Je t'attendrai
Chapitre quatorzième,
Le pouls de la métisse s'affola avec une frénésie sans pareille et son cœur manqua de s'échapper de sa cage thoracique. Son souffle se fit moins régulier, ses pensées s'entremêlèrent, elle se mordit les lèvres. Hésitante, elle se redressa avec lenteur, faisant de terribles efforts pour se forcer à respirer calmement et ne pas craquer de plus belle.
Elle mit toutes ses forces à tenter de garder un minimum de contenance, mais rien n'y fit : lorsqu'Elena croisa son regard, tout le brouillard de son esprit s'évapora comme par miracle. Elle ne put résister : ses larmes – bien que différentes – se remirent à couler, avec encore plus d'intensité.
Il était là.
Roronoa Zoro.
Il était là, sur le pas de la porte de sa cellule de prison, un sabre à la main, et quatre autres à la ceinture. Il la fixait d'un regard froid, une expression dure plaquée sur son visage.
« Zoro..., murmura-t-elle, les larmes refusant de s'arrêter. Zoro... Je- »
Mais il la coupa net, rengainant son sabre dans son fourreau, aux côtés de ceux d'Elena. Où les avait-il récupéré, d'ailleurs ? Et comment ?
Il darda son regard implacable sur elle et elle préféra ignorer la touche d'hostilité qui pointait dans ses prunelles. Un assourdissant silence prit place, uniquement ponctué par la respiration accélérée d'Elena qui pleurait dans le plus grand des silences. Puis, au bout d'un moment, il lâcha d'un ton impassible :
« Tu as tâché ta dignité de bretteuse. »
A ces mots, les yeux de la métisse s'écarquillèrent et peu à peu, les larmes s'atténuèrent.
« En trahissant ceux qui te pensaient sincère, enchaîna-t-il, tu as perdu toute dignité. Tu le sais, n'est-ce pas ? »
D'un geste, il détacha les deux sabres de la jeune femme qui pendaient à sa taille et les empoigna fermement dans leurs fourreaux.
« Tu as sali le nom de sabreuse. Tu as perdu ton honneur. », lâcha-t-il, insistant particulièrement sur le dernier mot.
Il lui jeta ses épées à ses pieds.
« Peux-tu manier ces sabres, sans ton honneur ? »
Sa voix était aussi dure que son regard. Elena baissa la tête et détailla méticuleusement ses propres armes. Il avait raison. Elle savait tout ça. Mais l'entendre sa bouche à lui, c'était encore plus dur. Elle dut se retenir avec force pour ne pas verser de nouvelles larmes. Elle avait toujours œuvré pour s'avérer digne de ces incroyables sabres, pour devenir une sabreuse respectée. Ces épées étaient comme une partie d'elle-même, elles étaient tout pour elle, mais en agissant de la sorte, elle s'était montrée indigne de se poser comme leur Maître.
« En es-tu encore digne ? » Continua-t-il.
La métisse serra les dents, et se mordit l'intérieur des joues. Elle avait travaillé toute sa vie pour devenir plus forte, elle avait toujours gardé ses convictions en tête, elle avait toujours porter une importance sans nom à l'honneur. Même seule, même blessée, même rejetée, au moins, elle avait son honneur. Elle était fière et digne. Mais là, il ne lui restait plus rien. Absolument rien. Sa fierté de bretteuse était souillée. Sa personne était souillée. Elle était salie.
« Tu nous a trahi, Elena », enchaîna-t-il, d'une voix bien moins contrôlée, qui se brisa en prononçant son prénom.
La concernée releva la tête. L'expression de Zoro n'était plus ce masque d'insensibilité qu'elle l'avait vu revêtir. Elle parvenait clairement à lire la colère et la souffrance qui habitaient ses iris, ce qui lui fendit un peu plus son cœur déjà bien endommagé. Elle était la responsable de ce ressentiment. Elle était la responsable de tout cela. Et cela lui était insupportable. Elle ouvrit la bouche. Elle voulait lui parler, elle en avait besoin. Elle aurait voulu tout lui révéler, lui dire la vérité. Elle aurait voulu lui dire tout ce qu'elle avait sur le cœur, elle aurait voulu s'excuser, et lui dire ô combien elle... Mais à la place, elle plongea son regard vrillant dans le sien, et déclara sans la moindre hésitation, d'une voix teintée de désolation :
« J'en répondrais de ma vie. »
Le jeune homme détailla ses prunelles, comme pour y chercher une trace de raillerie, de mensonge. Elena grimaça de douleur, se mordit la lèvre inférieure, son cœur se serra. Il ne lui faisait plus confiance. Et il avait raison. Mais c'était dur... Extrêmement dur.
