Je t'attendrai

Chapitre 22 : Chapitre vingt-deuxième

6084 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 09:01

Chapitre vingt-deuxième,

 

 

Tout n’était que ruines ; ruines et débris. Les murs, les piliers, les plafonds, les étages, les portes : tout n’était plus que morceau de pierre, de marbre, et de béton. Car ce n’était pas seulement la pièce qui avait été détruite, mais presque la moitié de l’immense bâtisse qui s’était écroulée. Et maintenant, il n’y avait plus rien, si ce n’était les vestiges du grand bâtiment et la forêt qui s’étalait autour d’eux. Un incroyable silence régnait, accentué par le bruit du vent. 

Lorsque Sanji et Zoro émergèrent en toussant de sous les décombres, leurs corps pleins de poussières, ils étaient seuls. 

« Oi, oi, elle n’y est vraiment pas allée de main morte » observa Zoro avec une grimace en passant une main sur son visage sali.

Les deux pirates restèrent quelques instants immobiles, debout, à observer les alentours, guettant inconsciemment le moindre signe de vie. Puis, après avoir échangé un regard entendu et s’être dépoussiérés, ils se séparèrent et se mirent à la recherche de leurs deux camarades. Mais ceux-ci ne se firent pas désirer bien longtemps car bientôt, un gigantesque morceau de pierre fut éjecté au loin, et Luffy apparut, quelques secondes avant son bras élastique dans lequel était attachée Elena.

Il la relâcha, et sans même jeter un regard aux autres, elle le remercia puis considéra les alentours, évaluant silencieusement le nouveau terrain. Zoro regarda Elena. Elle avait visiblement été protégée de la poussière et des pierres par Luffy, mais son état restait tout aussi désastreux, si ce n’était pire. Tout ce sang... Comment pouvait-elle encore tenir debout ? Non, comment pouvait-elle être encore en vie, tout simplement ? Il grinça des dents. Puis, il la vit observer autour d’elle, et brutalement, il vit son regard se fixer sur un coin particulier. Elle empoigna de nouveau ses sabres et s’en rapprocha lentement, puis, soudainement, Shado fit son apparition. 

Sous les yeux inexpressifs d’Elena, il cracha, toussota, et secoua sa longue chevelure sombrement violette pour en éjecter la poussière. Puis, comme si de rien n’était, il récupéra son sabre tombé au sol et se redressa. Il riva aussitôt son regard sombre à celui de la métisse, et eut un sourire.

« On reprend ? » S’enquit-il.

Pour seule réponse, un rictus sauvagement enragé étira les lèvres rougies de sang d’Elena et sans plus attendre, elle se rua sur lui. Shado répondit à son invitation et fit de même. Le choc fut encore plus violent que les précédents, et les bourrasques de vent giflèrent les trois pirates, spectateurs. 

Zoro observa le spectacle avec stupeur. Elena repoussa le sabre de son adversaire puis posa un premier pied sur le torse de Shado. Ce dernier ne vit rien venir. L’espace d’une fraction de seconde, Elena utilisa son buste comme support pour courir à la verticale avant d’exécuter une magnifique pirouette en l’air et de retomber sur ses pattes sans la moindre difficulté, telle un félin. Shado fut déstabilisé par le poids et la puissance des jambes d’Elena, et alors qu’il tombait à la renverse, il eut juste le temps de se jeter sur la droite pour éviter l’épée de la bretteuse.

Cette dernière bondit de nouveau sur lui, et une énième fois, il roula à terre pour esquiver son attaque. Les sabres d’Elena allèrent s’enfoncer dans le sol et celui-ci se mit à trembler jusqu’à se déchirer sous ses lames. Sans perdre une seconde, elle les en retira dans un crissement d’acier, fit volte-face avec une vitesse hallucinante et sauta une énième fois. Shado plia les jambes, prêt à la recevoir. Ses longs cheveux ébènes remués par le vent, elle mit ses deux sabres sur son côté droit. En réaction, Shado décala naturellement son sabre sur sa gauche, mais il comprit au sourire qui étira ses lèvres qu’il était juste tombé dans son panneau. 

