Mortem Regis

Chapitre 10 : Repos illusoire

5808 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/02/2021 15:09

Les heures défilaient rapidement, et l'après-midi était bien avancé à Kaärann. Seven marchait rapidement parmi les nombreux arbres peuplant la vaste forêt Aevia, suivi de près par Shira. Durant tout ce temps, ils avaient parcouru ensemble de nombreux kilomètres à travers ces bois enchanteurs mais dangereux. L'assassin, qui connaissait l'endroit par coeur, prenait soin de ne pas traverser un quelconque territoire appartenant à une tribu Vegarionne hostile, évitant ainsi une potentielle malheureuse rencontre, et probablement une bataille inutile et épuisante. En parlant d'épuisement, le prince de Xen commençait sérieusement à fatiguer, et haletait légèrement. Les deux hommes n'avaient pas fait de pause depuis qu'ils avaient repris leur route en direction de la nation des sables au sud. Et si de son côté, Seven était habitué aux longs trajets à pied, cela n'avait pas l'air d'être le cas de Shira.


« Petite nature... se moqua Seven avec un léger sourire, sans regarder le plus jeune.

– Hey ! Je ne te permets pas ! s'exclama le Xenois, vexé par une telle remarque péjorative à son égard. Je ne suis pas aussi endurant que toi, tu sais ? Et puis je suis blessé à l'épaule, je te rappelle.

– Oh, pauvre petit garçon. » répliqua l'assassin en levant les yeux au ciel, un peu exaspéré. Shira affichait un air un peu agacé. Petite nature, petit garçon, nabot... Pourquoi Seven se sentait-il obligé de lui donner des surnoms aussi désagréables et peu respectueux ? Et dire que le jeune Xenois pensait que le plus âgé était devenu plus sympa depuis la dernière fois où ils s'étaient vus ! Il s'était vite rendu compte que ce n'était pas vraiment le cas.


« Estime-toi heureux que je sois là pour te ramener chez toi, reprit Seven en regardant à nouveau devant lui. Tu serais déjà six pieds sous terre, sinon. »


Le prince ne répondit pas. Même si cet homme à la longue chevelure noire n'était pas l'être le plus aimable qui soit, il n'avait pas tort. Sans son aide, qui sait quels autres ennuis aurait rencontrés le Xenois. Ce dernier mit alors sa faiblesse et ses plaintes de côté, et suivit l'assassin. Tout en marchant ainsi, Shira repensa à Ewena et à son serviteur qui l'avaient secouru quelques heures plus tôt. Le prince à la peau hâlée se demandait pourquoi la princesse héritière de Vopaqua avait fait route jusqu'à la nation des forêts. Il était également curieux au sujet de Seven. Que faisait-il à Vegario ? Vivait-il ici ? Connaissait-il les chasseurs qu'ils avaient rencontré et combattu ? Le prince aurait voulu lui poser ces questions, mais il savait d'avance que Seven ne lui répondrait pas. Cet homme était un grand mystère à lui tout seul. Alors qu'il était perdu dans ses pensés, le plus grand des deux accéléra son allure en se dirigeant vers un arbre, et monta avec une habileté déconcertante sur plusieurs branches de celui-ci afin de prendre un peu de hauteur, dans le but d'observer les environs. Shira était un peu étonné par l'agilité dont faisait preuve son compagnon, mais il en profita pour s'assoir au sol, afin de reprendre son souffle. Mais ce moment de répit fut écourté par l'assassin qui était redescendu de l'arbre, en faisant signe au prince de se relever. Chose que le Xenois n'était pas vraiment disposé à faire en cet instant.


« On ne peut pas se reposer cinq minutes ? demanda-t-il, l'air dépité.

– Je t'ai déjà expliqué pourquoi on ne pouvait pas se reposer ici. Et puis on a presque atteint la frontière Xenoise. Fais un effort ! »


Shira poussa un profond soupir. Néanmoins, résigné, et histoire de ne pas passer pour un petit prince capricieux, il se releva et le duo reprit la route. Celle-ci était encore longue et éprouvante. Surtout pour le plus jeune des deux, qui se demandait comment l'autre pouvait être aussi endurant. Contrairement à lui, l'assassin en vert semblait toujours en forme. Il l'envierait presque pour son endurance à toute épreuve.


