La Flamme de Mililian - Tome 1 - Partie 1

Chapitre 3 : Il faut sauver Ayrik

4067 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/12/2020 12:39

              Raeni quitta le bureau du directeur deux heures plus tard, furieuse et rongée par l’angoisse. Elle avait eu beau hurler, s’énerver, avancer tous les arguments qu’elle avait pu trouver pour défendre le petit garçon, l’homme n’avait rien voulu entendre. Malgré ses dires, la jeune femme savait pertinemment que lui-même ne croyait pas en l’innocence d’Ayrik. Cette occasion de s’en débarrasser était trop belle, il ne pouvait la laisser passer. Il ne l’aurait jamais avoué à voix haute, car il se devait de tenir sa réputation et la confiance des enfants, mais il n’avait jamais voulu de ce petit humain à l’orphelinat. Jamais.

              Ayrik était arrivé là huit ans plus tôt. A peine né, enveloppé dans une couverture ornée de fines broderies. Personne n’avait vu qui avait pu le déposer devant la porte de l’orphelinat, et personne n’avait voulu l’adopter à cause de ses origines. Pourtant, le bambin était adorable : d’un caractère doux et calme, un peu rêveur, il n’avait jamais cherché d’ennuis à qui que ce soit et faisait même bien attention à faire tout ce qui lui était demandé afin d’éviter de s’en attirer. Certains l’avaient bien vite compris, et se servaient de lui comme bouc émissaire. Et personne n’avait voulu prendre sa défense, jusqu’à l’arrivée de Raeni.

              La jeune femme regagna sa chambre, dont elle claqua la porte avec violence derrière elle. Elle tourna ensuite la clé dans la serrure afin de ne pas être dérangée, puis enfila en vitesse une tunique et un pantalon léger. Une paire de bottes et une longue cape noire à capuche vinrent compléter sa tenue. Elle rabattit le bout de tissu sur sa tête afin de dissimuler son visage, puis déplaça son lit de quelques centimètres sans bruit. Elle compta cinq lattes depuis le mur, appuya sur la sixième, et révéla une minuscule trappe soulevée par le mécanisme. Elle s’assura une nouvelle fois que personne ne se trouvait à la porte avant de se glisser dans l’étroite ouverture.

              Le passage se referma derrière elle, la plongeant dans une semi-obscurité à laquelle il lui fallut s’adapter. Elle descendit une échelle de bois. Lorsque ses pieds touchèrent la terre meuble du sous-sol, elle remonta le boyau durant deux minutes avant d’émerger derrière un épais buisson entre les maisons. La jeune femme s’assura que sa capuche dissimulait bien son visage avant de s’engager dans la rue. Elle longea les murs avec le plus de discrétion possible, consciente des risques qu’elle prenait à sortir ainsi de sa chambre malgré la surveillance que devait exercer la garde. Elle dut à plusieurs reprises se dissimuler à l’angle des bâtiments afin d’éviter des patrouilles. Elle était inquiète, mais devait à tout prix rejoindre son petit protégé pour s’assurer qu’il allait bien.

              Contrairement à ce qu’elle avait dit au directeur, Raeni savait où se trouvait Ayrik : grâce à quelques gamins des rues alliés à sa bande, elle avait pu savoir à temps ce que préparait Khassendrah et envoyer le petit garçon à l’abri avec une escorte de deux ou trois autres orphelins de confiance. Elle avait cependant préféré rester, car elle s’était doutée qu’elle serait l’une des premières à être interrogée au sujet du larcin et de l’implication du jeune humain. Elle n’avait cependant pas prévu que sa disparition soudaine puisse passer pour un aveu, surtout avec le bijou toujours présent à l’orphelinat. Elle serra la mâchoire un instant. Khassendrah, une fois encore, avait réussi son coup. Ayrik risquait de payer pour une bêtise qu’il n’avait pas commise, et elle s’en sortirait sans la moindre punition, et même plutôt victorieuse, s’il venait à être emprisonné comme l’avait promis le directeur.

