Une marraine pas comme les autres
Chapitre 1 : Une marraine pas comme les autres.
3667 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a 21 jours
Cette fanfiction participe en seconde chance au défi « Réécriture d’un conte » (février 2017)
Les périphéries des métropoles se ressemblent tous, avec leurs artères aux appellations redondantes, flanquées d'édifices semblables. Chacune de ces constructions jumelles, si on les observe de plus près recèle une multitude de mystères, tels des écrins renfermant de précieux secrets. Chaque logis abrite ses propres énigmes, ses propres histoires en coulisses. Les passions y atteignent une telle intensité qu'elles pourraient inspirer une série télévisée ou un best-seller. Joie, animosité, courroux, amour et passion - tout cela s'entremêle sous les toitures métalliques des vieux immeubles et leurs murs se souviennent de milliers d'histoires. C'est d'ailleurs ici que commence la nôtre, à Moscou, rue Karl Marx dans un immeuble standard de seize étages, au sein d’un appartement de trois pièces qui ne se distinguait guère de ceux des voisins de palier, bien qu'il soit meublé et décoré avec raffinement.
Cependant, ce cadre soigné revêtait peu d'importance pour l'un de ses occupants. Le professeur Piotr Kouznetsov ne s'attachait guère aux apparences ; il aurait pu vivre dans un espace exigu et insalubre, pourvu qu'il pût continuer ses recherches. Il conviendrait de préciser que le professeur était un biologiste passionné et, il faut le reconnaître, renommé malgré son relativement jeune âge de trente-cinq ans. Les médisants affirmaient que s'il en avait obtenu l'autorisation, il aurait élu domicile dans son labo, y prenant ses repas et y dormant et qu'il était marié à ses investigations, ce qui se révélait être totalement faux.
Dix ans plus tôt, en lointain 2005, le jeune Kouznetsov, qu'on n'appelait pas encore Professeur Piotr Dimitrivitch (1) mais simplement Petia (2), venait d'obtenir le diplôme rouge (3) d'une prestigieuse université. Pour fêter ça, il partit en voyage touristique en Italie, son rêve de toujours. Il s'imaginait gravir les marches du Colisée, admirer la Chapelle Sixtine, vérifier l'inclinaison de la tour de Pise et faire un tour en gondole à Venise. Bien qu'il n'ait pas pu tout faire et tout voir, ses vacances furent mémorables. Il en revint la tête pleine de souvenirs, le teint hâlé par le généreux soleil italien et… avec une jolie Italienne dans ses bagages.
Elle s’appelait Josépha, elle était guide touristique, elle était brune, elle était belle, elle irradiait l'intelligence vive et une passion contagieuse pour l'histoire de son Italie natale. Et puis elle était brûlante comme une nuit estivale romaine, rien d’étonnant que le jeune Petia en avait perdu complètement la tête. Durant les deux semaines de son séjour, ils avaient arpenté les monuments ensemble et conversé jusqu'aux premières lueurs de l'aube, la jeune femme maîtrisant à la perfection la langue de Pouchkine. Tout aurait été idyllique s'ils s'étaient cantonnés la nuit à de simples bavardages, mais leur relation avait pris une tournure bien plus intime...
L'inévitable se produisit. Le dernier jour du voyage de Kouznetsov, sa guide le rejoignit dans sa chambre d'hôtel. En larmes, elle le supplia : « Emmène-moi, Petia ! Ma famille est au courant. Ils vont me tuer pour mon inconduite, pour avoir déshonoré notre nom ! »
***
Durant les sept années qui suivirent, ils connurent un bonheur sans faille, la fortune leur souriant à chaque instant. Kouznetsov obtint un poste au sein d'une entreprise renommée, spécialisée notamment dans la conception de plantes génétiquement modifiées. Notre héros, biologiste talentueux et passionné, y fut accueilli comme un véritable messie. Sa ravissante Italienne, Josépha, exerçait en tant que traductrice indépendante et s'appliquait à rendre leur vie commune des plus agréables.
