La mort est une fin heureuse

Chapitre 31 : La mort est une fin heureuse

8428 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/05/2024 10:57

Hugo, Avril 2024.

 

        Quand Hugo frappa timidement à la porte, il sentit une forte appréhension monter. Il prit une profonde respiration.

— Entrez, fit la voix de Septima. Ah, bonjour Hugo, ajouta-t-elle d’une voix légèrement moins morne en le voyant entrer. Comment vas-tu ?

— Très bien, répondit-il en refermant la porte derrière lui. Et toi ?

— J’avais espéré te croiser lundi soir, mais tu n’es pas arrivé par ma cheminée.

        Suite à la révélation du Secret, ils avaient eu pour consigne de revenir de vacances par cheminée plutôt que de prendre le Poudlard Express à la gare de King’s Cross. A chaque fois que quelqu’un de leur liste s’exclamait « Poudlard ! » depuis un foyer, il était réparti aléatoirement dans l’une des seize cheminées qui avaient été connectées d’urgence au réseau par son oncle Percy, qui était directeur du département des transports magiques. — J’ai atterri dans le bureau de Binns, lui indiqua Hugo.

— Pas de chance.

— Dis, il y a quelque chose que je voulais te dire depuis longtemps, entama directement Hugo.

— Ah oui ? dit-elle d’un ton absent.

— Je… Je ne sais pas vraiment comment annoncer ça, mais… J’ai longtemps réfléchi à ce que tu m’as dit en janvier, et… Je crois que j’ai peut-être trouvé un moyen de te libérer.

        Septima le regarda droit dans les yeux. Elle sembla rester sur ses gardes, ne voulant pas se donner de faux espoir.

— Me libérer de quoi ?

— De… de la vie.

        Septima fronça les sourcils. Hugo réalisa alors qu’il venait de proposer à une enseignante de la tuer. Il espéra ne pas faire perdre trop de points à Serdaigle.

— C’est impossible. On ne peut pas tuer un fantôme.

— On ne peut pas tuer un fantôme, parce qu’un fantôme n’est pas vivant. Mais peut-être peut-on faire disparaître l’emprunte qu’il laisse ?

— Comment faire disparaître quelqu’un avec qui on ne peut interagir ?

— En trouvant un artefact magique qui peut interagir avec les fantômes.

— J’imagine que tu as un exemple en tête ? répliqua Septima d’un air dubitatif. Parce que moi, non.

— Le Voile du département des mystères.

        Septima garda les sourcils froncés. Elle ne sembla pas emballée par l’idée, mais n’était pas pour autant pessimiste.

— Qu’est-ce que tu racontes ? demanda-t-elle.

— Ecoute, je ne suis pas certain que cela fonctionne. Mais voilà ce que je sais. Je sais que tout ce qui a traversé le Voile durant ces derniers siècles n’est plus de ce monde. Je sais de source sûre, et top secrète par ailleurs, que l’effet a été le même sur les détraqueurs il y a plus de vingt ans, et que cela fonctionne donc sur les non-êtres. Je ne vois donc pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas avec toi.

        Au début, Septima ne dit rien. Doucement, tout doucement, son visage s’adoucit au fur et à mesure qu’elle semblait considérer la solution.

— Je… Je ne sais pas quoi dire, finit-elle par balbutier.

— Cela vaut le coup d’essayer, tu ne crois pas ? demanda Hugo.

— Oui… Oui, ça vaut le coup. Mais… Tu crois que ça serait possible ?

— Demande au professeur McGonagall. Je suis sûr qu’elle arrivera à organiser ça, si tu le souhaites.

— C’est possible. Oui, je vais lui demander. Quelle conversation ça va être, ajouta-t-elle en riant. Bonjour Minerva, je souhaiterais décéder, si cela ne t’ennuie pas.

        Ce fut la première fois depuis de longs mois qu’Hugo vit se dessiner sur le visage de Septima un sourire sincère, réellement joyeux. A ce moment-là, il sut qu’il avait pris la bonne décision.

— Merci, Hugo, dit Septima. Je ne sais pas si ça va marcher, mais merci de m’avoir aidée. Merci d’avoir cherché. Je ne sais pas comment te remercier.

— Je t’en prie, rougit Hugo. Mais simplement, demande au professeur McGonagall de m’autoriser à t’accompagner, le jour où… tu sais… tu iras au département des mystères.

— Je te promets que je ferai en sorte que tu viennes.

— Tu vas lui demander quand ?

— Je ne sais pas. Je crois que je vais attendre la fin de l’année. Tu sais, je ne voudrais pas que tu loupes tes BUSEs à cause de moi.

— Ah oui, vraiment, je me faisais beaucoup de soucis de ce côté-là, ironisa Hugo avec un sourire.

— C’est bien de se sentir utile en tant que professeur, plaisanta Septima.

— Attends, la plupart a besoin de toi, je ne suis pas ton seul élève, fit remarquer Hugo.

