Je t'attendrai
Chapitre dix-neuvième,
« Tu vas rester endormie longtemps, gamine ? »
Elena se figea. Il avait suffi d'une phrase, il avait suffi d'une voix, pour que les Ténèbres de son esprit se dissipe. Sa rage ne l'avait pas quittée, non, elle était même plus intense que jamais, et pourtant, Elena se sentait capable de... De la contrôler. Son corps vibrait d'une sensation qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant, ou plutôt, qu'elle avait oubliée. Elle se sentait renaître, c'était comme si... Comme si elle se réveillait, enfin.
Elena fixa ses sabres du regard. Elle les sentait frémir dans la paume de ses mains. Elle n’avait jamais été aussi proche d’eux, elle n’avait jamais ressenti ça. Elena empoigna fermement ses sabres. Elle avait comme l’impression que l’âme de ses sabres venait enlacer la sienne pour ne faire qu’un. Ils faisaient désormais partie intégrante d’elle, et c’était juste... Incroyable. Mais alors que ce constat s’imposa dans son cerveau, elle eut un sursaut et la Lumière se fit dans son esprit. Elena eut un temps de réaction, et elle resta immobile, à genoux. L’attente était à son comble, le silence était lourd. Puis, elle se releva.
Les paroles s'imposaient, se déversaient dans sa tête, comme un puissant torrent qu’elle ne pouvait contrôler :
« Se protéger ? C'est pour les faibles. Si tu n'es pas assez puissante, tu mourras. »
Alors, sous les yeux ahuris de tous ceux présents, Elena se déshabilla. Sans un regard pour aucun d'entre eux, elle retira son armure, sa jupe, ses jambières, ses protections, et même ses chaussures. A La stupéfaction générale, elle se sépara même des bandages qui recouvraient ses avant-bras et ses mollets, pour ne garder que les bandages noirs qui enlaçaient son buste et son short noir.
Shado fit un pas en avant et plissa les yeux. Il l’avait vu. Le comportement d’Elena avait brusquement changé, à partir du moment où elle s’était écroulée. Elle avait rivé ses yeux dans le vide quelques secondes, fixant quelque chose que lui ne pouvait pas voir. Elle s’était immobilisée, et à cet instant précis, la lueur dans son regard avait changé.
Elena jeta son armure au loin et se débarrassa de tout ce qui l’encombrait.
« Ne fais qu'un avec tes sabres. Ils sont toi. »
Elle fit alors tomber les deux fourreaux qui pendaient à sa ceinture, ainsi que la ceinture même, pour ne garder que ses deux armes en main.
« Ne te laisse pas emporter par tes émotions. Déplace ton énergie dans tes chakras. Contrôle la moindre parcelle de ton être. »
Et là, elle ferma les yeux. Le sang de Shado se glaça dans ses veines. Il reconnaissait cette posture décontractée, et cette énergie agressive qui commençait à prendre en ampleur.
« Oui..., souffla-t-il. C’est ça... »
Il reconnaissait ce visage implacable et cette présence animale. Il reconnaissait ce halo qui commençait à enlacer l’enveloppe charnelle de la femme.
« Encore, dit-il, plus fort cette fois-ci. Oui, c’est ça ! »
Il la reconnaissait. Elle était revenue. Il l’avait retrouvée.
« La véritable Elena ! »
Zoro fronça les sourcils. Le visage de ce bretteur aux longs cheveux sombres venait de se fendre d’un horrible sourire euphorique, et ce dernier semblait ivre de bonheur. Qu'est-ce qu'il racontait, celui-là ? Zoro ne comprenait absolument rien à ce qui était en train de se dérouler. Il jeta un coup d'œil à ses camarades et vit qu’il n’était pas le seul : aucun d'eux ne saisissait non plus. Seul Luffy restait impassible, immobile, le visage neutre et indéchiffrable. Mais lorsqu'il porta son regard sur Elena, Zoro eut un hoquet de surprise. Depuis quand son aura était-elle devenue si... Sombre ?
« Écoute ton instinct. Écoute ton pouvoir. Écoute-toi. »
Ils le voyaient tous, maintenant. Pas seulement Zoro, Luffy et Shado. Non. Ils l'apercevaient tous, l'aura ténébreuse d'Elena qui prenait en ampleur.
