Histoires colorées de l'île Panorama

Chapitre 12 : Record du monde

819 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/10/2020 19:43

Record du monde

« Aah, ma tête… »

Gullivarrr cracha quelques grains de sable qui s’étaient logés dans son bec, et se redressa un peu, contemplant l’étendue pâle et granuleuse sur laquelle il avait échoué. Il sentait encore le remous des vagues effleurer ses palmes, et son costume rouge était tant imbibé d’eau salée qu’il passerait encore des heures carrées à le rattraper pour que cela ne l’endommageât pas trop.

Par chance, il n’avait pas perdu son petit chapeau de pirate ; le couvre-chef noir trônait à ses côtés, tout autant trempé que le reste de ses vêtements ; même le petit ruban rouge noué à sa base implorait pitié. Il fronça ses sourcils roux et plissa un peu plus les yeux afin d’identifier le lieu de son arrivée. Il espérait ne pas avoir trop dérivé depuis son énième chute.

« Je reconnais ce palmier, se dit-il à haute voix, comme si cela allait l’aider à y voir plus clair. Celui-là aussi. La dernière fois, il n’y avait pas de noix de coco par contre. »

Il fit quelques pas, laissant derrière lui des traces pseudo-triangulaires de palmes dans le sable, s’avançant jusqu’au premier des deux palmiers qu’il avait reconnus. Oui, il se souvenait parfaitement de ce tronc incurvé. Tous les palmiers étaient un peu penchés sur le côté, mais chacun l’était à sa manière, et celui-ci était bien le même que celui auquel il pensait. Cela ne faisait aucun doute, il était bien tombé – une fois de plus – sur l’île Panorama. Dans un sens, cela le rassura, il pouvait toujours faire appel à cette humaine à la grosse tête pour qu’elle l’aidât en cas de besoin.

À ce propos, pouvait-il appeler ses matelots pour qu’ils vinssent le chercher ?

Il palpa les poches de son manteau de pirate, et n’en sortit que des poignées de sable qui disparurent entre ses plumes lorsqu’il les extirpa. Il manqua de pousser un cri de panique, mais s’en abstint ; ce n’était pas digne du roi des pirates qu’il était !

Que faire ? Il ne pourrait pas rentrer tant que son équipage ne venait pas avec le bateau, et ils n’étaient pas près de le retrouver, puisqu’ils étaient quand même plutôt loin d’ici selon ses souvenirs. Et avait-il donc bien pu perdre son émetteur ? Encore une fois, il avait dû se faire engloutir par la mer lorsqu’elle l’avait balloté jusqu’au rivage. Il pria pour qu’il se trouvât dans les eaux proches de l’île.

« Est-ce que quelqu’un pourrait m’aider ? s’interrogea-t-il, rompant ainsi le silence qui commençait à lui peser. Il fait à peine jour, ils doivent tous dormir encore. »

Ses pas le menèrent jusqu’à l’allée marchande de l’île ; une simple allée pavée qui s’étendait sur de longs mètres, menant aux deux boutiques sur ses bords, puis au musée lorsque l’on continuait. Maintenant qu’il y pensait, il n’avait que très rarement fait le tour de l’île au fil de ses échouages involontaires – quel beau pléonasme ! – alors autant en profiter pour une fois.

Mais comme il fallait s’en douter, il était bien trop tôt pour que n’ouvrent les boutiques. Et sa gorge le brûlait. N’y avait-il pas des fruits à se mettre sous la dent – non, dans le bec – pour une fois ? Il avait cru entendre la gamine parler de poiriers et de vergers.

Par chance, il en trouva non-loin de lui ; il lui fallut seulement traverser la rivière grâce à un ilot artificiel et il se retrouva cerné par de nombreux poiriers. Il en cueillit les fruits avec joie, les lavant rapidement dans l’eau claire du cours qu’il venait de traverser, et croqua dedans avec grande joie. Oh, comme le jus était délicieux ! Comme la saveur était exquise !!

Un panier abandonné là lui servit à en récupérer de nombreuses, après les avoir lavées, afin de les déguster plus tard. Il se souvenait avoir aperçu une aération de la boutique de Méli et Mélo soufflant de l’air chaud. Il n’en fallut pas plus pour qu’il prît la décision de laver ses vêtements à l’eau claire, et de les mettre à sécher devant, tout en mangeant un peu plus.

« Un poissard comme moi doit bien détenir un record, ricana-t-il en croquant une dernière fois dans le trognon de la poire. Je dois avoir le record du monde des échouages involontaires. »

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