        Septima éclata de rire.

— Non, fit-elle finalement en souriant, mais tu es celui qui m’a sauvée.

        Hugo ne sut quoi répondre.

 

*       *       *

 

— Voilà comment on sauve vos BUSEs d’arithmancie, s’exclama Hugo avec fierté. Ne me remerciez pas.

— Ah oui, quelle meilleure façon de redonner le goût de vivre à sa prof que de lui promettre une mort certaine à la fin de l’année ? commenta Basile.

— N’empêche qu’il a raison, on a des vrais cours maintenant, répliqua Evie. C’est la première fois que j’ai appris quelque chose d’intéressant en arithmancie depuis des mois !

— C’est quand même fou, répondit Hugo, on pourrait presque se dire que tout va bien, ici.

        C’était une sensation étrange. Le monde magique avait basculé ; les gens à travers le monde entier étaient paniqués, moldus comme sorciers ; personne ne savait encore comment les choses allaient se dérouler, si un semblant de diplomatie allait pouvoir être établie, ou si au contraire une guerre allait éclater ; Neville Londubat avait été assassiné par une moldue et personne n'en parlait ; et Alice n’était pas revenue à Poudlard. Pourtant, tout se portait pour le mieux à l’école. C’était comme si le château les protégeait des malheurs du monde. Hugo se sentait presque coupable d’être heureux alors que tout foutait le camp.

        Hugo était heureux, car il avait trouvé un moyen de redonner la joie à son amie Septima, ce qui était inespéré. Il ne s’étonna pas de ne pas ressentir beaucoup de tristesse par sa mort prochaine. En fait, il estima que sa rencontre avec Eichengeweih lui avait donné une nouvelle vision de la mort, une vision plus positive. Certes, il n’allait plus voir Septima, mais l’autre alternative était pire, et reviendrait à souhaiter son malheur éternel. Quel ami voudrait cela ?

        Hugo était heureux, car il était amoureux, et Dinah le lui rendait bien, et c’était l’une des meilleures sensations au monde. Au fur et à mesure que le printemps laissa place à l’été, leurs balades dans le parc autour du lac furent plus agréables et plus fréquentes. Un dimanche après-midi du début du mois de juin, deux semaines avant que les BUSEs ne commencent, ils firent une promenade particulièrement longue, durant laquelle Hugo s’amusa à lire les pensées des gens qu’ils croisaient.

— Il trouve que je suis très mal habillé, indiqua Hugo après avoir croisé un élève de septième année de chez Poufsouffle.

— Il n’a pas totalement tort, remarqua Dinah.

— C’est l’uniforme de l’école ! protesta Hugo. Tu as le même !

— Oui, et c’est prodigieux à quel point tu arrives à porter cet uniforme moins bien que tout le monde. Personne n’est parfait, tu sais.

— Qui est l’idiot, le mal fringué, ou celle qui sort avec le mal fringué ?

— C’est toi, l’idiot.

        Ils éclatèrent de rire. Un élève de Gryffondor de sixième année, donc de la promo de Dinah, les fixa bizarrement en passant, et Hugo en profita pour croiser son regard.

 

        Je n’arrive toujours pas à croire que Mokrane se soit mise avec ce rouquin à l’allure bizarre. J’espère qu’ils rompront bientôt, et qu’elle réalisera que je serais un bien meilleur copain que ce crétin.

 

— Lui, il est jaloux de moi, résuma Hugo quand l’élève fut assez éloigné.

— Ça m’étonne pas. C’est Stevenson, il est amoureux de moi depuis que je l’ai envoyé à l’infirmerie après qu’il ait renversé du mucus de veracrasse sur ma robe « pour la blague ».

— Qu’est-ce que tu lui as fait ?

— Vaut mieux pas que tu saches, tu serais traumatisé.

— Dis-moi.

— J’ai lancé un Wingardium sur son caleçon. Ça lui a fait mal quand il a plané sur quelques mètre, soulevé par, euh… tu sais.

        Hugo éclata de rire.

— Je n’oserai plus jamais te contredire, maintenant, plaisanta-t-il.

— C’est bien. C’est une bonne chose que tu ne prennes pas trop la confiance, et que tu gardes une part de peur.

— Je n’aurai jamais pas peur de toi, fit Hugo.

— Merci, petit génie, répondit amoureusement Dinah comme si c’était le plus beau compliment au monde, avant de l’embrasser.

        Ils restèrent ainsi face à face comme deux flamants roses durant une dizaine de secondes, avant de se séparer.

— Je voulais te demander, reprit Dinah, tu as des nouvelles d’Alice ?

— Depuis quand tu t’intéresses à Alice ?

— Réponds à la question.

— Elle va pas trop mal, pour quelqu’un qui vient de perdre son père. Elle ne se sent pas du tout de revenir à Poudlard pour le moment, comme tu t’en doutes, puisque son père était omniprésent, ici. Mais j’ai l’impression qu’ils se soutiennent mutuellement plutôt bien, entre sa mère, son frère et elle.