« La force réside dans la tête. Mais la véritable puissance, c'est dans l'instinct. »
(https://www.youtube.com/watch?v=a4l-vZf5iDs)
Estel, allongée sur le sol, en avait presque oublié les mains de Chopper sur son dos, qui tentait de stopper l'hémorragie. Elle en avait presque oublié la douleur qui torturait son corps. Elle en avait presque tout oublié. Tout ce qu'elle voyait, c'était Elena, debout, armes en main, grande, et majestueuse. Tout ce qu'elle voyait, c'était cette énergie débordant d’un pouvoir sombre qui émanait de son corps.
« Vas y, montre-leur, Elena... » Souffla-t-elle avec un sourire.
Zoro était sous le choc. Ses yeux étaient écarquillés comme rarement ils l'avaient été. Il était estomaqué. Il n'y avait aucun mot pour décrire la stupéfaction qui s'était emparée de lui. Elena... Jamais il n'avait vu pareille aura. Jamais il n'avait frôlé telle obscurité. Jamais il n'avait senti tel pouvoir. C'était... C'était...
Le corps tout entier de Zoro se mit à frissonner. Il regarda sa main, qui tremblait. Que lui arrivait-il ? Pourquoi frémissait-il ainsi ? Pourquoi ses organes semblaient-ils s'agiter dans son intérieur ? Pourquoi son cœur battait-il à tout rompre ? Pourquoi ses sabres vibraient-ils de désir ? Pourquoi se sentait-il si... Excité ?
« Quitte à devenir un monstre, bats-toi jusqu'au bout, et détruis ton adversaire. »
Zoro la vit lever ses deux sabres, l'un à la lame bleue, l'autre à la lame rouge. Le vent se leva, elle ferma les yeux, et il dut se forcer à respirer plus calmement. Son corps s'enflammait, comme assailli par un désir incontrôlable. L'énergie d'Elena brillait d'une clarté dorée dont les reflets étaient rouges sang, et son aura, quant à elle, rayonnait d'obscurité. Le mélange était... Effroyablement captivant. Les mots lui manquaient pour exprimer ce qu'il ressentait et pour décrire ce qui se déroulait devant lui.
N'importe quel banal homme aurait été effrayé par ce qu'il avait sous les yeux, ou peut-être impressionné. Mais Zoro, lui, était envahi par une vague d'émotion qu'il n'avait jamais ressentie auparavant. Une partie de lui se réveillait au contact de son énergie. C'était comme s'il réagissait à son pouvoir. C'était comme si le Démon en lui se réveillait en la présence de celui d'Elena.
« N'oublie jamais ça, petite. Tu es une prédatrice. »
Elena ouvrit les yeux, et un sourire sauvage étira ses lèvres.
« J'avais oublié, obaa-chan. » Se souffla-t-elle à elle-même.
Elle n'avait pas conscience du regard des autres sur elle, ni même des cris de jubilation de Shado. Tout ce qu'elle ressentait, c'était le pouvoir qui affluait en elle, c'était cette sensation familière de puissance qui l'envahissait, c'était le réveil de cet instinct qu'elle avait oublié durant toutes ces années.
Elle releva son visage vers Shado et plongea son regard dans celui de son ennemi.
Et alors, elle fit quelque chose d'étonnant. Elle pointa ses armes vers elle, sous les yeux incrédules de ses camarades, et dirigea ses deux épées vers ses deux poignets. Puis, d'un geste fluide, elle fit glisser ses lames sur sa propre peau, entraînant la coulée de son propre sang sur ses armes. Zoro plissa les yeux, halluciné. Que venait-elle de faire ?
Elena leva ses deux sabres, et le bretteur vit avec hallucination que le sang de la métisse semblait s'incorporer dans les lames. Non, ce n'était pas ça. C'était les sabres qui absorbaient le sang d'Elena. Il vit alors distinctement les deux épées de la jeune femme s'agiter et brusquement, leurs couleurs changèrent. En une fraction de seconde, ils avaient tous les deux virés au noir. Le bleu électrique du premier et le rouge écarlate du second s'étaient changés en un noir sombre et intense. Zoro fut parcourut d'un frisson et il vit Shado s'agiter dans son coin, mais n'y prêta pas attention. Cette femme, elle...
