Le Choix d'une Vie

Chapitre 3 : Le Choix de Faire Face !

3655 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/04/2019 22:10

« Je dois avouer que tu es très élégante, Kaori. Jouer la femme mariée te va à ravir !», tout en me complimentant, je surpris ces yeux vifs glisser insolemment sur ma silhouette longiligne, approuvant dans une légère moue les jolies formes que mon jean slim brut et mon top couleur chocolat mettaient en valeur. Et malgré moi, mes joues prirent une teinte légèrement rosée.


Je balbutiais un pitoyable merci.


Il m'observa encore quelques secondes, avant de se débarrasser de sa veste en la jetant avec nonchalance sur l'accoudoir du sofa. « Et merci pour le ménage. Je savais que tu servais à quelque chose dans notre partenariat ! »


Il termina sa tirade par un sourire mauvais. J'encaissais le coup sans rien dire et pris le parti de ravaler ma rancœur. L'atmosphère était étrangement tendue et je me doutais qu'elle risquait de devenir explosive en l'espace de quelques minutes. Je pris alors conscience que mon désir de vérité allait se transformer en une joute verbale des plus inconfortables.


Les secondes s'égrainaient silencieusement. Je le regardais bêtement, plantée sur mes deux jambes chancelantes. Ryô se dirigea tranquillement vers le minibar pour se servir un verre de whisky. « Dis-moi, Kaori, comment va ce très cher Mick ? Votre enquête avance comme vous l'espériez ? », enchaîna-t-il sur un ton anormalement badin.


Je ne répondis rien. Les muscles de mon corps se tendirent brusquement. Ce bavardage anodin me dérangeait profondément et me déstabilisait au plus haut point. Plus cette conversation superficielle se prolongerait, plus mon esprit tourmenté sonnerait l'alarme.


« Enfin, j'espère sincèrement que tu t'amuses comme une folle à jouer l'épouse parfaite de Mickael Angel », Ryô débita ces propos avec une tel dédain que mon sang quitta mes joues pour se déverser trop rapidement dans mon cœur. Je soupirais. Nous étions dans la même pièce depuis cinq minutes à peine et mon partenaire de travail avait déjà brillamment réussi à me contrarier et à m'énerver.


« Je ne joue pas Ryô. Je travaille ! », le ton de ma voix était très sec. Tout comme son cœur me paraissait l'être aujourd'hui. J'avançais avec résolution vers lui. « Si je ressentais un tant soit peu d'intérêt de ta part pour notre affaire, je te ferais, avec un plaisir non dissimulé, un rapport très précis et très détaillé sur l'avancement de l'enquête. Mais comme j'ai la vague intuition que tu t'en fiches, je ne te dirai rien ! »

Le sourire de Ryô se perdit dans une mimique narquoise. Il siffla son verre d'une seule traite et s'en versa aussitôt un deuxième.


Il se moquait ouvertement de moi.


J'en avais assez.


Alors par pur défi, j'attrapais rageusement son verre d'alcool qu'il tenait encore dans sa main et le bus cul-sec. Je fis aussitôt une grimace de dégoût et toussa ridiculement. Je fermais les yeux dans l'espoir que cette liqueur démoniaque glisserait le plus vite possible dans les tréfonds de ma gorge enflammée.


« Tu bois, maintenant ? C'est Mick qui t'a initiée ? », Ryô planta son regard désapprobateur dans le mien, m'emprisonnant aussitôt dans un sentiment de colère intense. « Je ne suis pas d'accord, Kaori ! », il me gronda comme une petite fille effrontée et m'arracha le verre des mains.


« Arrête de jouer les petites filles capricieuses et grandis un peu. Tu me donnes l'impression d'être partie en colonie de vacances pour tester tes limites. Look de femme fatale, alcool... Je croyais que tu voulais aider Jenna à retrouver sa fille ? », m'asséna-t-il avec un sérieux qui me vexa au plus haut point.


Je restais bouche bée. Comment osait-il me traiter de la sorte ? Pourquoi persistait-il à me voir comme une jeune femme naïve, avec une conscience professionnelle proche du néant et manipulable au possible ? Pourquoi ne voyait-il pas la Kaori pétillante, compétente et totalement investie dans son travail comme dans sa vie personnelle ?


« Excuse-moi ? », j'étais complètement décontenancée. L'humiliation de la situation attisa furieusement ma colère. Je n'avais plus envie de prendre de gants. Je n'avais plus envie d'attendre le bon moment.