— Elle va faire comment, pour les BUSEs ?

— Elle continue de travailler un peu chez elle, et elle reviendra pour les épreuves, mais probablement pas avant.

— Ah, d’accord.

        Hugo l’observa quelques instants.

— T’es contente qu’elle soit pas là, hein ?

— Roh, t’abuses ! Oui, ce n’est pas la personne que je préfère au monde, oui, elle me le rend bien, et oui, quand on ne se croise pas je passe de meilleures journées, mais cela ne veut pas dire que je suis contente qu’elle ne soit pas là. Comme moi, elle vient de perdre un parent, et je sais à quel point elle souffre, et je ne souhaiterais pas cela à mon pire ennemi. Tu m’antagonises trop, Hugo !

— Eh, pour ma défense, tu viens littéralement de me dire qu’il fallait que je garde une part de peur.

— T’as toujours réponse à tout, toi, hein ? sourit Dinah avec exaspération.

— J’essaie, répondit Hugo avant de l’embrasser à nouveau. Au fait, réalisa-t-il, tu as des nouvelles de ton orphelinat pour cet été ?

— Je crois qu’on pourra y rester, ça m’a l’air bien parti en tout cas. Même s’il est situé en plein milieu du Londres moldu, ils ont l’air confiant sur les sortilèges de sécurité qui y sont installés. Il y a même un Fidelitas. Et puis en plus, il va y avoir une nouvelle venue, alors ils ont vraiment tout donné pour avoir le droit de rester ouverts.

— Bon, tant mieux. Je ne vois vraiment pas comment ils auraient pu faire autrement, mais c’est tant mieux.

— Oh, je crois qu’ils ont parlé à un moment donné de squatter provisoirement un vieux manoir. L’un des manoirs désaffectés qui appartenaient aux vieilles familles de sang-pur, et dont les seuls héritiers sont à Azkaban. Les piaules des mangemorts, quoi.

— Charmant, commenta Hugo.

— Oui, je suis bien contente que l’on puisse finalement rester à Londres.

— Quelle galère tout de même…

 

*       *       *

 

        Comme prévu, Alice fut bien de retour à Poudlard pour les examens, et tout le monde l’accueillit avec joie et bonne humeur. Elle avait les yeux légèrement cernés, et le sourire bien moins facile qu’avant, mais fut très contente de tous les voir. Malheureusement, c’était aussi la veille d’importants examens, et leur joie était ponctuée d’une certaine dose de stress, si bien qu’Hugo fut même surpris à ouvrir un livre d’Histoire de la magie.

— Ne me dis pas que t’es en train de réviser, Hugo ? s’écria Evie.

— Sérieusement, c’est la première fois que je te vois apprendre quelque chose avant un examen, renchérit Basile.

— Calmez-vous, j’ai juste besoin de revérifier la date du début de la première révolte gobe…

— Tu ne te souviens pas de la date du début de la première révolte gobeline ?! coupa Lorcan. Mais Hugo, c’est du programme de deuxième année !

— Oui, bah, justement, ça fait longtemps, j’ai un petit trou de mém…

— C’est mon retour, qui te fait paniquer, c’est ça ? ricana Alice. Tu t’es enfin rendu compte que tu t’es trop reposé sur tes acquis, et que tu ne fais plus le poids ?

— Qu’est-ce que tu racontes ? répliqua Hugo. C’est juste une toute petite date qui m’est sortie de la…

— Non ! s’exclama théâtralement Evie. Ça n’est pas juste une toute petite date, c’est tout un symbole ! C’est une information qui a un jour été prononcée par un professeur, que tu as oubliée, et que nous autres commun des mortels avons gardée en mémoire. C’est le début de la fin !

— Comment Poudlard va-t-il se remettre de ce choc terrible ? plaisanta Basile. Il faut absolument prévenir le professeur Flitwick !

— Me prévenir de quoi ? fit la petite voix fluette de leur professeur de sortilèges derrière eux.

        Basile sursauta, et tous les autres éclatèrent de rire.

— Me prévenir de quoi ? répéta Flitwick avec un petit sourire.

— C’est rien du tout, professeur, tenta Hugo.

— Professeur, vous n’allez pas le croire, entama Evie, mais Hugo est en train de réviser son cours d’Histoire de la magie.

— Monsieur Weasley, je ne vois pas d’autre choix que de vous demander de me suivre dans le bureau de la directrice, répliqua Flitwick en jouant le jeu.

        Tous éclatèrent à nouveau de rire.

— Plus sérieusement, monsieur Weasley, le professeur McGonagall souhaite réellement vous voir dans son bureau.

        Le sourire d’Hugo s’effaça lentement.

— De quoi s’agit-il ? demanda-t-il en connaissant la réponse.

— Vous verrez bien, fit mystérieusement Flitwick.