Puis, après l'avoir fixée pendant de longues secondes, il lui tourna le dos et fit un pas en avant. Croyant qu'il allait partir, Elena tendit vivement la main vers lui, comme pour l'atteindre, l'attraper. Mais il se figea, et elle s'empressa de reprendre sa position initiale.
« Je sais que tu avais tes raisons, lâcha-t-il soudainement, à la plus grande stupeur de la métisse. Nami m'a raconté. Sache que je ne te pardonnerais pas. »
Elena eut un sourire à la fois nostalgique et attendrissant. Bien sûr qu'il ne lui pardonnerait pas. Et il avait raison. Mais il rajouta, d'une voix un tantinet plus discrète :
« Mais je ne pardonnerais pas non plus à ceux qui t'ont fait subir tout ça. »
A ces mots, la concernée releva brusquement son visage vers lui, les yeux écarquillés d'un ahurissement sans nom. Elle voulut parler, faire un bruit, mais les sons restèrent coincés dans sa gorge, pour la énième fois. Alors elle resta là, immobile, la bouche entrouverte, à genoux devant lui. Zoro la regarda du coin de l'œil.
« Ferme la bouche, et arrête de pleurer, fit-il avec dédain. C'est pathétique. »
Elena sembla récupérer ses esprits à cet instant et elle s'empressa d'essuyer son visage humide d'un revers de main et de suivre ses conseils. Putain, mais c'était quoi ce bordel ? Elle n'avait jamais pleuré de toute son existence et voilà qu'en à peine quelques minutes, elle s'écroulait à plusieurs reprises. C'était humiliant. Bien trop occupée à tenter de chasser toute trace des perles d'eau qui avait envahi son visage, elle ne vit pas Zoro avoir un infime sourire, et elle ne le vit pas non plus s'approcher d'elle.
Sans même lui laisser le choix, il récupéra ses sabres et s'empara d'elle. Elle eut un hoquet de surprise dont il ne tint pas compte, et l'instant d'après, elle se retrouvait posée sur son épaule comme un vulgaire sac à patates.
- Je peux te faire confiance, pour me guider ? S'enquit-il.
- T'as pas vraiment le choix, rétorqua-t-elle lorsqu'elle eut retrouvé ses esprits, railleuse. Si je ne t'aide pas, avec ton horrible sens de l'orientation, on va pas s'en sortir.
- Je te signale que je peux encore enfermer une kokuzoku* comme toi dans l'une de ces cellules, tu sais ?
Bien que blessée physiquement et psychologiquement, Elena choisit d'ignorer le pic ainsi que la douleur qui perforait son corps tout entier et eut un petit sourire combinant tristesse et amusement. Zoro la regarda quelques secondes, ferma les yeux l'espace d'un instant, puis il se propulsa dans la cage d'escalier, montant les marches quatre par quatre.
« Ikuzo* ! »
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« Ils ont l'air excités. »
Le jeune homme aux cheveux d'un gris soyeux balaya l'assemblée du regard. La salle était toujours aussi bondée depuis l'annonce, et un brouhaha sans nom régnait dans la pièce. Alors oui, ils avaient l'air excités. Et c'était insupportable.
« - Ils ont raison de l'être, s'emporta Snaky, revenue il y quelques minutes à peine. Qui ne le serait pas, à la simple idée de pouvoir enfin atteindre Elena et de la faire souffrir ?
- Je doute que ce soit pour cela, rétorqua Elliot, agacé, passant une main dans ses cheveux argentés ébouriffés. Tout le monde n'est pas comme toi.
- Alors pourquoi seraient-ils excités, si ce n'était pas pour ça ? Cracha-t-elle en dégainant son horrible langue fourchue. Je t'écoute, toi qui sais tout sur tout !
Il ne prit même pas la peine de répondre et se contenta de la toiser d'un regard hautain, la faisant grogner.
« Quelqu'un sait où est Shado ? », Aboya Charles, impatient sur son trône massif.