Les yeux écarquillés par la stupéfaction, il la vit changer brusquement de sens de rotation, et se mettre soudainement à tourner vers la droite dans les airs. Les pointes de ses deux lames allèrent lacérer une nouvelle fois son torse, et du sang s’échappa de sa bouche. Il grimaça, se reprit aussitôt. Alors qu’elle retombait au sol, il profita du fait qu’elle soit encore en plein dans son élan pour venir, à son tour, lui enfoncer son sabre dans le buste. Elena vit avec horreur la lame de son épée se diriger vers sa poitrine, et elle eut juste le temps de faire basculer la totalité de son poids sur la droite. Provoquer sa propre chute, pour éviter sa propre mort.

Le sol se rapprochait dangereusement de son visage, et ses jambes firent bientôt la violente rencontre avec les débris de pierre qui l’écorchèrent sans pitié. Elle voyait du coin de l’œil Shado qui avait levé son sabre au-dessus de sa tête et s’apprêtait à l’abattre sur elle. Alors, après avoir pris appui sur ses avant-bras tout éraflés et emplis de sang, elle balança ses jambes et balaya brusquement son adversaire, qui vint la rejoindre au sol. Mais ils se relevèrent aussitôt, dans une synchronisation presque parfaite, et l’affrontement reprit de plus belle.

A l’intérieur de lui, Zoro était stupéfait. Un nœud indémêlable de sentiments plus forts les uns que les autres avait pris forme dans son esprit, et il n’en trouvait pas le bout. Il était submergé d’émotions contradictoires mais il s’appliquait à ne rien en montrer. Il n’aurait jamais pensé que Shado était si fort. Il avait une défense presque parfaite ainsi qu’un corps sculpté par le combat qui lui conférait une vitesse hors du commun. Sans compter ce sabre, qui semblait tout aussi étrange et fourbe que son détenteur. 

Mais ce qui le surprenait le plus, c’était Elena. Il avait su comprendre dès leur première rencontre qu’elle était incroyable, et pleine de surprises, mais le comprendre et le voir étaient des choses complètement différentes. Il le savait, mais n’aurait jamais cru que c’était à ce point. Pire encore, il sentait qu’elle était capable d’aller bien plus loin.

Sa puissance, sa vitesse, sa technique, elle réunissait tous les éléments d’un incroyable bretteur, en plus de sa force physique inhumaine. Mais elle avait plus que ça, bien plus que ça. Son corps était relâché, détendu et ses muscles se contractaient comme bon leur semblait. Elle ne faisait pas le moindre bruit, se propulsait avec un mélange paradoxal de légèreté et de puissance écrasante. Elle se mouvait comme une bête, changeait sans cesse d’appuis, bondissait comme un félin, avec une grâce inouïe. Elle courait avec une souplesse et une rapidité effrayantes, et frappait avec une force et une immensité toutes aussi effroyables. Il n’avait jamais rien vu de tel. Chacun de ses mouvements était fluide, captivant, et il ne parvenait pas à la quitter du regard, ne serait-ce qu’une seconde. Elle frappait à la dernière seconde, dans n’importe quelle position, par pur réflexe, et se laissait porter par son instinct animal. Elle était dans un monde complètement différent du leur.

Mais ce n’était pas tout. Outre ses propres capacités, il y avait encore autre chose. Elle semblait avoir complètement fusionné avec ses deux sabres qui n’apparaissaient plus que comme la prolongation de son corps, de son pouvoir. Ils faisaient à présent, partie intégrante d’elle. Zoro le voyait dans ses yeux écarlates et noirs, qu’elle tentait tant bien que mal de dissimuler, où se reflétaient les âmes de ses deux épées, qui se côtoyaient l’une l’autre, se mélangeaient presque. Elle avait désormais en elle l’esprit d’un dragon maudit, et d’une terrifiante panthère. Elena avait réussi cet exploit sans même s’en rendre compte. Et cette union semblait avoir réveillé en elle une forme de pouvoir inné dont elle prenait à peine conscience. Une bête, un monstre... Non, un Démon. 

Cette colère insoignable, ce pouvoir étouffant, d’où lui provenaient-elles ? Bordel, mais qui était-elle vraiment ?