        Hugo fit un signe de tête à ses amis, puis suivit Flitwick. Même s’il savait à peu près ce qui l’attendait, il ne pouvait pas s’empêcher d’appréhender. La dernière fois qu’il était allé dans le bureau de McGonagall, c’était pour se faire très sévèrement punir d’être sorti de l’enceinte de Poudlard pendant la nuit.

— Avez-vous davantage réfléchi à votre orientation, suite à notre entretien ? lui demanda Flitwick.

        Quelques mois plus tôt, tous les élèves de cinquième année avaient eu un entretien d’orientation avec les directeurs de leur maison. Et, comme beaucoup d’autres comme lui, Hugo n’avait aucune idée de ce qu’il voulait faire plus tard.

— Pas vraiment, répondit-il avec honnêteté.

— D’accord. Et bien, de toute façon, comme je vous l’ai dit, avec votre dossier, vous pourrez faire à peu près ce que vous voulez.

        Et ils passèrent le reste de leur trajet en silence.

        Comme il l’imaginait, quand Flitwick le fit entrer dans la spacieuse pièce qui servait de bureau à la directrice, Septima était présente. Elle lui adressa un signe de tête chaleureux en guise de bonjour. McGonagall, elle, était assise derrière son grand bureau, et le fixait déjà de son regard strict caractéristique.

— Bonsoir, monsieur Weasley. Asseyez-vous, je vous prie, entama McGonagall en désignant de la main un siège face à elle.

        Hugo s’exécuta. Flitwick resta debout à côté de lui, mais avait tout de même une bonne tête de moins que lui.

— Monsieur Weasley, savez-vous pourquoi vous êtes ici ? demanda McGonagall.

        Hugo hésita. Il croisa le regard de Septima, qui l’encouragea. Alors il répondit.

— Oui, professeur. Je souhaite accompagner le professeur Vector au département des mystères.

— Pourquoi voudriez-vous faire une chose pareille ? répliqua-t-elle en fronçant les sourcils.

— Parce qu’elle est mon amie, répondit simplement Hugo, et que je veux être là pour lui dire au revoir.

— C’est une chose terrible, que d’assister au décès de quelqu’un que l’on aime.

— Pas si c’est l’issue qu’elle a choisie. Dans ce cas, c’est loin d’être aussi terrible que de la savoir vivre éternellement dans le malheur.

— Ne pourriez-vous pas simplement lui dire au revoir au château avant qu’elle ne s’en aille ?

— Cela veut dire que le département des mystères a accepté de la laisser y entrer ? en déduit Hugo.

— Répondez à la question.

— Je pourrais, mais ce ne serait pas pareil. Je ne serais jamais aussi sûr que tout s’est bien passé que si je l’accompagne.

— Croyez-moi, monsieur Weasley, le département des mystères apporte bien plus d’incertitudes qu’il n’en lève.

— Si vous me le permettez, je me ferai mon propre avis à ce sujet.

        McGonagall lança un regard exaspéré à Septima, qui eut un petit rire.

— Il mérite de m’accompagner, Minerva, lui dit-elle. Sans lui, tu aurais un fantôme dépressif de plus à gérer au château. C’est lui qui a eu l’idée du Voile.

— Et comment a-t-il eu cette idée ? demanda McGonagall en tournant à nouveau la tête vers lui.

— Professeur, vous savez qui fait partie de ma famille. Je ne crois pas qu’ils soient connus pour leur capacité à garder des secrets, mentit Hugo.

— Soit, répliqua McGonagall. Cela ne justifie en aucun cas que j’autorise un enfant de quinze ans se balader au département des mystères pour assister à la mort de quelqu’un.

— Seize ans, professeur. Et d’après ce que vous m’avez dit, je sais déjà que vous avez accepté le départ de Septima. Puisqu’il est de toute façon convenu qu’elle y aille, ne pas me laisser l’accompagner signifierait non seulement me laisser encore plus dans le flou que si je viens, mais en plus ne pas respecter son unique dernier souhait.

        Septima eut un nouveau petit rire.

— Allez, Minerva. Ça sera instructif, toi qui pensais mettre en place un stage obligatoire en entreprise pour les élèves.

— J’avais davantage en tête un séjour dans un magasin de baguettes magiques qu’une une exécution dans la chambre de la Mort du département des mystères ! gronda McGonagall.

— C’est le meilleur élève de l’école depuis des lustres, Minerva. S’il veut aller au département des mystères, il ira un jour ou l’autre.

McGonagall prit une grande inspiration, puis soupira. Hugo sourit. C’était gagné.

— Bon. Madame Deauclair, directrice du département des mystères, s’est tout de suite montrée intéressée par cette « expérience », comme elle l’a appelée. Elle a accepté de nous laisser venir, Septima, vous, ainsi que moi-même, à condition que nous soyons accompagnés d’un représentant officiel du ministère, munis de leur autorisation. Evidemment, le ministre Ackerley est bien trop occupé ces temps-ci, mais il a rapidement rédigé une autorisation, et nous serons donc escortés par deux éléments du bureau des Aurors, dont votre oncle Harry. Nous nous y rendrons la semaine prochaine, le soir de votre dernier jour d’épreuves. Cela vous convient-il ?

