Mortem Regis

Chapitre 22 : Nations en froid

4999 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/02/2021 18:06

Les heures défilaient assez rapidement sur le continent. Alors que l'après-midi était plutôt bien entamé, à Redfir, la reine Nefer eut une visite pour le moins étrange et inattendue. A la salle du trône de son palais, la souveraine de la nation des flammes observait un jeune homme de grande taille, aux cheveux courts azurs coiffés en bataille, vêtu d'une tunique de combat blanche possédant des motifs bleu clair représentant des flocons de neiges, et d'un pantalon assorti. Il portait à sa ceinture un sabre, et était accompagné d'un homme et une femme, tous deux en armure complètes dont les couleurs rappelaient celles de la tenue de ce mystérieux inconnu.


« Je me demande vraiment ce qui me retient de vous faire exécuter sur place après ce que vous venez de m'annoncer, seigneur Xavi. » parla la dame rousse, une mine sévère au visage. La présence de ce Xavi semblait l'irriter au plus haut point.


« Si vous m'exécutez, ce n'est pas seulement la ville de Pyrh que notre nation récupérera. Mais votre royaume tout entier, affirma le bleu en affichant un sourire un tantinet narquois.

– Comment osez-vous ?!

– Calmez-vous, très chère ! Je ne fais qu'obéir aux ordres de mon empereur. Celui-ci exige la propriété de Pyrh qui est, je vous le rappelle, la ville que Redfir a pris à Norte il y a de cela plusieurs générations ! Plus vite vous nous cèderez cette ville, plus vous limiterez les ennuis que pourraient avoir la nation que votre défunt époux a préservé depuis tout ce temps. Je suppose que vous ne souhaitez pas voir Redfir tomber entre nos mains. Que penserait donc Moreh de là où il se trouve, si ce malheureux incident devait se produire ? »


La reine Firoise serra ses dents, et observa le dénommé Xavi avec rage. La menace de l'empereur Lawrence envers la nation des flammes était claire. Lui et son armée Nortaise étaient prêts à en venir aux mains si Nefer refusait la demande dont on venait de lui faire part. Décidément, l'homme qui gouvernait actuellement la nation des neiges était arrogant et complètement fou !


« Si cet impertinent de Lawrence désire réellement réclamer la propriété de Pyrh, qu'il vienne me le demander en face, au lieu d'envoyer ses chiens le faire à sa place ! » finit par répondre la souveraine rousse, à l'étonnement de Xavi qui afficha un air étonné, et à l'énervement des deux gardes qui l'accompagnaient.


« Nous vous prions de respecter la nation de Norte ! s'exclama la femme soldat.

– Commencez déjà par nous rendre ce que vous nous avez volé, avant de nous insulter ! enrichit l'autre soldat.

– Cayus, Trina, ne nous emportons pas, tempéra Xavi avec un léger sourire.

– Ce que nous vous avons volé ? répara Nefer, qui se retenait de rire, tant elle trouvait une telle réplique ridicule et absurde. Ce sont les habitants de Pyrh eux-mêmes qui ont choisi leur appartenance à Redfir, car la politique de votre pays ne lui convenait point ! Redfir a, depuis ce jour, protégé Pyrh et ses habitants, chose qu'aucun de vos empereurs n'a été capable de faire jusqu'à présent ! Tout ce qui vous intéresse dans cette ville, ce sont les nombreuses pierres précieuses que renferment ses sols. Rien de plus ! Ne me faites pas croire le contraire. »


Xavi ne répliqua rien, tout comme les soldats qui l'accompagnaient. Toutefois, l'ombre d'un sourire se dessina sur son visage, alors qu'il venait de tourner le dos à la reine à la chevelure de feu:


« Peu importe nos raisons de vouloir récupérer Pyrh. Cette ville et ses habitants appartiennent à Norte, que vous le voulez ou non. A votre place, je ravalerais mon venin, et réfléchirais à deux fois, avant de commettre une erreur qui pourrait entraîner la chute de tout un royaume. Trina, Cayus, nous en avons terminé. Allons-y. »


Sur ces mots, l'invité surprise et ses compagnons quittèrent la salle du trône, sous le regard noir de Nefer qui serait ses poings. Si elle s'était écoutée, elle aurait ordonné à ses gardes d'arrêter ces trois personnes et de les enfermer dans les geôles du château. Mais faire une telle action reviendrait à déclarer la guerre à la nation des neiges. Et bien qu'elle ne portait pas Norte et l'empereur Lawrence dans son coeur, elle ne souhaitait pas non plus en arriver là. D'une part parce qu'elle ne voulait pas que Redfir sombre dans un bain de sang, d'autre part car cela n'arrangerait pas l'état de sa fille Liz, qui commençait à peine à se remettre de la perte de son père.