Ces questions tournaient en boucle dans sa tête. Puis, soudainement, un souvenir s’imposa dans sa mémoire et il ouvrit grand ses yeux. Ce jour-là... Après avoir posé un furtif baiser sur ses joues – ce dont il se serait bien passé -, elle s’était détournée de lui, et il lui avait demandé :

« Pourquoi tu n’as pas dévoilé ce qu’il y avait dans mon cœur ? Qu’y as-tu lu ? »

Après l’avoir fixé durant de longues secondes, elle lui avait répondu :

  • Tu es différent des autres membres.

  • En quoi ? S’était-il enquit.

Elle s’était tue l’espace de quelques instants, avant de reprendre, faisant volontairement abstraction de sa question :

« Ton passé, ta détermination... Ton dévouement à Luffy. J’y ai vu ta force, mais aussi ton côté sombre. »

A l’époque, il n’avait pas saisi, et avait laissé cette phrase trotter dans un recoin de son esprit. Mais maintenant, même s’il en avait pas la moindre certitude, il comprenait. Il n’avait pas de preuve, mais il saisissait ce qu’elle avait voulu dire. Tous les deux... Ils avaient cette même part d’ombre en eux. Ce même instinct monstrueux, ce même Démon tapi dans l’obscurité, qui faisait aujourd’hui partie intégrante de leur être et les étouffait par moment.

Les sourcils de Zoro se défroncèrent et il se concentra de nouveau sur Elena. Cette dernière évita de justesse l’assaut de Shado, et roula sur le côté. Aussitôt, elle se releva et se remit à courir tel une panthère : les jambes pliées, le buste rapproché du sol, ses bras laissés libre de tout mouvement. Elle se propulsa sur la droite, puis sur la gauche, avant de se décider à bondir dans un sens complètement différent et l’attaquer de front. Leurs sabres se confrontèrent de nouveau, et Shado ploya sous la puissance de l’escrimeuse. Mais alors, dans un cri de bonheur, il s’écria :

« Ne me sous-estime pas, Elena ! »

Et alors, dans un geste que personne ne sut analyser, il la désarma d’un coup d’épée, et le sabre de la métisse, « Hyô », retrouva sa lame bleue en allant se planter parmi les débris. Mais la bretteuse ne se laissa pas déboussoler. Sans perdre un instant, elle asséna un terrible coup de pied dans les côtes de Shado, qui fut éjecté sur la droite. Cependant, au prix d’un incroyable effort, ce dernier parvint à mettre un terme à son élan et à encaisser le choc pour revenir aussitôt à l’attaque. Il chercha à lui lacérer le côté gauche, puis le droit, mais Elena fut plus rapide. Elle esquiva. 

Puis, comme si de rien était, elle enfonça la pointe de sabre maudit dans le sol et s’éleva en l’air telle une acrobate. Elle resta là une fraction de seconde, en équilibre sur son sabre planté, la tête à l’envers, avant de se projeter en l’air par la seule force de ses muscles. Sa lame se retira du sol et elle exécuta une indescriptible pirouette pour atterrir sur ses pattes. Et elle se prépara à l’attaque. Shado était de dos, encore dans l’élan de son attaque, et elle savait que si elle le frappait maintenant, c’en était fini.

Mais alors qu’Elena s’apprêtait à bondir, l’énergie de son sabre restant sembla se décupler, et à la stupéfaction générale, d’immenses liens noirs jaillirent de la garde de l’épée maudite, et commencèrent à grimper sur l’avant-bras de la jeune femme. Aussitôt, Elena s’empoigna le membre avec fermeté, et l’espace de quelques secondes, elle sembla se battre contre sa propre puissance. Puis, les vaisseaux noirs perdirent en terrain, et retournèrent s’incruster dans la garde du sabre. Elena eut un sourire. Ce sabre n’était pas maudit pour rien.

Puis, faisant abstraction de ce qui venait de se passer, elle se propulsa sur Shado avec encore plus de ferveur et de puissance. Celui-ci vint également à sa rencontre, et ils commencèrent à se tourner autour l’un l’autre. Ils bondirent avec une synchronisation presque parfaite, et leurs sabres maintenant singuliers entrèrent en collision. 