        Hugo adressa un sourire chaleureux à Septima avant de répondre.

— Oui, c’est parfait. Merci, professeur.

— Evidemment, vous vous plierez à toutes les consignes du personnel du département des mystères sans rien y redire.

— Evidemment.

— Et vous rentrerez chez vous pour les vacances directement après, votre oncle vous raccompagnera.

— Mais… et le banquet ?

— Vous n’y participerez pas. Loin de moi l’idée de vous priver du moment où la défaite de Serdaigle sera officialisée à cause de vos exploits dans la Cabane hurlante, mais je souhaiterais éviter au maximum que les évènements qui auront lieu au département des mystères ne s’ébruitent. Je ne me fais aucune illusion sur vos amis, mais je ne voudrais pas que d’autres ne vous posent la question. Alors vous resterez chez vous.

        Hugo soupira. Il ne passera pas le voyage de retour dans le Poudlard Express avec ses amis. Tant pis.

— C’est entendu, professeur.

— Très bien. Alors allez vite vous coucher, vous commencez tôt votre première épreuve, demain.

— Oui, professeur.

        Hugo partagea un regard complice avec Septima, et Flitwick le raccompagna dans sa salle commune.

 

*       *       *

 

        Les BUSEs furent un jeu d’enfant. Il s’avéra que l’unique point de cours qu’Hugo avait révisé, sur l’Histoire de la Magie, ne lui servit pas. Il ne le dit pas à ses amis, mais il trouva chaque épreuve, théorique comme pratique, d’une simplicité presque insultante. Il se contenta du minimum requis pour obtenir un « Optimal » dans chacune des matières, n’ayant de toute façon aucun doute sur le résultat.

        Il préféra concentrer son énergie sur d’autres choses : rassurer Alice qui était très stressée – pour rien, car elle aurait probablement autant de « O » qu’Hugo – passer ses derniers instants avant l’été avec ses amis et surtout Dinah, qui elle, ne passait pas d’examens (elle avait obtenu six BUSEs l’année passée) – et surtout, préparer mentalement son aventure au département des mystères avec Septima.

        Cette dernière ne semblait pas le moins du monde angoissée ou même embêtée par le fait qu’elle allait décéder prochainement. Au contraire, elle était plus heureuse que jamais. Les épreuves d’arithmancie avaient été placées dans les premiers jours, que ce soit pour les BUSEs ou les ASPICs, afin qu’elle puisse tout corriger le plus vite possible avant de s’en aller pour de bon. C’était comme si elle s’apprêtait à partir à la retraite.

        La veille du dernier jour d’épreuve, et donc de leur départ, Hugo se dit qu’il était temps de dire au revoir à Dinah. Ils se retrouvèrent sous le vieux hêtre face au lac, dans le parc.

— Qu’est-ce que tu racontes ? grogna-t-elle. Il reste encore deux jours !

— Pas pour moi, je m’en vais demain soir.

— Bah pourquoi ?

— Je… euh, je ne pense pas que j’aie le droit de…

— Et pourquoi pas ? répliqua Dinah, visiblement vexée. Tu penses que je vais aller tout répéter à mes amis ? Je te rappelle que j’ai pas d’amis !

— Si, d’accord, je vais te dire. J’accompagne Septi-, euh… le professeur Vector au département des mystères pour qu’elle puisse… euh… S’en aller pour de bon.

        Dinah le regarda d’un air ahuri.

— Alors j’ai deux questions. Enfin, trois. Enfin, je sais pas.

— Vas-y.

— S’en aller pour de bon, ça veut dire mourir ?

— Oui.

— Je savais bien qu’elle était dépressive. Pourquoi le département des mystères ?

— Il y a là-bas le Voile de la chambre de la mort. Ce n’est pas un secret. Et j’ai pensé que c’était probablement l’un des seuls moyens de tuer un fantôme, si ce n’est le seul.

— Bien vu. Et pourquoi tu l’accompagnes ? Pourquoi toi ?

— Parce que Septima est mon amie, parce que c’est moi qui ai eu l’idée, et parce que McGonagall a accepté de me laisser l’accompagner.

— Toujours dans les meilleurs plans, toi, hein ? ricana Dinah d’un air attendri.

— C’est pour ça que je me suis retrouvé avec toi, répliqua Hugo.

        En guise de réponse, Dinah l’embrassa.

— Je ne pense pas qu’on se croise, demain, fit Hugo.

— Non, j’avais pas prévu de t’attendre à la sortie de chacune de tes épreuves.

— Alors, euh… Au revoir ? fit timidement Hugo.

        Dinah rit en soufflant du nez.

— Ouais, au revoir, petit génie, répondit-elle avant de l’étreindre étroitement. Et merci, ajouta-t-elle dans le creux de son oreille.