              La jeune femme quitta bientôt les beaux quartiers pour entrer dans les zones les plus mal famées de Khaëlentis. Dès que les pavés commencèrent à perdre en régularité, que la façade des maisons lui apparut plus décrépie, elle accéléra l’allure et baissa la tête sans pour autant cesser de faire attention à ce qu’il se passait autour d’elle. Jadis, même les ruelles les moins bien entretenues possédaient un certain charme. Raeni n’y aurait certes pas traîné à la noct-heure, surtout à l’âge qu’elle avait à l’époque, mais, au moins, les bâtiments tenaient debout et les passages étaient dégagés. Après la guerre, les édifices en ruines se comptaient par dizaines, et de nombreuses allées avaient été condamnées par les débris laissés par les différents assauts. De plus, une multitude de paysans privés de leurs terres avaient élu domicile dans les recoins les plus insalubres, à la recherche d’un peu de sécurité. Aujourd’hui, eux-mêmes représentaient une menace certaine pour les habitants de la cité. Cependant, elle savait aussi que personne ne changerait la situation de sitôt. Les autorités préféraient reconstruire les zones les plus densément peuplées, ainsi que celles qui avaient été plus durement frappées par le conflit. Khaëlentis, située loin du cœur des combats, ne se trouvait pas sur la liste des priorités.

              Raeni frissonna. La guerre n’était plus qu’un lointain souvenir, pour elle, puisque les escarmouches s’étaient arrêtées trois ans plus tôt dans la région, mais rien n’avait été mis en œuvre pour dédommager les habitants meurtris et traumatisés par celles-ci. Personne ne s’inquiétait de leur sort. La seule chose qui importait semblait être le port, arrêt obligatoire pour les navires chargés de précieuses denrées et matériaux de construction. Le reste de la ville ne comptait pas. Depuis la fin du conflit, trois mois plus tôt, le trafic avait gagné en intensité au point que les mendiants soient parfois engagés pour aider au déchargement des vaisseaux. La main d’œuvre ne manquait pas, bien au contraire, mais les logements ne se reconstruisaient pas pour autant.

              La jeune femme fut tirée de ses pensées par des pas devant elle. Elle se glissa entre deux bâtiments à moitié effondrés et retint sa respiration. Plus aucun garde ne passait par ici depuis des mois, tant à cause de l’irrégularité des pavés que de la présence de malfrats trop bien organisés pour eux. Elle attendit que l’homme, un alfombre au visage couturé de cicatrices, soit passé devant elle et ait disparu au coin de la rue avant de reprendre sa route à pas prudents. Elle devait faire attention. Il lui fallait rester en vie coûte que coûte, pour Ayrik.

              Enfin, après de longues minutes de marche, elle déboucha sur une placette au centre de laquelle se dressaient les restes d’une fontaine. Jadis, le lieu avait été agréable, et elle se souvenait même de s’être baignée une fois dans le bassin, surveillée par ses parents. Elle chassa aussitôt cette image pour se concentrer sur le présent. Elle s’assura que personne ne se trouvait dans les parages, puis s’avança à découvert en direction d’une maison en ruines, mais plutôt bien conservée par rapport à ses voisines. Une fois devant la porte, elle frappa trois fois, puis gratta la surface du bout des ongles deux fois avant de porter deux nouveaux coups légers sur le panneau de bois à moitié pourri. Elle se plaça ensuite à trois pas de l’entrée et attendit.

              Au-dessus de sa tête, un volet claqua. Un sourire étira ses lèvres. Elle devina que la gardienne des lieux la saluait. Rassurée, elle murmura son nom. Laertha.

Bien que sa voix n’ait sans doute pas porté plus loin qu’à quelques centimètres de sa bouche, elle savait que le fantôme l’avait entendue. Sa présence assurait à la maison un abandon permanent depuis des dizaines d’années, bien avant le début de la guerre. Ses manifestations, même minimes, inquiétaient les voisins et les passants. Certains, persuadés qu’elle devait trouver le repos, parlaient de temps à autres de nécromages, mais tout le monde savait que jamais un tel mage n’interviendrait. Ceux capables de se débarrasser d’elle vivaient loin, et, avec les revenus modestes de la cité, il était impensable de s’offrir leurs services. De toute façon, elle n’avait jamais causé de tort en ville, hormis aux petits malins qui s’amusaient à pénétrer dans sa demeure.

Les seuls qu’elle acceptait chez elle, c’étaient Raeni et sa bande. Le meilleur ami de la jeune femme, Faelor, avait développé un don pour parler avec la revenante et avait découvert que, derrière sa façade effrayante, se cachait une âme adorable et très affectueuse. Elle avait accepté avec joie de leur offrir un foyer, un refuge où se cacher lorsque rien n’allait comme ils l’espéraient. Elle veillait sur eux et sur ce qui était devenu avec le temps leur sanctuaire avec autant d’amour qu’une mère l’aurait fait. Tout le monde l’adorait, même les plus superstitieux d’entre eux.