« C’est toi qui me sous-estimes, Shado » souffla Elena avec un rictus carnassier.

Et aussitôt, elle libéra sa main gauche qui tenait jusqu’alors son sabre et vint frapper son adversaire au visage. Ce dernier fut déséquilibré, et sans perdre une seconde, Elena fit un tour sur elle-même, avant de venir lui enfoncer son genou dans l’abdomen. Mais à cet instant, Shado balança son sabre au loin et vint enlacer la cuisse d’Elena de ses deux mains devenues libres. Elena jura. Il l’avait coincée. Intéressant. Et alors, comme elle lui avait fait précédemment, il lui donna un titanesque coup de tête qu’elle ne put éviter.

Elena manqua de tomber à la renverse, le front explosé, mais Shado ne s’arrêta pas. Il se précipita et vint lui asséner un coup de poing dans la mâchoire qui la fit cracher du sang. La métisse s’écrasa au sol, son sabre tomba, mais malgré la douleur lancinante, elle se releva aussitôt. 

« Je vois, souffla-t-elle. Un combat à mains nues. »

Et sans plus tarder, après avoir tâtonné son visage ensanglanté, elle se jeta sur lui. Elle se mit à assaillir de coups de poings Shado, qui regretta amèrement d’avoir jeté son sabre. Elena était presque plus forte sans ses sabres. Elle fit un rapide tour sur elle-même et fit entrer son tibia en collision avec les côtes de Shado qui craquèrent. Il grimaça et attrapa son pied pour la coincer. Mais alors, Elena alla poser ses mains au sol et leva ses jambes en l’air. Et là, elle commença à tournoyer sur elle-même, bombardant Shado de coups de pieds dans le visage.

Jusqu’à ce qu’il finisse par réussir à l’attraper et à la balancer contre le sol. La souffrance l’envahit l’espace d’une seconde, et le calvaire fut si atroce qu’elle manqua de hurler à la mort. Mais sans perdre de temps, Elena se reprit, roula en arrière et se propulsa de suite. En quelques instants, elle était arrivée à hauteur de Shado. Elle tendit son bras droit et poussa le sol de ses jambes une dernière fois pour prendre de la vitesse. Mais alors qu’elle s’apprêtait à frapper, il dévia son poing gauche à l’aide de son avant-bras droit et chercha à lui atteindre le visage. 

Sans même broncher, elle attrapa fermement son poing dans sa main. Et alors, elle se baissa pour passer sous son bras et vint taper son abdomen avec une force inouïe. Shado crut vomir ses entrailles. Il lui sembla que son estomac se déformait sous la puissance de son coup, et il cracha du sang. Elena était devenue encore plus puissante, soudainement. Puis, à une vitesse tout aussi effroyable, elle refrappa l’abdomen de son adversaire, mais cette fois-ci avec le talon de son pied. Shado valsa à une dizaine de mètres et il crut ne jamais pouvoir se relever.

Elena se précipita de nouveau à sa rencontre et quand il eut arrêté de bouger, elle bondit en l'air. Dans un cri hargneux, elle leva l’une de ses jambes au ciel, prête à lui écrabouiller le crâne. Elle plongea vers le corps de Shado. Mais celui-ci, attendant le bon moment, parvint à rapidement rouler sur le côté, à la dernière seconde. Le talon d’Elena entra en contact avec le sol, et la terre se souleva, se déchira. Il avait bien fait d’esquiver, finalement. Lorsqu’Elena se retourna, elle vit Shado bondir sur elle, et eut juste le temps de se baisser pour éviter la jambe du jeune homme qui trancha l’air.

L’affrontement dura de longs moments, sous les yeux des trois pirates restés en retrait, qui analysaient chacun de leurs gestes. Des minutes s’écoulèrent, peut-être même des heures. Mais chacune de leurs attaques était si vive, si puissante, si innovante, et le rythme du combat était si soutenu qu’aucun d’entre eux ne voyait le temps passer. Sanji, comme Zoro et Luffy, n’en revenait pas.

