Tombés du ciel
Au petit matin, tu es réveillée par une joyeuse mélodie. Set-up du cerveau, connexion des neurones et… non, tu es toujours sur un bateau au beau milieu de nulle part. Une part de toi espérait encore que tu te réveilles dans ta chambre et que la première chose que tu voies en ouvrant les yeux soit ton précieux attrape-rêves en vrais boyaux de chat. Pièce unique qui t’avait été offerte par un chamane lors de ton service civique à l’étranger l’année précédente. Un peu glauque, mais un placebo efficace quand même puisque jamais plus tes nuits n’avaient été hantées depuis que tu avais acquis ce grigri. Cependant, cette nuit-là fut troublée par un rêve dérangeant et c’est donc trempée de sueur et courbaturée que tu te redresses sur ton lit en te massant la nuque. Tu as beau fouiller dans ta mémoire, impossible de remettre la main sur les images qui t’ont mise dans cet état. Seule subsiste cette sensation de malaise. C’est un peu comme si une part de toi était restée prisonnière de ton monde onirique. Tu frissonnes et secoues la tête vivement pour chasser ce sentiment troublant.
« Je me demande s’ils ont une cabine de douche… te demandes-tu tout haut.
- Oui, nous avons même une baignoire si tu veux. Laisse-moi me lever et je te montrerai ! »
La voix te fait sursauter jusqu’à ce que tu la reconnaisses. Tu n’imaginais pas que Nami dormirait dans la même chambre que toi. Son lit est juste à côté du tien mais tu ne l’as pas entendue se coucher.
« Oh, c’est super ! Bonjour Nami. Je ne t’ai pas réveillée j’espère ?
- Non, je n’arrivais plus à dormir, affirme-t-elle en se levant souplement. Tu veux que je te prête des vêtements ? Tu n’as qu’à te servir dans le dressing si tu veux !
- C’est vraiment gentil, quel temps fait-il dehors ?
- C’est une île printanière ici, alors tu peux te vêtir légèrement si tu le souhaites.
- Une île printanière ? Comment ça ?
- Sur cette mer, chaque île a un climat bien défini et il n’en change que très rarement en une année. Il n’y a qu’une ou deux saisons tout au plus. Sur la dernière île où nous avons accosté, par exemple, il faisait un froid de canard !
- C’est totalement fou ! t’étonnes-tu en prenant un jean et un débardeur au hasard dans l’armoire de Nami.
- Je ne te le fais pas dire, et encore, tu n’as pas vu le climat en mer… viens, suis-moi ! »
Vous vous dirigez vers le jardin, traversez et finissez par emprunter une échelle qui vous conduit tout droit vers un grand bain dans lequel une eau claire dégage de la vapeur. Chouette, te dis-tu, pile ce qui te fallait pour bien commencer une journée ! Qu’est-ce que tu aurais voulu avoir la même chez toi. Nami te tend une serviette et entre dans le bain sans aucune gêne. Peu pudique, tu fais de même et te vautres dedans.
« C’est divin ! souffles-tu, détendue au maximum.
- Carrément ! »
Curieuse, tu soulèves délicatement les bandages sur ton corps pour essayer de constater une amélioration mais visuellement, ce n’est pas glorieux. Tu fais la moue, tes hématomes sont encore douloureux en surface et la nuit que tu as passée n’a pas aidé.
« Tout va bien, ___ ?
- Oh, oui, ce n’est rien. Je constatais juste l’ampleur des dégâts, la rassures-tu en plaisantant.
- Chopper est un super docteur, tu seras vite entièrement remise, ne t’en fais pas !
- Si j’avais été soignée pour les mêmes blessures dans mon pays, j’en serais sûrement morte. Comment fait-il ?
- Personne ne le sait ! Il est juste très doué. »
Elle te fait un clin d’œil et tu lui rends un sourire. Tu aimerais bien la croire mais à première vue, tu devrais être à l’hôpital. Après quelques longues minutes dans ce bain revigorant, tu sors de l’eau et t’enroules dans ta serviette. Nami fait à peu près la même corpulence que toi, seins exceptés, alors ses vêtements devraient t’aller plutôt bien. Une fois sèche tu t’habilles et démêle tes cheveux avec tes doigts de manière expéditive. Te voilà fin prête. Ebouriffée mais bien réveillée. Tu attends quelques minutes que ta colocataire se prépare et vous redescendez, fraîches et parées. Dans la cuisine vous attendent déjà quelques personnes ainsi qu’un plat rempli de pancakes avec divers accompagnements. Tu déglutis, ça donne franchement faim et toute la nourriture a l’air de reluire à la lumière du soleil qui point à l’horizon et s’insinue par les fenêtres. Les autres mangent déjà et tu ne te fais pas prier lorsque les pancakes te hurlent « GOÛÛÛTE-NOUUUS ». Après avoir opéré un bonjour général, tu prends une assiette et les imites. La bouche pleine, tu articules, les papilles en éveil :
« Hmm, Chanji, ch’est fraiment délichieux ! »
Tout le monde ricane et tu les observes en dévorant ton petit-déjeuner. Tu ne comprends pas vraiment ce qui se passe mais la nourriture dans ton assiette accapare toute ton attention.