Au ton agacé de sa voix, les hommes et femmes baissèrent légèrement le son, ne préférant pas provoquer le courroux de ce petit être ridiculement capricieux. Elliot et Logan échangèrent un regard, avant que l'adolescent ne hausse les épaules. Mais le Chef n'obtint aucune réponse, car évidemment, personne n'avait la moindre idée de la position du bretteur.
Charles, une veine sur la tempe, riva son regard sur son assemblée et observa les soldats, ses soldats. Son organisation s'était affirmée, avec les années, ils avaient même réussi à se lier directement avec les Tenryubito – ce qui était une véritable aubaine pour tout marchand – à s'enrichir en moins de deux, et tout cela, grâce à l'arrivée du mystérieux Shado, son fidèle bras-droit. Charles, ni personne d'ailleurs, ne possédait la moindre information sur Shado. Il avait débarqué, un jour, son sempiternel sourire sur les lèvres, affirmant qu'il pouvait faire de cette petite bande de mercenaires la plus importante sur le marché du Nouveau Monde.
Bien entendu, Charles avait été alléché par la proposition et le lendemain, Shado était devenu sous-chef, si on pouvait dire ça comme ça. Mais ici, à part le Chef illusionné, personne n'était dupe quant à la position qu'occupait le magnifique homme, même si personne n'en parlait.
Charles eut un sourire. Dans la salle se trouvaient les plus cruels des mercenaires, des affreux jojos, et même d'anciens pirates, spécialement engagés par Shado lui-même, qui les avaient rendus encore plus effrayants qu'auparavant. Charles était content. Personne ne se dresserait contre lui. Bientôt, il aurait le monopole du commerce d'esclaves féminins, et alors... Et alors il s'élèverait dans la noblesse, et pourrait même rivaliser, peut-être, avec le rang des vénérés Dragons Célestes.
Mais alors qu'il s'était mis à ricaner mauvaisement dans son coin, inconscient des regards médusés que lui portaient ses propres subordonnés, un bruit inconnu résonna dans la salle entière. Un lourd silence s'installa, en réponse à ce sifflement silencieux qu'ils étaient tous sûrs d'avoir entendu. Charles se redressa sur son trône, Logan se braqua, Elliot tourna la tête, Snaky haussa un sourcil.
Ils restèrent tous immobiles durant de longues minutes. Puis, une fine rayure blanche sembla soudain traverser la porte principale, une fine rayure qui disparut aussitôt et que personne ne parvint à identifier. Ils plissèrent les yeux. Qu'est-ce qui se passait, encore ? Quelques soldats s'approchèrent de l'immense porte, quand quelque chose d'improbable se produisit sous leurs yeux effarés.
La fine rayure s'était transformée en une fissure droite, longue, profonde et maintenant, la porte se fendait en deux. Autrement dit, quelque chose – ou plutôt quelqu'un – venait de trancher cette porte haute d'une dizaine de mètres et d'une épaisseur impressionnante. Et bien sûr, celle-ci était en train de projeter son imposante ombre sur la foule de soldats effrayés. Autrement dit, elle tombait sur eux.
La panique saisit presque instantanément la plupart des mercenaires qui se mirent à courir dans tous les sens, se bousculant les uns les autres. Dans un grondement menaçant, les deux battants d'un métal lourd se mirent à pencher et à se rapprocher dangereusement du sol, et donc, des soldats. Mais une tignasse argentée – ayant préalablement allégé son propre poids - se précipita à la vitesse de la lumière sur la porte. Ladite tignasse bondit en l'air et une fraction de seconde après, l'énorme porte ne pesait plus que quelques grammes, au plus grand bonheur des mercenaires. Elliot fut aussitôt acclamé par toute la foule, heureuse d'avoir échappé à une mort certaine, ou du moins, pour certains.
Elliot, flatté, s'inclina, mais une présence dans son dos le coupa dans son instant de gloire. Il se retourna, et vit les deux silhouettes qui se dessinaient dans la poussière soulevée. D'un bond, il s'éloigna vite, par prudence et inquiétude, et reprit sa place près de Logan et Snaky. Ils étaient tous silencieux, les yeux plissés rivés sur ce nuage de poussière, tentant d'identifier les deux personnages.