Une petite minute après la première manifestation de Laertha, la porte s’ouvrit avec un grincement sinistre. Personne ne se trouvait derrière, mais un courant d’air glacial vint faire frissonner la jeune femme. Si elle n’était pas aussi sensible que son ami aux phénomènes liés à la présence d’un esprit, elle avait tout de même appris à reconnaître certains d’entre eux. Elle attendit que le battant s’ouvre davantage pour pénétrer dans le bâtiment, après avoir remercié le fantôme. Malgré sa clémence envers le petit groupe, elle pouvait se montrer particulièrement irascible si l’on oubliait la politesse.

Raeni s’engagea dans les couloirs en ruine de la vieille bâtisse. Un instant, elle se crut engagée dans un lieu hors du temps. Le sommet des murs, noirci, dévoilait aux yeux de la visiteuse nocturne son témoignage glaçant. L’incendie qui avait dévoré l’habitation, jadis, avait dû être d’une violence inouïe. Il avait cependant laissé le rez-de-chaussée presque intact, mais le temps avait achevé le travail de l’élément. Le plancher pourri laissait apparaitre de nombreuses herbes folles entre ses lattes dessoudées ou craquées, de la mousse recouvrait les murs et les planches de bois. Celles-ci s’étaient craquelées sous l’action des éléments météorologiques. Les fenêtres avaient été condamnées, tout comme la porte l’aurait été si Laertha avait laissé les employés faire leur travail. Les pièces vides avaient été investies par des oiseaux et des chats sauvages. Des souris avaient creusé les murs. Des cafards circulaient en toute liberté sous les lattes branlantes. Et, à la plus grande terreur d’un certain nombre de personnes en ville, une colonie d’araignées luminescentes avait élu domicile dans les recoins les plus sombres de l’ancien salon.

La jeune femme frissonna. Elle n’appréciait guère ces créatures, à cause de leur venin hallucinogène et leur morsure douloureuse. Elle avait eu l’occasion d’en faire les frais une fois, et n’était pas près de renouveler l’expérience. Par chance, leur grande taille les rendait faciles à repérer, aussi ne craignait-elle pas de traverser la pièce malgré leur présence. Elle se dépêcha cependant de passer, guère tentée par la perspective de les déranger dans leur sommeil.

Elle arriva enfin au pied de ce qui fut jadis l’escalier. La partie supérieure de celui-ci, conduisant aux étages, avait depuis longtemps disparu, emportée par les flammes ou le temps. En revanche, la partie basse, dirigée vers la cave, avait par miracle échappé à la destruction. Les gamins avaient bien sûr été obligés de rafistoler au mieux le passage pour le sécuriser, mais les travaux n’avaient guère été longs, ni compliqués. Quelques planches solides, bien fixées dans la pierre, avaient suffi pour recouvrir les marches érodées. Raeni les descendit d’un pas rapide avant de s’engager dans la pièce souterraine, aussi vide que le reste de la demeure. Elle se glissa sous l’escalier et frappa contre le mur trois fois, puis glissa son doigt le long d’une brique avant de frapper à nouveau la pierre une fois. Elle attendit deux secondes, redonna deux coups, et recula ensuite de deux pas. Sous ses yeux, un pan entier de mur s’enfonça dans le sol pour révéler une porte de bois toute simple. Un claquement sec résonna alors, et le battant s’ouvrit sur une elfe de feu à peine plus âgée qu’elle. Ses sourcils froncés traduisaient son inquiétude.

—   Tu n’as pas été suivie ? demanda-t-elle lorsque l’hybride la rejoignit.

Le système enchanté se referma derrière elle. Si l’elfe de feu n’avait pas pris une torche avec elle, elles se seraient retrouvées dans l’obscurité la plus totale.

—    Non, lui assura Raeni. J’ai fait attention. Ils sont tous occupés à chercher Ayrik dans le port, je crois. Et ils doivent penser que je dors.

—   Tant mieux, soupira l’elfe de feu, soulagée.

—   Au fait, Ayrik va bien ?

