Je t'attendrai

Chapitre 10 : Chapitre Dixième

4396 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:14

Chapitre dixième

 

 

Ses yeux s'ouvrirent. Puis se refermèrent aussitôt. Son nez se retroussa et elle fronça les sourcils en commençant à remuer. Encore aux portes du sommeil, elle passa une main sur son crâne dans lequel une intense douleur la martelait si durement qu'elle se croyait exploser. Sans toutefois ouvrir les yeux, elle étira ses membres engourdis et poussa une longue respiration. Mais alors qu'elle tentait de se redresser, elle entendit :

« Enfin réveillée. »

Son sang se glaça dans ses veines et elle s'immobilisa instantanément. La voix était grave et rauque, et très proche d'elle. Beaucoup trop proche d'elle. Alors, brusquement, elle ouvrit grand ses yeux, à la recherche de cet homme qui lui avait parlé. Sa recherche ne fut pas longue car bientôt, ses prunelles se posèrent sur un gigantesque type monstrueusement baraqué qui la regardait impassiblement à travers d'épaisses barres de fer.

Même si son visage était plutôt dur et très viril, il était clair qu'il était jeune. Peut-être même plus qu'elle. Mais bordel, ce qu'il était grand ! Et musclé ! Ses épaules robustes constituaient plus de deux fois la largeur des siennes et question taille, n'en parlons pas. Il avait une mâchoire très carrée, de courts cheveux blonds et de fins yeux bruns dans lequel elle ne lisait pas l'ombre d'une émotion.

Mais alors qu'elle était en train de jauger la puissance de ce type et ses chances de le battre -très proches de zero-, Nami se rendit compte avec incrédulité que les fameuses barres de fer qui les séparaient n'étaient autres que des barreaux de prison. Ses grands yeux bruns clairs s'écarquillèrent d'inquiétude et elle se mit à observer méticuleusement la cellule dans laquelle elle avait visiblement été faite prisonnière.

La pièce était minuscule, c'était à peine si elle avait la place de s'allonger entièrement. Le sol était tâché et poussiéreux, mais elle avait connu pire. Les murs gris en béton étaient sombres, il n'y avait pas de fenêtres. Une ampoule clignotait au-dessus de sa tête, provoquant un horrible grésillement dans ses oreilles. D'autres cellules similaires se trouvaient tout autour de la sienne, mais elles étaient visiblement vides et inhabitées.

Mais soudainement, un cliquetis résonna et Nami regarda avec stupeur le jeune homme déverrouiller la serrure, ouvrant la grille dans un grincement épouvantable. Le cœur de la jolie jeune femme s'affola, mais elle n'eut pas le temps d'esquisser le moindre mouvement, car il l'attrapa par les hanches et la jeta sur son épaule comme si elle ne pesait absolument pas un gramme. Un énorme bras vint encadrer son corps, l'emprisonnant, ne lui laissant aucune possibilité de fuite.

Ayant la tête à l'envers, Nami eut quelques difficultés à se représenter le lieu dans lequel elle se trouvait. Mais son instinct de navigatrice doublé de son sens de l'orientation hors du commun lui permirent de vite se rendre compte qu'elle se trouvait dans une infrastructure très compliquée et il devint difficile pour elle d'enregistrer le parcours que faisait le blond, surtout qu'il marchait très vite. Mais elle n'était pas la navigatrice des Mugiwara pour rien, et même si ce fut extrêmement dur, elle parvint à se modeler un plan du bâtiment dans sa tête.

Nami se souvenait parfaitement qu'elle avait vu, au loin, un bateau apparaître. Mais personne n'y avait prêté de grande attention, étant donné qu'il semblait garder ses distances. Quand tout à coup, il s'était brusquement rapproché, et les Mugiwara s'étaient faits attaqués. La rouquine se rappelait juste avoir reçu un violent coup sur la tête, puis, c'était le trou noir.

Mais alors qu'elle tentait tant bien que mal de fouiller dans sa mémoire, le géant blond s'arrêta et Nami crut comprendre aux grincements qu'il ouvrait une grande et lourde porte. Autrement dit, ils entraient dans une pièce assez importante. Il y avait pas mal de bruit et personne ne sembla se rendre compte de leur arrivée. Alors, le blond posa -ou plutôt jeta comme une grosse m****- Nami au sol, qui s'écrasa avec un gémissement plaintif. Il allait finir par la briser en mille morceaux, celui-là !