Finalement, après encore une demi-heure d'efforts, le duo parvint à sortir de la forêt, et par la même occasion de Vegario. Ils étaient arrivés au sommet d'un des grands plateaux qui longeait la frontière Vegario-Xenoise, et qui surplombait l'immense paysage désertique de l'empire de Xen. Celui-ci portait bien son surnom de nation des sables, étant donné les plaines et les dunes de sables qui s'étendaient à perte de vue. La végétation y était inexistante si on excluait les quelques cactus et les rares oasis perdues qu'on pouvait croiser. De là où les deux jeunes hommes se trouvaient, ils pouvaient apercevoir la silhouette d'une grande cité à l'horizon. Là était leur destination: Xenati.


« On a encore du chemin, affirma Seven en croisant les bras, les yeux rivés sur l'immensité du désert Xenois. En plus, ce serait de la folie de s'aventurer dans ce désert au beau milieu de l'après-midi. On cuirait sur place. »


L'assassin tourna sa tête vers Shira, qui haletait légèrement, et qui regardait sa cité au loin.


« Je te propose qu'on se repose ici, en attendant que la température diminue.

– Tu veux qu'on fasse la route de nuit ? s'étonna le prince en le regardant à son tour. Il fait très froid dans le désert le soir. Et puis, il y a des créatures plutôt agaçantes qui pourraient nous mettre des bâtons dans les roues.

– Le fait d'être constamment en mouvement nous réchauffera un peu. Nous n'avons pas de moyen de transport pour aller jusque là bas. Donc si on doit y aller à pied, autant faire en sorte de rendre ce voyage moins pénible. Quant aux éventuels monstres qu'on peut croiser, je peux gérer. Ne t'inquiète pas pour ça. »


Le prince de Xen était perplexe. Ce n'était pas qu'il trouvait l'idée de Seven mauvaise, mais elle était risquée. Néanmoins, il ne voyait pas quoi faire d'autre. Étant un habitant et un habitué du désert, Shira aurait pu traverser celle-ci de jour. Mais ce n'était probablement pas le cas de Seven. Le plus jeune accepta donc la proposition de ce dernier, et tous deux purent enfin prendre une longue pause, à la grande joie du prince, qui ne demandait que cela depuis plusieurs heures. Allongé sur le sol, Shira observa le ciel dégagé du jour. Non loin de lui, Seven s'était assis, une jambe tendue et l'autre recroquevillée, et observait son compagnon d'un air las. Comment un jeune garçon aussi faible que lui avait-il pu survivre seul jusqu'à aujourd'hui à travers tout le continent ?


« Au fait, l'interpella l'assassin sans le lâcher du regard. Qu'est-ce que tu fabriquais à Vopaqua, l'autre jour ? »


Une telle question de sa part étonna Shira, qui tourna sa tête vers lui.


« Pourquoi me demander ça maintenant ?

– Un prince de l'une des nations de Kaärann qui se promène seul, sans garde du corps, sans escorte et sans même un cheval à travers le continent, je trouve ça un peu étrange.

– Je voyage incognito, répondit le jeune prince. Tu es le seul que j'ai rencontré à savoir, pour mon statut de prince. D'ailleurs, comment tu as su, pour ça ?

– Réponds d'abord à ma question, et je répondrai à la tienne. »


Shira regarda longuement le plus âgé, avant de finalement se redresser pour s'asseoir en tailleur, et de répondre, le regard rivé vers la silhouette de Xenati:


« Dans quelques jours, je fêterai mes dix-sept ans. C'est le passage à l'âge adulte à Xen. Et nous avons une tradition pour célébrer cet événement. »


Le jeune prince raconta que les jeunes garçons sur le point d'atteindre cet âge devaient voyager à travers le continent, afin de réunir une liste d'ingrédients spécifiques qu'on ne pouvait trouver que dans chacune des six nations de Kaärann. Ces ingrédients réunis étaient ensuite utilisés pour préparer le festin en l'honneur du jeune adulte le jour de son anniversaire. Les Xenois appelaient ce voyage l'épopée de Rhaj, Rhaj étant l'une des divinités de Kaärann qu'on vénérait particulièrement à Xen. Ce périple, selon eux, était une occasion pour les jeunes garçons de devenir des hommes braves et pleins de ressources.