 

*       *       *

 

— Enfin ! C’est terminé ! hurla Lorcan. Nous sommes en vacances !

— Libérée, délivrée, chanta Evie, je ne bosserai plus jamais, libérée, délivrée, c’est décidé, je m’en vais !

— C’était pas facile ! soupira Alice. Je vais faire une sieste de deux semaines en rentrant chez moi.

        Ils sortaient de leur toute dernière journée d’épreuves. Théorie de métamorphose le matin, et pratique l’après-midi. Epuisés, ils s’étaient allongés en cercle, dans l’herbe, au milieu du parc.

— Mais ce soir, on fait la fête ! s’écria Lily.

— Où ça ? demanda Lysander. On ne va quand même pas retourner dans la Cabane hurlante, pas après ce qui s’est passé…

— On trouvera bien un endroit, on improvisera, mais on a bien besoin de se lâcher, fit Alice. Au pire, on fera ça dans la salle commune avec tous les autres…

— Nooon ! se lamenta Lily. J’ai envie qu’on soit tous ensemble, juste nous sept.

— Vous six, corrigea Hugo. Je vous rappelle que je pars dans moins de dix minutes.

— Rah, c’est vrai, j’avais oublié ! râla Evie.

— Par contre, vous pouvez aller faire la fête dans la Salle-sur-Demande, indiqua Hugo.

— La quoi ? demandèrent en chœur Alice, Evie, Lily et Lysander.

— La Salle-sur-Demande, c’est une salle cachée qui ne s’ouvre que pour un seul objectif à la fois, et reste fermée pour les autres personnes tant qu’il y a encore quelqu’un dedans. Elle est au septième étage, en face de la tapisserie des trolls qui apprennent à danser.

— Mais… Pourquoi tu nous l’as jamais dit ? s’indigna Alice. On aurait pu éviter d’aller dans la Cabane hurlante, et…

— Je savais pas encore qu’elle existait, à ce moment-là, se défendit Hugo. C’est Dinah qui me l’a montrée plus tard, pour… euh…

— On ne veut pas savoir ! s’affola Evie tandis que tout le monde éclata de rire.

— Pff, Mokrane s’est bien gardée de nous en parler quand on l’a invitée dans la Cabane hurlante, commenta Alice.

— Ooh, Alice, bougonna Hugo, elle y a juste pas pensé ! Enfin bref, il va falloir que j’y aille, mais trouvez Dinah et demandez-lui comment ça marche pour y entrer. Et… amusez-vous bien !

        Il y eut un léger moment de silence.

— Tu nous racontera tout, hein ? On veut une lettre dès demain ! s’écria Evie.

— Et tous les détails, renchérit Lily. Mon père ne voudra rien me dire.

— Promis, fit Hugo. Allez, salut !

        Et Hugo tourna les talons et commença à se diriger vers le bureau de McGonagall. Mais il fut vite arrêté dans son élan par une masse de gens qui lui sautèrent dessus pour l’étreindre.

— Pas si vite, ricana Alice.

— T’as cru que t’allais y échapper ? hurla Lysander.

— Aïe ! rigola Hugo. Laissez-moi, je vais être en retard !

        Hugo parvint péniblement à s’extirper du câlin collectif au bout d’une bonne minute, et fuit en courant. Mais Basile le suivit.

— Hugo, attend ! Je t’accompagne jusqu’au bureau.

        En comprenant qu’aucune hostilité n’était dans les plans de son meilleur ami, il ralentit le pas.

— Alors, tu te sens comment ? demanda Basile.

        Il regarda Hugo droit dans les yeux, d’un air intense.

— Je suis… un peu stressé, j’imagine. Beaucoup plus que pour les examens, en tout cas.

— Tu m’étonnes. Hugo, tu vas aller voir le département des mystères ! Tu réalises le truc, un peu ?

— Non, je crois que je réalise pas encore, plaisanta Hugo.

— Il y a tellement de gens qui aimeraient être à ta place. Moi, par exemple.

— Quoi, tu voudrais venir à ma place ?

— Non, pas vraiment. En réalité, j’aimerais bien venir avec toi. Surtout qu’initialement, c’était mon idée !

        Basile regarda par-dessus son épaule, pour vérifier que personne ne les écoutait parler.

— Ah, mais, c’est vrai ! se souvint Hugo. Attend, tu veux que j’essaie de négocier auprès de McGonagall pour…

— Non, c’est bon, t’inquiète, je rigolais. En tout cas, comme ont dit les autres, tu nous tiens au courant ?

        Ils étaient arrivés devant le griffon en bronze qui servait d’ouverture au bureau de McGonagall.

— Oui, bien sûr.

— Tu vas nous manquer, pendant les vacances, sourit Basile.

        Hugo sourit en retour, et tous les deux s’étreignirent longuement.

— Fais attention à toi, lui dit Basile avant de tourner les talons et de disparaître à l’autre bout du couloir.

