Game of Thrones : Fire and Ice.

Chapitre 15 : Un homme traumatisé à Port-Réal. (Theon Greyjoy)

2884 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/03/2020 02:29

CHAPITRE NUMERO TREIZE : THEON GREYJOY.


   Pendant très longtemps, des mois, des années, il avait perdu le compte exact, il avait été quelqu’un d’autre. Un homme qui s’était prénommé Schlingue. De cette horrible période de sa vie il n’en gardait que de mauvais souvenirs entre les séances de tortures et les humiliations quotidiennes. Pourtant, et contre toute attente, il était parvenu à survivre à l’ensemble des sévices que lui avait infligés Ramsay Snow. Theon se refusait à lui donner le nom de Bolton. Il ne redoutait plus cet homme qui avait fait de sa vie un enfer. Il était mort à présent. Toutefois était-ce bien vrai qu’il ne ressentait plus de peur au sujet de celui qui avait été son bourreau ?

   Voilà quelques jours encore il aurait pu affirmer qu’effectivement c’était le cas, il avait vaincu ses démons en même temps que Schlingue s’en était allé. Cette personnalité qui avait été sienne durant tellement de temps était pourtant toujours présente. Il la sentait sommeiller en lui, prête à jaillir à tout instant, à la moindre hésitation. Theon devait le reconnaître, il était loin d’avoir triomphé de toutes ses angoisses. Il se devait de l’accepter et peut-être qu’ainsi il lui serait plus aisé d’aller de l’avant en les surmontant petit à petit.

   La chose n’était pourtant pas simple il en avait conscience. Néanmoins Theon s’arrangeait pour que ses hommes ne se rendent compte de rien. Il avait gagné difficilement leur confiance. S'il venait à la perdre s’en serait terminé de ses espoirs actuels quant à une possible libération de sa sœur Yara.

   Quoiqu’il en fût, Theon appréciait les moments où la nuit s’étendait car alors nul ne pouvait percevoir les incertitudes qui le rongeaient. Et lorsqu’une telle chose venait à se produire il usait de la seule parade susceptible de lui redonner du courage. Sa conversation avec Jon sur l’île de Peyredragon. Les paroles de ce dernier résonnaient en lui. « Tu es un Greyjoy… . Et tu es un Stark. ». Et avait-on déjà vu ces familles avoir peur de quoi que ce soit ?

   Non si Schlingue demeurait au tréfonds de sa personne alors il se devait de le faire disparaître. C’était là une chose importante auquel cas comment pouvait-il escompter parvenir à triompher de son oncle si par avance il s’imaginait échouer lamentablement ?

   Malgré tout il redoutait ce dernier quand bien même son autre personnalité ne lui insufflait pas des pensées néfastes au sujet d'Euron. L’intéressé était un homme cruel, plus que ne l’avait été Ramsay autrefois. Theon pouvait l’affirmer non sans peine bien qu’il ne lui tardait pas de vérifier que sa conviction était fondée.


« Il a torturé ta sœur Yara. Il lui a retiré toute féminité. Après ça comment les Greyjoy pourraient-ils jamais régner sur les Îles de Fer ? »


   Theon secoua mentalement la tête. Cette petite voix encore. C’était le signe que Schlingue gagnait en force après des jours à avoir été dompté. Au moins parvint-il encore une fois à dominer cette autre identité tout en se convaincant que contrairement à lui, Yara était toujours entière.

   Ce n’était plus son cas et il en souffrait énormément. Voilà bien longtemps qu’on ne pouvait plus le considérer comme un homme véritable. Ramsay y avait veillé personnellement. Et si jamais Euron avait décidé d’agir de manière similaire alors … . Non ceci c’était encore le poison abject que lui administrait Schlingue. N’en viendrait-il donc jamais totalement à bout ? Theon se devait de considérait cela comme faisant partie intégrante de sa personnalité, ses peurs irraisonnées, ce manque de confiance. Et l’accepter lui permettrait enfin d’aller de l’avant. Sauf que ça n’était pas simple.