« Malheureusement, à cause de tous ces meurtres qui ont eu lieu, et par rapport à la période difficile que traverse mon père à cause des accusations à son encontre, j'ai été obligé d'écourter mon voyage pour retourner chez moi. Je n'ai même pas pu me rendre à Norte, ni même dans l'une des villes de Vegario. »


Seven demeurait attentif face au récit de Shira. Il était assez surpris de découvrir l'existence d'une telle tradition chez les Xenois, mais il comprenait mieux pourquoi il avait croisé le plus jeune à Emerald, puis à Garnet. Le prince de Xen poussa un profond soupir:


« Moi qui pensais rendre ma famille fière de moi en leur ramenant tous les ingrédients de cette épopée...

– Ta famille peut déjà s'estimer heureuse de te revoir en vie et en bonne santé, affirma l'assassin. Un tel voyage est plutôt dangereux.

– Je m'en suis rapidement rendu compte ! confirma Shira avec un léger sourire en regardant le plus grand. Seulement, étant donné que je suis l'un des princes de l'empire, j'aurais voulu réussir. Mon grand-frère y était parvenu avant moi. Et mon père bien avant nous. Sans compter les précédents souverains, ou les hommes Xenois qui sont passés par là.

– Princes, souverains, citoyens, bandits... Face au danger et à la mort, tous les humains sont égaux. »


Devant une telle réplique de sa part, Shira afficha un air étonné, ne comprenant pas trop où Seven voulait en venir. Celui s'allongea sur le dos, les mains placés derrière sa tête, et expliqua:


« N'aie pas honte de ne pas avoir accompli ce voyage jusqu'au bout, juste parce que tu es un prince qui aurait voulu suivre ou montrer le bon exemple aux autres. Tu as pris la décision de retourner chez toi parce que rien ne va plus sur ce continent. Si tu avais continué sans tenir compte de ça, tu aurais pu te faire tuer au même titre que le roi Moreh ou le prince Aelan. Et mourir alors qu'on ne faisait que chercher des ingrédients pour préparer une fête d'anniversaire, personnellement, je trouve ça complètement ridicule et débile. »


Shira ne put s'empêcher de sourire. Il était vrai que sous cet angle, Seven avait raison sur toute la ligne. Mais il ne pouvait pas s'empêcher d'être un peu frustré de ne pas avoir pu atteindre son objectif. Il aurait tellement voulu prouver que malgré ses apparences de jeune garçon frêle et innocent, il était capable d'accomplir des choses dont on ne le soupçonnait pas. Le jeune prince ferma les yeux quelques instants, afin de se remémorer tout ce qu'il avait accompli depuis qu'il avait quitté son foyer. Il avait rencontré pas mal d'obstacles dangereux sur son chemin. Mais à chaque fois, il avait trouvé un moyen de s'en sortir. Peut-être que sa survie jusqu'à cet instant était déjà une belle récompense, après tout. Le jeune homme ouvrit alors les yeux, et observa Seven. Celui-ci avait les yeux clos, et semblait avoir une respiration lente et profonde.


« Seven ? » l'appela Shira. Mais l'assassin n'avait pas répondu. Il avait l'air de s'être rapidement endormi. Le Xenois ne savait pas s'il devait en rire, ou être outré. Toutefois, le plus grand avait raison de dormir un peu. Les deux n'auraient pas l'occasion de le faire une fois la nuit tombée. Le garçon à la peau hâlée s'allongea alors au sol, et ferma les yeux pour tenter de s'endormir à son tour. Seven, qui ne dormait pas vraiment en réalité, le regarda faire du coin de l'oeil.



Quelques heures s'étaient écoulées depuis. Après un long trajet éprouvant dans la forêt Aevia, Ewen et Harvay, à dos de leurs chevaux, étaient enfin arrivés à la capitale de Vegario: Rhéa. Bien qu'il s'agissait d'une ville assez peuplée, ce lieu semblait étrangement calme. Ou plutôt, il dégageait quelque chose de serein. L'architecture des maisons de cette cité était très différente de ce que le duo avait pu voir à Emerald ou à Kalora. Essentiellement construites en bois et en brique, elles s'élevaient pour la plupart sur un ou deux étages. La forme singulière de leurs toits courbés leur donnait une allure à la fois fière, élégante et majestueuse. On pouvait également entrevoir des décorations en porcelaine ou sculptées dans la pierre non seulement sur les devantures de ces nombreuses demeures, mais aussi le long des allées pavées serpentant toute la ville. La végétation occupait également une place importante à Rhéa. Quelques arbres fleuris aux pétales roses et blanches étaient dispersés un peu partout, et certaines habitations possédaient des jardins remplis de fleurs colorées.