—   Il est terrifié, mais en pleine forme, l’informa-t-elle. Et il te réclame depuis qu’il est arrivé.

Un sourire attendri glissa sur les lèvres de la jeune femme.

—   Allons le rejoindre, alors, déclara-t-elle.

Les deux amies s’engagèrent donc le long d’un couloir obscur. Raeni laissa sa camarade la guider, car elle connaissait bien mieux les souterrains qu’elle. L’obscurité autour d’elles rendait le terrain plus inconnu encore à la jeune femme, habituée à voir de nombreuses torches sur les murs pour éclairer le chemin. Elle devina que leur absence devait être liée à la nécessité de passer inaperçus pour cacher Ayrik. La moindre lueur visible depuis l’extérieur attirerait l’attention des gardes, ou au moins des curieux.

Les deux acolytes arrivèrent au bout de quelques minutes en face d’une lourde porte de bois dépourvue de poignée. L’elfe de feu y posa sa main, puis la poussa sans effort apparent. Une vaste pièce circulaire se révéla devant elles, occupée par une petite dizaine de gamins althëliens. Dans un coin, deux d’entre eux discutaient, assis sur des poufs à l’allure confortable. Trois autres dormaient sur des paillasses posées à même le sol, un peu plus loin, et quatre autres s’affairaient autour de deux coffres placés contre le mur, non loin d’une torche accrochée à celui-ci. Raeni reconnut son meilleur ami, Faelor, assis sur l’un des tapis au centre de la pièce avec Thaëlya, une alfombre albinos d’un an sa cadette. Elle remarqua le petit corps blotti dans ses bras, de toute évidence endormi ou au moins assoupi contre elle. Sans attendre, elle marcha droit vers eux. Les regards des deux jeunes gens se levèrent vers elle. L’inquiétude se lisait sur leurs traits.

—   Raeni ! s’exclama Faelor à voix basse lorsqu’elle fut à côté d’eux. Des nouvelles ?

La jeune femme s’assura que son protégé dormait bien avant de s’asseoir.

—   Ils veulent l’emprisonner et le mutiler, souffla-t-elle d’un ton préoccupé. Khassendrah a fait fort, cette fois. Elle a dérobé un bijou magique à un Ahal.

—   Alors ce n’était pas qu’une rumeur ? s’étonna Thaëlya.

—   Non, confirma son aînée. Et j’ai comme l’impression qu’elle a vraiment passé du temps avec lui pour pouvoir commettre son crime.

—   Tu as pu lui parler ? demanda Faelor.

—   Oui. Il m’attendait, avec le directeur. Il a tout de suite accusé Ayrik quand je suis arrivée, comme quoi le bijou aurait été retrouvé dans ses affaires.

—   Ça, c’est malheureusement vrai, soupira l’alfombre. Danaël était là quand les gardes ont sorti la broche de sous son matelas.

—   Ah, on ne me l’avait pas dit, ça… grogna Raeni. Depuis quand Ayrik a la force de soulever ça ?

—   Depuis que c’est un humain, tiens ! ironisa Thaëlya. C’est bien connu, ils sont capables de tout…

—   Je vais vraiment finir par tuer quelqu’un, fulmina l’hybride.

—   Heu, évite, lui conseilla Avëlëa. Tu as vu les proportions que ça prend pour un simple vol ? Imagine un peu si tu commets un meurtre…

—   Qui irait se plaindre de la disparition de Khassendrah ? ricana-t-elle.

—   Tu n’oserais quand même pas… s’inquiéta Faelor.

—   On ne touche pas à Ayrik, siffla la jeune femme.

Son regard noir et le ton menaçant de sa voix imposèrent le silence durant une bonne trentaine de secondes. Thaëlya rajusta la position du petit humain endormi contre elle, puis jeta un coup d’œil à sa chef. Faelor frissonna, anxieux. Il tenta toutefois, doucement, de raisonner son amie :

—   Tu sais qu’elle a une liaison avec le capitaine de la garde, hein ? Si tu la tues, Ayrik risque d’en faire les frais et toi avec…

La contraction soudaine de sa mâchoire lui fit savoir qu’il l’avait touchée. Il soutint le regard glacial qu’elle lui lança, certain qu’elle n’oserait jamais faire une telle chose. Il la connaissait. Elle parlait sous le coup de la colère. Elle était trop fière, trop attachée à la vie pour prendre celle de quelqu’un, même d’une peste comme sa rivale.

