Rien ne pourrait jamais les séparer- Reddie

Chapitre 1 : J'suis pas un putain de dauphin

Chapitre final

3154 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 16:50

- Non, non et non !


- Allez Eddie Chou fait pas ta chochotte ! On dirait ta mère quand elle me voit !


- Non, non et non! Il faudra que je te le répète dans quelle langue ? Je veux pas faire ça aujourd’hui ! Je ne suis pas d’accord.


Et comme pour approuver son propos, Eddie croisa les bras sur sa poitrine et opta pour un air boudeur. Ce qui eut pour conséquence principale de provoquer l’hilarité du plus grand. Alors qu’il riait, faisant bouger ses immenses lunettes noires au passage, le plus petit se surprit à remarquer qu’il aimait bien son rire. C’était un son mélodieux qu’il lui plaisait bien et si bouder le mettait à chaque fois dans cet état, Eddie était prêt à faire la tête plus souvent.


- Allez. S’il te plaît! On reste pas longuement et on sort dès que tu en auras marre !


Eddie fixa encore Richie un instant. Sa mine boudeuse disparue pour laisser un place à un immense sourire. Cela sembla satisfaire son ami au plus haut point puisque la même expression se dessina sur son visage dans la seconde.


Ils restèrent un instant comme ça. Immobiles, l’un en face de l’autre, sans parler, à juste se regarder en souriant. Ils devaient avoir l’air de deux idiots, mais à vrai dire, ils n’en avaient pas grand-chose à faire. Ils profitaient de la présence l’un de l’autre, de la petite dose de bonheur que cela leur procurait et ce que pouvait penser les autres ne les importaient honnêtement que très peu.


Ils furent soudain obligés de revenir à la réalité.


- Bon alors les losers, c’est quand que vous vous sautez ? Oups, que vous sautez ?


Après ce petit lapsus, visiblement très volontaire, de la part de la Reine Bev elle-même, Richie et Eddie adoptèrent l’exacte même réaction : ils levèrent les yeux au ciel, exaspérés. Comme ils le faisaient à chaque fois qu’ils avaient droit à une remarque de ce genre. Ce qui ne fut pas du tout le cas du reste du groupe. Les éclats de rire se firent bien vite entendre et d’autres remarques à propos de leur amitié très fusionnelle fusèrent. Mais les deux garçons en avaient l’habitude désormais, alors, après avoir soupiré une dernière fois, ils s’accordèrent un sourire, avant de se tourner vers leurs amis et d’encore une fois, comme ils le faisaient à chaque fois, les rappeler à l’ordre.


Sans succès. Le reste des losers n’était pas prêt de s’arrêter de rire. Leur fou rire était bien trop fort. Face aux têtes que tiraient les deux meilleurs « amis », Berverly et Bill étaient au bord des larmes. Cela était un peu moins visible, mais Stan, Mike et Ben n’étaient pas en reste.


Alors le duo fit la seule chose qui était en leur pouvoir pour échapper à cela : s’approcher du bord de la falaise.


Il y a quelques semaines de cela, Bev, l’unique fille du groupe, avait osé sauter et les losers l’avaient suivi. C’était pas que sauter de plusieurs mètres de haut les effrayaient…. Mais les garçons avaient simplement eu besoin que quelqu’un leur montre le chemin. Bon, il fallait aussi dire que Beverly était une fille incroyable et à défaut de tous en être amoureux, tous les losers l’admiraient. Enfin, soit, maintenant qu’ils savaient qu’ils ne risquaient rien à sauter de tout là-haut, il était arrivé quelques fois au groupe de retenter l’expérience ces dernières semaines. Même si deux personnes en particulier, dont leurs noms seront tus, avaient une sérieuse tendance à le faire à chaque fois que les losers venaient aux friches. Et ils étaient les seuls à éprouver cette insaisissable passion de sauter d’une hauteur aussi incandescente.


- Alors Edward Kaspbrak, prêt pour le grand saut ?


- Si ce cher Richard Tozier veut bien m’accompagner, je suis prêt !


Un dernier mot pour les losers. Un dernier sourire. Puis un dernier regard entre les deux comparses. Un de ceux qui veulent tout dire.


Eddie prit la main de Richie dans la sienne. Richard les lia un peu plus fort. Ils se mirent à courir. Et enfin, ensemble, plus unis que jamais, ils firent le grand saut.


Le contact avec l’eau fut à la fois douloureux, agréable, brutal, soudain… et surprenant.