« C'est beau, s'émerveilla Ewen. On a vraiment l'impression d'être dans une ville tranquille, à l'abri de tout danger.

– Je suis d'accord, admit Harvay. Vu comme ça, on ne dirait pas que quelqu'un est venu ici pour tuer le prince Vegarion. »


La princesse aux cheveux bleus ne répondit pas. Il était vrai que la beauté de cette capitale Vegarionne ferait presque oublier la perte du prince de cette nation. Néanmoins, en observant les habitants qui passaient non loin d'eux, Ewen remarqua leur mine sombre et attristée, à l'instar de la population de Kalora suite à la disparition de leur roi. Mais à la différence de celle-ci, le visage de certains citoyens de Rhéa laissaient entrevoir une certaine colère, ce qui était tout à fait compréhensible. Aelan était connu pour être un prince généreux et exemplaire. Ewen savait qu'il était légèrement plus jeune qu'elle. Pourquoi avoir assassiné un garçon aussi jeune ? Les meurtriers responsables de cet acte ignoble n'avaient donc aucune pitié ? La princesse aux cheveux bleus repensa alors à la mystérieuse personne qu'ils avaient croisée plus tôt dans la forêt, et qui l'avait sauvée en éliminant une chasseuse sur le point d'abattre la jeune fille d'une flèche. Celui qui se faisait appeler Seven. Étant donné son physique, il était très probable que lui, l'assassin de Moreh, et celui qui avait attaqué la princesse Vopaquine à Kalora soient une seule et même personne.


« Est-ce qu'il aurait également tué le prince Aelan ? se demanda la jeune fille, perplexe. C'est très peu probable, mais pas impossible. Mieux vaut ne pas tirer de conclusion trop hâtives. »


Mais il y avait une autre question que la princesse se posait. Si c'était bien ce Seven qui avait tenté de la tuer au Palais de Redfir, pourquoi l'avait-il sauvée en ce jour face aux chasseurs qu'ils avaient rencontrés ?


« Ewen, nous sommes arrivés. » l'interpella tout à coup la voix de Harvay qui l'avait tirée de ses pensées. Elle constata qu'ils étaient effectivement au pied du palais royal de Vegario, qui ressemblait beaucoup plus à un temple qu'à un palais. C'était vraiment différent de Vopaqua ou de Redfir. La demeure royale Vegarionne avait le même style d'architecture que les habitations de la ville, à la différence qu'elle était beaucoup plus vaste, et qu'elle s'élevait plus haut, c'est à dire sur trois ou quatre étages, surplombant ainsi toute la cité de Rhéa. Aussi, elle arborait à plusieurs endroits l'emblème de la nation, représentée par une fleur de lotus rose fuchsia. La bleue et son serviteur n'eurent pas le temps de contempler plus en détail le monument. Alors qu'ils venaient tout juste de descendre de leurs destriers, une jeune fille d'assez petite taille et qui ne devait pas avoir plus de quinze ans se présenta à eux, accompagnée de deux gardes royaux. L'adolescente aux longs cheveux lisses et noirs, et vêtue d'un kimono blanc possédant des motifs brodés rouges, s'était inclinée de respect devant Ewen.


« Princesse Ewena de Vopaqua, commença-t-elle, avant de se redresser et de planter ses yeux ébènes dans ceux de son homologue féminin. Je me nomme Aeris, fille de sa Majesté le roi Aeren. Mon père attendait votre arrivée. »


Tandis que Harvay avait fait la révérence à l'adresse de cette princesse, Ewen lui avait adressé un sourire de gratitude:


« Merci pour cet accueil, votre Altesse. Et mes sincères condoléances pour votre frère. »


Aeris ne répondit pas. Elle se contentait de rendre un petit sourire à Ewen, avant de lui tourner le dos, et d'avancer en direction du palais en lui faisant signe de la suivre avec Harvay. Celui-ci avait échangé un regard avec celle qu'il servait. Les deux l'avaient remarqué: le sourire de cette jeune princesse cachait une profonde tristesse qu'elle éprouvait suite à la mort de son ainé. Mais tous deux préférèrent ne rien dire, et se contentèrent de suivre Aeris.