Au même instant, à la résidence présidentielle de Grendia, le gouverneur de cette nation, Edward, venait d'accueillir Othéo, Ewen et Harvay dans sa demeure. Son épouse Felicia les avait conduits jusqu'à son bureau, puis s'était retirée, laissant le trio seul avec son époux.


« Votre majesté Othéo, c'est un plaisir de vous revoir. » affirma Edward avec un sourire bienveillant. Ewen observa alors cet homme en face d'eux. Il s'agissait d'un homme âgé d'une cinquantaine d'années, possédant les cheveux blonds courts et ramenés vers l'arrière, ainsi qu'une très légère moustache à peine visible au dessus de sa lèvre supérieure. Il était vêtu d'un costume élégant noir avec quelques décorations vertes qui rappelaient le drapeau du pays dont il était à la tête. Cet homme, contrairement à son fils Léonard, ne dégageait rien de hautain ou d'arrogant. La princesse Vopaquine venait à se demander si les deux étaient vraiment père et fils, tant ils semblaient avoir des caractères différents à vue d'oeil.


« J'aurais aimé vous dire que le sentiment est partagé, monsieur Edward, répliqua Othéo d'un air sérieux. Hélas, comme vous le savez sans doute, trop de tragédies se sont déroulées au sein de notre continent, et certaines d'entre elles m'ont touché indirectement.

– Je m'en doute bien, comprit le président dont le regard s'était tourné vers Ewen. Après tout, votre fille a été prise pour cible plus d'une fois. Difficile de demeurer sera serein après cela, surtout en repensant qu'elle n'est pas la seule à avoir subi ce fléau qui ravage Kaärann en ce moment. »


Le gouverneur de la Grande nation, tout en parlant, s'était mis à marcher jusqu'à une fenêtre à proximité. Celle-ci, qui se trouvait en hauteur, offrait une magnifique vue sur les vastes plaines occidentales et verdoyantes de Grendia. Un oeil averti pouvait même apercevoir le fleuve Zeo à l'hoziron, qui avait la particularité de s'étendre du nord jusqu'au sud du pays, coupant celui-ci en deux part quasiment égales.


« Depuis les assassinats de sa Majesté Moreh et de son Altesse Aelan, continua Edgard, les yeux rivés vers le paysage extérieur, j'ai dû prendre certaines décisions, notamment pour éviter que d'autres tragédies ne se produisent.

– Comme demeurer en contact constant avec sa Majesté Aeren de Vegarion ? l'interrogea Othéo sans passer par quatre chemins, ce qui sembla surprendre le quinquagénaire qui affichait à présent un air étonné.

– Que voulez-vous dire ?

– C'est votre fille Annette elle-même, qui m'a informé de ce fait il y a plusieurs jours, alors que je me rendais à Vegario pour rejoindre la mienne. D'ailleurs, vous et toute votre famille étiez au courant de la présence d'Ewena là-bas. »


Edgard demeura silencieux alors qu'il avait détourné le regard du souverain aux cheveux azurs. Ce mutisme soudain en disait long sur la vérité, et sur le fait qu'il n'avait pas spécialement voulu que ses interactions avec le roi Aeren se sachent. Ewen, fronçant les sourcils devant une telle réaction, s'adressa à son tour au président:


« Pourquoi le roi de Vegario vous informerait-il de ma présence chez lui ? Et pourquoi n'avoir un contact constant uniquement avec lui, et pas avec les autres gouverneurs de Kaärann, dont mon père ou la reine Nefer de Redfir ?

– Par méfiance, finit par répondre le président en regardant le trio face à lui. Voyez-vous, je n'exclus pas la possibilité qu'un complot de grande envergure soit à l'origine des assassinats qui ont touché certaines familles dirigeantes. Celles-ci sont puissantes, et censées être protégées convenablement. Mais leurs défenses ont été facilement percées, les rendant plus vulnérables que jamais. Et qui d'autre sur ce continent est suffisamment puissant pour planifier la disparition d'un membre d'une famille dirigeante ?

