Miroir de glace

Chapitre 5 : Chapitre IV ~ Énigmes à la chaîne

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:31

« Le romancier doit montrer le monde tel qu’il est :

une énigme et un paradoxe. »

Milan Kundera

 

Brenda Triton s’approcha d’un petit lit à l’intérieur duquel dormait une petite licorne. Visiblement, le petit poulain brun clair avait le sommeil léger, car il remua dans ses draps alors qu’elle était juste à ses côtés ; il avait gardé les yeux fermés, mais murmura une question qui se résumait en un seul mot :

 

« Maman ? »

 

La jument baissa le regard ; hésita ; puis elle déposa son sabot violet pâle sur la joue du petit pour la caresser avec douceur et tendresse. Toute celle que sa véritable mère ne pouvait pas lui donner sur le moment.

 

« Non, mon cœur. C’est la maman de Luke.

- Maman et Papa sont rentrés ?

- Pas encore…

- Vous savez s’ils rentreront bientôt, dis ? »

 

Il avait ouvert les yeux et la dévisageait de son grand regard attristé ; ses pupilles brillaient dans la nuit.

 

« Oui… bredouilla-t-elle dans un chuchotement. Ils rentreront bientôt.

- Ils me manquent…

- Je sais, mais ils reviendront. Rendors-toi ; il est encore très tôt, tu sais. »

 

En effet, le petit poulain bâilla muettement. Brenda lui sourit, mais c’était un sourire triste. Elle regrettait de ne pas lui avoir dit la vérité, mais en même temps… Il n’avait que neuf ans. C’était beaucoup trop jeune pour perdre ainsi ses parents. Même s’ils étaient toujours vivants, quelque part… très loin. Beaucoup trop loin.

Alors qu’elle sortait de la chambre et refermait la porte, elle soupira.

 

Faites qu’ils rentrent…

 

Elle se mordit la langue, sentant de petites larmes venir s’amasser au coin de ses yeux.

 

Luke… Reviens vite, mon chéri.

 

*

*      *

 

Un sabot blanc vint soudainement s’agiter sous son regard plongé dans le vague, le sortant aussitôt de ses pensées dans un léger soubresaut. Il se retourna vers la jument à qui appartenait l’objet qui l’avait tiré de cette profonde rêverie dont lui-même ne se souvenait désormais déjà plus du sujet principal. Il la dévisagea encore avant de baisser aussitôt le regard. Comme s’il n’osait pas la regarder. En réponse, Claire l’imita en reculant légèrement, s’excusant de l’avoir surpris ainsi, sans prévenir.

 

« Non, ce n’est rien, se reprit-il aussitôt. C’est juste que toute cette histoire est tellement troublante…

- Je sais, Dimitri… je sais. »

 

Pourquoi l’avait-elle appelé par son prénom, alors qu’elle ne l’avait rencontré pour la première fois qu’une heure à peine auparavant ? Elle l’ignorait. Peut-être parce qu’elle en avait pris l’habitude avec son alter-ego. Et probablement parce que son propre alter-ego l’appelait ainsi avant qu’elle ne… fût victime de l’accident.

Le docteur Allen ne parut cependant qu’à peine plus embarrassé qu’avant ; à vrai dire, il s’était mordu la lèvre sur le coup, mais s’était aussitôt résigné. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Ce n’était pas sa faute.

 

Emmy, Luke et les deux Flora, derrière, n’osaient réagir, préférant se faire oublier sur le moment.

 

Finalement, l’homme se décida de se saisir de la pile de papiers qu’ils avaient apportés, les survolant rapidement sans toutefois en manquer une seule ligne. Au bout de quelques courtes minutes, il se leva de son bureau, regardant le grand ordinateur se trouvant au fond de la salle.

 

« Il ne sert plus depuis un moment, expliqua-t-il. Depuis quelques semaines, nous nous focalisons sur la théorie sans toucher aux machines, alors je pense que personne ne nous en voudra si nous essayons de nous en servir… Surtout que, mine de rien, ça ferait progresser la science, si nous y parvenons.

- Je vous fais confiance, assura la licorne. Après tout, je crains que nous n’ayons pas trop le choix… »

 

Le scientifique s’approcha finalement du générateur titanesque, regardant comment il pourrait être réutilisé pour une nouvelle machine. En effet, en théorie il assurait qu’il serait assez puissant ; et cela leur permettrait d’éviter d’avoir à mener de trop grandes dépenses pour la construction d’un projet qui, tout de même, nécessitait d’être particulièrement aisé financièrement. De son côté, Claire faisait de même, vérifiant les branchements utiles, inutiles ou manquants, comparant le modèle de base avec ses plans.