La salle du trône de Vegario, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, n'était pas aussi grande que celles des palais Vopaquin et Firois. Néanmoins, deux petits bassins d'eau claire et peu profonde alimentées par de petites fontaines se trouvaient de part et d'autre de l'allée centrale carrelée qui menait jusqu'au siège royal en bois décoré par plusieurs variétés de fleurs dont les pétales étaient dans les tons rosés. Le roi Aeren y était assis, et son épouse se tenait debout juste à côté de lui. Le couple royal, tout comme Aeris, étaient des natifs de Vegario, tous les deux possédant des longs cheveux noirs, ainsi que des yeux de cette même couleur. Le souverain portait une tunique élégante verte et noire, complétée par une armure très légère dorée qui recouvrait principalement ses poignets et ses épaules. Quant à la reine, elle était vêtue d'une belle robe marron longue, légèrement décolletée, et on pouvait voir une couronne de fleurs blanches posée sur le dessus de sa tête. Alors qu'Aeris s'était placée à côté de son père, Ewen et Harvay s'inclinèrent devant celui-ci.


« Bienvenue à vous, princesse Ewena, lui souhaita Aeren avec un sourire léger mais qui se voulait chaleureux. Je vous présente mon épouse Alfrid. »


La reine Vegarionne hocha la tête en souriant à l'adresse d'Ewen en guise de salutation.


« Merci pour votre accueil votre Majesté, répliqua la bleue en se redressant en même temps qu'Harvay. Et merci d'avoir accepté de nous recevoir, moi et mon garde personnel.

– Toi et les tiens êtes les bienvenus à Vegario. J'espère que votre voyage jusqu'ici n'a pas été trop pénible.

– Ne vous en faites pas pour cela, affirma Ewen. Malgré une malheureuse rencontre avec une tribu de chasseurs, nous n'avons pas rencontré de problèmes insurmontables. »


Suite à la mention de cette tribu, le roi poussa un léger soupir.


« Je suis vraiment désolé pour cela, s'excusa-t-il. Voilà plusieurs années que je mets tout en oeuvre pour que les tribus et les clans peuplant les forêt se montrent moins hostiles envers les étrangers. Mais rien à faire: ils s'entêtent à vouloir les chasser ou les capturer à chaque fois.

– Si je peux me permettre, votre Majesté, intervint Harvay, pourquoi ces tribus se comportent-elles ainsi ?

– Nous ne sommes pas venus ici pour parler de ça, Harvay. » lui murmura Ewen, un peu gênée que le blond pose sa question de cette manière. Néanmoins, la reine Alfrid n'avait pas hésité à répondre:


« Ce problème date de plusieurs générations. A Vegario, et contrairement aux autres nations de Kaärann, nous possédons une culture conservatrice. Nombreux sont ceux et celles qui souhaiteraient ne voir que des Vegarions sur ce territoire. Ils détestent les étrangers, et ont peur que nos traditions et nos savoirs se perdent ou se fassent voler par d'autres peuples. »


Mais la famille royale de Vegario, depuis le règne du roi Aroun, le grand-père du roi actuel, a voulu suivre l'exemple des autres pays, et s'ouvrir à ces derniers. Mais une partie de la population Vegarionne ne partageait pas cette idée, et a donc décidé de renier la famille royale. Suite à cela, ils ont commencé à quitter les différentes villes de la nation pour aller vivre en forêt. Différents groupuscules se sont ainsi formés. Les groupes formés de moins de soixante personnes se faisaient appelés tribus, et les autres étaient nommés clans. Ces tribus et clans, qui portaient les noms de leurs leaders respectifs, se différenciaient par des règles de vies qu'ils s'imposaient. Mais ils avaient tous un point commun: Il s'attaquaient aux étrangers qui avaient le malheurs de fouler leurs territoires.