L’un comme l’autre, ils se battaient depuis peut-être des heures et pourtant, aucun ne flanchait. Elena était blessée de toute part, et c’était sans compter ses plaies qui s’étaient rouvertes. Comment pouvait-elle tenir debout, après tout ce qu’elle avait enduré, ces derniers jours ? Comment pouvait-elle résister à la fatigue psychologique et physique ? Comment pouvait-elle supporter la douleur qui la martyrisait ? Sanji serra un peu plus les dents. Elle saignait tant que sa peau hâlée avait presque totalement disparue derrière l’épaisse couche de liquide écarlate qui la souillait. N’importe qui serait mort, à la place. Mais elle, elle continuait. Malgré le supplice, malgré la torture. Lorsqu’elle tombait, elle se relevait avec encore plus de détermination, et lorsqu’elle se faisait blesser, elle contrattaquait avec encore plus de puissance.

Les dents de Sanji mordirent si fort ses lèvres qu’il sentit du sang couler sur son menton. Mais ce n’était rien. Ce n’était rien comparé à l’atrocité du calvaire que supportait son amie. Que devait-il faire ? Que pouvait-il faire ? Intérieurement, Sanji était torturé, et il voyait bien que Luffy l’était lui aussi. 

Mais pour Zoro, c’était différent. Ses yeux étaient rivés sur les deux adversaires. Il ne les avait pas quittés du regard ne serait-ce qu’une seconde. Et tout du long, il s’était appliqué à garder cette même expression impassible et inexpressive. Pourtant, Sanji le savait. Zoro était sûrement le plus atteint par ce qui était en train de se produire. Mais à cet instant précis, personne n’était en capacité de comprendre ce qui se tramait dans sa tête. Personne, sauf elle.

Mais alors que Sanji tentait de repousser son cœur qui lui hurlait d’agir, il vit Shado et Elena s’arrêter. Les deux s’écartèrent l’un de l’autre, de quelques mètres, avant de s’immobiliser.

Ils étaient essoufflés et ne cherchaient pas à le masquer. Du sang glissa sur le front de Shado et vint se mêler à la sueur de son visage. Elena, quant à elle, se pressa d’essuyer le sang qui dégoulinait de son nez. Mais ils le savaient, tous les deux. Ce combat allait bientôt prendre fin. 

Elena riva son regard à celui du bretteur aux cheveux violacés. Et alors, celle-ci lui lança :

« Que dirais-tu d’en finir en un coup, Shado ? »

(https://www.youtube.com/watch?v=ZMrmnB2LjjM )

Ce dernier ouvrit ses yeux, légèrement surpris, et la considéra. En un seul coup ? Un sourire étira ses lèvres. Exactement comme la première fois qu’ils s’étaient rencontrés. Tout s’était joué sur un seul coup. Et il avait gagné. Alors, il lâcha :

« Je t’attends, Elena. »

Alors, sans toutefois se quitter du regard, ils allèrent tous les deux récupérer leurs sabres, d’un pas lent et contrôlé. Zoro plissa les yeux et il sentit Sanji et Luffy se crisper à ses côtés. C’était maintenant que tout allait se jouer. Maintenant que tout pouvait balancer. 

Shado trancha l’air de son sabre retrouvé avant d’en lécher la lame emplie du sang d’Elena. Cette dernière, quant à elle, empoigna ses épées avec fermeté. A cet instant, de nouveaux liens noirs jaillirent de ses deux gardes et commencèrent à encercler ses poignets. Mais cette fois-ci, ils semblaient bien moins agressifs, et elle ne sembla pas s’en inquiéter. Ses yeux se laissèrent envahir par les vaisseaux noirs qui les parsemaient, et ses pupilles devinrent d’un rouge encore plus intense et vif. Elle jeta un regard à Zoro, puis à Sanji, et enfin, à Luffy. 

Et alors, elle se propulsa pour la millième fois. Shado fit de même. Le sol s’écrasait sous leurs pieds, les pierres se soulevaient à leur passage. Cheveux dans le vent, ils se ruaient l’un sur l’autre à une vitesse incroyablement terrifiante. La distance qui les séparait diminua brusquement en à peine quelques secondes et alors, ils préparèrent leurs sabres.

