X-men Impulse
X-men Impulse
Chapitre 2
Assis dans un large fauteuil, l’homme semblait ailleurs, absorbé par son propre reflet dans le petit miroir qu’il tenait juste devant lui. Il ne pouvait se soustraire à son propre regard. Ces yeux de démons qui étaient apparus du jour au lendemain pour son plus grand malheur. Au-delà de l’iris rouge flamboyante, toute la structure visible de l’œil était devenue noire. Cela ne semblait pas avoir changé quoi que ce soit quant à sa vision, il n’avait pas vu de bouleversements, mais il était tout simplement impossible qu’il puisse se promener en public avec cela. Il avait réussi à voir un ophtalmologiste dès les premières heures suivants cette transformation spectaculaire mais dès qu’il eut enlevé ses lunettes de soleil, le médecin n’avait pu réprimer un hoquet de surprise, signe qu’il n’avait visiblement jamais rencontré une personne ayant la même pathologie. Et l’examen qui en avait suivi n’avait fait que confirmer cette pensée. Il avait dû lui donner un chèque plus gros qu’a l’accoutumé pour que le médecin garde cette découverte pour lui, il n’était pas question que quiconque pour l’instant sache pour cette difformité.
Dans la précipitation il avait annulé tous ses rendez-vous, s’était fait porté pâle auprès de son travail. Sauf que se mettre en maladie du jour au lendemain quand on dirige une des plus grandes agences de communication du pays, cela prêtait toujours à rumeurs et ragots. Mais il le devait, car ses yeux n’étaient pas le seul problème auquel il devait faire face. Alors qu’il tenait encore le miroir devant son visage, Rémy senti une vague de contrariété se muant en colère l’envahir. Un petit crépitement se fit entendre et une lueur orangée commença à émettre du cadre de métal. Ayant déjà vécu l’expérience quelques heures plus tôt dans une salle de bain, le jeune homme envoya rapidement l’objet voler à travers la pièce. Celui-ci n’eut pas le temps de toucher le sol qu’il explosa littéralement, répondant au sol une pluie de poudre de verre.
-Mais qu’est ce qui m’arrive…chuchota pour lui-même Lebeau en contemplant ses mains qui semblaient pouvoir transformer tout ce qu’elles touchaient en bombe. Comme il l’avait fait durant les dernières heures, il reprit son ordinateur portable sur les genoux. Il attendit néanmoins d’être plus calme pour s’en saisir. Jusque-là les explosions d’objets semblaient avoir lieu alors il perdait son self-control. Déjà qu’il avait dû payer une franchise à l’hôtel où il séjournait avec sa charmante compagne d’un soir, il se voyait mal devoir se racheter en permanence ses propres affaires.
Il multipliait les recherches pour essayer de trouver des réponses à ses questions, scrutant les forums, sites et autres blogs où des faits étranges étaient recensés. Armé d’un bloc de papier, il notait tout ce qui lui semblait avoir de l’importance, même des choses totalement farfelues. Rapidement il arriva à mettre quelques éléments en corrélation autour de la date d’hier. Sur d’obscurs forums de paranormal étaient répertoriés des faits s’étant déroulés au travers du monde durant les dernières vingt-quatre heures. Cela faisait état de phénomènes naturels survenant sans aucuns signes avant-coureurs, de personnes au centre d’évènements hors du commun. Beaucoup de faits relatés par les médias avant d’être subitement interdits d’antennes pour certains, ce qui ajoutait au côté troublant de tout cela. Rémy ne vit rien ressemblant à ce que lui-même semblait vivre, et de plus il avait beaucoup de mal à croire en la crédibilité de tels sites mais ses options étaient peu nombreuses pour trouver ce qui lui arrivait.
Alors qu’il tapotait nerveusement sur son fauteuil, il vit des posts d’une personne de Los Angeles qui avait été témoin du soulèvement d’une voiture dans les airs avec un jeune homme se trouvant juste en dessous et qui avait réchappé comme par miracle à l’écrasement. Intrigué par cette histoire, le cajun essaya de trouver d’autres informations sur cette affaire-ci. Si elle semblait moins spectaculaire que d’autres, le fait que plusieurs témoignages se regroupent semblait lui donner un peu de consistance.
