Miroir de glace

Chapitre 1 : Prologue

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:35

« Un meurtre sans des ciseaux qui brillent est

comme des asperges sans sauce hollandaise. Sans goût. »

Alfred Hitchcock

 

Il n’était pas encore midi lorsque tout avait commencé ; mais cela s’était fait à la fois avec une extrême lenteur, angoissante et machiavélique, à la fois avec brusquerie : les quelques secondes qu’il fallut pour lire le titre de la une du London Times du jour. Le célèbre professeur Layton et ses assistants étaient éberlués devant ces pages noires de texte, et Luke avait tout d’abord préféré ne pas y croire ; mais les journaux ne plaisantaient jamais avec des affaires aussi graves.

Trois personnes avaient été retrouvées chez elles, mortes. Toutes avaient le crâne brisé ; les photographies ne figuraient évidemment pas dans le journal, mais il n’était pas difficile de deviner que la scène n’était pas belle à voir et en eut choqué plus d’un.

Les victimes formaient une petite famille : père, mère, enfant. Elles avaient été découvertes par le grand frère, qui ne se trouvait miraculeusement pas sur les lieux à l’heure du crime, et y avait donc réchappé ; maigre lot de consolation cependant, face à ses proches qui étaient loin d’être épargnés.

Puis, le lendemain, lorsque la police avait voulu pénétrer de nouveau les lieux pour continuer l’enquête, personne n’était venu lui ouvrir. Il avait finalement fallu défoncer la porte, pour découvrir avec horreur que le survivant était mort des mêmes symptômes, durant la nuit-même. Les jours suivants, la même scène se répétait avec exactitude dans d’autres foyers ; chaque matin, une famille entière était décimée, ses membres demeurant méconnaissables. L’identité des victimes étant en cours d’analyse, aucun lien n’avait encore pu être forgé entre elles ; cependant, il était bien plus qu’évident que toutes ces affaires étaient liées à un seul et unique meurtrier en série : cette terrible « signature » en était un argument particulièrement peu réfutable.

De jour en jour, les meurtres se multipliaient, toujours de la même manière ; mais l’incompréhension des forces de l’ordre fut réunie autour d’un fait particulièrement étrange : tous se produisaient, selon les informations dévoilées par la presse, dans une salle entièrement close, et d’où il était impossible de s’évader sans laisser de traces. Et pourtant, c’était ce que le criminel faisait invariablement : il y avait autant de survivants que d’indices sur les lieux du crime. En un mot, l’affaire stagnait, malgré la bonne volonté et la détermination à toute épreuve de Scotland Yard.

Lorsque Luke demandait à son mentor la raison pour laquelle il désirait ne pas se mêler à cette histoire, la réponse de celui-ci était généralement plutôt évasive ; mais il était clair que, bien que tourmenté par cette affaire et intéressé d’en connaître le dénouement, le professeur d’archéologie préférait de loin les mystères sans meurtres à ce genre d’histoires sombres et sanglantes. Aussi, l’homme s’était contenté de redoubler de prudence, surtout concernant Flora – et le jeune apprenti lorsque celui-ci passait la nuit avec eux ; depuis que l’affaire avait débuté, jamais il n’oublia de rentrer chez lui à la fin de ses longues journées, au lieu de dormir sur le canapé de son bureau de Gressenheller. S’il arrivait quoi que ce fût à ses amis, il ne serait jamais capable de s’en remettre, surtout si sa présence eût éventuellement pu éviter le carnage. Il avait déjà connu ce scénario bien trop de fois à son goût ; cela ne devait pas se répéter. Jamais.

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