– Le souverain d'une autre nation serait la réponse la plus évidente... murmura Harvay, qui avait croisé les bras en prenant un air pensif.

– Sauf que ça ne colle pas avec le reste, répliqua Ewen, qui n'était pas convaincue par les explications du chef d'état Grendien. Bien avant les attaques sur les familles dirigeantes, bon nombres de nobles ont été tués aux quatre coins du continent. Aucune nation n'avait été épargnée. Et il est plus que probable que les coupables derrière ces meurtres soient les mêmes que ceux qui ont assassiné le roi Moreh et le prince Aelan. Ce sont peut-être ces mêmes personnes qui ont capturé le prince Ashira ! Si le commanditaire de ces crimes est réellement un gouverneur de l'une des six nations, quel intérêt aurait-il de tuer les nobles vivants sur son territoire ?

– Sans doute pour qu'on ne le soupçonne pas. » répondit Edgard.


Ewen observa le quinquagénaire sans rien dire sur le coup. Mais quelque chose clochait. Le président de Grendia semblait si sûr de lui en voulant accuser l'un des gouverneurs de Kaärann. Mais dans ce cas, pourquoi rester en contact constant avec Aeren ? Ce n'était pas logique avec ce que le président venait d'expliquer ! La jeune fille se rendit compte que son père n'avait peut-être pas tort de soupçonner les gouverneurs de Grendia et de Vegario. La princesse au cheveux bleus avait voulu profité de cette occasion pour mentionner ses recherches sur le Mortem Orbis, et les concordances qu'il existant entre cette ancienne secte de sorcières, et les criminels responsables des tragédies actuelles. Mais face aux décisions et à la réaction discutables d'Edgard, elle préféra se raviser. Son père s'approcha alors de quelques pas vers le président Grendien pour lui adresser la parole, mais au même moment, on toqua à la porte de son bureau. Un majordome aux cheveux courts grisonnants, et semblant plus âgé qu'Edgard, entra ensuite dans la pièce:


« Veuillez me pardonner, monsieur le président, vos excellences, commença-t-il alors qu'il s'était incliné de politesse devant Ewen et Othéo, avant de se redresser et de s'adresser à Edgard. Un message en provenance de... Hm... »


Le majordome avait bloqué dans sa phrase, tandis que son regard s'était tourné vers le trio venu de Vopaqua. Il semblait hésiter à parler en leur présence.


« Parlez donc, l'invita son président.

– Eh bien... Un message d'ordre confidentiel vient de nous parvenir, et il s'agit d'une affaire urgente. »


Ewen, Harvay et Othéo s'échangèrent un regard étonné, tandis que le majordome s'était avancé vers Edgard pour lui tendre le document sur lequel figurait le message en question. Le chef d'état prit quelques secondes pour en prendre connaissance, mais sembla se crisper légèrement sur place, ce qui n'échappa à aucune des personnes présentes dans cette même pièce.


« Je m'excuse auprès de vous, votre majesté Othéo, commença à parler le gouverneur blond. Mais je me dois d'écourter cette conversation pour le moment. Il y a une affaire urgente que je dois régler au plus vite.

– Est-ce grave ? demanda le roi Vopaquain, dubitatif.

– Ne vous inquiétez pas, cher ami, il n'y a point mort d'homme. Mais ce n'est pas quelque chose que je peux laisser en suspens. »


Puis, il s'adressa à son majordome en souriant légèrement:


« Louis, prépare des appartements pour eux. Ils seront nos invités pour ce soir.

- Très bien, monsieur. » répondit le valet, avant d'inviter Ewen, Othéo et Harvay à le suivre. Le trio, dont les doutes s'étaient accentués suite à leur conversation avec le président, salua celui-ci, avant de suivre le dénommé Louis et de quitter le bureau. Une fois seul, Edgard poussa un profond soupir, avant de regarder à nouveau le message qu'il avait reçu. Tout en le relisant, il déglutit légèrement. Quelque chose en rapport avec ce qu'il y avait marqué sur ce document semblait l'effrayer.