-Bon, direction Pasadena, dit Rémy en fermant son ordinateur pour prendre en main son téléphone portable afin de réserver un billet d’avion. C’est alors qu’il se rendit compte que toute la pièce commençait à être teintée de l’éclat orangé qu’il avait apprit à connaitre depuis hier. Dans l’énervement de ne rien trouver, il ne s’était pas rendu compte que la main qui tapotait son siège avait encore agit comme un chargeur. Sauf que la portée de l’objet chargé ne s’arrêtait pas au fauteuil mais bien à tout ce qui pouvait être en liaison de près ou de loin.
Trente secondes plus tard, les passants qui marchaient en bas de l’immense bâtiment entendirent une puissante explosion venant du sixième étage.
Accoudée sur la banque d’accueil de son atelier, la jeune femme n’en finissait pas de pousser des soupirs. Son regard morne faisait des allers retours entre l’écran de la petite télévision située sous le comptoir et l’extérieur qui restait désespérément vide. Cela faisait maintenant deux heures que le garage était ouvert et pas âme qui vive à l’horizon. Même si elle était une enfant du pays, Anna devait bien admettre que sa petite bourgade était loin d’être l’endroit idéal pour faire des affaires. A l’aube de ses vingt six ans, elle n’avait toujours pas réussi à se persuader de se déplacer vers une grande métropole alors que son compte en banque lui hurlait de se bouger un peu plus les fesses.
Mais c’est qu’elle l’aimait son petit coin de paradis marécageux la petite brunette, et elle avait bien du mal à imaginer sa vie loin de ce havre de paix. Pourtant il lui suffisait de se retourner vers l’atelier de son garage de motos pour se rendre compte qu’elle était loin de crouler sous les rendez-vous. En l’espace de trois ans de métier, elle n’avait jamais fait une année de bénéfice et cela commençait à devenir vraiment préoccupant.
Mais alors qu’elle était plongée dans ses idées noires et qu’elle se demandait encore comment elle allait payer son loyer du mois, la sonnette de la porte se fit entendre. Ni une, ni deux la jeune femme se redressa et présenta son visage le plus avenant.
-Bonjour ma petite Anna, lança la voix chevrotante d’un homme d’un certain âge qui enleva sa casquette usée pour faire ses hommages à la jeune femme.
-Bonjour Sam, ça fait plaisir de vous voir, lui répondit elle avec un sourire de circonstance.
Le vieux Sam était un des habitués de son garage. Il n’avait qu’une vieille mobylette hors d’âge qui ne réclamait plus aucun entretien, mais il venait régulièrement prendre deux, trois babioles dans la partie boutique du garage. Sûrement de la pitié, se dit Anna en le regardant mollement se balader d’un rayon à l’autre comme il avait l’habitude de le faire. Son attention se reporta rapidement sur l’écran de télévision. Les images passant à la télé parlaient de l’explosion d’un appartement dans un quartier riche de la Nouvelle Orléans. Cela n’émeut pas plus que ça la jeune mécanicienne qui était loin de faire preuve de sensibilité pour ce genre de choses.
-Encore un crétin qui a du oublier d’éteindre son gaz, hein Sam ? Lança telle histoire de nouer contact avec un être humain par cette journée déprimante.
-Ben vrai ma petite Anna. Ces gens d’la ville…sont bourrés de gadgets élecron…électreto…
-Electronique, l’aida la jeune femme qui se mordait déjà les doigts de l’avoir lancé sur une de ces tirades interminables.
-Ouais vla, et ben avec tout ça, tous ces trucs modernes ben vla le résultat.
Le discours était édifiant et d’une profondeur d’esprit digne d’un philosophe. Comment résumer les méfaits d’un abus des technologies modernes dans le quotidien de la haute société. Mais Anna tenait à cet unique client, et elle n’allait pas lui balancer à la figure ce qu’elle pensait vraiment sur son argumentation détaillée.
-Tu as bien raison Sam, tu as tout ce qu’il te faut ?
Le vieil homme s’approcha du comptoir les bras chargés de divers produits plus ou moins indispensables. Il les mettait devant Anna, qui les scannait un par un devant sa caisse enregistreuse, dernier cri qui lui avait englouti ses recettes des dix derniers mois…quelle idée elle avait eu. Mais ce qui la préoccupait surtout à cet instant précis, c’était l’étrange sensation qu’elle ressentait sur ses mains. Des picotements qui devenaient de plus en plus intenses qui gagnaient petit à petit l’ensemble de son épiderme. Plus les secondes passaient et plus elle sentait la douleur montait en elle. Elle faisait tout pour le cacher au vieux Sam et se dépêchait d’en finir avec lui pour qu’il parte. Mais rapidement la douleur devint trop intense au niveau des mains et elle lâcha le bocal qu’elle venait de prendre.
