Sans perdre de temps

Chapitre 4 : Ô Capitaine ! Mon Capitaine !

2722 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/06/2020 12:24

En une heure à peine, le calme avait déserté la maison de Joe West. Les agents de police avaient envahi le salon, leurs voitures éparpillées dans la rue. C'était une scène que Barry voyait presque tous les jours, et pourtant, cette fois-ci, il ne parvenait pas à s'y faire. C'était différent quand ça le concernait directement.


Un enquêteur du CCPD était arrivé en même temps que le légiste. Un certain Dunwell. Barry l'avait déjà aperçu une fois ou deux au poste, mais c'était la première fois qu'il lui adressait la parole. C'était un policier d'un certain âge, sans doute pas loin de la retraite, aux cheveux d'un blanc de neige et aux joues de bulldog. Malgré tout, une impression de douceur émanait de lui, et il ne faisait aucun doute qu'il devait être habitué à jouer le gentil flic.


— Vous avez déjà reçu des menaces ?


Barry secoua la tête. Il se garda bien de le préciser, mais il n'était pas sûr qu'il s'agissait d'une menace. À son sens, il s'agissait surtout d'une leçon. Il avait pris un risque et il en payait le prix. De nouveau, il sentit les larmes lui monter aux yeux. Il ne voulait pas pleurer, pas devant la police et surtout pas devant Iris. Quand elle était venue le voir sur le porche un peu plus tôt, il avait compris qu'elle se doutait de quelque chose. Et il la connaissait : au moindre soupçon, elle le harcèlerait jusqu'à connaître la vérité. Il la comprenait, elle s'inquiétait sans doute beaucoup pour lui, mais il n'était pas prêt à lui confier un tel secret.


— Le paquet indique Darren Alston comme expéditeur. Vous connaissez cet homme ?


De nouveau, Barry répondit par la négative. Affirmer qu'il le connaissait n'apporterait que plus de problèmes. Cette affaire ne concernait pas la police elle le concernait lui, et peut-être le reste de l'équipe Flash. C'était tout. Personne d'autre n'avait à s'en mêler.


Après en avoir terminé avec ses questions de routine, Dunwell remercia Barry. Il posa une grosse main paternelle sur son épaule et le gratifia d'un sourire compatissant.


— Merci beaucoup, mon garçon. N'aie pas honte d'être secoué, tout le monde le serait.


Peu à peu, la maison se vida. Barry lui aussi s'éclipsa, profitant d'un moment d'inattention. Il n'avait pas la force de supporter la curiosité d'Iris et encore moins celle de Joe. Il partit à pied et parcourut les rues de Seattle, perdu dans ses pensées. Il savait où ses pas le menaient, et il ne fit rien pour les en empêcher.


Il lui fallut plus d'une heure pour arriver à destination. S'il avait couru, le trajet n'aurait pris que quelques secondes, mais depuis qu'il avait ouvert ce colis, il avait l'impression d'être lesté de plomb. Il n'aurait pas pu foncer même s'il l'avait voulu. Utiliser le pouvoir de la force véloce allait bien plus loin qu'une simple histoire de course à pied. Il s'engouffra dans l'immeuble de briques rouges, sans savoir ce qu'il ferait, arrivé là-haut.


Quand il arriva au troisième étage, il resta sans bouger devant la porte. Il se demanda s'il pourrait tourner la poignée et trouver Len assis dans son canapé, en train de lire un polar ou de regarder un de ces documentaires qu'il aimait tant, comme si rien ne s'était passé. Il hésita longtemps, mais finit par se décider et ouvrir la porte.


Elle n'était pas verrouillée. Interloqué, Barry s'avança dans l'appartement et ne tarda pas à comprendre. Penchée au-dessus de l'évier, Lisa était en train de laver quelques couverts. Elle avait sans doute passé la nuit là, comme elle le faisait parfois. Elle ne l'entendit pas tout de suite, mais après un instant de suspicion, ferma le robinet. Elle se tourna vers lui, non sans avoir récupéré son arme, qu'elle braquait sur lui. Ce n'était pas le fusil doré que lui avait construit Cisco, mais un simple pistolet 9 mm.