Avec un certain soulagement, elle constata que personne ne les avait aperçu. Il y avait une quarantaine d'hommes gigotant qui poussaient des cris d'excitation, formant un large cercle, dont l'inégalité lui permettait d'en voir le centre. Elle reconnut sans mal le petit bonhomme à l'âge mûr, assis sur un siège élevé qui lui donnait toute la hauteur dont il avait sûrement toujours rêvé, ainsi que le séduisant personnage aux luisants cheveux frôlant le violet, à ses côtés. Il arborait un sourire satisfait, mais la lueur emplie d'un désir malsain qui habitait ses prunelles la fit frissonner. Quelque chose clochait chez lui et son visage trop parfait. Mais lorsqu'elle reconnut l'objet de sa convoitise, son cœur se serra et un cri s'étouffa dans sa gorge.

Elle mit du temps à reconnaître son amie, mais il n'y avait aucun doute. Même si son pantalon noir avait été troqué contre une sombre jupe qui ne couvrait que le devant et le derrière, même si son large tee-shirt s'était transformé en une armure de la même teinte qui s'arrêtait à mi-nombril, même si ses bandages étaient devenus noirs, et même si ses sombres jambières étaient maintenant gorgées de lames et de couteaux, il n'y avait aucun doute. La jeune femme à l'aura sombre et au visage complètement fermé, récepteur d'une haine mal dissimulée était bien Elena. Ses pupilles dorées s'étaient assombries, démonstratives de sa colère, visiblement vouée au monde entier.

Mais soudain, la voix du petit être assis sur son trône résonna et la sentence tomba, sans plus de surprise :

« Déshabille-toi. »

Décontenancée, Nami regarda le cercle masculin s'agiter et d'affreux sourires malsains naître. Elena, quant à elle, ne cilla même pas et n'adressa pas le moindre regard à personne. Le cœur de la rouquine rata un battement quand elle la vit retirer ses protections, une à une, puis s'attaquer à ses jambières. Elle n'allait quand même pas... ? L'excitation grandissait dans l'assemblée, la bave se mettait à couler, et les grands yeux de Nami s'écarquillaient d'horreur.

Elena était maintenant nue, fièrement dressée malgré les sifflements et les remarques du cercle. Elle gardait la tête haute, le dos droit, et ne bougeait pas. Nami resta figée, les fesses au sol, les yeux rivés sur le corps esquinté et empli de cicatrices de la métisse. Elle avait perdu ses mots. Et elle n'était pas au bout de ses peines.

Le bretteur aux cheveux tressés s'adressa à la femme aux longs cheveux lavandes à ses côtés, celle que Nami reconnaissait comme responsable de l'invasion du Sunny par d'horribles serpents :

  • Snaky, se contenta-t-il de prononcer, un sourire mauvais étirant ses lèvres, effaçant tout le charisme qui le caractérisait.

  • Avec plaisir, Shado, répondit-elle.

Bah. Ils s'étaient pas foulés pour lui trouver un surnom, à celle-là. Aussitôt, la concernée se lécha les lèvres et s'avança, excitée, une lueur perverse brillant dans ses prunelles, similaire à celle dudit Shado.

« A genoux. » Ordonna-t-elle.

Mais Elena ne bougea pas. Elle avait les poings serrés, la mine sombre, le haut de son visage masqué par l'ombre de ses cheveux. Et brusquement, ledit Shado vint la frapper dans le dos d'un violent coup de pied, et elle flancha. Sans même un gémissement, elle tomba à genoux, tout en tentant de garder le peu de dignité qui lui restait.

Shado la dévorait des yeux avec une intensité mal contenue, c'en était effrayant. Sans la quitter une seconde du regard, il donna le signal à Snaky, qui le lui rendit d'un sinistre ricanement. D'un geste de main, elle fit apparaître un long et fin serpent aux différentes teintes de violet et le lui tendit. Un hoquet de stupeur s'étouffa dans la gorge de Nami lorsqu'elle eut compris de quoi ferait office cet horrible serpent. Un fouet. Et la torture commença.

La rouquine était sans voix. Elle aurait aimé crier, mais n'y parvenait pas. Les coups claquaient avec force sur le dos d'Elena qui encaissait la douleur, se mordant les lèvres jusqu'au sang pour ne pas crier, ne pas donner satisfaction à son bourreau. Son liquide vital giclait à chaque fois que l'arme venait lacérer son dos, venant rajouter de nouvelles cicatrices à celles qui ornaient déjà son corps abîmé.