Près de l’entrée, Emmy et les adolescents avaient décidé de passer le temps en s’échangeant des énigmes à difficulté variable entre deux séances de réflexion à propos de l’affaire sur laquelle les deux Hershel Layton étaient en train d’enquêter, assistés du pégase à robe café-au-lait et de la petite licorne bleue.

 

*

*      *

 

« Je suis vraiment désolé, mais je ne crois pas que je puisse vous laisser entrer. Vous savez, l’accès à n’importe quelle scène de crime est strictement réservé à la police…

- Mais l’inspecteur Chelmey… commença Luke en fronçant les sourcils.

- Désolé, répéta l’agent. Les civils ne sont pas autorisés à l’intérieur. »

 

Cela signifiait-il que le petit groupe avait fait tout ce chemin jusqu’à la demeure des premières victimes de la série de crimes simplement pour voir la porte fermée ? Le professeur s’avança, mais même ses paroles furent inutiles.

 

« Écoutez, à moins que vous n’ayez un badge de police sous la main, je n’ai pas le droit de vous laisser entrer. Vous savez, ça pourrait aussi me retomber dessus, cette histoire. »

 

L’étalon soupira, fixant le policier qui, bien qu’encore peu habitué à cette histoire de poneys parlants, gardait son attitude calme et posée.

 

« Luke. Le badge. »

 

La petite licorne bleue fit luire le bout de sa corne, ouvrant sa sacoche ; en sortit une sorte de grande plaque de métal gravée.

 

« Vous reconnaissez bien les armoiries de Scotland Yard, n’est-ce pas ? »

 

Sans répondre, l’agent dévisagea avec incrédulité ce que le poney brun brandissait désormais sous son nez ; mais il dut se résigner à libérer le passage.

 

« Tout de même, je n’arrive pas à croire que vous pouvez enquêter comme ça, marmonnait l’inspecteur Layton à son alter-ego tandis qu’ils montaient les escaliers à l’intérieur de la demeure.

- Disons que nous avons la chance d’avoir des connaissances dans le service.

- Mais cela ne suffit pas dans le cas des scènes de crime, il faut croire… déduisit le pégase à robe café-au-lait.

- C’est la première fois que nous nous mêlons à ce genre d’affaires. »

 

L’étalon et son assistante dévisagèrent l’humain avec surprise ; mais ils se ravisèrent rapidement.

Lorsque le professeur et les trois poneys arrivèrent près de la porte menant à la scène où le meurtre avait eu lieu, l’inspecteur conseilla à la jeune licorne de rester à l’extérieur. Ce n’était pas pour les enfants. Bien que déçu, le poulain se résigna très rapidement, proposant d’aller rejoindre les autres dans le laboratoire de l’institut multidimensionnel afin de ne pas perdre de temps inutilement. Les trois adultes le laissèrent repartir, puis pénétrèrent dans l’appartement où les attendaient déjà l’inspecteur Chelmey et son inséparable acolyte Barton.

Après de rapides salutations, les regards se redirigèrent vite vers l’environnement : la salle était de taille moyenne, en ordre, toutes vitres fermées ; il n’y avait visiblement eu aucune bataille, alors que toutes les victimes – au nombre de quatre, tout de même – étaient mortes au même endroit. Bien évidemment les corps n’étaient plus là, probablement en train d’être passés au crible des études de la police scientifique, et seules quatre silhouettes humaines tracées à la craie sur le sol permettaient de savoir où elles se trouvaient originellement.

La pièce était en ordre, et encore bien propre… beaucoup trop, même.

 

« Inspecteur… commença l’archéologue. Personne n’a nettoyé la scène de crime, n’est-ce pas ?

- Bien sûr que non.

- Comment se fait-il alors qu’il n’y ait aucune trace de sang ? Je croyais que les victimes avaient le crâne brisé…

- En effet. Ça ne m’étonne pas que ce soit le premier détail qui vous soit venu à l’esprit, car c’est vraiment l’un de ceux qui nous intriguent le plus. »

 

Et Chelmey leur conta que les corps avaient de toute évidence le crâne brisé par quelque force bien puissante, mais pourtant qu’aucune éclaboussure rougeâtre n’avait été découverte ; même après passage du luminol un peu partout autour des corps, toujours rien n’avait été trouvé. On avait même songé à examiner ailleurs dans l’appartement, dans le cas où les corps eurent été déplacés : sans succès. L’appartement entier était dans le même état que la scène de crime.