« A cause d'eux, les touristes se font de plus en plus rares à Vegario, compléta Aeren en regardant Ewen. Plus personne n'ose s'aventurer dans ses forêts par peur de croiser ces individus agressifs. C'est d'ailleurs pour cela que votre désir de venir jusqu'ici m'a beaucoup étonné. »


La princesse de Vopaqua de répondit rien. Elle était vraiment désolée pour ce roi et sa famille qui semblaient être des gens bien, mais qui peinaient à gérer une partie de leur population qui ne partageaient pas leurs idéaux. Si en plus on rajoutait à cela le fait qu'une personne avait assassiné le prince Aelan...


« Nous comprenons, votre Majesté, parla Harvay. Et nous sommes désolés pour tout cela. Nous espérons de tout coeur que cette situation s'arrangera. »


Cette belle phrase fit légèrement sourire la reine Alfrid, qui avait l'air touché par une telle compassion. Aeris, elle, avait détourné le regard, l'air maussade. Quant au roi Aeren, il s'était levé de son trône en croisant les bras, et en détournant son regard de ses invités.


« Vous dites être venus ici pour enquêter sur la personne qui a pris la vie de mon fils, parla-t-il. Je pense qu'il n'y a pas à chercher très loin. L'empereur de Xen a quelque chose à avoir de près ou de loin avec ce meurtre.

– Aeren... murmura Alfrid, qui ne semblait pas partager son avis.

– J'ai effectivement entendu les soupçons à son sujet, confia Ewen. Mais je pense qu'il est encore tôt pour tirer une telle conclusion. D'autant plus que j'ai peut-être une piste concernant l'assassin de son Altesse Aelan... et celui du roi Moreh.

– Une piste ? s'étonna la jeune Aeris. Quelle est-elle ?

– Je suis désolée, s'excusa la bleue, mais j'aimerais d'abord être vraiment sûre, avant de la dévoiler. C'est pour cela que je suis venue ici. »


Le regard de la princesse de Vopaqua s'était tournée vers Aeren et Alfrid:


« Votre Majesté. Dame Alfrid. Cela va vous paraître déplacé de ma part, mais j'aimerais que vous me racontez précisément ce qui est arrivé à votre fils. »


Alors qu'Harvay regardait sa princesse d'un air surpris, le couple royal s'échangea un regard. Non sans une certaine hésitation, ils décidèrent de tout raconter à Ewen.



Le soleil était en train de se coucher, et la température semblait avoir baissé à la frontière Vegario-Xenoise. Il ne faisait pas spécialement froid pour le moment, mais il ne faisait pas exagérément chaud non plus. Toujours allongé au sol, Seven avait les yeux rivés sur les quelques étoiles déjà présentes dans le ciel crépusculaire. Il n'avait pas dormi, mais estimait que rester allongé ainsi pendant plusieurs heures lui suffisait pour reprendre des forces. De temps en temps, il jetait un coup d'oeil à Shira allongé à côté de lui. Celui-ci dormait profondément, un léger sourire aux lèvres.


« Toi, ta naïveté te perdra un jour... » pensa-t-il vis à vis de lui, avait d'observer à nouveau le ciel. Mais tout à coup, il entendit des bruits de pas avançant en leur direction. Le jeune assassin se redressa pour se retrouver assis, et scruta les alentours. Les claquements des souliers contre le sol se faisaient de plus en plus forts et nombreux, et quelques faibles lueurs provenant probablement de lanternes s'approchaient. L'homme en vert donna un petit coup à Shira pour le réveiller.


« Réveille-toi petit prince. On a de la compagnie, lui murmura-t-il avant de se mettre debout.

– Hm ? »


Shira ouvrit faiblement les yeux. Il mit un certain temps à reprendre ses esprits, avant de se tourner vers Seven qui s'était relevé et qui fixait du regard une certaine direction en fronçant les sourcils. Il observa alors à son tour dans cette même direction, et se mit debout à son tour, l'air méfiant. Plusieurs silhouettes se rapprochaient doucement d'eux, alors que des rires masculins se faisaient entendre. Au fur et à mesure que ces mystérieux individus se rapprochaient, les deux jeunes hommes parvenaient petit à petit à les distinguer. Ils s'agissait de six hommes plus âgés et plus imposants qu'eux. Probablement des bandits si on se fiait à leurs tenues, leurs armes et leurs dégaines malicieuses. Seven ordonna à Shira de passer derrière lui, ordre que ce dernier exécuta, pendant qu'il faisait face à la bande.