Snaky jubilait, se délectant du spectacle avec une excitation bien trop étrange, tandis que Shado continuait à abattre le fouet, un immense sourire tordant sa face. Les larmes montèrent instantanément aux yeux de Nami qui regardait le spectacle, impuissante. Elle savait qu'Elena les avait trahi. Elle savait que si elle était ici, c'était uniquement sa faute. Mais la voir ainsi... La voir subir une telle torture...

Les hommes qui l'entouraient ricanaient et se frottaient, la langue pendant de leur bouche, rendant la scène encore plus horrible et atroce. Le corps tout entier d'Elena était contracté et malgré ses efforts, la douleur se lisait sur son visage crispé. Comment faisait-elle pour ne pas crier, ne pas hurler ? Quelle était cette force, cette fierté qu'elle gardait en elle ? Elle subissait et supportait la torture avec peine, sous les yeux exorbités des psychopathes qui jouissaient dans son dos.

Mais soudain, le vieux personnage ridé qui se régalait dans son ombre sembla se rendre compte de la présence de Nami, et son visage s'illumina d'intérêt.

« Ah, Logan ! S'écria-t-il en s'adressant au grand blond qui l'avait jetée ici. Tu nous as amené notre invitée ! »

Il laissa tomber sa canne dorée et se précipita en bas des marches de son trône, alors que ledit Logan poussait Nami, la forçant à s'avancer. Celle-ci, encore sous le choc, se laissa faire. Elle ignora les remarques masculines à son passage, les œillades dont elle était sujet et passa près d'Elena, tentant tant bien que mal d'intercepter son regard, mais rien n'y fit. Elle la vit frémir à son passage à proximité, mais rien de plus. Son dos blessé se soulevait énormément à chaque respiration qu'elle parvenait à faire, son corps tout entier était empli de sang, ses cheveux collaient à son visage en sueur.

« Ah, ma belle, ma douce ! S'écria le petit être aux cheveux gris-noirs. Comme tu es jolie ! Regardez-moi ces incroyables cheveux roux ! »

Nami daigna enfin jeter un regard au petit vieux qui s'adressait à elle, les yeux encore écarquillés de ce qu'elle venait de voir. Mais elle s'en désintéressa vite et reporta de nouveau son attention sur Elena.

Elle n'entendit pas le petit être, qui était en réalité le Chef, nommé Charles, débattre avec les autres sur la fonction qu'occuperait Nami. Logan avait proposé de la vendre aux enchères, mais le Chef semblait intéressé par le potentiel de la jeune rouquine. Shado, quant à lui, était bien trop focalisé sur Elena pour s'occuper de leur conversation. Alors, sans même qu'elle ne s'en rende compte, Nami fut associée au service personnel de Charles et bientôt, Logan la jeta de nouveau sur son épaule pour l'emmener ailleurs.

Et alors qu'elle se dirigeait vers la sortie, elle vit deux hommes se jeter sur Elena. Son cri fusa de sa bouche, elle hurla le prénom de son amie qui resta immobile, avant d'en être séparée par l'immense porte qui se referma sur elle.

« Elena !!! »

Cette fois-ci, Nami ne s'appliqua pas à reconstituer le chemin que fit Logan, bien trop préoccupée par l'horrifiante scène qu'on lui avait imposé. Elle avait tenté de se libérer pour rejoindre Elena, en vain. Elena avait beau être une traîtresse, elle ne pouvait pas la laisser ainsi. Et puis, pourquoi la battaient-ils, si elle faisait partie de leur horrible bande ? Pourquoi s'était-elle liée aux Mugiwara ? A elle ? A Zoro ? Nami était perdue et blessée. Bientôt, son geôlier s'arrêta et la posa au sol. Il ouvrit la modeste porte devant laquelle ils se trouvaient et la poussa légèrement pour qu'elle y entre. Sans un mot, elle s’exécuta, et il la referma derrière lui, la laissant seule en terre inconnue.

La pièce n'était pas très grande, mais joliment aménagée. Les meubles étaient simples, mais plutôt mignons, et il y régnait une propreté et un ordre admirables. Nami jeta un coup d’œil à la porte que Logan avait fermée derrière lui et s'avança, d'abord craintive. Il y avait deux petits lits l'un en face de l'autre, tous deux accompagnés d'une grande armoire qui se dressait à côté, d'étagères et de rangements en tout genre. Une partie de la chambre était visiblement habitée, l'autre, non.