Ce fut à cet instant qu’elle les entendit : ces cris qui lui firent l’effet d’un baume au cœur, tout en la percutant avec violence. Sans même les voir, elle imaginait les visages de Luffy, et Sanji, qui lui hurlaient de gagner. Un sourire sincère étira ses lèvres.

« Luffy, Sanji, Nami, Estel, Mina*... Arigatô. »

Et elle plongea son regard dans celui de Shado. C’était la fin. C’était maintenant, ou jamais. C’était tout, ou rien. Alors autant tout donner. Et ce fut ce qu’ils firent tous les deux. Tout en continuant sa trajectoire vers elle, Shado prépara son sabre et lui donna de l’élan. Ses yeux étaient animés d’une excitation sans seconde et ses membres frémissaient. Enfin ! L’apothéose !

A son tour, Elena brandit ses sabres. Elle les croisa devant elle et tourna les lames vers sa propre poitrine. Et à cet instant précis, l’un comme l’autre, ils s’élancèrent dans un ultime saut. Leurs jambes se plièrent et ils bondirent une dernière fois, leurs regards rivés l’un à l’autre. Le temps sembla s’arrêter. Elena suréleva ses deux sabres croisés, Shado fit de même. Et il cria :

« DESTROY ! »

Une salve violacée surgit de sa lame, pourvue d’une horrible puissance incroyablement concentrée. Et à son tour, le cri de rage d’Elena se fit entendre. Elle se prépara à abattre ses sabres du haut vers le bas, et hurla d’une voix effroyablement portante qui ne semblait pas lui appartenir :

« DECHIRE, HAKAIRYOKU ! »

Et à cet instant précis, à cette seconde même, un rugissement effroyable ébranla l’île toute entière, et peut-être plus loin. Un vent si violent frappa que Luffy manqua de s’envoler, et que même Zoro dut se protéger. Et alors, leurs attaques fusèrent. La puissance relâchée en une fraction de seconde sembla déchirer le ciel, et l’air se compressa tout autour d’eux avant d’exploser avec violence. Les arbres les plus proches furent déracinés, les pierres se désintégrèrent et la terre trembla l’espace d’une seconde.

Et ils retombèrent chacun de leur côté, se tournant mutuellement le dos.

Une heure sembla s’écouler ainsi, dans un silence si pesant que Luffy se sentit mourir d’inquiétude et d’appréhension. Il n’y avait pas le moindre signe de blessure chez l’un ou chez l’autre. Mais au bout d’un certain temps, un brisement se fit retentir et ils écarquillèrent leurs yeux en voyant l’épée de Shado tomber au sol en dix milles morceaux. 

Ce dernier, sans toutefois bouger, s’écria : 

« C’est tout, ELENA ? »

Mais au fond de lui, il savait déjà. Il leva ses yeux vers le ciel. Il ne voyait qu’une chose en cet instant : son visage. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il n’en avait jamais été autrement.

« Tu es vraiment la meilleure, Elena. »

Alors, il l’entendit rengainer ses armes dans un crissement de fer. 

« Oui, c’est tout. »

Ce furent les derniers mots qui atteignirent ses oreilles. A l’instant même où il fit le plus infime des mouvements, une atroce déchirure résonna sur la plaine. Le sang explosa. Il gicla de tous côtés et alla tâcher le marbre brisé. 

Et son corps se fendit, se trancha. En trois parties bien distinctes.

Un silence incroyable suivit l’horrible son de sa mort et de longues minutes s’écoulèrent avant qu’Elena ne se retourne. Un masque d’impassibilité sur son visage obscur, elle contempla d’un simple regard en coin les trois morceaux de l’enveloppe charnelle qui trônaient dans son dos. Et ce fut alors qu’elle le vit. Ce sourire sincère qui était maintenant figé sur les lèvres sans vie de Shado. Quelle ironie.

Elena l’observa de longues secondes, sans la moindre émotion dans le regard, et personne ne sut deviner ce à quoi elle pensait. Puis, elle finit par s’en détourner.

« Sayonara, Shado. » Souffla-t-elle.