La journée continua de passer rapidement sur Kaärann, et en quelques heures à peine, la nuit était déjà tombée. A l'est de Vopaqua, Les ruelles de Calys se faisaient de plus en plus vides, et on pouvait voir plusieurs soldats aux couleurs de la nation de océans patrouiller. Othéo avait sans doute renforcé la protection des villes depuis les tragédies qui avaient récemment frappé le continent, et encore plus depuis qu'il avait quitté Vopaqua pour rejoindre sa fille. Seven et Shira devaient donc faire profil bas, et éviter d'approcher ces gardes de trop près. Marchant en direction de portes de ce village pour en sortir, le regard de Shira contempla une dernière fois ce paysage calme et agréable dans lequel lui et l'assassin avaient passé une demi-journée plutôt paisible. Si les circonstances avaient été différentes, le jeune prince aurait probablement séjourné en ce lieu pendant quelques jours. Malheureusement pour lui, il ne le pouvait pas. Ce fut sous le silence que le duo de jeunes gens quitta Calys, et commença à s'enfoncer de nouveau dans la forêt humide qui portait le même nom.


« Et maintenant ? demanda le plus petit des deux hommes en regardant l'autre. Quel est donc ce fameux moyen de transport dont tu me parlais tout à l'heure ? »


Seven s'arrêta alors de marcher, puis il observa les alentours pour s'assurer que personne ne se trouvait dans les parages. Enfin, il se tourna vers Shira. Il le regarda pendant plusieurs secondes, l'air grave. Puis, finalement, il lui tourna le dos, et se baissa légèrement tout en lui ordonnant ceci:


« Grimpe derrière moi. »


Le petit prince demeura bouche bée et sans bouger pendant plusieurs secondes. L'assassin était-il vraiment sérieux en cet instant ?


« Qu'est-ce que tu attends ? s'impatienta l'homme en vert, qui avait levé les yeux au ciel.

– Tu... te fiches de moi, hein ? demanda l'adolescent, partagé entre la gène, l'incompréhension et l'indignation.

– Tu veux qu'on arrive rapidement à Acturus, oui ou merde ? Grimpe ! Tu nous fais perdre du temps ! »


Poussant un soupir de résignation, Shira s'approcha de l'ex membre du Mortem Regis, et grimpa doucement sur le dos de celui-ci, non sans un certain embarras. Toutefois, il ne comprenait pas pourquoi Seven lui demandait une chose pareille.


« Qu'est-ce que tu as l'intention de faire ? » demanda le plus jeune, alors que l'homme à la longue chevelure d'ébène le hissait correctement derrière lui. Ensuite, comme pour répondre à cette question, l'assassin activa son aura surhumaine. Le prince aux yeux cramoisis vit avec stupéfaction une émanation lumineuse pourpre autour de son compagnon, et fut légèrement effrayé sur le coup:


« L-Lao ? Qu'est-ce que c'est que ça ? Qu'est-ce qui se passe ?! »


Face à sa réaction, Seven eut un sourire légèrement taquin, et tourna légèrement sa tête vers l'arrière pour s'adresser à Shira:


« Accroche-toi bien, ça risque de secouer de ton côté.

– Pardon ? »


Mais alors que le plus jeune cherchait des réponses à ses interrogations, l'assassin utilisa sa vitesse supersonique et se mit à courir, parcourant à vive allure une bonne partie du territoire Vopaquain. Le petit prince, qui ne s'était pas du tout attendu à cela, s'était accroché comme il le pouvait au cou de l'assassin pour ne pas laisser le puissant courant d'air, qui soufflait à présent sur lui, l'emporter. D'ailleurs, il fut forcé de fermer les yeux à cause de ces borrasques plutôt gênantes. Néanmoins, en ouvrant ses yeux à moitié malgré tout, il pouvait entrevoir le paysage défiler à vive allure autour de lui. C'était tout simplement incroyable. Seven était-il réellement capable de courir aussi vite ? Était-ce à cause de cette aura qui l'entourait actuellement ?