Comme à chaque entrée dans l’eau glacée, les deux adolescents avaient l’impression de le faire pour la première fois. Une nouvelle fois, ils découvraient tout un panel de sentiments. Tant de choses leur parcouraient le corps durant ce si court laps de temps qu’ils étaient incapables de savoir s’ils appréciaient ou non la sensation. Mais pourtant, les deux amis finissaient toujours par recommencer. Car cette sensation… elle n’existait que sous l’eau. Elle n’était qu’accessible à ceux qui plongeaient sous la surface, alors qu’ils venaient d’être portés par le vent et qu’ils avaient quitté la Terre moins d’un instant plus tôt. Ce truc qui parcourait le corps de Kaspbrak et Tozier à cette seconde précise, était réservée à ceux qui s’affranchissaient de leur peur et avaient le courage se jeter à l’eau. De se laisser emporter par le vertige. De faire le grand saut. De s’abandonner au vide.


D’affronter l’inconnu.


Lorsque leurs dernières onces d’oxygène s’envolaient vers la surface et que leurs corps atteignaient leur limite, les deux êtres croisaient les yeux de l’autre, et après un dernier regard, remontaient vers l’au-delà en parfaite symbiose. Aussi brusquement qu’ils y aient été entrés, les deux adolescents retrouvaient la surface et le monde qu’ils avaient quitté.


Et pendant un moment, un seul et uniquement moment, Richie et Eddie connaissaient encore le secret de l’eau. Une seconde, durant laquelle ils avaient les mots exacts pour expliquer la « sensation » que provoquait le grand saut, durant laquelle ils arrivaient à mettre des mots humains sur ce sentiment grisant venu d’un autre monde. Un instant, où ils n’avaient plus de problèmes, plus de doutes, plus de peurs, mais juste le vif et fugace sentiment d’être plus libres que jamais. Un temps, où ils n’étaient plus Richard Tozier et Eddie Kaspbrak, deux adolescents avec des parents tyranniques, dans une pauvre petite ville paumée des états-unis à l’histoire bien sombre, en cette toute fin des années 80, mais deux êtres qui retrouvaient la vie.


C’était comme une deuxième naissance.


Pendant ce temps où ils n’étaient pas encore sortis de l’eau tout en étant pas tout à fait revenus à la surface, les deux garçons étaient de toutes nouvelles personnes.


Ils étaient Richie et Eddie. Eddie et Richie. Et rien d’autre.


C’était comme si, bien qu’elle soit sale et certainement vectrice de toutes les maladies de la région, l’eau des friches était purificatrice. Dans cette étendue semi bleutée, les deux amis se purifiaient de tout. Tout ces soucis d’adolescents qui les obsédaient en permanence, ces parents toujours sur leur dos, ces doutes sur leur vie amoureuse… puis, surtout, l’image de Grippe Sou et les cauchemars qu’il faisait endurer aux losers. Le clown quittait l’esprit des deux adolescents qu’à deux occasions : lorsqu’ils passaient du temps ensemble ou lorsqu’ils plongeaient. Car l’eau les lavaient de tout ce qu’une simple douche n’était pas capable d’absoudre.


Puis arriva le moment où cet instant hors temps prit fin.


Alors les deux amis redevinrent soudainement ce qu’ils étaient en quittant la Terre ferme et tout ce qui s’était effacé en plongeant leur revint.


Ils perdirent le secret de l’eau et à nouveau, Richie et Eddie oublièrent cette sensation de liberté infinie que le seul grand saut avait le pouvoir de leur offrir. Mais ce n’était que pour mieux pour la retrouver au prochain plongeon. Pour mieux la découvrir dans les prochains jours d’été. Et ça, les deux meilleurs amis n’y manqueraient pas ! Ce n’était pas la première fois qu’ils se jetaient du haut de la falaise et ce n’était sans doute pas la dernière ! Et même s’ils étaient redevenus de simples humains maintenant qu’ils étaient remontés à la surface, un peu de la magie qu’ils avaient ressenti au fond de l’eau subsistait encore dans leurs organismes. Avec elle, ils étaient assurés de nager en plein bonheur pendant quelques heures au moins.


C’était ça le pouvoir des friches après tout. De cette Terre où les losers étaient les seuls maîtres et où ils se créaient les plus beaux souvenirs du monde. De cet endroit où plus grand chose n’avait vraiment d’importance, si ce n’était passer du bon temps entre amis. De ce refuge si chers au losers qu’il était devenu une partie d’eux-mêmes.