Alors, Nami marcha silencieusement jusqu'à l'ouverture taillée dans le mur qui se trouvait au fond de la pièce, là où une vive lumière brillait. Une douce odeur en émanait, la narguant, elle qui avait si faim. Sans faire le moindre bruit, elle s'approcha, puis passa sa tête avec discrétion. Une femme était là, avec de longs cheveux bleus très clairs attachés en une basse queue de cheval, en train de s'affairer près d'une casserole. Vêtue d'un tablier vert et orange, elle semblait perdue dans ses ténébreuses pensées, tout en saupoudrant son met de quelques épices, un air mélancolique sur le visage.

Mais soudain, le ventre de la rouquine fit irruption, la trahissant, et la femme en question sursauta en l'entendant gargouiller. Elle se retourna vivement, surprenant Nami qui la fixait de ses grands yeux bruns. Aussitôt, elle abandonna sa tâche, jeta ses ustensiles et accourut vers la jeune femme aux cheveux roux, un immense sourire aux lèvres. Ses grands yeux noirs pétillants de sincérité, elle prit les deux mains de la pirate dans les siennes et les porta vers elle.

  • Seigneur, tu dois être Nami !

  • Euh... O-Oui, bafouilla la concernée.

  • Oh, comme tu es belle ! Tu es ravissante !

  • Euh... Merci. Tu... Toi aussi. Et toi, qui es-tu ?

  • Oh, excuse mon impolitesse ! Je m'appelle Estel, s'écria-t-elle avec enthousiasme. Je suis si contente de faire ta connaissance, tu n'imagines pas !

  • Pourquoi ça ? Je veux dire... Tu...

  • Excuse-moi, je suis un peu trop excitée, reprit-elle en se grattant l'arrière de la tête, gênée. Je n'ai juste pas l'habitude de recevoir des gens, alors...

  • Tu... Vis ici ? Seule ?

  • En effet. Je suis la servante de Monsieur depuis des années maintenant.

  • Monsieur ?

  • Oui. Monsieur Charles.

  • Le petit vieux, là ? Tout ridé ?

A ces mots, le visage de ladite Estel se contracta dans l'effort d'empêcher son fou-rire et elle dut porter une main à sa bouche pour se retenir. Elle était aussi jeune et formée que Nami, avait de fins traits et un doux visage. La rouquine eut un petit sourire intérieur en se disant que tout chez cette jeune femme lui faisait penser à une version plus réservée et douce de Vivi.

  • Ne dis pas de telles choses, quelqu'un pourrait t'entendre...

  • Euh, reprit-elle. Est-ce que tu saurais ce que je fais ici ? Où sommes-nous ? J'ai beaucoup de questions... La bête blonde qui m'a menée jusque-là n'était pas très bavarde.

De nouveau, Estel pouffa légèrement.

  • C'est vrai que tu dois être assez perdue. Et dire que tu es la seizième femme qu'elle ramène ici.

  • La seizième ? Hein ? De qui parles-tu ?

Estel baissa ses mains et eut un sourire triste.

  • Elena, fit-elle doucement.

  • Elena... Répéta Nami, les yeux grands ouverts.

  • Assieds-toi sur une chaise, je vais tout t'expliquer.

Nami s’exécuta, pendant qu'Estel retournait à ses fourneaux.

  • Monsieur est le chef d'une bande de mercenaires, marchands d'esclaves, ayant un lien particulier avec les Tenryubito. Ça doit maintenant faire près de deux ans qu'Elena a mystérieusement rejoint leur troupe. Il me semble qu'il y a toujours eu une sorte de marché entre elle et Monsieur qui la fait travailler pour lui, mais même moi, je ne connais pas ses motivations. Son job, c'est ça.

  • Ça ?

  • Oui. Elle repère les jolies femmes susceptibles de plaire lors des enchères. Généralement, elle se contente de s'incruster sur un bateau, de rester dans son coin. Elle jauge la puissance, le danger et prépare le terrain. Mais de ce que j'ai compris, ça a été différent avec vous. Je me demande bien... Je ne comprendrais jamais. J'étais déjà là à son arrivée, et elle a toujours été superbement gentille et aimable avec moi. Elle n'est pas comme eux. Et pourtant...

  • Ce...