L'assassin, de son côté, demeura concentré. Tout en gardant le cap vers sa destination, il devait faire attention à ne pas se prendre un obstacle en pleine face, susceptible de le faire chuter. De plus, il ne pouvait pas garder cette aura active trop longtemps. Il devait donc atteindre Acturus au plus vite. Après être sorti de la forêt de Calys par l'ouest, il remonta vers le col de Nara au nord. Traverser cette chaîne de montagnes enneigées lui permettrait de gagner beaucoup de temps et d'économiser pas mal d'énergie. Mais ce lieu était dangereux, et en plus il y faisait froid. Bien plus qu'au désert de Xen la nuit. Shira ne supporterait probablement pas une température aussi extrême sans une tenue appropriée. Il contourna donc la montagne par l'ouest, et remonta ensuite vers le nord-est. Il n'était plus très loin de la frontière séparant Vopaqua de Grendia. Hélas, le jeune homme vêtu de vert sentait qu'il commençait à faiblir, et que son aura n'allait plus rester actif bien longtemps.


« Fait chier... jura-t-il intérieurement. Acturus est encore loin. Je ne pourrai pas l'atteindre ! »


Il fut alors forcé de changer ses plans, et d'aller plus à l'est au lieu de continuer vers Grendia . Pas loin de leur position, se trouver la ville Vopaquine de Minera. Elle n'était pas loin de la frontière Vopaquo-Grendienne, et Seven connaissait plutôt bien ce coin. S'il ne pouvait pas arriver jusqu'à Acturus, il pouvait au moins atteindre Minera, et s'y reposer avec Shira avant de reprendre leur route. Finalement, après un ultime effort, l'assassin aperçu enfin les lumières des habitations éclairées de sa nouvelle destination. Il cessa alors sa course, tandis que son aura pourpre disparut petit à petit. Sentant que Seven s'était immobilisé, le prince Xenois ouvrit les yeux, et remarqua le village non loin d'eux.


« C'est Acturus ? demanda-t-il au plus âgé, qui l'avait fait descendre de son dos.

– Pas tout à fait... On est à Minera. Je n'ai pas pu aller plus loin, malheureu... »


Mais avant qu'il n'ait pu achever sa phrase, Seven tomba à genoux au sol, et se mit à cracher du sang, sous les yeux horrifiés de Shira, qui s'était précipité près de lui.


« Lao ?! Qu'est-ce qui t'arrive ? Ca va ?! »


Le plus grand haletait, tandis que des grosses gouttes de sueur perlaient son front. Il avait surestimé ses capacités, et trop forcé sur ses pouvoirs. En constatant l'état dans lequel il se trouvait à présent, l'assassin se disait qu'il avait bien réagi en décidant de faire une escale à Minera. Jamais il n'aurait pu atteindre Acturus dans ces conditions. Tandis que le jeune prince, inquiet, l'avait aidé à se relever, Seven le rassura:


« Ca ira, t'inquiète... Trouvons une auberge dans laquelle passer la nuit. Nous reprendrons la route vers Acturus demain matin. »


Alors qu'il commençait à marcher en direction du village, il tituba, et manqua de tomber. Shira, qui l'avait rattrapé à temps, lui proposa de prendre appui sur lui pour avancer, chose que le plus âgé fit. Tous deux franchirent les portes de Minera, et parcoururent les rues quasiment vides à la recherche d'une auberge. Ils ne pouvaient pas s'attarder sur le paysage qui les entouraient, tant ils étaient pressés. De plus, il n'y avait pas forcément grand-chose à voir à cette heure si tardive du soir. Le duo ne mit pas longtemps à trouver auberge convenable, à cinquante Gharils la nuit. La chambre qu'on leur avait allouée n'était pas très grande, mais avait tout de même le minimum vital, à savoir deux lits individuels côte à côte, une petite table, une chaise, et une salle d'eau à côté dans laquelle ils pouvaient se rafraîchir. Des vêtements légers de nuit avaient même été mis à leur disposition.


Une heure passa pendant laquelle les deux jeunes hommes s'installèrent et prirent le temps de se rafraîchir chacun leur tour, avant de se changer pour revêtir leurs pyjamas. Shira portait une chemise orangée et un bermuda assorti, tandis que Seven avait juste opté pour un pantalon noir, préférant resté torse nu pour cette nuit. Chacun des deux avaient ensuite pris place sur les lits, le plus petit assis et le dos collé à la tête de lit, le plus grand allongé, et le dos tourné à lui. Dans un premier temps, ce fut un silence plat qui régna entre les deux garçons. Mais le prince de Xen ne le resta pas bien longtemps. Il avait trop de questions à poser au plus grand, et n'hésita pas:


« Comment tu as fait ça ? lui demanda-t-il en le regardant. Je veux dire... courir aussi vite ? Quel sorte de pouvoir est-ce donc ? Aurais-tu une relique divine, toi aussi ? A moins que...