Puis, d'un coup d'épée, l'amas de fumée se dissipa. Et à cet instant précis, les yeux s'écarquillèrent davantage alors que les souffles de Charles, Elliot et Snaky se coupèrent. Très peu furent ceux qui reconnurent ce visage viril, cet œil solitaire, ce sourire carnassier, et surtout, cette couleur de cheveux singulièrement verte. La salle entière était abasourdie. Qui était-il ? D'où venait-il ? Que voulait-il ? Avait-il vraiment tranché cette titanesque porte à lui tout seul ? Et surtout, à qui appartenait cette imposante et délicieuse paire de fesses sur ses épaules ?
Mais alors que les soldats, fidèles à eux-mêmes, ne pouvaient s'empêcher de baver quelque peu quant aux formes généreuses de cette inconnue, ils comprirent bien vite que cette inconnue n'était pas si inconnue que ça, quand une tête métissée dotée de longs cheveux bouclés se tordit le dos pour leur jeter le regard le plus effrayant qu'ils aient jamais eut l'occasion de voir. Ils perdirent aussitôt toute envie de baver et pâlirent.
Un murmure d'appréhension parcourut l'assemblée, alors que Charles poussait un cri de rage.
« Snaky ! Hurla-t-il. N'étais-tu pas censée enfermer cette traître ?
- Si, siffla celle-ci, le visage décomposé par la colère. Et elle l'était... Cet enfoiré...
- C'est ce type du bateau pirate qu'on a attaqué, fit remarquer Elliot. Comment est-il arrivé ici ?
- Comment veux-tu que je l'sache, sombre idiot ? Cracha Snaky avant de se mettre à courir dans sa direction, Temee*... Je ne vais pas te laisser faire !!! »
A l'opposé de la pièce, Zoro attrapa Elena dans ses bras pour ensuite la jeter – la célèbre délicatesse du bretteur – au sol. Puis, comme si de rien n'était, il fit craquer les jointures de ses poings et du cou.
- Détache-moi, ordonna Elena, encore menottée.
- Nani* ? Tu n'es pas capable de le faire toute seule ? Railla-t-il, mauvais. Quel dommage !
- Arrête de blaguer, fit-elle sérieusement. Libère-moi.
Mais elle n'obtint aucune réponse. Toute trace de plaisanterie quitta le visage de Zoro qui se contenta de lui tourner le dos.
« Tu ne vas quand même pas..., souffla-t-elle soudain, abasourdie. Non... Tu... Arrête, cria-t-elle soudainement. C'est du suicide ! Tu as perdu la tête, ou quoi ? Tu veux mourir ? Tu ne peux pas les battre ! Ils sont trop nombreux ! Et puis, il y a... Zoro !!! »
Mais celui-ci ne cilla pas. Sans même la regarder, il dégaina deux de ses sabres, avant de lâcher d'un ton qui se voulait neutre :
« Si tu as vraiment lu en moi, tu as du voir que je ne mourrais pas. A moins que ce soit encore un de tes mensonges. »
Elena ouvrit grand ses yeux, et le mot qu'elle s'apprêtait à prononcer resta coincé dans sa gorge, comme pas mal de fois depuis qu'il lui était apparu. Puis, elle s'avoua vaincue et baissa la tête, sombre. Elle serra ses poings menottés, et se mordit les lèvres avec force, avant de prendre une profonde inspiration. Ok. Et là, elle releva un visage tout aussi calme que le sien. Leurs regards se croisèrent, et Zoro comprit. Elle croyait en lui.
A cet instant, Snaky fit son apparition, déboulant à travers la foule comme une furie. Ses cheveux prenant la forme de longs serpents violacés, ses yeux grands aux pupilles reptiliennes exorbités, sa langue fendue et sortie de sa bouche, elle avait l'air d'une vraie folle furieuse.
" Kisama ! Hurla-t-elle en se ruant sur lui. Comment as-tu... Comment as-tu osé tout gâcher ? »
Zoro resta immobile, ses deux sabres tendus devant lui. Mais dès lors que Snaky fut à une distance convenable, il passa à côté d'elle à une vitesse ah«urissante, sans que personne n'eut rien compris, et l'instant d'après, il était derrière elle, les sabres de part et d'autre de son corps, comme après une attaque.
Snaky s'était immobilisée, les yeux grands ouverts. Et soudainement, elle s'effondra sur ses genoux, et son sang gicla au niveau de son abdomen. Stupéfaite, elle porta ses mains à son ventre alors que son liquide vital remontait dans sa gorge. Elle cracha et son sang s'étala sur le sol, prenant ensuite la forme de minuscules serpents. Elle serra les dents et se retourna vers Zoro, les yeux emplis d'une colère folle.