« Tout va bien ? »


   La voix de Vlad lui parvint. Theon était cependant trop troublé par la facilité avec laquelle son autre lui s’était manifesté pour parvenir à prononcer le moindre mot. Aussi se contenta-t-il de hocher frénétiquement la tête. Hors de question qu’on l’imagine comme un vulgaire couard. Cette image devait appartenir à son passé s’il tenait de réussir à sauver Yara.


« Vlad a raison, tu es tout pâle mon neveu. »


   Theon pivota la tête pour toiser son interlocuteur. L’air farouche qu’il arbora parut suffire pour faire à comprendre à ce dernier qu’il était plus que déterminé à aller au bout de sa mission. Son oncle sembla comprendre le message silencieux car il approuva d’un hochement significatif.

   Theon continua à le toiser bien après que l’autre eut détourné son attention. Theon devait bien reconnaître qu’il connaissait très peu Rodrik Harloi. Celui-ci était plus proche de Yara et contrairement à la grande majorité des Fer-nés, Rodrik avait un goût prononcé pour les livres et on racontait à son sujet qu’il ne dormait jamais tant qu’il n’avait pas parcouru un ouvrage ou deux. Theon pouvait le croire bien que depuis que le groupe était arrivé à Port-Réal il n’avait pas eu l’occasion de voir l’autre ouvrir le moindre livre.

   Quoiqu’il en fût, il s’étonnait que Rodrik le nomme « mon neveu » étant donné qu’entre eux il n’y avait jamais eu le moindre rapprochement et que la seule chose qui l’unissait à cet homme fut qu’il était le frère de sa mère. Il n’empêche sans l’appuie de Rodrik, Theon doutait que les Fer-nés eu accepté de le suivre jusqu’ici.

   Quelques jours plus tôt le groupe avait débarqué d’un de leurs navires dans une crique indiquée par Davos, proche conseiller de Jon. Le reste de la flotte, plus les vaisseaux que Rodrik avait fait venir des Îles de Fer pour démontrer qu’il se rebellait ouvertement contre son roi Euron, les attendaient plus loin, à l’abri des possibles regards indiscrets. Si la mission réussissait alors Theon, Yara et les autres les retrouveraient d’ici peu.


   Seulement voilà, du temps avait passé et pour Theon rien n’avait changé. Ils étaient dans une vieille baraque, ancienne résidence miteuse de Davos qu’un proche ami tenait à présent. Et c’était tout. Theon était toujours au point mort dans son désir de faire échapper sa sœur et l’impatience gagnait quelques uns de ses partenaires.


« Ce que cette ville pue, se plaignit pour la énième fois le dénommé Torwyn. Par le Dieu-Noyé comment font ces gens pour supporter une telle odeur ?

-Elle provient d’eux, pronostiqua un autre qui s’appelait Dalton. Suffit de voir la crasse qu’ils laissent dans les rues pour s’en rendre compte. »


   Theon n’intervint pas, cette conversation il l’entendait depuis une semaine, parfois même plusieurs fois au cours d’une même journée. Dalton et Torwyn étaient deux robustes gaillards et quand Theon leur avait parlé de la Montagne, les deux cousins avaient sauté sur l’occasion pour être de l’aventure et pourquoi pas en venir à affronter le colosse.

   Outre son oncle, il y avait aussi Vlad, un homme grand et mince mais redoutable combattant si on en jugeait ses propres dires. Theon espérait que ce fut vrai car ils seraient peu alors que les Lannister disposaient d’une forte armée dans Port-Réal.

   En dernier venait Wex, le muet. Ce jeune garçon devait avoir moins de seize ans et d’après ce que Theon en savait, il avait été rameur sur le Silence, le navire personnel de Euron Greyjoy, celui-ci lui ayant d’ailleurs tranché la langue. Wex était parvenu à s’échapper, le Dieu-Noyé seul pouvait dire comment et avait été le premier à se porter volontaire pour se rendre à la capitale et libérer Yara.


« Qu’attendons-nous au juste pour libérer ta sœur ? »


   C’était à présent au tour de Rodrik de l’observait. L’intensité des yeux gris de son oncle était tel qu’il ressentit du malaise. Par chance il ne trahi rien de cet état dans lequel un simple regard venait de le plonger ce qui lui permit de réfléchir à la question.