« En quoi cela te concerne-t-il, Ryô ? Dis-moi ? », je commençais à devenir agressive, impétueuse. Je le provoquais consciencieusement, avec toute l'impatience et l'agitation d'une femme martyre d'un amour à sens unique. « En quoi cela te dérange-t-il alors que tu ne prends même pas la peine de répondre à mes SMS ? Que tu ne réponds même pas à mes appels ? »


Ryô me tourna le dos. A mon grand désarroi, il décida de trouver la réponse à mes questions dans le fond de son verre de whisky. Je bouillonnais de l'intérieur. Mon ventre se contracta douloureusement sous la déception. Mais il fallait que je tienne bon. Même si je savais que l'heure qui s'annonçait allait être des plus pénibles et des plus accablantes.


« Tu m'en veux d'avoir accepté ce contrat ? D'avoir accepté d'aider Mick et de devenir sa partenaire ? », j'énumérais mes questions si vite que le souffle commençait à me manquer. « Ou peut-être ne supportes-tu pas l'idée que je vive un petit bout de ma vie sans toi et que j'essaie de m'épanouir auprès d'autres personnes ? »


Ma dernière plainte claqua perfidement à mes oreilles au moment précis où Ryô posa brutalement la carafe d'alcool sur la desserte en verre. Il restait immobile, sa grande et puissante main droite scotchée sur le corps de la bouteille. Et face à mes supplications, il se contenta du silence.


Je frissonnais malgré moi. Il émanait de cet homme une telle force que je me sentis totalement engloutie par un sentiment d'impuissance. Mon cœur s'affola. Une nouvelle fois.


« Alors on en est là, Ryô ? Tu préfères méditer sur une bouteille de whisky que de me parler ou tenter de partager avec moi autre chose que la liste des courses et le menu du repas du soir ? », j'articulais fortement et fermement ces quelques mots. « Pourquoi une telle indifférence à mon encontre ? Pourquoi tant de moquerie et de cynisme face à mon choix d'aider Mick et son amie ? »


Des larmes de fatigue et de déception commençaient à voiler mon regard. Je ressentis aussitôt une grande lassitude absorber cette si belle énergie qui m'avait poussé à venir me battre et changer les grandes lignes de mon destin. Je savais que le combat n'était pas gagné d'avance mais j'avais peut-être sous-estimé mon adversaire. Contrôler ses sentiments, étouffer ses émotions, vivre dans le faux-semblant. Ryô était bien plus qu'un professionnel dans ce domaine. C'était une seconde nature chez lui.


Devais-je déjà baisser les bras ?


« Je ne suis pas un homme moderne, Kaori. Je n'aime pas écrire des SMS et je déteste répondre au téléphone. Et pour ta gouverne, Miki me donnait des nouvelles de toi dès que j'allais au Café. », Ryô me refit face et attrapa très vite mon regard dépité. Sa voix se radoucit étrangement mais garda une étrange pointe d'agacement.


« Et mettons les choses au clair. Tu n'es et tu ne seras jamais ma prisonnière, Kaori. Si tu veux aller travailler ailleurs, rencontrer du monde, t'épanouir différemment, libre à toi ! Je ne te retiendrais pas. La porte est grande ouverte ! », mon cerveau enregistra l'information avec heurt et beaucoup de difficulté. J'étais un peu sonnée. Interloquée. Alors c'était ça ? Si je décidais de partir, Ryô ne tenterait pas de me retenir ? Si je décidais de vivre une autre vie, il ne se battrait pas pour la vivre avec moi ?


Une larme salée glissa silencieusement sur ma lèvre inférieure. J'écarquillais méthodiquement les yeux pour ne pas laisser éclater ma peine dans de longs sanglots qui, dans mon esprit, finiraient jamais. Seules la consternation et la rage m'aidaient à tenir debout.


«Comment peux-tu être si cruel ? Comment peux-tu être si détaché de moi ? De Nous ? »


Je craquais littéralement. Je n'en pouvais plus de ce discours sensé et sans émotion. Je n'en pouvais plus de cette vie de mensonge. Je voulais simplement être aimé de lui. Était-ce trop demandé ?