Il y eut instant encore, où Richie et Eddie furent encore pleinement ceux qu’ils étaient tout au fond d’eux mêmes. Un instant, où il n’y eut ni rigolo aux blagues un peu lourdes et au père violent, ni petit garçon chétif et à la mère le gavant de médicaments plus inutiles les uns que les autres. Un instant, où les deux meilleurs amis s’accordèrent le droit de se regarder l’un de l’autre. Un instant, où ils se surprirent tout deux à trouver l’autre mignon, tout en se gardant bien de le révéler.


- Hey Eddie Spaghetti ! Attention au requin !


- Mais Richie on est dans un lac, il peut pas y avoir… mmmmh


Le Requin venait d’entraîner Eddie sous l’eau. Et lorsque la créature maritime laissa enfin sa victime retrouver la surface et son précieux oxygène, le premier réflexe du garçon aux cheveux bruns fut, avant même de penser à reprendre sa respiration, d’insulter le coupable.


- C’est franchement pas drôle Richie !


- Moi j’ai trouvé ça vachement marrant Ed’s !


- Je t’ai déjà dit de pas m’appeller Ed’s ! J’aime pas les surnoms.


- Oh Eddie Chou fais pas semblant, je sais bien que tu les adores mes surnoms. Puis je trouve que Ed’s ça te va super bien. Ça te rend encore plus mignon.


- Tu dérives complètement Rich, je me demande même comment je fais pour encore te côtoyer.


- Ah bah tu vois, toi aussi tu te mets aux surnoms ! Et Eddie, fais pas la tête, tu vas l’avoir ta revanche. Tu sais aussi bien que moi que pour ce qui est de couler ses amis, t’es aussi pas mal.


Eddie remua ses bras pour s’approcher un peu plus de Richie. Il recracha la dernière gorgée d’eau que l’attaque du requin l’avait forcé à avaler et releva la tête. Avec ses cheveux bruns trempés, sa peau décoré de quelques gouttes d’eau et ses magnifiques yeux qui étaient bien plus étincelants qu’à l’habitude, Eddie était si adorable que Richie aurait pu en faire une attaque. Puis son ami le fixa droit dans les yeux et l’ado aux cheveux noirs changea radicalement d’avis. Il était en réalité à deux doigts de frôler l’arrêt cardiaque.


- Donc moi aussi je suis un requin ?


- Ah non Ed’s, t’es bien trop petit pour ça. Je dirais plutôt un dauphin. T’es un adorable petit dauphin.


- J’suis pas un putain de dauphin.


- Si.


- Non.


- Si. Ou peut-être que je t’ai un peu surestimé avec mon dauphin. T’es plus un poisson.


- Non.


- Si. Un tout petit poisson.


- Non, non et non !


- Si Spaghetti.


Eddie leva les yeux au ciel.


- T’es vraiment irrécupérable. Et au fait, Tozier, attention au dauphin.


- De quel dauphin tu parles Eddie… mmmmh…


Cette fois, c’était le dauphin qui avait coulé le Requin. Il l’avait attrapé par la jambe et d’un coup sec, l’avait entraîné vers le fond de la carrière. Pourtant, le plus gros des poissons ne s’était même pas débattu. Il avait laissé l’autre faire, surpris de s’être aussi simplement fait avoir, mais aussi heureux que ami ait décidé de se prendre au jeu. Et alors que le dauphin battait des jambes pour remonter vers la surface, Richie l’attrapa par le bras. Eddie baissa la tête vers son bras et la main qui le retenait, surprit. Richie l’attira un peu plus à lui et très vite, les deux compères se firent face.


Sous l’eau un peu trouble, leur vision n’était pas parfaite, pourtant, ils se voyaient parfaitement l’un l’autre. Comme si l’eau avait décidé de leur accorder ce privilège. Alors, ils prirent une seconde. Pour s’observer pleinement l’un pour l’autre. Pour réaliser à quel point ils trouvaient l’autre attirant. Eddie s’attarda sur les yeux de son ami et Richie se perdit dans la contemplation de ces tâches de rousseurs. Sans même le vouloir, la main de Richard quitta le bras du garçon pour qu’il éprouvait un peu plus que de la simple amitié pour sa taille et Eddie se rapprocha un peu plus de son ami.