« Hé, on dirait Luffy ! Aucune classe ! pouffe Nami, entrainant le rire des autres de plus belle.
- Ah bon, pourquoi ? lui demandes-tu après avoir avalé ta dernière bouchée.
- Luffy est un vrai gouffre quand il s’agit de nourriture, renchérit Zoro.
- C’est lui qui vide les trois quarts des provisions… ajoute Sanji depuis le comptoir.
- Oh ! Alors on dirait bien que vous allez avoir un deuxième problème, leur annonces-tu sur le ton de la plaisanterie. »
C’est vrai que tu aimes bien manger. Pas à en devenir obèse, mais pour résumer tu apprécies et fais honneur aux bons petits plats. Une épicurienne pur jus. Soudainement, sans trop savoir pourquoi, l’image du sous-marin te revient en tête et avant même que tu aies pensé à demander, la question était déjà sortie de ta bouche, passant du coq à l’âne.
« Au fait, hier soir j’ai vu un sous-marin amarré près de votre bateau… il est à vous aussi ?
- Non, il appartient aux Pirates du Cœur, répond sereinement Robin.
- Les Pirates du Cœur ?
- C’est l’équipage de Trafalgar Law, ils sont nos alliés, explique-t-elle à la place du capitaine toujours absent. »
Tu hoches la tête même si tu n’y comprends rien du tout. Avec un nom pareil, tu ne vois pas vraiment à qui les ‘Pirates du Cœur’ pourraient bien faire peur. Tu ricanes en pensant aux Restos du Cœur, un truc de chez toi où les gens donnent à manger à d’autres gens contre rien du tout, bien que tu saches pertinemment que les pirates ne font pas dans la charité. Aux visages interloqués de tes nouveaux camarades, tu te sens forcée d’expliquer la raison de ton rire, ce qui a pour effet de provoquer le leur. C’était sans compter l’interruption d’une voix s’élevant dans votre dos, te faisant sursauter et faire volte-face d’une même action. Dans l’encadrement se tient un homme longiligne affublé d’un couvre-chef aux motifs léopard et d’une sorte de caban noir. Sombre personnage.
« Quelqu’un a vu Luffy ? »
Malgré les apparences, sa voix est suave et son ton relâché. Les visages tournés vers lui, les autres ne peuvent réprimer un petit rire d’agacement dû au cocasse de la situation. Tous tentent vainement de dissimuler leur gêne en détournant le regard ou en portant une main à leurs lèvres. Tu comprends à leurs mines que tu as affaire à un membre de l’équipage dont vous vous moquiez, conclusion qui t’arrache malgré toi un sourire en coin.
« Qu’est-ce qui vous fait rire ? reprend-t-il, toujours aussi placide.
- R-Rien du tout, ment Nami, il doit encore dormir vu l’heure, tu veux t’asseoir avec nous, Trafalgar ? »
Tu saisis enfin leur réaction à l’écoute du nom du type. Trafalgar Law, alors c’est lui le capitaine de Restos du Cœur… tu mords ta lèvre inférieure pour ne pas rire alors qu’il s’assoit sans mot dire au bout de la table. Les conversations reprennent peu à peu leur fluidité naturelle ; tu te contentes d’écouter ou de rire aux blagues et anecdotes qui ne manquent pas de fuser. À mesure que tu discernes les comportements et mimiques de chacun, le reste de l’équipage finit par arriver et tu te demandes comment tant de personnes si différentes peuvent cohabiter dans un endroit si exigu sans encombre.