« Et maintenant, réveille-toi, Elena. »
Mais, alors qu’il détaillait la métisse du regard, il vit soudainement son aura sombre prendre une toute autre dimension. Il ouvrit grand ses yeux, et d’un coup, l’air devint brutalement plus lourd. Que venait-il de se passer ? Puis, il observa Elena se tourner vivement, et il suivit son regard. C’est alors qu’il vit Nami qui toussait violemment, comme en manque d’air. Mais elle n’était pas la seule. Ladite Estel aussi avait soudainement du mal respirer, du sang s’échappait de sa bouche à chaque crachotement, et même Chopper et Franky étaient en difficultés. Zoro eut alors un sursaut et il se tourna vers Elena. Non, c’était impossible... Ce serait elle... ?
Mais alors que son esprit tournait à toute allure et qu’il établissait silencieusement les probabilités que la libération du pouvoir d’Elena puisse avoir de tels dommages sur l’environnement, son souffle fut coupé. Non pas à cause d’un problème quelconque, mais simplement parce qu’elle venait de le regarder. Ou plus exactement, elle s’était tournée vers lui avec hésitation, avait croisé son regard, et s’était aussitôt détournée avec une grimace, comme pour dissimuler ce qu’il venait de voir. Comme si elle ne voulait pas qu’il la voit telle qu’elle était.
Mais il avait vu. Il l’avait vue, elle. Et le cœur de Zoro s’était arrêté de battre à la seconde où il avait croisé son regard. Qu'est-ce que c'était que... ça ? La possibilité d’un tel changement relevait du surnaturel. Mais pourtant, il n’avait pas rêvé. Il les avait réellement vus, ces yeux dont les pupilles s’étaient affinées comme celles d’un félin, ces yeux aux iris écarlates couleur rouge sang, ces yeux dont le blanc était parsemé, envahi d’innombrables vaisseaux noirs.
Il n’avait pas rêvé. Et lorsque ce constat atteignit enfin son cerveau et que son cœur recommença à battre, Zoro fut parcourut d’un violent frisson qui secoua son esprit, et son corps entier. Les yeux écarquillés de surprise, il fixa ses mains tremblantes. C’était la première fois de sa vie que ça lui arrivait : il frémissait d’excitation, et de désir. Putain, mais qui était-elle réellement ? Qui était-elle pour être en possession d’un tel pouvoir ? Cette noirceur, cette détermination, cette puissance. Une vague de chaleur électrique remonta le long de son buste, le bas de son dos se mit à frémir et sa poitrine se souleva violemment. Il perdait ses moyens. Plus exactement, elle lui faisait perdre ses moyens.
« Oui, Elena ! S’écria Shado, dans un état d’extasie complet. Elena ! Tu n’as jamais été aussi belle ! Viens ! Viens, Elena ! »
De nouveau, Zoro la regarda. Elle lui tournait le dos, à présent. D’un geste lent et maîtrisé, Elena frappa son pied droit nu sur le sol, repoussant la poussière. Puis, elle le glissa vers l'arrière et plia les jambes, tout en maintenant son appui principal sur sa jambe gauche, devant. Zoro fut comme giflé par une main inconnue. Elena était monstrueuse. Monstrueusement impressionnante. Ses yeux rivés droit devant elle, plongés dans ceux de Shado, ses cheveux légèrement agités par une force invisible, ses muscles contractés et son incroyable silhouette, elle était d'une grâce sans nom. Sur ce point, il rejoignait Shado : il ne l’avait jamais vue aussi belle. Et c’en était effroyable.
Puis, Elena plia davantage les jambes. Elle leva ses deux sabres noirs, l’un tendu droit devant elle, et l’autre soulevé au-dessus de sa tête. Le temps sembla se suspendre, plus personne ne bougeait. Un immense sourire aux lèvres, les yeux écarquillés, Shado dégaina une nouvelle fois son sabre, et se mit en position.
Sans même qu’elle ne bouge, la terre commença à se tasser sous le corps d’Elena, et le sol se brisa sous ses pieds nus. Le vent disparut, son aura se tassa sur elle-même. Elle empoigna fermement ses sabres, s’immobilisa.
Et là, elle se propulsa.