« Dites donc, les gamins ! leur parla l'un d'entre-eux alors qu'ils s'était arrêtés à quelques mètres devant le duo. Ce n'est pas l'heure d'aller au lit ? J'entends vos mères vous appeler ! »


Cette petite farce provoqua un rire chez ses acolytes, alors que l'assassin et le prince se contentaient de rester silencieux.


« Vous n'êtes pas de grands bavards, hein ? continua le voyou devant le mutisme des deux plus jeunes. A moins que vous préférez une autre façon de communiquer ?

– Nous, on en connait une plutôt amusante, si vous voyez ce qu'on veut dire. » rétorqua un autre qui leur avait fait un clin d'oeil tout en se léchant les lèvres avec avidité. Ses complices rigolèrent, semblant ravi d'une telle idée.


« Ils sont deux, nous sommes six, calcula un troisième bandit. Ça en fait un pour trois !

– Je veux bien me farcir le plus petit des deux ! » sourit un quatrième en posant ses yeux sur Shira, qui avait reculé de quelques pas, visiblement répugné par leur attitude. A l'inverse du Xenois, Seven afficha un sourire provocateur.


« Désolé de briser vos envies obscènes, mais nous ne sommes pas intéressés par votre offre. Alors voilà ce que je vous propose à la place: Passez votre chemin, et oubliez que nous nous sommes croisés. Ou restez ici, à vos risques et périls. »


Il n'avait pas pris la peine de leur dire ce qu'il leur ferait, mais la menace était claire. Malgré cela, les voyous ne purent s'empêcher de rigoler, ce qui ne rassurait pas Shira, qui se demandait comment ils allaient sortir de ce pétrin. L'assassin aux cheveux d'ébène, sans perdre son sourire, se contentait d'observer les brigands se moquer de lui. Une fois leur crise de rire passée, celui qui semblait être leur chef dégaina un sabre court:


« Et si on te donnait une petite leçon, pour te faire ravaler ton arrogance ? »


En guise de réponse, Seven s'était armé de ses lames-pistolets, et s'était mis en garde, toujours en affichant un sourire narquois.


« J'ignorais que des moins que rien de votre genre étaient aptes à enseigner quelque chose. » le nargua-t-il. Cette plaisanterie de sa part agaça les bandits qui foncèrent alors vers lui pour l'attaquer. Leur leader fut le premier à frapper. Mais l'assassin, qui était aussi rapide que le vent même sans son aura, parvint à éviter l'attaque et planta l'une de ses lames dans l'épaule du brigand qui hurla de douleur. Deux autres brigands décidèrent alors de l'attaquer simultanément.


« Pathétique... » pensa Seven alors qu'il venait de tirer deux balles qui avaient touché de plein fouet les armes de ses deux opposants. La violence de l'impact de ces projectiles les avait forcé à lâcher leurs sabres, ce qui les déstabilisa. L'homme en vert en profita pour passer rapidement derrière eux, et planter ses dagues dans leurs dos, les achevant ainsi. Alors que ces deux voyous s'étaient effondrés au sol, un autre fonça vers lui en hurlant, son arme levée pour l'abattre sur Seven. Malheureusement pour lui, ce dernier lui avait mis un gros coup de pied dans le ventre pour stopper sa course, suivi d'un autre coup de pied au visage qui le fit tomber au sol. Le bandit voulu se relever, mais Seven ne lui en avait pas laissé le temps: il l'avait plaqué au sol en posant violemment son pied sur son ventre, et s'était baissé au niveau de sa gorge afin de la trancher.


« Lâchez-moi, espèce de porc ! » s'écria Shira, alors qu'un brigand encore debout l'avait attrapé par le bras, probablement pour décamper en l'emportant. En voyant cela, Seven se releva, visa l'individu avec, et lui tira une balle en pleine tête. L'homme, mort sur le coup, lâcha le prince Xenois, et tomba mollement à la renverse au sol. L'assassin observa alors le plus jeune, et était sur le point de lui demander s'il allait bien. Mais tout à coup:


« Seven, attention ! » hurla l'adolescent à son adresse, alors qu'il avait tendu sa main vers lui. Les joyaux rougeâtres incrustés dans le bracelet en or qu'il portait au poignet s'étaient illuminés, et des flammes jaillirent de sa main, fonçant droit vers Seven. Celui-ci, d'abord surpris, esquiva néanmoins, et remarqua que ce sort incandescent visait en réalité le leader des brigands qui était le dernier membre du groupe à être encore en vie, et qui avait failli frapper l'assassin avec son arme. L'assassin du Mortem Regis écarquilla les yeux de stupeur en regardant les flammes consumer le corps du voyou qui hurlait à la mort, avant de rendre l'âme et de s'écrouler par terre. Un lourd silence régna ensuite. Seul le crépitement des flammes continuant de brûler le cadavre calciné se faisait entendre. Seven observa Shira, abasourdi par ce qui venait de se passer, tandis que le prince haletait, se remettant petit à petit de la frayeur qu'il avait eu.


« Hey, l'interpella l'assassin qui s'était approché de quelques pas vers lui. C'était quoi, ça ? »


Shira dût prendre un certain temps, à la fois pour reprendre son souffle, et formuler sa future réponse. Sauf que le plus grand n'était pas suffisamment patient.


« Réponds, Shira ! Qu'est-ce que c'était que ce truc ?! répéta-t-il en élevant le ton.

– Ce sont mes bracelets qui me donnent ce pouvoir ! C'est tout ! Je ne voulais pas que cette magie s'active maintenant ! Je ne voulais pas faire ça ! Je ne voulais pas le tuer ! Je voulais seulement t'aider ! Je ne voulais pas en tuer un de plus ! J'en ai tué tellement ! Je m'étais juré de ne plus jamais utiliser mes bracelets pour ça ! » paniqua vivement Shira, plus sous l'effet de l'émotion qu'autre chose. Il semblait tellement effrayé qu'il avait même reculé légèrement de Seven. Ce dernier demeura alors silencieux, sans lâcher le plus jeune des yeux. Il ne s'attendait absolument pas à cela de la part de ce nabot. L'assassin comprenait mieux comment il était parvenu à faire fuir les loups luisants à Redfir pour le sauver la dernière fois. Il comprenait également comment Shira avait pu survivre jusque là à travers tout le continent. Avec une telle magie enfermée dans ces mystérieux bracelets qu'il possédait, il pouvait brûler à mort n'importe qui tentant de le tuer, ou de lui faire du mal. Si le petit prince était actuellement dans cet état de peur, c'était probablement parce que le nombre de personnes ayant péri sous ses flammes étaient nombreuses. C'était vraiment très étonnant de sa part, en y repensant.


Mais l'heure n'était pas à l'admiration d'une telle capacité.


Seven s'était approché de son compagnon, avant de poser doucement sa main sur le dessus du crâne de celui-ci.


« C'est bon, j'ai compris, le rassura-t-il pour calmer sa crise de panique. Tout va bien maintenant. C'est fini. »


Voyant que Seven ne se montrait finalement pas agressif vis à vis de lui malgré la découverte de sa capacité cachée, Shira se calma en respirant un bon coup, et regarda le plus âgé dans les yeux:


« Désolé. »


L'assassin aux longs cheveux noirs lui adressa un bref sourire, avant d'ôter sa main de sa tête, et de se tourner vers les cadavres des bandits au sol. Il s'approcha ensuite d'eux, et fouilla dans leurs besaces: Il récolta ainsi trois-cent Gharils, ce qui était une somme non négligeable. Il constata également que certains d'entre-eux portaient des vêtements amples qui les protégeaient probablement du froid qui s'apprêtait à s'abattre sur le désert en cette nuit. Bien que ces linges étaient tâchés de sang, Seven les prit tout de même, et en enfila un, avant d'en tendre un second au prince Xenois.


« Couvre-toi avec ça, lui conseilla-t-il. On aura moins froid. »


Shira, qui se remettait lentement de son choc émotionnel passager, observa les taches de sang présentes sur le tissu avec dégoût. Mais connaissant les basses températures qui régnaient sur les sols sableux de l'empire de Xen la nuit, il ne broncha pas, et saisit ce vêtement afin de le revêtir. Seven avait également ramassé deux lanternes au sol, qui les éclairerait pendant leur trajet nocturne. Il en donna une à Shira, et garda l'autre. Une fois près, les deux jeunes hommes purent enfin pénétrer dans la nation des sables, et se diriger vers Xenati.



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