—   Ayrik est déjà en danger, soupira-t-elle au bout d’un long moment. Tant que l’Ahal restera en ville, il risque à tout moment de se faire attraper.

—   Une fois qu’il sera parti, tout s’arrangera, tenta de la rassurer Avëlëa. Il ne va pas rester des années, il doit bien avoir du travail à Torfrirta…

—   Espérons-le, soupira la jeune hybride, les yeux rivés sur son protégé. Il mérite tellement mieux…

—   Il faudrait qu’il regagne une ville humaine, songea l’elfe de feu à voix haute. Il y serait bien mieux qu’ici.

—   Ça, ça reste à voir, grogna son amie avec un regard étrange. D’après les rumeurs, les villes humaines ont été pas mal dévastées pendant la guerre. Et en plus, certaines d’entre elles sont dirigées par des Ahal, alors il y serait autant en danger qu’ici.

—   Il doit bien y avoir un village quelque part qui pourrait l’accueillir… tenta encore une fois la jeune femme.

—   Même si un lieu aussi sécurisé existait, il faudrait encore l’y emmener, intervint Thaëlya, consciente de la tension naissante entre ses deux aînées. Et ce n’est pas nous, de simples orphelins, qui allons pouvoir traverser Toëlla et Skyëlta pour l’emmener en lieu sûr. Rien que le trajet serait plus dangereux que de rester cachés ici.

Le silence qui suivit ses paroles indiqua que personne n’avait encore pensé à ce problème. Elle baissa la tête vers le gamin endormi dans ses bras, qu’elle resserra un peu autour de lui pour l’empêcher de glisser. Elle déplaça sa tête de quelques centimètres pour le caler un peu mieux contre elle et lui éviter les désagréments d’un torticolis le lendemain. Ses cheveux blonds, un peu bouclés, encadraient délicatement son visage d’ange. Il semblait serein, ainsi blotti contre elle. Elle caressa sa joue, et un sourire léger passa sur ses lèvres. Comme Raeni, elle était prête à tout pour le sauver, mais dans la limite du raisonnable. Quitter Khaëlentis à pieds pour traverser les terres desséchées de Toëlla, puis le désert aride de Skyëlta, lui semblait insurmontable. Elle ne se sentait pas capable d’une telle chose, surtout avec le risque potentiel d’être rattrapés par une colonne de soldats bien entraînés et habitués aux longues marches forcées en terrain hostile.

—   Je vais réfléchir, souffla l’hybride au bout de quelques minutes. Pour l’instant, il restera ici. C’est le seul endroit en ville où il est en sécurité.

—   Jusqu’à ce que l’Ahal ne décide de faire disparaître Laertha… nuança Avëlëa, la mine sombre.

Un puissant courant d’air la frappa avec force, comme une gifle donnée par un être invisible. Elle se retrouva sur le dos, à la fois choquée et hébétée par l’incident.

—   Je crois que Laertha n’apprécie pas ton pessimisme, s’esclaffa Faelor, un sourire au coin des lèvres. Rae a raison, Ayrik ne risque rien, ici. Personne ne pensera à venir chercher dans cette vieille maison en ruines, encore moins en-dessous.

—   Vous avez peut-être raison… admit l’elfe de feu en se redressant. Mais n’oubliez pas que ce n’est pas un garde de la ville qui le recherche. C’est un Ahal, un puissant noble thalëni. Il ne faut pas le sous-estimer.

—   Le surestimer non plus, déclara Raeni avec insouciance. Il est puissant, mais on connaît la ville et on est soudés. Ensemble, nous lui ferons vivre un véritable enfer s’il ose s’intéresser de trop près à nous.

—   Règle numéro dix, énoncèrent en chœur Faelor et Thaëlya. Si quelqu’un cherche des ennuis à un membre de la bande, la bande le lui fera payer !

Les quatre adolescents se regardèrent, et éclatèrent de rire un court instant avant de se taire, inquiets, lorsque Ayrik marmonna quelques mots dans son sommeil. Tous soupirèrent de soulagement une fois certains de ne pas l’avoir réveillé. Leurs regards se croisèrent. Raeni avait raison, encore une fois : tant qu’ils seraient ensemble, soudés, rien ne les arrêterait. Pas même un mage de guerre aux pouvoirs politiques et magiques aussi puissants qu’effrayants.

 

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