   Varys, l’Araignée comme on le surnommait partout à Westeros, lui avait communiqué les plans du Donjon Rouge, affirmant toutefois que depuis son départ Cersei avait très certainement fouillé l’ensemble des lieux pour repérer tous les passages secrets et les faisait soit surveiller, soit les avait tout simplement détruit. Theon escomptait tout de même trouver des zones encore inconnues de Cersei pour réussir à se faufiler jusqu’à Yara. Sauf que le Donjon était une véritable forteresse et que Cersei en avait triplé les effectifs chargés de garder le bâtiment.


« Nous attendons, se contenta-t-il d’affirmer.

-Mais attendre quoi ? Chaque jour qui passe fait que Yara se rapproche de la mort, je ne laisserai pas ta sœur dépérir entre les murs de cette fichue ville, clama Rodrik. Elle est notre reine légitime, comment pouvons-nous rester aussi oisifs pendant qu’elle subit les pires tourments entre les mains d'Euron ? Ne serait-il pas mieux avisé de nous lancer tout de suite dans un commando et ce dès cette nuit ? Je sais que le risque pour que nous échouions est grand. Toutefois tant que nous resterons dans cette cahute les choses ne progresseront pas davantage.

-Nous sommes trop peu contre tous ces soldats, laissa échapper Theon dont la voix tremblante sembla échapper aux quatre autres Fer-Nés.

-Et en quoi cet amer constat change quoi que ce soit ? Dès le début nous savions que les choses ne seraient pas simples. Cet eunuque t’a donné les armes pour circuler dans les nombreux dédales de cette ville et d’après ma propre étude du document il y a des kilomètres de galeries. Je ne crois pas que cette Lannister ait les moyens d’en assurer le contrôle. Elle se doit de garder ses troupes à ses côtés puisque les rumeurs prétendent qu’elle voit désormais des ennemis dans chacune des ombres qui s’offrent à elle.

-Elle a la Compagnie Dorée sous ses ordres, lui rappela Theon. »


   Theon nota que sa voix ressemblait par trop à des geignements. Les autres l’avaient-ils relevé ou bien n’était-ce que lui qui s’entendait s’exprimait de la sorte ? Il n’aurait su l’affirmer avec certitude. Quoiqu’il puisse en être, Theon se devait de se reprendre et vite. Il secoua donc mentalement la tête, chassa les prémices de Schlingue pour n’être plus que Theon Greyjoy-Stark, et leva les yeux vers Rodrik et reprit de façon plus seigneuriale.


« Elle a les hommes de la Compagnie Dorée. Ils sont des milliers entre notre position et le Donjon Rouge. »


   Theon l’avait apprit de la bouche même de Vlad qui l’avait entendu dans une auberge trois jours auparavant. Après s’être aventuré jusqu’aux quais, Theon avait pu vérifier cette terrible assertion. Non seulement Euron n’avait jamais eu l’intention de regagner les Îles de Fer mais il avait ramené avec lui les plus puissants mercenaires du continent d’Essos.

   Sitôt que Yara ne serait plus retenue captive, Theon savait qu’il lui faudrait vite en avertir Jon et Daenerys de cette traîtrise de la part de Cersei Lannister. Pendant ce temps Rodrik avait continué de discourir et Theon se concentra sur les paroles du vieil Harloi.


« Et d’après ce qui se dit dans les différents bouges elle ne compte pas les utiliser dans l’enceinte du Donjon Rouge car elle n’aurait pas totalement foi en ces mercenaires. D’ailleurs il semblerait qu’elle ait d’autres usages pour eux. Seulement voilà nous ne savons pas quand elle va œuvrer pour leur donner des directives plus précises. Et dans le fond qu’importe puisque je ne crois pas un instant qu’elle les ait mit dans la confidence au sujet des réseaux souterrain et nous devons dès lors agir et vite. »


   Theon avait bien conscience de la véracité de tels propos, seulement il n’avait de cesse de repousser l’échéance. Mais Theon ne pouvait le faire indéfiniment. Sa conduite actuelle n’était dictée que par sa peur de laisser Schlingue jaillir au mauvais moment et de tout faire foirer.