-Anna, ça va, tu trembles ? questionna le vieil homme chauve en voyant les mouvements incontrôlés des mains de sa séduisante caissière.
Mais ce n’était pas que les mains qui brulaient, c’était vraiment l’ensemble de son corps, son ventre, ses pieds, ses joues, comme si tous les nerfs qui parcouraient son être étaient en ébullition, à flux tendu. Ses jambes ne purent la soutenir plus que ça et elle se laissa glisser au sol, faisant tout pour réprimer un cri de douleur. Sam se précipita vers elle pour tenter de l’aider, mais le contact de sa main sur l’épaule d’Anna provoqua plus de mal que de bien, et elle ne put réprimer cette fois-ci un cri symbolisant ce qu’elle ressentait. Mais le pire arriva quand, en voulant la relever, il posa sa main sur son avant bras dénudé. A ce moment là Anna cru voir des milliers d’étoiles danser devant ses yeux, et dans le même millième de seconde des images vinrent parasiter ses pensées. Elle avait l’impression d’être une autre personne, et de revivre toute sa vie, puis se fut le blackout total. Quand elle revint à elle, elle vit Sam, allongé à ses côtés. Malgré le violent mal de tête dont elle souffrait, elle arriva à se redresser pour aller voir s’il respirait toujours. C’était toujours le cas, mais faiblement. Elle ne savait pas ce qui s’était passé, mais elle devait prévenir les secours. Elle se précipita sur son téléphone et composa le numéro des services d’urgences. Rapidement une opératrice décrocha et lui demanda de s’identifier, de donner une adresse et un numéro pour pouvoir la rejoindre en cas de coupure de communication.
-Oui, je suis Samuel Sikwell et…et…
Elle s’arrêta net, l’esprit totalement chamboulé. Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit cela, elle savait qui elle était…elle le savait…non…
Anna laissa tomber le téléphone et posa ses mains sur ses tempes, essayant de se remémorer qui elle était. Au bout du fil l’opératrice tentait désespérément de retrouver son interlocutrice alors qu’Anna tournait en rond, totalement perdue. Elle n’arrivait pas à réfléchir, c’était inconcevable. Son esprit était embrouillé, impossible de se calmer, de faire le point, des images et des pensées ne provenant pas d’elle venaient en permanence se percuter et l’empêchait d’avoir la moindre réflexion. Et plus ça allait, plus cela tournoyait vite. Si la douleur dans son corps avait disparut, celle dans sa tête s’accentuait alors que les souvenirs de Sam venaient se bousculer et exploser en tous sens. Et une nouvelle fois, Anna tourna de l’œil…
Comme à chaque fois, Valérie Cooper était loin d’avoir profitée de son voyage en jet privé. Sujette au mal de l’air, elle avait passé la grande majorité de son vol à se concentrer sur un point précis dans l’espace pour éviter de rendre son petit-déjeuner. Mais enfin la délivrance était arrivée, et elle fut la première à débarquer sur le tarmac du petit aérodrome privé où l’attendait une voiture avec un homme en uniforme militaire devant. Tout en descendant les marches, elle plissait les yeux pour mieux voir celui qui allait être son chauffeur et fervent protecteur, enfin l’espérait elle. Au premier abord il semblait charmant : grand, châtain, le visage bien fait, les cheveux coupés court, très propre sur lui. Au second abord, quand elle arriva devant lui il sembla surtout très froid. Les présentations furent les plus rapides qu’elle n’avait jamais eues : Major Scott Summers, en voiture, on roule, tout à fait plaisant n’est-il pas. Et la route fut du même acabit, tout en joie et en effusions d’interactions sociales.
-Heu…ahem, on vous a briefé sur le pourquoi de notre venue ici ? interrogea Cooper pour essayer de nouer un contact verbal avec l’homme qui était assis à ses côtés mais faisait comme si elle n’était pas là.
-Oui madame.