– Une question à la fois, s'il te plaît. » soupira Seven, qui s'était plus ou moins attendu à cette avalanche de questions, mais qui n'était pas spécialement d'humeur à répondre un interrogatoire en cette soirée. Le jeune prince ne parla pas pendant quelques instants, le temps de réfléchir à la question la plus pertinente à poser.


« D'où tiens-tu un tel pouvoir ?

– Du Mortem Regis, répondit l'homme aux longs cheveux d'ébènes.

– Attends... Comment ça ? » questionna Shira, qui ne comprenait pas. Seven se retourna dans le lit de façon à le regarder, et lui expliqua:


« Notre... Enfin, le boss de cette organisation a offert aux dix meilleurs assassins une aura possédant la particularité d'attribuer à leurs hôtes des pouvoirs puissants et variés. J'ai hérité de l'aura surhumaine, qui me donne une force démesurée et une vitesse fulgurante lorsque je l'active.

– Une aura qui attribue des pouvoirs puissants... répéta le garçon aux yeux cramoisis en prenant un air penseur, comme s'il réfléchissait à quelque chose. J'ai une impression de déjà entendu... Ou plutôt de déjà lu. »


L'assassin s'étonna d'une telle révélation.


« Déjà lu ?

– J'ai lu pas mal de livres concernant les mythes et les légendes, raconta Shira. Et j'ai le vague souvenir d'avoir vu une aura comme celle que tu m'as décrite mentionnée quelque part... Mais je n'arrive pas à m'en rappeler correctement.

– Je vois, parla Seven qui avait tourné son regard vers le plafond boisé de leur chambre. Pour être honnête, j'ignore tout de l'origine de cette aura qu'on m'a offerte. Tout ce que je sais, c'est qu'elle me rend surpuissant, que je ne peux l'activer que la nuit, et que je ne peux pas la garder trop longtemps sous peine de subir... ce que tu as vu qui m'est arrivé.

– Je comprends mieux pourquoi tu as voulu attendre la nuit pour qu'on quitte Calys... et je comprends aussi comment tu as pu traverser le désert de Xen aussi rapidement, l'autre soir. »


Le petit prince n'avait pas lâché l'assassin du regard, alors que celui-ci s'obstinait à observer silencieusement le plafond. Lui qui pensait que le plus grand avait déjà tout dévoilé à son sujet, il se rendit compte que ce n'était pas le cas. Shira était partagé entre la déception, l'admiration et l'inquiétude. Il était déçu de voir que Seven lui avait caché une telle faculté qui pourrait probablement leur être utile par la suite. Mais d'un autre côté, il était impressionné de l'existence d'une telle aura, et du fait que l'assassin parvenait à contrôler le pouvoir qu'elle lui donnait. Néanmoins, il était aussi inquiet en se souvenant de l'état d'épuisement dans lequel cette aura avait mis son compagnon une heure plus tôt. Visiblement, abuser d'un tel pouvoir était dangereux.


« Cette aura qui est en toi, reprit le prince à la peau bronzée, est-ce que tu peux t'en défaire, ou la passer à quelqu'un d'autre ?

– La passer à quelqu'un d'autre non. M'en défaire, oui. A condition de mourir. Quoi que... »


Le jeune homme eut une réflexion soudaine: Est-ce que mourir était la seule manière de se défaire de cette aura surhumaine qu'il possédait ?


« Quoi que...? fit Shira, semblant attendre la suite de cette réplique.

– Non, laisse, répliqua l'assassin aux cheveux noirs en tournant son dos au prince et en fermant les yeux. On ferait mieux de dormir. Si on veut arriver à Acturus demain à une heure convenable, on devra se lever tôt. »


Le Xenois ne dit rien, et avait détourné son regard de son compagnon, l'air maussade. Seven avait raison: Il fallait dormir. Mais le prince avait l'impression que l'autre utilisait ce prétexte pour esquiver ses questions. S'allongeant dans son lit tout en tournant le dos à l'assassin, le jeune garçon ferma les yeux.