— Donne-moi une bonne raison de ne pas te descendre, Flash, gronda-t-elle, prononçant son nom comme s'il était agi d'une insulte.

— Je vais beaucoup plus vite qu'une balle.


L'argument sembla faire mouche et sa prise sur la crosse se desserra un peu. Cependant, le mépris dans ses yeux ne disparut pas, lui.


— T'as vraiment pas honte de te pointer ici après tout le mal que tu as fait à mon frère. Qu'est-ce que tu veux ?

— Tout le mal que… Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Te fous pas de moi, tu sais très bien de quoi je parle.


Bien sûr qu'il savait ce qu'il avait fait. Cela faisait des mois qu'il essayait de se persuader que toute cette histoire n'avait été qu'un jeu pour Len, mais il avait vu son regard quand il lui avait annoncé que tout était fini. La douleur avait disparu en une seconde, dissimulée sous une couche de glace, mais il l'avait vue.


— Je répète parce que t'as l'air de pas comprendre : qu'est-ce que tu viens foutre là ?


Comment annoncer une telle nouvelle à Lisa ? Il l'avait souvent côtoyée, il savait à quel point elle aimait son frère. Elle serait dévastée. Lui aussi l'était, même s'il avait encore du mal à accepter la nouvelle. Cela ne pouvait pas être vrai, il n'arrivait pas à le concevoir.


— Je… j'ai reçu une mauvaise nouvelle, ce matin…


Il n'en fallut pas plus pour qu'elle comprenne. Elle laissa tomber sa main contre sa hanche, une larme roula sur sa joue. Le pistolet tomba sur le sol, elle se rua sur Barry, tous poings dehors.


Il la laissa faire.


Il ne tenta pas de l'arrêter quand elle le jeta à terre, il n'essaya pas de la raisonner quand, à cheval au-dessus de lui, elle le frappa au visage. Une fois, puis deux, puis trois. Chaque coup faisait plus mal que le précédent. Au quatrième coup qu'elle lui asséna, il sentit le cartilage de son nez craquer sous ses phalanges. La douleur était bien là, aiguë et sans merci, mais il n'arrivait pas à s'en soucier. Si c'était la seule manière de soulager Lisa, alors soit. Il l'avait mérité.


— C'est ta faute, ça ! hurlait-elle. T'entends, putain ?! Rien que ta putain de faute ! C'est ta faute s'il a fait tout ça ! Ta faute s'il est parti avec Rip Hunter, ta faute s'il est allé crever comme un con à Seattle ! Dis-moi au moins que tu comprends ça ! Dis-moi que tu comprends qu'il t'aimait tellement qu'il a pas hésité une putain de seconde à mourir pour toi !


Ses coups finirent par réduire en intensité, puis cessèrent tout à fait. Les larmes brouillaient son regard, traçaient de longs sillons sur son visage. Elle essuya son nez du revers de sa manche et laissa Barry se redresser. Il l'entoura de ses bras et l'attira à lui.


— Pourquoi tu m'as pris mon grand-frère ? hoqueta-t-elle, les doigts serrés sur sa chemise.


Il ne répondit pas et se contenta de lui caresser les cheveux, dans un geste qu'il voulait rassurant.


Elle finit par se redresser et tituba jusqu'à l'évier de la cuisine. Là, elle s'aspergea le visage d'eau, et resta longtemps immobile, en pleine réflexion. Barry, lui, n'osait pas se redresser. Elle revint vers lui et lui tendit un torchon mouillé.


— Je sais que tu guéris vite, alors trouve vite quelqu'un pour te redresser ça avant d'être obligé de faire de la chirurgie.


Il la remercia et, alors qu'il se relevait, essuya le sang qui lui maculait le visage. Il ne savait toujours pas ce qu'il était venu faire là, hormis peut-être chercher un endroit familier où il aurait pu laisser exploser son désespoir. L'appartement n'avait pas changé depuis la dernière fois qu'il était venu. Même décoration, même cadres aux murs, même lumière qui filtrait à travers les vitres. C'était comme si rien ne s'était passé.