Un an après l’installation à Moscou, leur petite fille vint au monde. Ils la prénommèrent Maria, un nom universel présent dans toutes les langues. L'enfant était le portrait de sa mère, arborant une chevelure brune aux boucles soyeuses et des yeux d'un noir profond, évoquant les nuits de sud. L'amour qui régnait dans leur famille était presque palpable, et la vie s'écoulait paisiblement. Même la petite Maria grandissait et s'épanouissait, sans causer le moindre souci à ses parents.
Un jour, la belle Josépha se plaignit d'un mal de tête. Elle prit un comprimé et l'incident fut clos. Cependant, la douleur revint en force le lendemain, puis le surlendemain. Elle consulta alors un médecin, puis un autre, et puis de nombreux autres, du généraliste à l'ophtalmologue en passant par un psychiatre. On lui diagnostiqua successivement des migraines ophtalmiques, des douleurs fantômes, un surmenage et une névrose. On lui prescrivit des traitements allant du paracétamol à la morphine, sans parler de divers anxiolytiques et placebos. Rien n'y fit, jusqu'au jour où l'implacable diagnostic tomba, suivi d'un pronostic tout aussi impitoyable : tumeur du lobe temporal inopérable, espérance de vie de six mois tout au plus.
Les spécialistes se trompèrent, elle avait survécu huit mois supplémentaires avant de s'éteindre, rejoignant ainsi le monde que l'on qualifie de meilleur. Son départ laissa derrière elle un époux accablé de chagrin et une fillette inconsolable.
***
Le Professeur Kouznetsov, bien que brillant dans ses recherches, se révélait nul dans l'éducation d'un enfant et la gestion d'un foyer. Lorsque son appartement prit l'aspect d'un repaire de brigands insalubre et que sa fillette commença à ressembler à une petite indigente, une convocation à l'école suivie d'une enquête des services sociaux intransigeants le confrontèrent à la menace de perdre la garde de l'enfant. Face à cette situation, il résolut de se remarier.
Il trouva rapidement la candidate au sein de la même société où lui-même sévissait. Elle s’appelait Hélène, elle était comptable, elle était veuve, elle était encore assez jeune, de deux ans son aînée tout au plus. Elle l'avait séduit par son air assuré, ses yeux bleus, sa chevelure blonde et ses pirojkis (4), corroborant l'adage selon lequel « le chemin le plus sûr vers le cœur d'un homme passe par son estomac ». De surcroît, elle était mère de deux filles issues de premier mariage, respectivement de deux et trois ans les aînées de Maria, laissant présager une certaine expérience dans l'éducation des enfants.
Professeur lui fit la cour assez maladroite et un mois plus tard le mariage eut lieu, la jeune mariée démissionna pour se consacrer entièrement à son époux, sa maison et ses enfants. Les jeunes mariés reçurent en présent de leurs collègues attendries une batterie de casseroles en cuivre. Le patron pour sa part, soulagé de se séparer de sa comptable jugée trop méticuleuse et pas assez arrangeante, leur offrit un chèque d'une générosité remarquable.
L'existence de Kouznetsov sembla trouver un nouvel équilibre. Il savourait désormais des mets succulents trois fois par jour, la demeure retrouva son éclat et sa propreté d'antan, et sa fille ne ressemblait plus à une jeune clocharde. Néanmoins, elle conservait une expression de mélancolie que Piotr attribuait au chagrin d'avoir perdu sa mère et à la difficulté d'accepter qu'une autre prenne si rapidement sa place.
Cependant, la célérité du remariage n'était nullement responsable de l'état de la jeune Maria, dont la mélancolie s'accentua au fil des jours. En apparence, tout semblait parfaitement en ordre, au point que même les services sociaux, pourtant aussi vifs et précis qu'un rapace fondant sur sa proie, ne trouvèrent rien à redire. Maria était invariablement vêtue avec propreté et élégance, et si elle devait se contenter des tenues déjà portées par ses, disons, sœurs, cette pratique était monnaie courante dans de nombreuses familles, les cadets héritant souvent des effets des aînés. Néanmoins, si Anna, l'aînée, ne portait judicieusement que des vêtements neufs, Sophie, sa cadette d'un an, bénéficiait également des affaires flambant neuf dans sa garde-robe, car, selon les propos de leur mère Hélène : « Elle est un peu ronde, et les habits d'Anna ne lui iront pas ». Ainsi, Maria se trouvait être la seule à ne rien posséder qui n'eût déjà été porté une ou deux années par ses aînées.