 

« Et vous n’avez donc rien trouvé d’autre ? demanda Emmy, dressée sur ses pattes arrière et s’équilibrant avec ses ailes, ce qui lui permettait de tenir son appareil photographique entre ses sabots.

- Tout l’appartement a été passé au peigne fin, mais nous n’avons rien trouvé. Enfin, nous n’avions pas vraiment enquêté de manière à inclure parmi les criminels possibles des… poneys. »

 

Tandis que la jument demeurait au centre de la salle, interrogeant le quadragénaire, la licorne à haut-de-forme tournait dans la salle près des murs, scrutant chaque détail. Il était sur le moment en train d’ouvrir la fenêtre à l’aide de sa magie, ce qui lui permettait de ne laisser aucune trace qui viendrait troubler d’éventuels indices. Mais il eut beau regarder le cadre, le verre, les poignées, il ne voyait rien.

Après tout, quand l’inspecteur disait que tout avait été passé au peigne fin, cela incluait la fenêtre. S’il voulait trouver des indices, il allait devoir regarder là où aucun humain ne songerait à regarder…

 

« Si le meurtre a bel et bien eu lieu ici, alors le coupable a vraiment tout fait pour ne laisser aucune trace. Vous n’avez vraiment rien trouvé ?

- Je ne sais pas combien de fois j’aurai à le répéter, mais non, soupira le Londonien.

- S’il s’agit d’un poney, proposa le professeur Layton, alors cela doit être une licorne. Je ne vois que la magie qui permettrait de ne laisser aucune trace ainsi…

- Peut-être… » commença son alter-ego.

 

Il invita cependant tout le monde à s’agglutiner près de la fenêtre, présentant le rebord extérieur. Deux morceaux de plâtre tout entiers étaient visiblement manquants, mis en évidence par une petite fissure qui eut pu paraître anodine, mais qui avait dans ce cas toute son importance.

 

« … mais dans ce cas, continua-t-il gravement, je ne vois pas comment il aurait pu s’échapper par la fenêtre. Nous sommes tout de même au cinquième étage. »

 

Voyant l’inspecteur indécis, l’étalon s’expliqua.

 

« Regardez. Ça, c’est parfaitement la trace laissée par le sabot d’un pégase avant de s’envoler. Le coupable a dû se cogner contre le rebord en repartant…

- Mais Inspecteur… répliqua Emmy. Si un pégase tentait de s’envoler d’ici, il ne laisserait normalement pas de traces. Même si le coupable était descendu dans la rue après, il aurait logiquement viré de bord seulement une fois complètement dehors, non ? »

 

Comme pour confirmer ses dires, elle rangea son appareil dans la sacoche à son côté, sauta sur le rebord et s’envola avant de faire du sur-place à l’extérieur, près de la vitre ouverte : en effet, les seules traces visibles étaient les deux déjà présentes.

 

« Cela ne change rien au fait que quelque chose a cassé du plâtre ici, reprit le professeur. Et il faut avouer que ça a la forme de sabots… »

 

Chelmey – et accessoirement Barton – demeurait en retrait, se contentant de fixer les trois amis en train de discuter ainsi indices et théories. Déjà que le professeur suffisait largement pour mettre à jour de nombreux mystères souvent réputés insolubles, s’il y en avait désormais deux…

Il remarqua par ailleurs que l’étalon était inspecteur de police ; et donc par conséquent encore plus familiarisé avec les affaires ne concernant que la police que son alter-ego. Son sens d’intuition ne pouvait en être que plus affiné encore, et parfaitement adapté aux meurtres ; du moins, il l’imaginait. Il l’avait vu aussitôt se diriger dans les recoins les plus susceptibles de donner des indices, sans aucune hésitation ; il l’avait entendu formuler avec une étonnante facilité des déductions qui n’étaient pas forcément évidentes – pas pour lui, en tout cas. Il avait presque peur de ce deuxième Layton : déjà son alter-ego se mêlait à des affaires qui n’étaient pas censées le concerner, il n’osait imaginer de quoi il était capable, lui qui avait parfaitement le droit d’enquêter sur ces affaires. Il devait peut-être mener la vie dure à son propre alter-ego, lui prenant tout le mérite, toutes les affaires importantes ? Non, vraiment, il n’était pas mécontent que le professeur Layton ne fût, pour lui, qu’un civil un peu trop intelligent et serviable, qui savait aider seulement lorsque c’était nécessaire.