Profitant de l’agitation provoquée par l’arrivage des retardataires, tu analyses d’un œil discret l’inconnu de l’autre équipage, resté coi tout du long. Son chapeau cachant la partie supérieure de son visage, tu ne peux que notifier son teint mat et des lettres tatouées sur ses phalanges. Curieux. « D-E-A-T-H », traduisible aisément par « la mort », sur les dix doigts, chaque lettre à sa place. L’espace sur le dos de ses mains est lui aussi encré d’étranges symboles circulaires sans signification précise à tes yeux. A première vue, ce mec est décidemment louche et effrayant, quoique réside en lui une part de mystère que tu aimerais bien percer. Pour parfaire le tableau, tu devines un sabre dans le fourreau noir qui pend à sa ceinture, « sûrement pas pour faire joli… » ironises-tu. Tout en détaillant le personnage, l’aura qu’il dégage te ramène à ton propre esprit tourmenté et une question te taraude : que serais-tu devenue si tu avais mal tourné ? En y repensant, tu aurais eu toutes les raisons valables de tendre vers une délinquance précoce ; d’abord tes parents, ensuite ton frère… mais la jeune fille que tu étais a géré la crise différemment, en s’adonnant à ses études et travaillant dur pour accomplir quelque chose. Et c’est tant mieux.
Luffy fait alors irruption dans la cuisine, se faisant remarquer de tous de par sa… joie de vivre – assez contagieuse tu dois l’avouer, te tirant brusquement de ton hypnose. Tu n’en avais pas fait cas mais, perdue dans tes pensées, tu étais encore en train de fixer d’un regard absent l’insondable inconnu, que tu t’empresses de quitter des yeux dans une pointe de malaise.
« Ah, Traffy, tu es là aussi ! lance le capitaine en prenant place près de lui. Qu’est-ce qui se passe ? le questionne-t-il en commençant à piller les assiettes. »
Ils commencent à discuter mais les conversations avoisinantes parasitent la leur ; néanmoins tu ne peux t’empêcher de repérer les coups d’œil qu’ils jettent dans ta direction. S’ils doivent parler de toi, tu préfères encore être témoin de ce qui se dit… après tout, tu es l’étrangère du lot alors si on doit faire quelque chose de toi, quoi que ce soit, tu aimerais être mise au courant ! Alors que tu tentes vainement de lire sur leurs lèvres, le bras de Luffy s’étire jusqu’à toi et sa main empoigne les pancakes dans le plat. Un sursaut manque de te faire tomber. Tu n’as pas bien saisi ce qui vient de se passer, le fait est que c’est arrivé, à l’instant. En partie amusée mais surtout déconcertée, voilà l’occasion parfaite de t’immiscer dans leur dialogue.
« Comment tu fais ça ?! t’exclames-tu, effarée. Enfin, en supposant que ma vision ne me joue pas des tours !
- Ah ? Quoi, ça ? répond le jeune homme en étirant son bras jusqu’à toucher ton front du bout de son doigt. »
Nouveau bond. Tu as encore toute ta tête : son bras s’est bel et bien distendu juste sous tes yeux ébahis. Tu te demandes grâce quel maléfice peut-il être capable d’une telle prouesse. L’acte dont tu es la spectatrice va à l’encontre de toute loi physique et ne peut que te stupéfaire en tous points. Aussi te contentes-tu de répéter :
« Oui, ça, comment tu fais ?!
- J’ai mangé le Fruit du Démon du caoutchoutier quand j’étais petit et je suis devenu un homme élastique ! ricane-t-il. Tu veux toucher ?
- Euh… je ne suis pas sûre…
- Allez ___, touche son bras ! te lance Usopp en élongeant la joue de son capitaine. Ne t’inquiète pas : c’est doux et lisse, comme un vrai ! L’essayer c’est l’adopter ! »
Tu lui rends un sourire franc. Usopp n’est pas le plus agréable à regarder aux yeux d’une femme, mais sous ses faux-airs de Pinocchio avec son nez disproportionnément long se cache en fait un bon vivant né. La veille lors du repas, il s’est présenté à toi comme l’inventeur du navire et tu dois concéder que ses longs cheveux crépus cachés sous son chapeau d’explorateur lui donnent effectivement un air de savant fou. Tu n’en sais pas plus sur lui cependant, sa peau tannée et son accoutrement composé d’une salopette et d’une paire de rangers indiquent qu’il a sûrement grandi sur une île estivale, ce qui est en accord avec sa personnalité goguenarde.
Convaincue par son laïus, tu approches tes doigts de celui de Luffy et en pinces le bout. En l’amenant vers toi, tu constates avec stupéfaction que bien que son index atteigne à présent une dizaine de centimètres, le reste de la main est resté sur place.