Les années passèrent et au fil du temps, les petites vexations s'accumulèrent, et ce type de discours se faisait de plus en plus récurrent : « Pour quelle raison offrir des cours particuliers à Maria ? Elle obtient déjà des résultats satisfaisants, contrairement à Anna... », « Pourquoi envoyer Maria en vacances à la mer ? Son teint est déjà resplendissant, alors que Sophie... », « Une nouvelle toilette pour le bal de fin d'année destinée à Maria ? Quelle dépense inconsidérée ! Elle est déjà ravissante, tandis que la malheureuse Anna (ou Sophie)...De plus elle peut se contenter des robes de ses sœurs... »
Naturellement, les trois jeunes filles étaient tenues de participer aux tâches ménagères. Cependant, de façon étrange, les corvées les plus chronophages et salissantes incombaient invariablement à Maria. Tandis qu'elle s'affairait à récurer la cuisinière encrassée ou les casseroles recouvertes d'une graisse tenace, elle marmonnait à voix basse, soucieuse de ne pas s'attirer les foudres de sa famille qui l'aurait taxée d'ingratitude et de fainéantise : « Voilà qu'ils se sont dénichés une servante ! Je n'ai pourtant pas l’inscription Cendrillon sur le front ! »
***
Les multiples vexations et brimades, en apparence insignifiantes, s'amoncelaient telle une avalanche née de flocons de neige épars. Chaque incident, si minime fût-il, s'ajoutait aux précédents, rapprochant inexorablement la somme des griefs d'un seuil critique et menaçant d'atteindre bientôt un point de rupture.
Maria s'adonnait parfois à des rêveries où un prince charmant apparaîtrait au volant d'une Mercedes d'une blancheur immaculée. Il lui ferait essayer un soulier d'une prestigieuse maison de couture, puis l'emmènerait au loin, dans son royaume qu'il déposerait à ses pieds, faisant par ce geste crever d’envie sa belle-mère et ses sœurs. Ou peut-être une marraine fée, viendrait de la lointaine Italie et lui offrirait une tenue digne d'une princesse et un compte en banque généreusement pourvu.
Mais au-delà de ces chimères, la réalité lui promettait sous peu l'obtention du baccalauréat, puis l'entrée à l'université, et enfin l'émancipation tant attendue ! Elle pourrait dire, enfin « Tchao la famille, cherchez une autre bêtasse de Cendrillon ! ».
***
En cette soirée du 31 décembre, à l'aube d'une nouvelle année, Maria se trouvait à la maison à son bureau, martelant furieusement les touches de son ordinateur tout en marmonnant avec amertume :
« Ah ! Je n'ai pas encore 18 ans ! Ah ! Je suis trop jeune ! Pourquoi faire une robe de cocktail... Celle de sa sœur fera l'affaire ! Ah ! Je ne peux assister qu'au dîner et au spectacle. Les danses ni-ni ! Le bac approche, je dois me préparer ! La thèse d'Anna, la paresseuse, est à retaper ! L'appartement est en désordre ! Ils me traitent comme Cendrillon, et je n'ai même pas d’une fée pour marraine ! »
Il conviendrait de préciser que ces doléances éparses et décousues trouvèrent leur origine dans un événement bien défini : ce soir-là, sur le lieu de travail du père de Maria, se tenait un rassemblement corporatif, une soirée destinée à renforcer la cohésion des équipes et à célébrer dignement l'avènement de la nouvelle année. Le programme prévoyait un dîner-spectacle qui devait se prolonger par des danses. La famille entière de l'éminent scientifique Kouznetsov fut conviée, mais la belle-mère se montra inflexible, et Maria, âgée de dix-sept ans et demi, ne put assister qu'à la première partie. Maria était persuadée que cette décision ne relevait pas d'un souci de préserver sa morale, mais plutôt d'empêcher qu'elle n'éclipse ses demi-sœurs. « Elles ne sont même pas mes véritables sœurs ! », songea-t-elle avec amertume. Et dire, qu’à cette réception était présent le fils du grand patron, beau comme un dieu grec, qui gravita autour de leur table toute la soirée. La belle-mère l'avait remarqué, ce qui eut pour conséquence le retour prématuré à la maison pour l'infortunée Maria, qui aurait tout donné rien que pour une danse avec cette quasi-divinité.