 

En parlant de l’archéologue, il regardait désormais sur les meubles, dans les commodes, sans pour autant les ouvrir ; il semblait rechercher quelque chose, sans réellement savoir quoi, chez une famille qu’il ne connaissait absolument pas. Lorsque Barton se décida enfin à parler pour lui demander ce qu’il cherchait, le professeur fit part de son ignorance.

 

« S’il y a ces marques sur le rebord de la fenêtre, peut-être que c’est parce que celui qui les a causées ne s’attendait pas à ce que sa charge l’ait alourdi et empêché de voler aussi haut que ce qu’il espérait…

- Que voulez-vous dire ? demanda Emmy.

- Peut-être que l’assassin recherchait quelque chose et l’a volé, tout simplement. Cela justifierait vos propos et expliquerait déjà beaucoup de choses… »

 

À bien y réfléchir, tous deux avaient l’esprit aussi lucide l’un que l’autre, en fin de compte.

 

« Mais ça n’expliquera pas comment la fenêtre aurait pu s’ouvrir et se refermer derrière lui sans qu’il n'y laisse de traces, répliqua la licorne.

- N’y a-t-il aucune possibilité pour qu’un poney ait à la fois des ailes et une corne ? suggéra son alter-ego.

- Il n’y a que la famille royale qui soit composée d’alicornes, Professeur ; et il convient qu’on ne puisse pas les suspecter de quoi que ce soit. J’ai entendu parler d’un sort qui permettrait de donner temporairement des ailes à un poney terrestre, mais il est très complexe. Et puis, les ailes dont il est question sont beaucoup plus grandes et fragiles : elles ne passeraient jamais par le cadre de la fenêtre. »

 

L’homme acquiesça. Emmy continua d’inspecter la fenêtre depuis l’extérieur, mais rien ne put être remarqué ; aussi finit-elle par entrer de nouveau à l’intérieur de la scène de crime.

Au final, tout avait été passé une seconde fois au peigne fin, et toujours sans plus de résultat. L’inspecteur Layton songea encore à rechercher des endroits où un humain ne songerait jamais à regarder, et s’approcha du centre de la pièce, là où se trouvaient à l’origine les corps des victimes. Il n’y avait strictement rien sur le parquet, et de toute manière on y avait déjà jeté un œil ; il y avait pourtant forcément une solution à cette curieuse énigme…

 

« Regardez là-haut ! »

 

Tous les regards se portèrent sur le plafond, là où le pégase voletait en fixant quelque étrange aspérité s’y trouvant. Elle reprit soudainement la parole, affirmant qu’il y avait des empreintes de sabots dans un coin. Quatre, formant un rectangle plus ou moins parfait. La taille des cercles enfoncés semblait légèrement plus petite que celle des poneys adultes, mais il était difficile de voir quoi que ce fût de clair depuis le sol.

 

« Est-ce que… les pégases peuvent marcher la tête en bas ? tenta Chelmey.

- Pas que je sache, répliqua-t-elle alors qu’elle continuait de voleter.

- Il existe un sort d’inversion de gravité, proposa la licorne. Mais il est au moins aussi complexe à réaliser que celui qui permettrait de faire voler un poney terrestre…

- Donc cela confirmerait l’hypothèse selon laquelle le coupable serait une licorne aux grands pouvoirs magiques… », déduisit le professeur.

 

Emmy se rapprocha des traces afin de tenter d’y trouver de quelconques traces d’indices, tandis que les humains étaient partis chercher un escabeau afin de pouvoir observer ces étranges empreintes qui défiaient les lois de la physique classique. Cependant, alors que seuls les deux poneys restaient sur place, le pégase écarquilla les yeux. Elle fut tellement surprise que ses ailes manquèrent un battement, ce qui la déséquilibra pour quelques secondes ; fort heureusement, elle se rattrapa quasiment aussitôt, mais elle préféra se poser sur le parquet, près de l’inspecteur. Lorsque celui-ci lui demanda ce qu’elle avait vu, son ton peu rassuré et pourtant grave faisait bien ressentir l’importance de ce détail.

 

« Les empreintes… Elles sont trouées. »

 

La réponse de l’étalon fut tout d’abord une interjection faisant bien part de son ressenti.