«Tu n'as pas le droit, Ryô ! Tu n'as pas le droit !», j'articulais avec une application fiévreuse chaque syllabe de chaque mot qui sortait de ma bouche agitée. « Tu n'as pas le droit de me traiter de la sorte. Je ne mérite pas de subir cette pathétique tragédie grecque ! J'ai supporté suffisamment. Je t'ai aimé au point d'en oublier ma propre fierté. J'ai tellement attendu... Ce petit geste d'affection... Un petit mot de tendresse... Un regard amoureux. J'ai attendu. Tellement. Longtemps. Aveuglément... Mon dieu ! Je t'aime depuis tant de temps, Ryô ! Je t'aime si fort ! Depuis ce jour où j'ai découvert ton existence. Ce jour où nos deux vies étrangement solitaires se sont mêlées... Mais à nous voir, ici, maintenant, si mal à l'aise, si éloignés, si malheureux, je prends aussi conscience que tu ne m'aimeras jamais aussi profondément que je le souhaiterais... Alors oui, tu m'aimes. A ta manière. Quand tu le décides. Quand ça t'arrange. Je le sais. Et je le sens. Dans mon cœur et dans tout mon être. Mais ça ne suffit plus. Je veux plus. Je te veux tout entier ! »


Les mots avaient une force inimaginable et je prenais lentement conscience que j'avais cherché cette puissance depuis des années peut-être. L'attente de l'autre allait sans aucun doute arrêter de dévorer mon temps. Le moment était venu de plonger à cœur perdu dans cette relation infiniment belle mais tellement misérable et blessante. Je n'avais plus rien à perdre maintenant. J'avais tout à gagner. La vérité sur ce que Ryô désirait vraiment. La lumière sur ce qu'il pouvait réellement m'offrir.


« Je te veux tout entier, tu entends ? Avec tes faiblesses. Avec ta force. Les jours où tu souris. Les matins où tu ne me regardes même pas. Les soirs où tu oublies de rentrer. Je te veux. Heureux. Râleur. Arrogant. Plein d'humour. Exaspérant. Je te veux toi. Je veux tout ton être. De tout mon être. »


C'était un cri du cœur. De mon si petit cœur. La plainte d'un cœur qui se noie depuis si longtemps dans un trop plein de sentiments étouffés, d'émotions bridées et de doutes épuisants.


« Sugar Boy ! », Ryô souffla mon surnom avec une tendresse mêlée de confusion. Il s'approcha de moi et accrocher aussitôt mon regard. Je le surpris à tendre la main pour la poser sur mon épaule mais il se ravisa. Je l'entendis soupirer. Et moi, j'avais juste envie de pleurer.


« Ne me fais pas ça ! S'il-te-plaît ! Ne nous fais pas ça ! »


Je cachais mon visage dans mes mains tremblantes. Mon chagrin se déversait sur mes joues dans une pudeur délicate. Aucun son ne sortait de ma gorge. Je pleurais profondément mais je gémissais surtout de l'intérieur.


« Tu le sais bien, Kaori. Je ne peux pas. Je ne peux pas t'aimer comme tu le veux. »


Comment une simple phrase pouvait-elle vous broyer le cœur si violemment et anéantir tout espoir de bonheur ? Comment une simple seconde pouvait-elle avoir plus de poids sur votre destin qu'une dizaine d'années de vie en commun ?


Je soufflais. Je tentais de retrouver mes esprits et cette résistance à l'adversité qui me caractérisait tant.


Je pris bien soin de sécher mes joues et, tout évitant le regard de l'homme qui venait de me faire perdre toutes mes belles illusions, je ne pus empêcher ma frustration de s'exprimer une dernière fois.

« Tu ne peux pas, Ryô ? Tu ne peux vraiment pas ? », de légers ricanements se mélangèrent à ma rancœur trop vive. « Le plus grand nettoyeur du Japon ne peut pas aimer une femme ? Prends un peu de la hauteur, Ryô Saeba et regarde autour de toi... tu verras que tu peux tout faire ! Mais tu ne veux pas, Ryô ! Tu ne veux simplement pas t'encombrer d'une seule femme, que tu juges trop étouffante et pas très interessante ! »


Je respirais bruyamment. J'étais physiquement ébranlée par cette confrontation. Mais je ne voulais pas en rester là. Le moment était venu de tout partager. De tout confier. J'avais un besoin viscéral de me libérer de ces émotions asphyxiantes. Et si ?


« Tu n'es pas juste. Tu n'es pas raisonnable. Et tu n'es pas invulnérable, non plus... Je te protège, Kaori. De cette noirceur qui engloutit la lumière des hommes. De ces actes immondes qui entachent la bonté des gens... Je n'ai pas le droit de te faire prendre des risques inutiles. Je n'ai pas le droit de faire de toi une cible vivante ! », Ryô persistait dans la dureté de ces propos et dans le bienfondé de ces choix. Je l'observais à la dérobée.


