d'être tombée sur la tête...

Madame Whisp rangea sa baguette dans son tablier.

-Je devrais parler de vous au professeur Têtenjoy, elle s'y connaît beaucoup mieux que moi en matière de mauvais sort...

-Donc c'est un mauvais sort ? s'exclama Amy.

-Je ne sais pas, Miss Blackthorn...

Têtenjoy... Têtenjoy... Ce nom me disait vaguement quelque chose... Mais ce n'était pas au professeur Têtenjoy que je voulais avoir affaire, mais à une figure iconique de référence...

-Non, pas le professeur Têtenjoy, intervins-je. Je veux parler à Dumb... au professeur Dumbledore...

Amy s'assit à coté de moi.

-Tu crois que le professeur de Métamorphose t'apportera plus d'aide que le professeur de Défense contre les Forces du Mal ?

J'acquiesçai, sûre de moi. Après tout, c'était mon rêve, j'y faisais ce que je voulais.

-Soit, dit Madame Whisp, je le préviendrais pour vous. En attendant, je vais vous garder sous surveillance.

Elle m'aida à me coucher et me donna une potion. Je la pris, même si je voulais continuer ce rêve, car il est connu que lorsqu'on s'endort dans un rêve, on se réveille dans la vraie vie. L'effet de la mixture fut presque immédiat. Mais j'eus le temps de voir Madame Whisp chasser Amy et Sharon avant de me faire emporter par Morphée.

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