Celui-ci, lui tournant le dos, trancha l'air de ses sabres, éclaboussant le sol du sang de son adversaire, rejetant ainsi les infimes serpents qui s'étaient formés sur ses lames. Les soldats le fixaient avec une certaine frayeur, ne sachant que faire. Mais ils n'eurent pas à se poser la question plus longtemps, car bientôt, Logan et Elliot firent leur entrée, formant un cercle autour du pirate aux cheveux verts, cercle bientôt rejoint par Snaky, bien que grimaçante de douleur.
Le premier à attaquer fut Elliot, qui misa tout sur sa vitesse incroyable et tenta de surprendre Zoro. Ce dernier se contenta d'éviter avec une facilité déconcertante, avant de se propulser de nouveau sur Snaky, sa cible prioritaire, visiblement. Le bretteur n'eut pas le temps de finir son action, car la jeune femme invoqua une dizaine de serpents que le concerné trancha en une seule attaque. Mais, parallèlement, Logan se jeta également sur lui, et le sabreur dut bondir en arrière pour éviter son coup de poing surpuissant. A cet instant précis, Elliot refit surface dans son dos, et tenta de le toucher pour utiliser son fruit du démon, mais ledit Roronoa frappa l'air de ses sabres, lui offrant une incroyable bourrasque qui l'envoya valser au loin.
Pendant que Charles s'arrachait les cheveux sur son trône, Elena suivait la lutte en détails, malgré la distance, ses capacités lui permettant d'intercepter et d'analyser la moindre des actions des quatre combattants. Les soldats s'étaient reculés, pour pouvoir leur laisser de l'espace, et à vrai dire, ils auraient préféré être le plus loin possible de cet étrange sabreur à la puissance incroyable. Mais Elena, elle, voyait clairement qu'il ne prenait pas ça au sérieux, et n'utilisait même pas un dixième de sa véritable force, ce qui l'impressionnait d'autant plus. Elle eut un sourire. C'était bien digne du célèbre Roronoa Zoro. Il était si...
Mais alors qu'elle était absorbée par la gestuelle de ce dernier, elle sentit quelque chose arriver dans son dos et se figea. Il ne lui fallut pas une seconde pour reconnaître ceux qui couraient dans leur direction. Bien évidemment, elle les avait déjà senti depuis un moment, mais la surprise restait. Par pure habitude, elle tourna sa tête et quelques minutes après, ils apparurent sur le pas de la porte. Alors, eux aussi, ils étaient venus...
Sur le coup, elle ne savait absolument pas si elle devait sourire, pleurer ou se faire toute petite. Mais lorsqu'elle vit tous ses visages familiers marqués d'une détermination inébranlable, les trois se combinèrent : elle eut un petit sourire nostalgique avant de baisser ses yeux brillants, et de se détourner, se tassant sur elle-même.
Mais, à sa plus grande surprise, des bruits de pas précipités résonnèrent autour d'elle et l'instant d'après, une femme se jetait à son cou, les larmes aux yeux. Elena écarquilla aussitôt les siens, tendue, puis finit par se laisser enlacer, luttant de toutes ses forces pour ne pas pleurer une trente-sixième fois.
« Elena..., murmura celle-ci. J'ai eu si peur... »
Le combat de Zoro s'était interrompu par l'entrée soudaine de ces nouveaux arrivants, tout comme l'agitation des mercenaires, qui en avaient plus que marre de voir débouler des gens qu'ils ne connaissaient pas, exceptés ceux qui lisaient de temps à autre les journaux...
Elena était comme statufiée par tant de tendresse et d'amour à son égard. Et sa stupeur ne fit que prendre en ampleur quand Estel s'écarta légèrement d'elle, lui laissant voir une femme complètement métamorphosée et différente de la Estel qu'ils connaissaient tous. En effet, les incroyables cheveux bleus de la jeune femme avaient été coupés en un carré plus ou moins plongeant qui sublimait son visage et lui procurait l'étoffe d'une magnifique femme sûre d'elle. Sa robe et son tablier de servante avaient été troqués contre un pantalon moulant bleu marine qui semblait en cuir et un débardeur blanc qui dessinait parfaitement son magnifique buste bien formé.