Elle tourna son visage vers les Cieux. Et maintenant, alors ? Elle tendit ses bras devant elle et cacha le soleil qui l’aveuglait. Puis, elle fit de même avec ses sabres, et les fit remuer dans ses mains. « Merci », ce fut ce qu’elle songea intérieurement, avec un léger sourire sur les lèvres. Puis, elle regarda devant elle, et les vit : Mugiwara no Luffy, Kaizoku-gari no Zoro et Kuro Ashi no Sanji (*), qui la fixaient, les yeux écarquillés par la stupeur. Et alors, elle commença à s’avancer. Son état était apocalyptique mais elle marchait pourtant avec souplesse, droite, fière, sombre. 

Elle essuyait le sang qui coulait de ses lèvres quand elle croisa le regard de Zoro. Il se détourna d’elle, sans un mot. Le cœur de la jeune femme aurait dû se serrer. Mais elle ne le sentit pas. Cependant, cette fois-ci, Elena n’allait pas fuir. Elle fit le choix de s’avancer vers lui.

Mais quelque chose d’inattendu se produisit. Du liquide sembla rouler sur les joues d’Elena, et celle-ci se toucha les joues avec curiosité. Toutefois, ce qu’elle vit sur ses doigts la cloua sur place. Il s’agissait d’un fluide noir et ténébreux auquel se mélangeait un liquide écarlate et au gout de fer. Elena fut stupéfiée. Elle pleurait du sang noir. 

Et soudain, tout devint flou. La vision de l’escrimeuse se brouilla brusquement et ses muscles se figèrent, tétanisés. Que- ? La panique commença à s’emparer d’elle et elle ouvrit la bouche. Qu’est-ce que c’était que ça ? Elle n’apercevait plus les formes, les contours, tout juste les couleurs. Elle sentit le ciel s’écrouler sur elle, le sol s’effondrer sous ses pieds, le monde disparaître autour d’elle. Elle tendit la main devant elle, comme pour atteindre la dernière tâche verte qu’elle apercevait dans son champ de vision. Mais lui aussi, il finit par disparaître et Elena fut alors complètement déboussolée. Tout était noir. Il n’y avait plus rien.

Et cela ne s’arrêta pas là. Bientôt, tous ses sens furent touchés. Elle arrêta de sentir les odeurs, et malgré tous ses efforts, son nez ne percevait plus les arômes. Elle avait perdu l’odorat. Puis, ce fut le tour de la parole. Elle ouvrit la bouche et chercha à l’appeler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Et l’ouïe y passa aussi. Les voix des trois hommes disparurent, le bruit du vent, de la mer au loin, et de tous ces petits détails dont elle percevait les sons. 

Même son corps commença à lui faire défaut. Ses bras ne répondaient plus, ses mains non plus. Et ses jambes s’apprêtèrent à flancher. La douleur qui la torturait diminua pour ensuite commencer à disparaître. Elle perdait l’usage de son enveloppe corporelle. Elle se sentit tomber, et patienta jusqu’à faire la rencontre du sol. Mais bizarrement, la sensation ne lui parvint jamais. Elle devait certainement avoir perdu le toucher. Elle chercha quelque chose auquel se raccrocher, mais il n’y avait plus rien. Elle ne voyait plus rien, ne sentait plus rien, ne percevait plus rien, ne ressentait plus rien. 

Tout disparut. Et elle resta là, seule, glacée, et vide. 

C’était donc ça, la mort ?

 

Mais alors, elle s’en rendit compte. Il l’avait rattrapée. Oui, elle le sentait. Elle ne possédait plus aucun sens, mais elle en était sûre. Comme si elle avait développé un sixième sens qui le concernait. Elle le savait. Roronoa Zoro était là, près d’elle, et c’était tout ce qui comptait.

Alors, elle se laissa aller.

« Je peux mourir tranquillement, maintenant... »

 

 

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(Mina* : tout le monde)

(Mugiwara no Luffy : Luffy au chapeau de paille)

(Kaizoku-gari no Zoro : Zoro le chasseur de pirates)

(Kuro ashi no Sanji : Sanji la jambe noire)

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