« Foutaises, Ryô Saeba ! Nous sommes une équipe. Une putain de super équipe et tu le sais ! Il faut juste que tu acceptes de me faire confiance. Véritablement confiance. Apprends-moi à survivre dans ce monde hideux ! Entraîne-moi encore et encore pour que je devienne celle qu'il faut craindre et respecter ! Montre-moi comment devenir ta partenaire tout entière ! Tu n'es plus seul... Je suis si près de toi. Avec toi. Amoureuse de toi ! », ma voix montait dans les aigus au fur et à mesure que les mots se bousculaient au fond de ma gorge.


Ryô fit un pas en arrière. Je cherchais désespérément à croiser son regard, à accrocher ses yeux métalliques dans l'espoir d'y trouver cette même petite flamme qui illuminait, ici et maintenant, mes propres prunelles noires.


« L'amour ? Ce mot résonne à mes oreilles comme la pire des faiblesses. Il n'y a pas de place pour le romantisme dans mon monde ! », m'asséna-t-il froidement avec toute la cruauté de son tempérament de nettoyeur.


J'encaissais. Une fois de plus.


« Mais l'amour est mon moteur, Ryô. Ma raison de vivre. La raison de me battre... Tu ne peux pas me dire ça. Tu n'as pas le droit d'être si intransigeant. Arrête de jouer cet homme implacable, ce monstre sans émotion que tu n'es plus ! Ne me repousse plus, Ryô. Ne casse pas ce lien qui nous unit ! »


Dans un geste qui reflétait toute ma tendresse, je tentais de lui prendre la main. Je mourrais d'envie d'être en contact avec lui et de toucher sa peau pour y prendre un peu de sa force. J'avais besoin de me connecter à lui.


Mais il retira sa main. Sèchement. Brutalement. Et je me perdis dans un sombre sentiment de rejet et d'humiliation que je n'avais jamais ressenti auparavant.


« Non, Kaori ! S'il existe la moindre petite chance que tu puisses quitter cet univers de violence pour retrouver une vie normale, je veux que tu la saisisses sans te retourner. Tu ne deviendras pas une tueuse. Jamais ! »


Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines glacées.


« Je ne serai jamais une tueuse, Ryô. Jamais. Car toi non plus, tu n'es plus ce tueur sanguinaire qui survivait en supprimant la vie des autres. Je veux simplement être ton égal. Ne pas être forcément à ta hauteur mais être simplement à la hauteur. Être un petit bout de cette force qui t'anime et qui te garde en vie jours après jours. Je ne veux plus représenter cette foutue faiblesse qui nous empêche de vivre pleinement notre amour. Donne-nous cette chance. Je t'en prie ! »


Mes supplications ne semblaient pas l'ébranler le moins de monde. Aucune émotion ne se lisait sur son visage. Malgré mon bel amour et ma volonté, je n'arrivais plus à le toucher, à le troubler. M'étais-je trompée à ce point sur la légitimé de notre relation et cette belle complicité qui nous liait depuis tant d'années déjà ?


« Non »


Je tressaillis. Mon corps se tendit sous la rudesse des mots. Mon regard ne pouvait se détacher de cette bouche, d'apparence si douce, si tentatrice, qui avait lâchait de telles ignominies. Suffocant sous la dureté de la réalité, je m'imaginais découvrir des lèvres coupées, gercées par la cruauté des propos lâchés. Mais son visage était toujours aussi beau. Terrifiant de froideur et de maîtrise.


« Non ? », je répétais maladroitement cette allocution qui venait de meurtrir mon cœur à tout jamais. Je chancelais. Physiquement, mes jambes exprimaient dans des tremblements leur difficulté à me porter. Psychologiquement, mon âme se fissurait en mille douleurs.


« C'est ça ta réponse à ma déclaration ? A mes attentes ? Un simple non ? »


La mâchoire de Ryô se contracta. Il se tenait devant moi. Si stoïque et si fier. Si arrogant. Totalement fermé à mon chagrin. Il laissa pourtant échapper un soupir d'agacement et passa une main fébrile dans son épaisse chevelure brune.