        Hugo ne parvint à retirer le sourire de son visage qu’en se retrouvant devant la porte du bureau. Petit-à-petit, son cœur se mit à battre de plus en plus vite, de plus en plus fort. Ça y est, se dit-il. Il avala maladroitement sa salive, inspira un grand coup, et frappa à la porte.

— Entrez, monsieur Weasley, fit la voix sévère de McGonagall. Vous êtes en retard, ajouta-t-elle tandis qu’Hugo refermait la porte derrière lui.

— Désolé, professeur, je disais au revoir à mes amis.

        Il n’y avait que Septima et McGonagall, dans le bureau. Il semblait que Septima ait fait ses adieux à ses collègues plus tôt dans l’après-midi. Cette dernière lui sourit.

— « Optimal », Hugo ! J’ai corrigé ton travail ce matin, tu as eu « Optimal ». Sans surprise, évidemment.

— Ah, merci, Septima, répondit timidement Hugo.

— Bien. Nous allons prendre la cheminée en direction de l’atrium du ministère. Allons-y.

— Euh… Les fantômes peuvent prendre des cheminées ? demanda Hugo.

— Bien sûr, répondit Septima. Sinon, je serais partie hier en flottant pour arriver en même temps que vous à Londres.

— Je me charge de la poudre, indiqua McGonagall.

        Tous les trois se glissèrent dans le large foyer de cheminée. Hugo prit grand soin de ne pas travers le corps glacial de Septima.

— Ministère de la Magie ! s’écria McGonagall en jetant au sol une poignée de poudre de Cheminette.

        Hugo ressentit alors le tournoiement caractéristique des cheminées. Il s’efforça de ne pas respirer de suie, et de n’ouvrir les yeux qu’une fois arrivé à destination.

        L’atrium était immense, et une foule d’employés fourmillaient de part et d’autre. Son oncle Harry les attendait, en compagnie d’un de ses Aurors, Owen Harper, que Hugo avait croisé à diverses occasions.

— Minerva, professeur Vector, Hugo, les salua Harry d’un visage morne. Nous serons accompagnés d’Owen Harper.

        Ce dernier leur fit un léger signe de tête en guise de bonjour. Tous les deux avaient l’air extrêmement fatigués. Hugo se dit qu’ils devaient avoir beaucoup de travail supplémentaire, en ces temps troubles de rupture du Secret.

— Allons-y ? suggéra Harry.

        Tous les cinq se frayèrent un chemin à travers la foule, en direction des ascenseurs. Quelques passants dévisagèrent Septima. Il ne devait pas être habituel de croiser un fantôme, au ministère. D’autres saluèrent chaleureusement McGonagall. Enfin, certains se ratatinaient devant la présence du Survivant.

— Je vous remercie de nous accompagner, fit Septima à l’adresse de Harry et d’Owen Harper. Je sais que vous avez d’autres chats à fouetter, particulièrement en ce moment.

— Oui, nous traversons une période difficile, mais tous les départements sont touchés, pas simplement le nôtre. En temps normal, je vous avoue que j’aurais envoyé l’un de mes Aurors à ma place, mais là, puisqu’il s’agit d’Hugo… et du département des mystères…

        Il ne termina pas sa phrase, et personne n’insista. Tout le monde connaissait l’histoire de la bataille du département des mystères, et ce qu’elle avait coûté à Harry.

        Les ascenseurs étaient bondés, eux aussi. Harry soupira.

— Owen, s’il-te-plaît, tu veux bien… ?

— Je m’en occupe, répondit-il.

        Il s’approcha d’un des ascenseurs.

— S’il-vous-plaît, bureau des Aurors, s’exclama-t-il, nous réquisitionnons cet ascenseur, veuillez le laisser disponible.

        Les gens se mirent à râler, mais filèrent rapidement en repérant Harry attendre derrière eux. Une fois la voie libre, ils entrèrent dans l’ascenseur, et Harry indiqua leur destination.

— Je suis tout de même étonnée que le ministre Ackerley ait autorisé une telle expédition, commenta McGonagall. Quand je lui ai envoyé un hibou, je n’y croyais pas du tout.

— Oui, j’ai aussi été surpris, répondit Harry. Mais, plus que nous tous, Adrian est débordé. Je pense qu’il a simplement suivi les recommandations de Mrs Deauclair, sans prendre le temps d’y réfléchir davantage.

        La voix de l’ascenseur indiqua alors « Niveau neuf, Département des mystères ». La grille s’ouvrit, et une sorcière d’une cinquantaine d’années les attendait devant. Le couloir derrière elle était désert.

— Bienvenue à vous ! sourit la sorcière. Professeur McGonagall, comment allez-vous ?

— Très bien, Mrs Deauclair, très bien. Je suis ravie de vous revoir en tant que directrice de département.

— Oui, cela doit faire bizarre, plaisanta Mrs Deauclair. Voulez-vous bien me suivre ? Je vous donnerai davantage d’explications une fois que nous serons plus tranquilles.