« Oh, ben merde ! Comment ça marche ?! C’est… complètement fou ! Et c’est quoi un Fruit du Démon ? Ça pousse sur les arbres ?!
- Il y en a de beaucoup de variétés différentes, explique Robin amusée de ton ingénuité, mais il ne peut y en avoir qu’un seul à la fois de chaque variété. Moi par exemple, j’ai mangé le Fruit de l’éclosion, ce qui veut dire que je peux faire pousser n’importe quelle partie de mon corps sur n’importe quelle surface… »
Sans avertissement aucun, une main sort paresseusement de ton épaule et à mesure qu’elle se précise, te fait un signe. Tu manques de t’évanouir sous le choc mais la curiosité est plus grande, il faut que tu touches, que tu palpes, alors en réfrénant ton hésitation d’un mouvement de la tête, tu serres de ta propre main le clone de celle de Robin. Dans un sourire mal assuré, tu affirmes fièrement :
« Oh ! C’est vrai que c’est doux, presque comme une vraie !
- Chopper aussi a mangé un Fruit du Démon. Comme je te l’ai dit hier, il est le seul renne à parler comme il le fait et ce grâce à ça, reprend la belle brune.
- J’ai mangé le Fruit de l’être humain, précise l’intéressé. En d’autres termes, je suis un renne qui a les capacités motrices et psychiques d’un humain ! Je peux prendre plusieurs formes, argumente le petit renne en s’exécutant, celle-ci est ma forme humaine. »
Tout à coup, le mignon petit renne mue en une sorte de renne géant et massif. La transformation se fait dans un rai de lumière blanche, bien plus rapidement que tu ne l’avais prédit. Il fait à présent la même taille que Franky, corpulence y compris. Son visage n’est plus celui de la petite peluche que tu voudrais câliner, mais celui d’un hybride humanimal plus adulte. Les mots te manquent quelques secondes pour exprimer ton ressenti à ce propos. Tu te contentes d’applaudir longuement, émerveillée et attirée par ce nouveau monde tout aussi étrange qu’effrayant. Après quelques courbettes, Chopper revient à sa taille standard et tu t’exclames enfin :
« Woah ! C’est… je ne trouve pas les mots ! De là d’où je viens, on n’a pas tous vos super pouvoirs. Ici tout est différent de chez moi ! Je me sens tellement… banale, tout à coup !
- Ici c’est monnaie courante de croiser des gens qui ont mangé un Fruit du Démon, alors personne ne s’en étonne plus vraiment… enfin, pour la plupart, s’enquiert le cuisinier.
- Et toi, tu en as mangé un, Sanji ?
- Non ! Pas de ça pour moi, il y a trop d’inconvénients, te répond-t-il.
- Quels inconvénients pourrait-il bien y avoir à posséder un tel pouvoir ?
- L’eau nous prend toutes nos forces et on ne peut plus nager alors, on coule, t’informe Luffy, inébranlable.
- Tout avantage a ses inconvénients, j’imagine. Histoire de rétablir l’équilibre ! Pas très pratique pour des pirates, ceci dit…
- Traffy aussi a le pouvoir d’un Fruit du Démon ! Pas vrai, Traffy ?! le trahit Luffy en le pointant du doigt.
- Oh, est-ce que je peux voir ? sondes-tu auprès de l’homme le plus silencieux de la tablée.
- Pas de démonstration, désolé, tranche-t-il net. »
Bon, tant pis. Tu n’insistes pas : le bonhomme donne l’intime conviction de s’être levé du pied gauche. Tout ce que tu viens de voir te suffit amplement donc tu essaies de te persuader que tu ne veux pas vraiment savoir quel super pouvoir peut posséder le genre de mec qui se fait tatouer « death » sur les phalanges et ne prononce pas un mot avec ses présumés alliés en une demi-heure de brunch. Le pouvoir du silence, peut-être ? Ironique, mais cela expliquerait bien des choses. Tu préfères te rassurer en pensant que c’est certainement ça, d’où l’absence de démonstration viable. Malgré tout, la curiosité subsiste…
Plus personne ne parle plus depuis son intervention et le calme s’intensifie à en devenir pesant… tu te demandes ce que tu as bien pu dire de travers, lorsqu’enfin :
« Bon… je crois qu’il est temps d’avouer quelque chose à notre invitée, non ? tente alors Nami de bon cœur. »
Personne ne pipe mot et tous se tournent vers toi d’un air désolé. Tu commences à paniquer, est-ce que tu aurais raté quelque chose ? Qu’ont-ils de si important à t’avouer ? Est-ce qu’au final ils ne sont que de vulgaires kidnappeurs ? Après tout ce ne sont que des pirates, réputés pour s’apparenter à des voleurs de bas étage et tremper dans des trafics douteux. Tant de questions valsent tout à coup dans ta tête. Est-ce que cela aurait à voir avec la conversation qu’entretenaient Luffy et Trafalgar Law un peu plus tôt ? La gorge nouée, tu hasardes le plus calmement possible :
« Quelle… chose ?