« Lao. Est-ce que tu me fais réellement confiance ? » lui demanda-t-il. Cette question, qui n'avait rien à voir avec le reste, étonna Seven au plus haut point. Il avait rouvert ses yeux, et s'était tourné pour regarder le plus jeune.


« Pourquoi cette question ? Tu penses que je ne te fais pas confiance ?

– J'ai l'impression que tu ne m'as pas tout dit à ton sujet. Ou plutôt que tu me caches encore des choses. Alors, j'en viens à me poser cette question. »


Le concerné afficha un léger sourire tout en se redressant pour s'assoir:


« Ce serait vraiment naïf de ma part de te faire totalement confiance, tu sais ?

– Et si je te disais que je te fais complètement confiance, est-ce que tu me trouverais trop naïf, ou stupide ?

– J'aurais surtout du mal à te croire, après les crimes que je t'ai avoué. »


Un silence s'installa pendant quelques instants suite à cette réplique. Seven ne comprenait pas vraiment ce que Shira lui racontait en cet instant. Mais le jeune prince se retourna pour regarder l'assassin droit dans les yeux, l'air sérieux:


« Les crimes que tu as commis sont horribles, et je suis le premier à le dire. Mais je n'oublie pas non plus que tu m'as aidé à plusieurs reprises, et que tu as choisis de délaisser le Mortem Regis pour me sauver. Tu aurais pu me laisser me débrouiller seul ensuite, et partir de ton côté. Mais tu as préféré rester à mes côtés pour me protéger. Et puis... Je me souviens encore de ce que tu m'as dis lorsque nous étions à Xenati: Je ne suis peut-être pas le meilleur ami que tu puisses avoir, mais je t'apprécie, et c'était le cas avant que je ne connaisse ta véritable identité. Tu t'en rappelle ? »


L'assassin s'en souvenait. Très bien, même. Le bracelet que Shira lui avait offert à Garnet était toujours attaché à son poignet, et à chaque fois qu'il le contemplait, il se souvenait de cet instant dont parlait le prince.


« Ce que tu m'as dis ce jour là m'avait profondément touché, avoua ce dernier en souriant légèrement. Et en voyant comment tu te démènes pour m'aider lorsque je suis en danger, je me rends compte que ce n'était pas des paroles en l'air. Tu étais vraiment sincère. C'est en grande partie grâce à cette sincérité si je te fais autant confiance.

– Je... crois que tu divagues un peu, Shira. » rétorqua l'assassin en se grattant nerveusement le bras, et le regard détourné du plus petit. Il ne savait pas quoi dire d'autre, ni quoi penser d'une telle confession.


« Peut-être que la fatigue me fait divaguer, supposa le prince en fermant les yeux. Mais de la même manière que je te fais confiance, j'aimerais que tu me fasse confiance aussi. Je n'ai pas l'intention de te trahir, Lao. Et je pense que tu le sais... »


Ledit Lao ne releva pas, et regarda l'adolescent qui s'endormait peu à peu du coin de l'oeil. Il ressentait une étrange sensation en cet instant. Il ne savait pas trop comment la décrire, mais c'était comme si les paroles de Shira l'avaient touché en plein coeur. Malgré les crimes qu'il avait pu commettre, dont un régicide, malgré qu'il n'avait pas toujours été sympa avec le prince à la peau hâlée, et malgré qu'il avait dû mentir à plusieurs reprises à ce dernier, Shira croyait en lui, et ne souhaitait pas le dénoncer. Même, le prince assurait que Seven pouvait placer toute sa confiance en lui. Et bien que l'assassin avait pris l'habitude de ne plus faire confiance à personne depuis un certain évènement, il voulait accorder sa confiance au jeune prince. A cette pensée, un léger mais tendre sourire s'était dessiné sur ses lèvres, tandis qu'il se rallongeait dans son lit, sans lâcher Shira du regard. Celui-ci s'était rapidement et paisiblement endormi.


« Bonne nuit, Shira. Et merci... » pensa le plus grand à son adresse, avant de fermer doucement les yeux, et de se laisser aller à son sommeil à son tour.



Laisser un commentaire ?