Mais le plus grand changement n'était pas physique, non. L'expression d'Estel était complètement différente, son sourire n'était plus porteur de cette même nostalgie et son regard était habité d'une lueur enflammée qui brûlait au fond de ses iris intensément sombres. Elle était tout bonnement incroyable. Envolée la Estel discrète, hésitante, calme, et toujours en retrait. Elle avait maintenant laissée place à une femme imposante, déterminée, affirmée et qui allait de l'avant. Estel s'était enfin libérée. Elle était enfin devenue elle-même. Elle s'était acceptée, et cet acte touchait énormément la métisse menottée qui partageait son quotidien depuis maintenant des années.
- Elena..., chuchota la bleutée. Excuse-moi...
- Huh ? Laissa-t-elle s'échapper.
- Je suis désolée... Vraiment désolée, reprit sa camarade, les yeux brillant de sincérité. Je suis désolée de n'avoir rien fait et d'être restée passive, pendant toutes ces années.
- Qu-
- Non, ne dis rien, l'interrompit-elle. J'aurais du avec toi, durant tout ce temps. J'aurais du t'aider, te soutenir, et pourtant... Je t'ai laissée seule. J'ai été lâche.
Elena aurait voulu parler, mais aucun mot ne voulait sortir de sa bouche, encore. C'était quoi, ça ?
« Je comprendrais évidemment que tu m'en veuilles, et je ne te le reprocherais pas. Mais sache que je ne te laisserais plus jamais seule, et que je serais à tes côtés, comme tu as été aux miens, durant tout ce temps. »
Elena n'en revenait pas. Elle en avait perdu son souffle. Elle la fixait, éberluée, la bouche ouverte, figée de stupéfaction. Qu'est-ce qui se passait, ici ? Mais, à cet instant précis, une main vint se poser sur son épaule,la tirant de son état second. Elle reconnut aussitôt l'odeur de mandarine qui enivra ses narines et bientôt,une rouquine apparut bientôt dans son champ de vision.
« Nous n'avons pas le temps de parler, fit Nami. Mais sache juste que je t'en veux énormément, moi aussi, lâcha-t-elle. Je t'en veux de ne m'avoir rien dit. C'est inacceptable. Mais je m'en veux aussi à moi, pour n'avoir rien remarqué. J'ai énormément de choses à te dire, mais pas maintenant. Alors sache que je... Que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour t'aider, à partir de maintenant. »
Estel se leva et vint se poster aux côtés de Nami, juste avant que celle-ci ne rajoute :
« Nous sommes tes amies. Que tu le veuilles, ou non. »
A ces mots, Nami lui tourna le dos et dégaina son arme bleue, faisant fièrement face à ceux qui avaient fait d'elle une vulgaire servante, et avaient fait souffrir ses deux nakama.
L'espace d'une seconde, Elena sembla reprendre la parole, un tantinet paniquée.
« Mais qu'est-ce que... Nami, Estel, omaera*... »
Mais de nouveau, elle fut coupée par la jolie femme aux cheveux bleus qui se pencha vers elle, tout sourire :
« C'est le moment pour moi de tester toutes ces techniques que tu m'as apprises. »
Puis, elle se redressa, pour elle aussi lui tourner le dos, sans toutefois la quitter du regard.
« Laisse-nous être tes amies, Elena. Laisse-moi me battre pour toi. »
Aussitôt, les trois autres personnages, jusque-là restés en retrait, la dépassèrent, et virent de poster devant elle, l'encerclant comme pour la protéger. Sanji, lui adressant un petit clin d’œil tout en s'allumant une cigarette ; Franky, lui dédicaçant son pouce levé, et pour finir, Chopper, un grand sourire étiré pour elle, sur ses lèvres.
Consternée, Elena les fixa, complètement perdue et abasourdie. Mais elle fut brusquement sortie de sa torpeur quand l'horrible voix de Charles hurla, s'égosillant : « Mais qu'est-ce que vous attendez, bande de merdeux ? Dégagez-moi ces insectes ! Ils ne sont que six ! Réduisez-les en cendres ! »
Comme si le fait d'exprimer à haute voix l'impressionnante différence numérique qu'il y avait entre les deux groupes leur avait subitement redonné confiance, les soldats se mirent à crier à l'unisson, brandissant leurs armes en l'air.
« Ouais !!! »