- Eh bien… hésite la rouquine.
- J’ai volé ton cœur, la coupe l’homme aux tatouages dans la plus grande austérité. »
Ses mots tranchent comme un rasoir tandis que tu portes une main à ta poitrine, le souffle court. Un flash. Tu te souviens maintenant. C’était ça. Ton rêve, cette impression d’incomplétude que tu avais à ton réveil. Tu trembles de toutes parts. Quelle est encore cette duperie ? Bien que ce soit physiquement impossible, la coïncidence entre le fruit de ton imagination et ce qu’il vient d’avouer ne joue pas en ta faveur. C’est pire que tu n’aurais pu l’imaginer, ce sont des trafiquants… d’organes ! Fébrilement, la paume de ta main cherche sous ta cage thoracique la pulsation rassurante, mais rien. Tu voudrais hurler pourtant tu es paralysée, au lieu de ça ta main vacante agrippe le rebord de la table pour éviter la chute. Tout le monde s’est tut, tes yeux cherchent dans leurs regards fuyants une réponse à tes questions. Pourquoi ? Comment ? Tant de mots qui ne veulent pas sortir, et cette boule dans ta gorge que tu tentes de ravaler. Rassemblant tout ton courage, d’une voix tremblante trahissant une totale incompréhension, tu parviens à articuler quelques mots :
« Alors… c’est ça, votre pouvoir… ? Où est-il… ?
- Dans ma poche, te répond Trafalgar en y fourrant sa main.
- Pourquoi… ?
- Ecoute, ___. Ne sois pas fâchée, adresse Luffy à ton attention.
- Ce que veut dire Luffy, reprend Zoro, c’est qu’on voulait s’assurer que tu n’étais pas une ennemie, alors Law a pris ton cœur au cas où…
- Au cas où quoi ?! Rendez-moi mon cœur ! »
La boule est partie, laissant place à une explosion de colère. Qu’as-tu bien pu faire ou dire qui justifie un tel acte de barbarie ? Tu mords ta lèvre inférieure, expirant fort, alors que tous privilégient le silence. Quelques interminables secondes s’écoulent pendant lesquelles tout semble en suspend autour de toi. Ton sang bouillonne – tant est qu’il circule encore, tu sens en toi monter une incommensurable rage dévastatrice et tu répètes en hurlant à ton audimat, comme habitée par un démon :
« Rendez-le-moi !! »
Tu ne pensais pas être capable de susciter un tel silence. Après quelques secondes supplémentaires, le voleur de cœurs se lève de son siège avec délicatesse et contourne la table d’un pas lent. Il a relevé le menton et tu sens maintenant peser sur toi son regard, dans l’ombre de son couvre-chef. Tu déglutis. Que va-t-il faire ? Dans sa poche, où se trouve ton cœur, tu peux distinguer une palpation irrégulière. Merde, il ne mentait pas : il est vraiment là. Outre le fait que tu puisses vivre sans ton cœur, le pouvoir de ce mec t’effraie au-delà du réel, jusqu’au plus profond de ton âme, et il peut sûrement le lire dans tes yeux. Il s’arrête à quelques centimètres de toi, t’enveloppant dans l’ombre de son corps immense. Il est beaucoup plus imposant vu d’ici. Doucement, il retire de sa poche un cube bleu qui semble comme électrifié dans lequel ton cœur bat la chamade et le fait tourner entre ses doigts.
« Le voilà. »
De plus près tu peux à présent apercevoir ses yeux cernés, d’un gris métallique, froid, vides de toute émotion. Un ange passe. Il est si proche que tu entends, par-delà les battements de ton cœur, sa respiration régulière. Il paraît si calme face à ta détresse. Un frisson parcourt ton échine lorsque tu baisses les yeux sur la boîte qui retient ton organe en otage. Sans ménagement mais surtout sans prévenir, Trafalgar le remet dans ta poitrine. Tu vacilles. L’opération n’a pas pris plus de deux secondes mais tu sens tout à coup une grande fatigue s’abattre sur tes épaules. Bizarrement tu ne perçois pas de douleur, pas même un pincement. C’est comme s’il avait toujours été là… encore sous le choc, ton regard reste rivé sur ton buste, tentant de comprendre l’événement qui vient d’avoir lieu.