Alors la seconde se transforma en une éternité. La plus douce et la plus merveilleuse des éternités.


À cet instant, ils étaient tant proches que les deux meilleurs amis auraient pu presque s’embrasser.


Presque pu.


La surface de l’eau se fendit et laissa apparaître d’autres plongeurs. Alors que leurs amis venaient à leur tour de faire le grand saut, le calme de l’eau disparu bien vite. Eddie et Richie furent les premiers à remonter à la surface. Profitant encore un instant de tous les sentiments qu’ils avaient ressenti dans les profondeurs du lac. Puis d’autres têtes sortirent à leur tour et en quelques secondes, toute la joyeuse troupe avait fait son apparition.


La bande des losers était inséparable.


Et une fois que tous les amis eurent repris une respiration décente, le même rituel qu’à l’habitude débuta.


Les losers se coulèrent mutuellement, se jetèrent de l’eau de dessus et firent toutes ces autres choses qu’il était possible de faire dans un aussi grand lac. Lorsque venaient les moments où ils étaient épuisés – oui, car cela arrivait quelques fois !- ils se contentaient de se mettre sur le dos, de faire l’étoile de mer et de parler. Discutant de choses et d’autres, de tout ce qui leur passait par la tête à ce moment là, de tout ce qui leur faisait envie. D’autres encore s’amusaient à nager, faisant des concours de longueurs ou alors d’apnée. Puis il y avait Stan et Bill, qui restaient étrangement collés l’un à l’autre, qui partaient vers le bord de la carrière et une fois allongés sur le sable, se laissaient dorer la pilule au soleil.


En apparence, ce n’était qu’une après midi parmi tant d’autres, mais c’était une après midi d’été. De leur été.


L’été des losers, l’été de l’amitié… l’été de leur adolescence.


C’était cet été là.


Celui où tout avait commencé. Celui où la bande avait vu le jour. Celui où une amitié que beaucoup n’auraient jamais le privilège de connaître les avaient unis à jamais. Celui où le clown hantant les entrailles de Derry s’était réveillé. Celui où les adolescents avaient décidé de s’unir pour mettre un terme à cette cette folie.


Tandis que Stan et Bill se lançaient des petits regards en coin, que Bev et Ben se chamaillaient en s’éclaboussant, que Mike songeait à ce rituel qu’il avait trouvé pour combattre Pennywise, que Richie faisait des blagues sur la mère d’Eds et qu’Eddie levait les yeux au ciel tout en dissimulant tant bien que mal son sourire, le soleil déclinait doucement.


Alors qu’un grandiose coucher de soleil illumina les friches de milles feux, que les losers sortirent de l’eau, Richie prit un instant pour le regarder, lui. Le garçon dont il était follement amoureux. Le garçon qu’il préférait avoir en tant qu’ami plutôt que de le perdre avec des sentiments idiots. Le garçon pour qui, pourtant, il était prêt à tout. Même à donner sa propre vie.


Et alors qu’Edward le remarqua, Richard s’empressa aussitôt de détourner le regard. Pour aussitôt tomber sur Berverly, qui avait vu toute la scène et qui lui adressa un immense sourire. Richie se contenta de lui lancer un regard indigné, comme si il ne comprenait pas du tout de quoi elle voulait parler et pour seule réponse, Bev posa un doigt sur ses lèvres. Alors que les deux étaient occupés à se disputer silencieusement, ils en oublièrent même le troisième protagoniste.


Eddie, avec un sourire idiot plaqué sur le visage, rougissait.


Car Richie aimait Eddie et Eddie aimait Richie.


Et peut-être bien qu’un jour, ils oseraient enfin s’avouer leurs sentiments.


Que ce soit au cours de cet été là ou dans 27 ans, peut-être que ce jour arriverait. Car ils ignoraient encore tout de ce qui allait leur arriver dans les prochains jours de cet été. Mais pour le moment, les deux garçons se contentaient d’être amis et de profiter de la présence de l’autre. Et cela suffisait amplement à les rendre heureux.


Les deux adolescents étaient unis par un lien qui allait au de-là de l’amitié ou de l’amour. Ils étaient liés par quelque chose que personne n’arriverait jamais à briser. Pas même Pennywise.


Et ce soir-là, à la carrière, sous le soleil couchant, avec leurs vêtements trempés et leurs sourires d’amoureux idiots, Richard Tozier et Edwark Kasprak en eurent la certitude : rien ne pourrait jamais les séparer.




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