 

« En es-tu vraiment sûre… ? Peut-être que les sabots n’ont pas été suffisamment enfoncés dans le plafond vers l’arrière et que…

- Non, Inspecteur. Il y a un grand trou sur trois des sabots, sur le côté. »

 

Un soupir tendu sortit de la bouche de la licorne, tandis que les trois humains étaient revenus, un escabeau entre les mains. Lorsqu’ils le posèrent juste en-dessous des empreintes, l’inspecteur Layton demanda à monter en premier. Non pas qu’il ne fît pas confiance à son assistante, mais il devait le voir de ses propres yeux. C’était trop important.

Il se plaignit intérieurement de la largeur des marches qui n’était pas adaptée à ses sabots, mais il parvint au sommet sans trop d’hésitations ; et en effet, il put voir des endroits où le plâtre n’avait pas été enfoncé, alors qu’il eut dû l’être. Il baissa le regard avant de faire luire sa corne, se téléportant directement sur le parquet afin de ne pas perdre de temps, comme de lui éviter de se prendre les pattes dans les barreaux en descendant.

 

« Bon, soupira-t-il. La bonne nouvelle est que nous connaissons le coupable, car cela concorde avec tout ce que nous avons trouvé pour le moment ; et la mauvaise est que, si c’est réellement le cas… nous devrons réellement redoubler de prudence. Et cette affaire devient encore plus troublante qu’avant. »

 

Les humains lui demandèrent tout naturellement d’expliciter ses propos, ce qu’il fit après une courte hésitation.

 

« Ce ne sont pas des empreintes de sabots appartenant à des poneys, prononça-t-il gravement. Elles appartiennent à un changelin.

- Et qu’est-ce que c’est, exactement ? demanda tout naturellement Chelmey.

- J’y venais. Prenez-le comme des sortes d’hybrides entre poneys et insectes, qui ont à la fois une corne et des ailes ; chez nous, ils sont une véritable plaie… »

 

Et il continua ses explications, détaillant que les créatures suspectées avaient des comportements similaires aux insectes et pouvaient en effet, entre autres, marcher sur les murs et les plafonds à la manière de la plupart de ces petits êtres. Bien que cela parût étrange, aucun des humains ne rechigna à avaler le fait selon lequel les changelins se nourriraient principalement d’amour ; tant de choses autour d’eux paraissaient illogiques en elles-mêmes que ce fait passa tout simplement sans problèmes.

 

« Et, le pire de tout, murmura-t-il finalement, est qu’ils peuvent changer d’apparence à leur guise. Généralement, ils prennent l’apparence de poneys pour prendre la place des originaux et se nourrir de l’amour qu’on leur porte plutôt qu’à la victime.

- Il n’y a plus qu’à espérer qu’ils ne puissent prendre l’apparence d’humains, ça arrangerait bien les choses, soupira Emmy.

- Je crains que cet espoir soit vain, désespéra le professeur Layton. Ce qui nous avait retenus hier en se faisant passer pour le doyen Delmona en était certainement un. »

 

La discussion fut soudainement rompue lorsqu’un agent arriva en toute hâte dans la salle, encore essoufflé. Une fois qu’il eut à peu près repris son souffle – ce qui prit tout de même quelques longues minutes, preuve qu’il avait dû courir un moment –, il s’exclama que les premiers résultats du médecin légiste n’avaient aucun sens. Il affirmait en effet que les corps qui lui avaient été transmis seraient des statues d’une sorte d’étrange mélange entre cire et glu durcies ; bien qu’il eût avoué que la similitude avec de véritables cadavres fût frappante et qu’il n’avait rien remarqué au premier coup d’œil.

 

L’archéologue se saisit le menton de sa main droite, fermant les yeux à demi. Puis, au bout de seulement quelques secondes, il sursauta tout en fronçant les sourcils, s’écriant un « Mais bien sûr… » qui montrait qu’il avait compris ce qui s’était passé ; du moins en partie.

 

« Pour le moment, nous pouvons espérer qu’il n’y ait encore eu aucun meurtre, en fin de compte.

- Mais où seraient les victimes, alors ? demanda Emmy.

- Vous voulez dire que… »

 

Le visage de l’homme au haut-de-forme s’assombrit encore plus alors qu’il acquiesçait lentement :

 

« Oui. Ce ne sont pas des meurtres, mais des enlèvements. »

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