Donc, Maria, qui s'imaginait presque être une Cendrillon moderne, malmenait le clavier de son ordinateur tout en s'abandonnant à des rêveries de princes charmants et de fées bienveillantes, lorsque la sonnette de l'entrée retentit. Encore sous l'emprise de ses songes, elle se précipita vers la porte et l'ouvrit grand, sans même prendre la précaution de regarder par le judas ni de demander qui était là. Sur le seuil se tenait un homme, non, un monsieur, voire un gentleman, d'une cinquantaine d'années, vêtu d'habits que Maria estima valoir plus que l'intégralité de son appartement, meubles inclus. Ses tempes grisonnantes et son allure respiraient l'élégance et la respectabilité. Derrière lui se trouvaient deux colosses que Maria qualifia instantanément, dans son for intérieur, de « gorilles - poings comme des melons, cerveaux comme des pois chiches ».
Pas tout à fait sortie de ses chimères, elle eut la surprise de s’entendre prononcer :
‐ Marraine ?
‐ Si tu veux, s’esclaffa le Gentlemen, mais je préfère Parrain, Don Michael Corleone. Et je suis effectivement là pour jouer le rôle d'une fée, si tu le désires... Et même si tu ne le désires pas, également. Comme on dit chez nous : Tu ne sais pas on t’apprendra, tu ne veux pas on t’obligera, termina-t-il sur un ton de confidence moqueuse.
Sur ces mots, Don tendit sa main à Maria, suggérant le baisemain, mais Maria, ignorant les usages, la serra simplement :
- Mais...Qui...Quoi…Pourquoi... bégaya-t-elle.
Le Parrain, voyant que la jeune fille était dans un état de stupeur avancé, la prit fermement par les épaules et la déplaça sans ménagement pour se libérer le chemin. Avec une démarche assurée et imposante, il traversa la pièce et alla s'installer sur le canapé du salon, sans prendre la peine de s'essuyer les pieds ou d'enlever son manteau, comme si les règles de bienséance ne s'appliquaient pas à lui.
D'un geste nonchalant mais empreint d'autorité, il claqua des doigts. Le bruit sec résonna dans la pièce, faisant sursauter Maria. Comme par magie, un des Gorilles, prévenant et efficace, lui mit dans la main un verre dont le contenu ressemblait à du whisky. Maria se frotta les yeux, incrédule, car elle eut l'impression que le verre était sorti de l'air, comme si ces hommes avaient le pouvoir de matérialiser les désirs de leur patron.
Don Corleone porta le verre à ses lèvres, savourant une gorgée de liquide ambré avec une lenteur délibérée. Ses yeux, perçants et calculateurs, ne quittaient pas Maria. Le silence pesant qui s'était installé fut brisé par sa voix grave et autoritaire :
- Ta mère, Josépha, appartient à ma famille, commença-t-il, utilisant le présent comme si la mort n'avait aucune emprise sur les liens du sang. Elle avait fui notre protection avec ton père, loin de notre zone d'influence.
Il fit une pause, laissant ses mots s'imprégner dans l'esprit de Maria.
- Nous l'avons perdue de vue durant des années, comme si elle s'était évaporée dans la nature. Ce n'est que très récemment que notre service de sécurité a retrouvé sa trace. Des années de recherches, des ressources considérables mobilisées, tout ça pour elle... pour vous. Malheureusement, le destin en a décidé autrement. Elle est morte...
Sa voix se fit plus douce, presque paternelle, et par ce fait encore plus intimidante.
- Il ne reste plus que toi, Maria. Le dernier lien, la dernière trace de Josépha dans ce bas monde. C'est pourquoi je suis venu te chercher en personne. Tu es désormais sous ma protection, que tu le veuilles ou non. La famille, c'est sacré ! Et je suis tout disposé à jouer la fée pour toi, évidemment au lieu d'une baguette magique je n'ai que la carte de crédit Gold, mais je t'assure c'est tout aussi efficace voire plus. Et à la place de carrosse, une Ferrari avec chauffeur t'attend en bas de l'immeuble... Fais, donc, tes valises et vite...