   Remarquant que tous les Fers-nés le toisaient il fit de même, arborant une expression résolue.


« Nous devons analyser le meilleur chemin qui s’offre à nous, il doit y en avoir un. Et sitôt que nous l’aurons localisé alors Yara sera enfin délivrée du cachot dans lequel elle se trouve et si jamais Euron est présent nous en profiterons pour le tuer.

-Et sa flotte ? Même si Euron meurt ils sont des milliers à l’avoir suivi, nous ne serons pas assez nombreux pour tous les affronter, lui déclara Dalton. »


   Theon en avait conscience. Malgré tout Vlad avait été jusqu’à contacter d’anciens marins de Yara qui étaient, pour la plupart d’entre eux, retenus captifs sur les vaisseaux de guerre de Euron dont ils œuvraient comme rameurs. Vlad affirmait que ces hommes étaient prêts à prendre les armes sitôt que Yara serait libre et ainsi Vlad soutenait que toute la flotte pouvait leur appartenir ou tout du moins la grande majorité de celle-ci ce qui pourrait devenir un avantage pour s’échapper et apporter une aide à ceux au Nord.


« Ils détestent et craignent Euron. S'ils s’aperçoivent qu’un autre Greyjoy s’élève contre ce dernier alors ils le suivront, lui avait affirmé son compagnon de fortune à Port-Réal. »


   Theon connaissait la réputation de son oncle qui tranchait la langue de ceux qui le défiaient et n’avait pas de mal à croire que ceux ayant subi ce sort décident de choisir Yara à l’instar de Wex actuellement présent parmi ceux qui devaient délivrer cette dernière. Sauf qu’à l’époque où l’intéressée s’était présentée pour devenir souveraine des Îles de Fer, Theon n’oubliait pas le fait que bon nombre des hommes l’avaient abandonné au profit d'Euron. Qui plus est ceux qui s’affirmaient prêt à se soulever contre ce dernier seraient-ils aussi enclin à s’exécuter lorsqu’ils découvriraient que Yara avait passé un accord avec la reine Daenerys en affirmant que jamais plus les Fer-nés ne mèneraient une existence basée sur les pillages le long des côtes de Westeros ? Theon ne pouvait être aussi affirmatif sur la question. Cette manière de vivre était encré en chacun d’eux et ce depuis des générations quand bien même la chose s’était parfois tarie du fait de l’histoire mouvementé de ces Îles de Fer.

   Theon ne s’attarda pas davantage là-dessus. Après tout Yara n’était toujours pas libre et si elle en était là aujourd’hui c’est parce qu’il n’avait rien fait pour elle à l’époque où il aurait eu la possibilité de se sacrifier pour lui venir en aide. Euron l’avait alors défié et Schlingue s’était manifesté avec une telle force que désemparé il s’était jeté à l’eau tandis que le rire moqueur de Euron retentissait à ses oreilles. Oh que Yara devait le détester pour s’être comporté de la sorte.


« Mais cette fois ce sera différent. Schlingue n’est plus. Je suis Theon Greyjoy. Fils de Balon Greyjoy. Fer-né. Et un Stark, ajouta-t-il en aparté après un temps d’hésitation. »


   Oui il en était un. Il devait puiser en cela la force qui lui ferait probablement défaut quand l’heure de combattre Euron aurait sonné. Cela ferait alors la différence et s’il venait à échouer au moins pourrait-on dire de lui qu’il s’était battu avec vaillance et n’avait pas trépassé comme un vulgaire couard. Et si dans l’opération Yara parvenait à s’en sortir sûrement y verrait-il là une victoire personnelle. Avec un sourire satisfait il toisa chacun de ses compagnons présents dans l’ancienne demeure de Davos Mervault. Oui l’heure approchait où tous se rendraient dans les cachots pour délivrer leur souveraine et avec un peu de chance Theon serait celui qui tuerait Euron Greyjoy.





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