Glacial. Et bien cela allait être joyeux de devoir faire équipe avec un tel bloc de granit. Pourtant Cooper ne restait pas insensible à ses yeux noisette de celui qu’elle surnommait déjà mentalement le petit enfoiré. Mais elle préféra passer sur cette indifférence pour continuer son petit discours, sortant de sa mallette les dossiers qu’elle avait préparée.
-Nous devons trouver une explication à tous les phénomènes qui sont apparus depuis hier. Au premier jour nous avions réussi à faire un recensement de seize accidents étranges, trois nouveaux sont survenus depuis.
- Et en dehors du territoire ?
Enfin il osait parler, ce n’était pas trop tôt pour le docteur qui se voyait déjà faire un véritable monologue.
- Il ne faut pas se leurrer, tout comme nous les autres pays vont tenter d’étouffer l’affaire. Elle s’arrêta légèrement quand elle senti un regard emplit de reproche se poser sur elle. Visiblement faire des sous entendus sur la manière de procéder des hautes instances en matière de dissimulation au peuple était une mauvaise idée avec ce boyscout.
- Mais ils ont raison, il ne faut pas inquiéter la population tant que nous ne savons pas de quoi il s’agit, continua telle pour adoucir son discours. Quoi qu’il en soit aucun chiffre ne circule et nous même avons diffusés des informations pour imputer les différentes affaires à des causes plus ou moins communes.
- Et les témoins ?
- Clauses de confidentialité en pagaille pour tout ce petit monde. Mais d’une certaine façon heureusement qu’il y a eu quelques témoins, c’est pour cela que nous sommes sur ce cas, elle plaça devant le visage de Summers une photographie de la voiture qui était passée par-dessus un adolescent.
- Je conduis…
- Ho, excusez-moi. En tout cas la police locale à bien fait son job, et même si le gamin s’est fait la malle et que sa description est assez sommaire : caucasien, grand, cheveux noirs et jeune, nous avons un élément qui pourrait être important. Sur son sac se trouvait le badge de Caltech.
- L’université ?
- Non, le…heu…il y a rien d’autre en fait, donc oui, l’université, centre de recherche de petits génies. Donc on se pointe là bas, on farfouille dans la base de données des étudiants pour trouver ceux répondant aux critères.
- Pour un civil on dirait que vous avez fait ça toute votre vie, docteur Cooper.
Dans la maison plongée dans la pénombre pas un seul bruit. Tous les volets étaient fermés, pas un rayon de soleil ne pouvait passer pour éclairer les nombreuses pièces de l’habitat secondaire de la famille Allerdyce. Mais le silence laissa la place au son d’une voix parlant fortement à l’extérieur, puis à celui du cliquetis d’une serrure que l’on enclenchait.
- Je suis sûr que c’est encore cette incapable de femme de ménage qui a tout fermé avant de partir, quelle plaie! tempêtait le chef de cette famille en ouvrant brutalement la porte, visiblement remonté contre la bonne à tout faire. Derrière lui suivait sa femme qui essayait, tant bien que mal, de calmer les vieillîtes de renvoi que son cher et tendre avait en tête. Mais ils furent brutalement coupés dans leur élan par la lueur flamboyante d’une flamme qui venait de traverser leur salon pour allumer la cheminée.
- Bienvenue à la maison, mère, père, lança la voix enjouée d’un jeune homme, prenant ses aises sur le sofa. Ils s’approchèrent prudemment et découvrir le visage d’un jeune homme blond, arborant un sourire satisfait.
- John ? fit la mère en reconnaissant bien entendu son fils, même si l’expression de son visage lui faisait froid dans le dos.
- Surprise? J’ai fait une merveilleuse découverte hier et j’ai décidé de venir la partager avec vous.
- Pourquoi as-tu quitté Sydney ? demanda le père qui ne semblait pas vraiment apte à écouter les paroles de son fils, concentré sur sa colère toujours bien présente.
- Figurez vous qu’hier j’ai fait une merveilleuse découverte, comme je le disais, et ça m’a fait beaucoup réfléchir sur ma vie, sur mon implication dans l’évolution du monde, déballa le jeune homme à grands renforts de gestes des mains.
- Mais que racontes-tu ? lui demanda sa mère qui n’osait s’approcher, n’aimant pas la lueur qu’elle voyait dans les yeux de son fils. Il fit alors un geste de la main, la pointant vers la cheminée. Et le feu eut l’air de réagir à ce mouvement, il se mit en mouvement comme s’il était vivant et prenant la forme d’un serpent enflammé qui vint se déposer dans la main de celui qui l’appelait.