« Alors, rassurée ? te lance-t-il comme pour se moquer. »
Tu relèves la tête brusquement et le défies des yeux. C’est la fameuse goutte d’eau. C’est sans réfléchir et sans plus d’avertissement que ton poing heurte sa mâchoire, balançant dans le coup tes dernières forces, juste avant que ton corps réhabilité de sa valve tangue et que tes jambes se dérobent.
Tu heurtes le sol lourdement, incapable du moindre mouvement.
***
Tes yeux s’ouvrent sur le plafond de l’infirmerie où tu t’es réveillée la veille. Tu te sens groggy et tes membres sont engourdis. Combien de temps as-tu été dans les vapes, cette fois ? À première vue, il fait encore bien jour. Des murmures te tirent de tes pensées :
« Merde ! J’ai encore perdu !
- Tu me dois 200 berries ! »
En tournant la tête, tu vois Luffy et Zoro en train d’argumenter sur un pari à l’entrée de la pièce. Tu mets un moment à te remémorer ce que tu étais en train de faire avant que tu ne t’évanouisses. Des flashs te reviennent en mémoire ; c’est vrai, ce type qui t’avait volé ton cœur… tu lui as mis une belle droite. Ensuite, c’est le néant.
« ___ !! T’es réveillée ! C’était énorme, tu as littéralement botté le cul de Traffy ! t’agresse le capitaine en riant aux éclats.
- Je… j’ai perdu le contrôle, ça ne me ressemble pas, bafouilles-tu en te redressant, j’ai dormi longtemps ?
- Deux heures et vingt minutes ! Tu m’as fait gagner 200 berries, ___ ! te félicite Zoro, pouce levé.
- Vous avez parié sur l’heure à laquelle je me réveillerai… ?
- Ouais, répond Luffy d’un air dépité. Encore une heure et je gagnais !
- Il a perdu deux fois ! se moque son compagnon.
- Ah... désolée alors... ironises-tu en bougonnant. »
Ils ricanent et tu supposes dans un haussement d’épaules que ce doit être dans leurs habitudes. Tu leur adresses une moue faussement vexée ; d’un côté il est vrai que depuis la veille, tu as passé un niveau dans l’art de t’évanouir à la moindre nouveauté. A qui la faute ? Ce sont eux, les déviants ! Non… ?
« Rhabille toi, fait Zoro alors qu’ils commencent à partir, puis rejoins-nous sur le pont, on va sortir en ville.
- D’accord… »
En te levant tu réalises que tes bandages ont été changé pendant ta convalescence. Docteur Chopper est passé par là ! L’onguent qui en émane est frais, aux senteurs d’eucalyptus mais en plus subtil. « Parfum toilettes… » ne peux-tu t’empêcher de constater. Chez toi, tu as un désodorisant similaire pour la pièce interdite. Ici, ils en font des remèdes surpuissants !
Tu passes en vitesse tes vêtements, pliés proprement sur une chaise et t’empresses de te rendre sur le pont, où Nami a déjà formé des groupes d’expédition. Te voyant t’avancer vers eux, elle t’interpelle.
« Ah, ___, tu tombes bien ! Nous avons quelques courses à faire en ville et nous allons nous séparer pour plus de discrétion. Chopper, Brook et Franky vont rester ici pour surveiller le bateau. Sanji, Usopp et Zoro vont aller chercher d’autres provisions pour le voyage. Luffy et Law vont se renseigner sur les îles voisines, tandis que Robin et moi allons faire les magasins. C’est comme tu veux ! »
> Pour rejoindre Robin et Nami, allez au chapitre 6.
> Pour rejoindre Sanji, Usopp et Zoro, allez au chapitre 7.
> Pour rejoindre Luffy et Law, allez au chapitre 8.
> Pour rester sur le bateau, allez au chapitre 9.
*Ndla : vous avez maintenant un choix à faire parmi ces quatre activités. Jouez le jeu et ne les lisez pas les quatre chapitres à la suite (même si vous en brûlez d'envie !) car cela ne fera aucun sens dans la suite de l'histoire. Chaque chemin vous mènera à différentes surprises, sachez également qu'il n'y a pas de mauvais choix ! Vous serez toujours à même de recommencer plus tard pour tenter d'en apprendre (toujours) plus :-) sur ce, bonne aventure !