— Je vais te demander de partir, s'il te plaît.


Il n'y avait plus de fureur dans la voix de Lisa, juste une colère froide empreinte de tristesse. Elle avait raison, il n'avait rien à faire ici. Il voulait plus que tout rester entre ces murs, s'allonger dans le lit de Len et profiter des dernières bribes de son odeur dans les draps. Il n'en avait pas le droit. Il avait perdu ce privilège le jour où il lui avait brisé le cœur.


Il tourna les talons et sortit de l'immeuble. STAR Labs n'était pas loin, aussi choisit-il de prendre son temps pour s'y rendre. Dans le Cortex, Cisco et Caitlin l'attendaient, morts d'inquiétude.


— Où est-ce que tu étais passé ? demanda Cisco. Ça fait au moins quinze fois que je t'appelle !

— Et qu'est-ce qui est arrivé à ton visage ?


Barry haussa les épaules. Il se laissa entraîner jusqu'à la salle de soins où Caitlin prit le temps de désinfecter ses blessures et de l'examiner.


— Ta cloison nasale n'est pas déviée, c'est déjà ça… Cela dit, je ne sais pas avec qui tu t'es battu, mais il avait une sacrée force.

— Une sacrée rage, surtout…


Caitlin lui lança un regard interrogateur.


— Laisse tomber. Comment ça va, vous ?

— Comment ça va, toi, surtout ? demanda Cisco alors qu'il entrait dans la pièce. Iris nous a appelés, elle nous a raconté ce qui s'est passé ce matin. Elle nous a dit pour la carte qu'il y avait dans la boîte aussi. C'est presque certain que Savitar est derrière tout ça, mais on doit découvrir à qui est ce cœur et ce que ce message veut dire. Si ça se trouve, il s'en est pris à quelq…

— Je sais à qui il s'en est pris. C'est pas important, d'accord ?


Cisco resta interloqué devant le ton abrupt de son ami.


— Euh, moi, je trouve que c'est plutôt important, au contraire… Qu'est-ce qui se passe, au juste ?


Barry soupira. Il savait que tout ce que Cisco voulait, c'était l'aider, mais il savait que s'il lui disait la vérité, il ne la comprendrait pas.


— Il se passe que j'ai passé une matinée très éprouvante et que je me passerais bien d'une leçon de morale.

— Barry, il ne s'agit pas de morale ici, protesta Caitlin. Nous sommes des alliés et nous sommes tes amis. Tu peux tout nous dire.


Il prit un moment pour débattre avec lui-même. Après tout, ils finiraient par le savoir, autant que ce soit de sa bouche.


— Ce cœur, c'est celui de L… c'est celui de Snart.


Le silence envahit la pièce. Le stylo que tenait Cisco tomba sur le sol.


— Snart ? répéta Caitlin. Mais, je croyais qu'il était à bord du Waverider avec Mick Rory et les autres.


Barry secoua la tête. Snart avait décidé de quitter les Légendes, sans que Barry ait jamais su pourquoi. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était impliqué d'une façon ou d'une autre dans ce changement, puisque Snart lui avait dit être redevable pour toute cette histoire, remerciement qu'il avait ponctué de son habituel sourire mystérieux. Il n'en avait jamais appris plus et n'avait jamais songé à lui demander. Ils avaient tous deux, chacun dans leur coin, décidé de redevenir des adversaires. Même si Barry avait tenté de se rapprocher de lui les dernières semaines avant sa mort, il s'était heurté à un mur de glace.


C'était pour cela qu'il s'était promis qu'au retour de Snart à Central City, il lui raconterait toute l'histoire, qu'il lui dirait pourquoi les choses s'étaient passées ainsi et surtout, surtout, qu'il l'aimait. Il l'aurait accepté ou il l'aurait repoussé, mais au moins, la vérité aurait été rétablie. Mais désormais, il ne pouvait plus rien lui dire, plus jamais repartir de zéro. Il l'avait perdu pour toujours.


A cette pensée, les larmes recommencèrent à lui piquer les yeux. Il cligna des yeux pour les retenir, sans grand succès.