- Je suis devenu un dieu. Je commande à un élément primordial pour l’homme, je le dompte, répondit le gamin avant de lâcher un grand éclat de rire et que la flamme dans sa main gagne en intensité l’espace d’un instant.
Ses parents restèrent sans voix, collaient l’un à l’autre, incapable d’effectuer le moindre geste. Leur relation avec leur fils avait toujours été compliquée, il avait toujours été assez instable, mais maintenant ils découvraient aussi que s’était un monstre diabolique. La mère, toujours pétrifiée sur place eu quand même la force d’enchainer les signes de croix à une vitesse assez incroyable.
- En tant que nouveau dieu du feu je me dois de mettre certaines choses en place. Je vais devoir me créer une cour, trouver une déesse…et effacer toutes traces de mon origine mortelle bien sur, dit il tout en se levant, fermant le poing pour enfermer la flamme dedans, la faisant disparaître, plongeant de nouveau la pièce dans l’obscurité. Il la rouvrit soudainement et ce fut un véritable brasier qui s’éleva, venant lécher le plafond, le couvrant de toute sa chaleur irradiante.
- John ! hurla la mère en reculant, voyant les flammes progresser, envahissant chaque centimètre carré.
- Humm, John ne fait pas assez divin…Pyro irait bien mieux, oui, je suis Pyro, dieu du feu ha ha ha.
Ses rires arrivaient même à couvrir le crépitement des flammes qui envahissaient l’ensemble de la demeure, couvraient les hurlements de ses parents pris au piège de cet enfant malade.
Encore une interminable journée de cours qui tirait sur la fin, ce qui n’était pas pour déplaire au jeune homme qui passait son sac autour de son épaule gauche avant de se diriger vers la porte de la classe. L’accident qui était survenu hier l’avait fortement perturbé, il ne savait pas ce qui s’était passé, pourquoi une voiture qui semblait venir droit sur lui avait subitement décollée dans les airs. Il devait y avoir une raison à cela mais le choc l’avait empêché d’y réfléchir calmement et il s’était décidé à reprendre ce matin le chemin de l’université comme si de rien n’était. Les informations télévisées faisaient état d’un jeune homme au centre de l’accident, mais les descriptions citées étaient floues et génériques et personne n’avait d’image de lui. Il n’y avait donc pas de raison que les médias lui tombent dessus pour l’asséner de questions sur ce qui avait bien pu se passer, et qu’il ignorait bien sûr totalement. Mais dans un coin de son esprit, il se plaisait à penser que cela aurait cool que ce soit lui qui ait fait léviter cette voiture au-dessus de lui. Pour une fois il aurait été le centre d’attention, il aurait été autre chose que le fils à papa qui n’avait sa place ici que grâce à l’argent de sa famille. Mais Keller rejeta rapidement ses pensées parasitaires.
Il continuait d’avancer dans les coursives, essayant de se remémorer mollement du prochain cours auquel il devait assister. Soudain quelque chose lui tapota l’épaule. Il se retourna et tomba nez à nez avec une jeune femme blonde au visage qu’il jugea angélique. Il resta bouche bée de cette soudaine apparition si proche de lui. Il fallait dire que les jeunes filles à Caltech n’étaient pas monnaie courante, étaient rarement dotées d’une telle beauté et lui adressaient encore plus rarement la parole. Mais l’effet de surprise passé il se rendit compte que ce n’était point une élève mais bien une adulte, donc surement un professeur ou quelque chose du genre.
- Tu es bien Julian Keller ? lui demanda la jeune femme en jetant des coups d’œil vers un carnet qu’elle tenait et dont le garçon aux cheveux sombres ne pouvait voir le contenu.
- Heu oui, répondit-il machinalement sans vraiment réfléchir, trop occupé à baver mentalement sur celle qui lui faisait face.
- Je suis Valérie Cooper. Pourrait-on se voir un peu à l’écart ? lui demanda telle gentiment avec un sourire poli. Bien entendu les premières pensées de l’adolescent en mal de reconnaissance et d’amour furent loin d’être pures, mais le bipède était doué d’une intelligence certaine et commença à se poser des questions sur cette soudaine apparition si chaleureuse.