- Et qu'en est-il du baccalauréat, de l'université, de mon père ? s'enquit Maria, émergeant de sa torpeur, bien que pas complètement, comme en témoignèrent ses derniers mots : Et le Prince charmant ?
- L'Italie dispose d'excellents lycées. Ensuite, la Sorbonne ou Oxford s'offrent à toi. Concernant ton père, une lettre suffira, et l'internet n'est pas fait pour les chiens. De plus, il nous a privés de notre chère Josépha... Un juste retour des choses, en quelque sorte. Quant au prince…Les princes en général, bien que souvent charmants, ils ne représentent rien par eux-mêmes, ce ne sont toujours que des fils de... donc, sans intérêt ! répliqua le Parrain en repliant les doigts à chaque affirmation, et lorsque ses doigts formèrent un poing, il le secoua en l'air comme s'il menaçait un invisible adversaire.
- Mais j'ai promis de mettre de l'ordre dans la maison et de réviser la thèse d'Anna ! gémit La Pas-tout-à-fait-Cendrillon.
- Dans notre famille, une promesse est un engagement sacré !
Don Michael désigna l'un des colosses :
- Toi, occupe-toi du ménage. Puis, s'adressant à l'autre : - Et toi, au clavier. Enfin, se tournant vers Maria : - Quant à toi, fais les bagages. Et que ça saute !
Comme par enchantement, tous s'attelèrent à la tâche, nul n'osant résister à l'autorité du Parrain - peut-être était-ce réellement de la magie ? L'un des Gorilles rangeait, nettoyait et triait avec application, incongrue chez cette montagne d'homme. Le second tapait frénétiquement sur le clavier, et celui-ci, fait remarquable, survécut dans la confrontation. Maria, pour sa part, prépara ses valises et, dans la foulée, rédigea une missive à l'attention de son père.
Une demi-heure plus tard, l'appartement, désormais étincelant de propreté, se retrouva vidé de toute présence humaine.
EPILOGUE
Un an plus tard.
Maria pédalait allègrement dans les rues de Paris, s'empressant de rejoindre son Alma Mater rue d'Assas. Vous vous demandiez peut-être pourquoi à vélo ? Parce que : à Paris, à vélo on dépasse les autos (5). Elle roulait gaiement lorsque deux événements survinrent simultanément : elle perdit une chaussure de sport dernier cri à semelle cristal signée Jimmy Choo, et la chaîne de son vélo sauta, la contraignant à s'arrêter pour constater, impuissante, les dégâts. Au même instant passait par là, également à bicyclette, non pas un prince ni un fils de, mais un célèbre musicien, car à vélo à Paris, on dépasse les taxis (5). Il lui restitua sa chaussure, qui était presque en verre, accomplit l'exploit de réparer la chaîne au péril de ses mains, et un mois plus tard, l'épousa.
Maria convia à ses noces son père, sa belle-mère et les filles de celle-ci. Loin d'être rongées par l'envie, les demoiselles furent agréablement surprises lorsque Maria eut la bienveillance de leur accorder son pardon et même de leur présenter des jeunes hommes fort prometteurs, un avocat et un chirurgien esthétique. Ces messieurs, charmés par la grâce des jeunes femmes slaves, les prirent pour épouses quelque temps plus tard.
La morale de cette histoire : quand bien même vous êtes une Cendrillon des temps modernes, et que votre marraine la fée s'avère être un parrain mafieux, il demeure avisé de compter parmi vos proches un chirurgien esthétique et un avocat. Ça peut toujours servir, on ne sait jamais ce que le futur nous réserve.
FIN
Notes
- Piotr Dimitrivitch - Littéralement Pierre fils de Dimitri (c’est une formule respectueuse et officielle)
- Petia - Diminutif généralement admis de Piotr
- Diplôme rouge - Il s'agit d'un diplôme avec mention. Pour y avoir droit, il faut démontrer un niveau élevé de connaissances tout au long de toutes les années d'études supérieures. Les titulaires d'un diplôme rouge doivent obtenir la note A dans au moins 75% des matières.
- Pirojkis - sont des chaussons avec diverses garnitures : viande, chou, confiture ou fruits.
- Les deux strophes sont tirées de La Complainte de l’heure de pointe, chanson de Joe Dassin ‧ 1972