Les mots ne parvenaient pas à sortir de l'enceinte des lèvres de Nami. Alors Elena les avait réellement trahi. Ou plutôt, Elena n'avait jamais été avec eux. Mais alors, pourquoi avait-elle sympathisé ? Pourquoi s'être autant liée ? Pourquoi avoir fait tout cela ? Elle ne comprenait absolument rien. Estel lui jeta un regard navré avant de reprendre :

  • La plupart sont vendues dans la semaine ou le mois qui suivent, cela dépend. Je suis la première à être restée ici. Monsieur me voulait dans son service personnel. Il semblerait que tu sois la seconde.

Quelques minutes s'écoulèrent avant que Nami ne parvienne à retrouver ses esprits. Elle avait du mal à tout encaisser. Elena... Elle choisit de mettre ça dans un coin de sa tête. Elle devait savoir. Elle parlerait à Elena.

  • Et toi, quel est ton lien avec Elena ? Comment s’y est-elle prise pour t’amener là ? S'enquit Nami pour y voir plus clair.

  • Non, moi, ce n'était pas Elena, fit tristement Estel en s'affaissant légèrement. Elena est quelqu’un de bien. Je n’arrive pas encore à tout saisir, mais elle ne souhaite pas ce qui lui arrive. Elle est mon amie.

  • Laisse-moi deviner, reprit Nami. C'est le type aux longs cheveux noirs qui t'a séduite.

  • Oui, soupira-t-elle, sa main tremblant légèrement. Je suis tombée éperdument amoureuse de lui. Mais je me suis rendue compte bien trop tard que c'était le plus horrible des monstres.

A ces mots, elle frissonna. Sa voix avait changée. Nami plissa les yeux. C'était vrai que ce type ne lui inspirait rien qui vaille. Elle se devait également d'éclaircir ce point.

Estel remplit un énorme bol du ragoût qu'elle avait préparé, puis le tendit à Nami. L'eau lui monta instantanément à la bouche. Elle avait si faim ! Après l'avoir abondamment remerciée, elle se jeta dessus, savourant chaque arôme du délicieux repas. Ce n'était évidemment pas comparable à ce que concoctait Sanji, mais Dieu, que c'était bon et revigorant !

« Je vais t'expliquer comment tout fonctionne, reprit Estel en s'installant en face. Soyons amies, Nami ! »

 

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La jeune femme ferma les portes derrière elle, le visage sombre. Elle regarda autour d'elle et ferma les yeux l'espace d'un instant. Puis elle se mit alors à marcher d'un pas lent, prenant sur elle pour supporter la douleur. Ses habits frottaient contre ses plaies, enflammant son corps tout entier, tandis qu'une traînée de sang se traçait derrière elle. Chaque pas était une torture, et pourtant, elle marchait fièrement dans le sombre couloir, la tête haute, le dos droit, le visage impassible. Elle finit par s'arrêter devant une porte, l'ouvrit et la referma derrière elle, à clés.

Et là, elle s'effondra. Totalement. Ses genoux flanchèrent et tout son corps alla s'écraser contre le sol avec une violence inouïe. Elle resta là, inerte, se mordant les lèvres avec force, la tête contre le carrelage. Puis après de longs instants, elle se remit à bouger. Rampant, se tortillant, elle fit un effort surhumain pour se déshabiller et retirer ces habits qui la torturaient, faisant empirer ses entailles et blessures.

Subissant le martyr, Elena se traîna jusqu'à la salle de bain et bascula son corps dépourvu de forces dans la baignoire. L'eau qu'elle fit couler sur son dos lui infligea une souffrance insoutenable, et elle dut se mordre la main jusqu'au sang pour ne pas hurler de douleur. Bientôt, le bain entier prit une teinte écarlate, mais elle s'en fichait éperdument. Elle avait mal, horriblement mal. Mais le mal physique n'était rien comparé à celui qui broyait et rongeait son cœur.

Lorsqu'Elena se redressa avec peine pour s'asseoir dans la baignoire, la première chose qui la frappa fut son reflet dans l'eau couleur rouge sang. Sa peau sombre, ses cheveux ébènes, ses yeux luisants. Son visage empli d'où coulait un liquide rougeâtre, ce visage fermé qui avait trompé des dizaines de gens. Avec violence, elle frappa sa propre image, poussant un cri de hargne. Puis elle plongea dans l'eau immaculée de son sang, pour masquer les quelques larmes qui roulaient sur ses joues.

Non, elle ne devait pas flancher. Pas maintenant.

Ne penser à rien. Ne rien ressentir. Ne rien aimer.

Faire ce qui devait être fait.

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