- Heu…pourquoi donc ? rétorqua Julian en refusant de lui emboiter le pas, restant figé sur place. C’est alors qu’il vit le contenu de son carnet, quand elle baissa le bras, lui exposant l’intérieur sans le vouloir. Il n’arrivait pas à lire ce qu’il y avait écrit, mais visiblement il y avait des fiches d’étudiants avec des photos d’élèves ayant tous le même morphotype au niveau du visage : blanc, les cheveux noirs, corpulence moyenne dans les traits.
- Je suis responsable d’un groupe de recherche à la recherche de stagiaires et on m’a dit que tu pourrais être un candidat idéal, répondit du tac au tac Cooper sans se démonter.
- Je m’excuse mais j’ai un cours qui va bientôt débuter, on se voit ensuite si vous voulez, lui répondit sèchement Keller avant de tourner les talons pour débuter une marche trop rapide pour ne pas être suspecte.
Il se frayait un chemin parmi ses congénères, se faufilant dans les allées où régnaient un chahut indescriptible. Il évitait de regarder en arrière, mais en tournant dans un couloir à sa gauche il osa un rapide coup d’œil et vit Cooper qui lui emboitait le pas, tentant de se faire le plus discrète possible, ce qui n’avait pas l’air d’être une de ses spécialités. Julian marchait, mais il n’avait aucune idée de sa destination. Il ne savait pas ce que cette femme lui voulait, et il n’avait aucune envie de le découvrir. Alors qu’il s’approchait de l’une des nombreuses sorties de cette aile un homme arriva dans le sens opposé. Grand, l’air sévère, portant un manteau qui semblait cacher une veste d’uniforme, il posa immédiatement le regard sur l’adolescent. Ni une ni deux Julian bifurqua au dernier moment pour s’engager dans le couloir menant au restaurant universitaire. Son pas de marche rapide se transforma en course effrénée. L’homme était bien là pour lui, il lui courrait après et démontrait la différence entre un étudiant plus cérébral qu’adepte du sport et un militaire entrainé. Julian déboula dans la cantine en faisant battre avec force les doubles portes de métal et slaloma entre les cantinières qui nettoyaient les tables souillées des repas du midi. Malgré son handicap physique, il avait l’avantage de connaitre les lieux et donc de se mouvoir avec plus d’aisance par rapport à l’athlète qui jouait plus au bulldozer qu’à la danseuse étoile.
Débouchant sur l’un des parcs du campus, Julian fonça directement vers une autre aile. Il espérait semer ses poursuivants en se mêlant de nouveau à la foule. Mais sa vitesse de pointe avait surtout pour effet de provoquer des mouvements parmi les autres étudiants qui se demandaient ce qui était en train de se passer. Malheureusement son plan se retourna contre lui. Dans sa course, les obstacles, les gens le déviaient de sa trajectoire et il se retrouva à longer un bâtiment sans pouvoir trouver d’entrée. C’est alors qu’il senti une main se refermer sur le col de sa chemise et le tirer en arrière. Le souffle coupé il senti ses pieds quitter le sol et vit le paysage défiler à une vitesse folle. Sans comprendre réellement ce qui venait de se passer il serra les dents sous le coup de l’intense douleur qui lui parcourut les omoplates quand il retomba lourdement au sol sur le dos. En rouvrant les yeux il vit un homme penché sur lui, prêt à l’empoigner par le cou. C’était celui qui lui courrait après, et il semblait être furieux d’avoir dû effectuer ce petit sprint.
-Dégagez ! lui hurla Julian en mettant ses bras devant lui pour se protéger.
C’est alors, qu’à son tour, Summers fut soulevé du sol pour être projeté quelques mètres plus loin. Son corps était telle une poupée de chiffon et toucha le sol en faisant des tours sur lui-même. Keller rouvrit les yeux et vit la scène de son poursuivant inconscient dix bon mètres plus loin, sans comprendre ce qui venait de se passer. La seule chose dont il était sûr c’est qu’il devait lever le camp et trouver un refuge. Il fuyait sous le regard de Cooper qui ne sembla pas vouloir intervenir, surement à la fois sous le choc de ce qu’elle venait de voir, avec cette projection qui semblait mentale, et aussi de peur de subir le même traitement. Elle dut s’appuyer contre le mur quand la tête lui tourna, éblouit par ce qu’elle venait de voir et qui confirmait ce qu’elle espérait secrètement, des hommes capables de prouesses inhumaines. A voix basse elle ne put prononcer qu’un mot : merveilleux.