« Quand vas-tu comprendre que dans notre monde, s'aimer au grand jour s'immortalise par un aller sans retour au cimetière ? Je veux te garder en vie, Kaori. Je veux juste que tu vives. »


Le silence accueillit les derniers propos de Ryô. Je venais de comprendre que mon adversaire le plus coriace n'était pas mon partenaire de travail et de vie mais bien la Mort, dans toute sa puissance et dans toute son horreur. Mon analyse était sans doute un peu réductrice mais Ryô ne voulait pas se laisser aller à m'aimer pour me protéger de la mort.


« Alors je nous protégerai de la lumière. Je chercherai l'ombre pour nous cacher et nous mettre à l'abri. Pour nous aimer. », les mots explosèrent brutalement dans ma bouche. Je rencontrais aussitôt son regard voilé d'interrogations et de pitié et me lançais dans une tirade éprouvante. J'enchaînais. Très vite. Trop fort.


« Et moi aussi, je veux vivre ! Et je veux t'aimer aussi ! Pourquoi ces deux évidences ne seraient-elles pas compatibles ? » je m'enflammais littéralement. « Et je veux que, toi aussi tu vives aussi longtemps que possible. Même face à la mort, je serai à tes côtés ! Je ne te laisserai pas mourir seul ! Jamais ! », ma voix surjouait maintenant dans des aigus impatients.


Ryô lâcha un grognement guttural et se dirigea une nouvelle fois vers le bar où il trouva aussitôt une bonne dose de réconfort ambré. La bouteille de whisky descendait dangereusement mais l'alcool ne semblait avoir aucun effet sur mon partenaire. Décidément cet homme était un véritable roc. Aussi bien insensible aux liqueurs enivrantes qu'aux émotions profondes.


« Aimer c'est tout vivre avec l'autre. Je veux t'accompagner jusqu'à la fin, Ryô. Et quand le moment sera venu de nous séparer, je serai là pour t'apaiser. Te réconforter. Te serrer tendrement dans mes bras. Je souhaite plus que tout être avec toi jusqu'au bout de notre si belle histoire ! »


« Je vais mourir, Kaori. Et Seul. », Ryô commença son espèce de sermon de nettoyeur aguerri, un verre à la main, le regard perdu dans la contemplation des glaçons. « Tu es décidément bien trop romantique. Bien trop sentimentale. La vie n'est pas un film à l'eau de rose. Et ce monde, dans lequel nous essayons de survivre, baigne dans une noirceur des plus intransigeantes. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de mourir dans mon métier. Certaines manières sont plus douloureuses et moins élégantes que d'autres, je te l'accorde. Mais au fond, que je sois descendu par un autre nettoyeur, que je meure de maladie ou que je m'éteigne de vieillesse, quelle est la différence ? Le final est le même. Je disparaîtrai de cette terre. Seul. Dans le silence. Dans l'anonymat. Et c'est très bien comme ça ! », le juge Ryô dévoila son verdict sans la moindre émotion, sans le moindre regret et me porta âprement le coup fatal.


« Tu es sérieux, Ryô ? », je me plantais devant lui, la rage au ventre. « Et j'en fais quoi de cet amour ? Réponds-moi, Ryô ! J'en fais quoi ? Tu crois qu'un matin je vais me lever en oubliant simplement de t'aimer ? Regarde-moi bien dans les yeux et explique-moi ce que je dois faire de ces foutus sentiments ! Je fais quoi de cette peur qui me tord les tripes quand que tu ne rentres pas la nuit ? Je fais quoi de cet amour qui me gonfle le cœur quand j'entends simplement le son de ta voix ? Je fais quoi de mon cœur ? », je me liquéfiais de désespoir.


« Tu le gardes pour toi et tu verras qu'avec avec le temps, tu apprendras à ne plus avoir besoin de moi. A ne plus avoir peur pour moi. Force-toi à ne plus m'aimer. Je n'ai rien d'autre à t'offrir. »


Ryô me dominait de toute sa force et de toute sa sévérité. J'étais face à un mur tellement haut que mon avenir semblait sombrer dans une obscurité terrifiante. J'étais seule avec mes sentiments. J'étais la seule à croire en nous. J'en prenais douloureusement conscience. Et cette révélation me brisa tout entière.


Le moment était venu. De tout ébranler. De tout dévoiler. De tout détruire pour mieux reconstruire.


Je fermais les yeux. Je me concentrais sur les termes à choisir, sur la portée de mes paroles. Sur cet avenir devenu plus qu'incertain.


Et dans un ultime désir de sauver ce « nous » que je chérissais tant, je plongeais mon regard attristé et confus dans le sien.


« J'éprouve de l'attirance pour un autre homme que toi ! »


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