— Il est revenu à peine un mois après son départ. Alors, je lui ai demandé d'enquêter sur cet échantillon de mon ADN que Mercury Labs a vendu à un laboratoire de Seattle. Il m'a dit qu'il avait découvert quelque chose de complètement dingue, mais j'ai jamais su ce que c'était vraiment.


À sa grande surprise, Cisco encaissa plutôt bien la nouvelle. Après le fiasco de Lian Yu et la libération de ceux qui se faisaient désormais appeler les Lascars, il était hésitant à faire appel à Snart et ne comprenait pourquoi Barry continuait à lui faire confiance. Pourtant, il se contenta de hocher la tête d'un air pensif.


— Donc, ce que tu penses, c'est que Savitar a appris que Snart était parti fouiner à Seattle et qu'il s'en serait pris à lui à cause de ce qu'il avait trouvé ?

— C'est l'hypothèse la plus probable. Maintenant, si ça ne vous ennuie pas, j'aimerais me reposer une heure ou deux. Sinon, je crois que je vais m'effondrer avant la fin de la journée.


Ils le laissèrent seul. Barry se coucha sur le petit lit de l'infirmerie et resta immobile, yeux grands ouverts, à attendre que le temps passe. Il ne parvenait pas à être triste ou en colère, il ressentait tout et rien à la fois. Il en voulait à Len de l'avoir laissé et d'un autre côté, il se haïssait de l'avoir envoyé à la mort. Jamais il n'avait autant voulu sa peau contre la sienne et ses doigts emmêlés dans ses cheveux, entendre son rire, sentir son parfum. Il avait l'impression d'être creux. Une coquille vide, un rien du tout. Jamais plus il ne l'embrasserait, jamais plus il ne se loverait contre lui à la faveur d'une nuit froide. C'était impossible, inconcevable.


Quand il retourna au Cortex, il tomba nez-à-nez avec la dernière personne qu'il avait envie de voir : Oliver Queen. Il se tenait debout à-côté de Cisco, les bras croisés, la mine sérieuse. Quand il aperçut Barry, son expression passa de son habituelle impassibilité à une grimace que Barry n'aurait su décrire. Il espéra un instant qu'il s'agisse de regret, mais il connaissait trop Oliver pour pouvoir envisager cette possibilité.


— Qu'est-ce qu'il fait là ?


Son ton avait été plus abrupt qu'il ne l'aurait voulu. Il n'avait pas vu Oliver depuis longtemps et avait même commencé à le comprendre et pourquoi pas, à lui pardonner. Mais la douleur était encore trop vive. Il ne pouvait pas arriver comme une fleur et penser que tout était effacé.


— Je l'ai appelé dès que j'ai appris pour ce matin, dit Cisco. Je me suis dit qu'un peu de renfort ne ferait pas de mal en cas de problème…

— D'accord, bonne idée. Par contre, moi, je vais juste prendre l'air un moment. Je reviendrais tout à l'heure.


Il se dirigea vers la sortie. Il avait besoin de s'aérer l'esprit et surtout, de rester loin de Green Arrow pendant un moment. Dans l'état où il se trouvait, il ne se faisait pas assez confiance pour rester courtois.


Des pas retentirent dans le couloir derrière lui. Oliver l'avait suivi et tentait de le rattraper.


— Barry, attends !


Il décida de lui laisser une chance. Une seule. Presque arrivé à la sortie du laboratoire, il s'arrêta net et l'attendit.


— Barry, écoute, dit Oliver quand il arriva à sa hauteur. Je sais que je m'y suis sans doute mal pris et je sais que tu m'en veux, mais je peux te jurer tout ce que tu veux que j'essaie de t'aider et rien d'autre. Tu me connais, non ? Pourquoi tu ne vois pas que si j'ai fait ce que j'ai fait, c'était uniquement pour ton bien ?

— Je dirais… que c'est sans doute parce que je l'aimais, répondit Barry, impassible. De toute manière, ça n'a plus d'importance maintenant.



Il sortit du bâtiment à pleine vitesse, sans lui laisser l'occasion de répliquer. Il avait besoin d'être seul


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