        Elle tourna les talons, et les guida à travers le long couloir sombre. Tous devaient être tendus, car personne ne prit la parole. Hugo entendait son cœur battre à tout rompre. Il s’apprêtait à entrer dans le département des mystères.

        La porte au bout de couloir était étroite, noire et lisse. Elle faisait peur. Mais elle s’ouvrit immédiatement quand Mrs Deauclair lui donna un petit coup de baguette. Hugo déglutit.

        Ils se retrouvèrent alors dans une grande pièce circulaire, entourée de onze portes parfaitement identiques. Derrière eux, Hugo entendit la douzième porte, celle par laquelle ils étaient entrés, se refermer. Puis, la pièce commença à tourner sur elle-même. Tout était confus, les portes se mélangeaient entre elles. Hugo avait l’impression d’être de retour dans le réseau de cheminées. Au bout de quelques secondes, la pièce s’arrêta enfin de pivoter, et s’immobilisa. Impossible de savoir par quelle porte ils étaient entrés. Harry semblait très mal à l’aise.

— Bien. Je me présente donc à tous et à toutes, je suis Pénélope Deauclair, directrice du département des mystères depuis cinq ans. Bien évidemment, vous le savez probablement déjà, ce qui se passe ici est top secret. Cela veut non seulement dire que je ne vais absolument pas vous expliquer ce que nous faisons ici, mais aussi que vous ne croiserez aucun autre employé aujourd’hui, et surtout qui vous serez soumis au sortilège du Fidelitas.

— C’est-à-dire ? demanda Harry.

— Nous allons entrer directement dans la chambre de la Mort. Elle a été protégée juste pour l’occasion par un sortilège de Fidelitas dont je suis la gardienne du secret. Ainsi, à moins que je n’en décide autrement, il vous sera impossible de divulguer quoi que ce soit de ce qui va se passer dans cette pièce. Vous serez physiquement incapables d’en parler, à l’oral, à l’écrit, ou de quelque autre forme de communication que ce soit. Même pas entre vous. Vous êtes évidemment libres de ne pas consentir à cette condition, auquel cas je vous laisserai repartir et attendre les autres dehors.

        Hugo baissa la tête, déçu. Il n’allait rien pouvoir raconter à ses amis. Dommage. Personne ne prit la parole pour protester.

— C’est parfait, sourit Mrs Deauclair. Si vous voulez donc bien me suivre.

        Elle se dirigea alors tout naturellement vers l’une des douze portes, comme si c’était parfaitement évident pour elle que cette porte-ci les amènerait à bon port. Elle ouvrit la porte, et les laissa entrer.

        La chambre de la mort était immense. Au pied de la porte s’étendaient des gradins de pierre sombre qui descendaient à une dizaine de mètres plus bas, et qui faisaient le tour complet de la salle. Tout en bas, au centre de la pièce, au somment d’un socle de pierre d’environ deux mètres de haut, se dressait le Voile.

        Il avait l’apparence d’une très vieille arcade biscornue, haute de quatre ou cinq mètres, de laquelle était suspendue un long rideau noir en lambeaux. Aussitôt qu’il le vit, Hugo ressentit des frissons dans tout son corps. Il en eut la chair de poule. Cette vieille arche, et son rideau flottant quasiment immobile, le terrifiait et le fascinait à la fois. Il lui sembla entendre des voix lointaines et indiscernables provenant du Voile. Il choisit de se fier à l’interprétation de Luna, et de considérer que c’étaient des voix joyeuses du quotidien.

        McGonagall avait le visage fermé, Owen Harper tremblait de tout son corps, et Harry était plus pâle que jamais. Mrs Deauclair souriait de plus belle, ce qui, dans les circonstances, la rendait plus effrayante que rassurante. Seule Septima semblait paisible. C’était pourtant celle qui allait traverser le Voile.

        Tandis qu’ils descendirent lentement et silencieusement les gradins, Hugo ne quitta pas le Voile des yeux. Il voulait le garder dans son champ de vision, comme s’il avait peur qu’il se passe quelque chose s’il regardait ailleurs rien que l’espace d’un instant. Arrivés tout en bas, ils grimpèrent péniblement sur le socle, et se retrouvèrent enfin juste devant le Voile.

        Hugo put observer plus minutieusement les mouvements du rideau en lambeaux. Il allait et venait, porté par une brise qui venait de nulle part. C’était beau. C’était hypnotisant. Et, curieusement, c’était rassurant.

        Harry, lui, n’était pas rassuré du tout, et regardait le sol.

— Bien ! entreprit Mrs Deauclair. Nous y sommes. Nous allons pouvoir procéder. Enfin, ajouta-t-elle à l’adresse de Septima, je veux-dire… Enfin, prenez votre temps. Je vous laisse.

        Elle s’éloigna pour leur laisser un peu d’intimité, mais le socle n’étant pas très grand, elle resta tout de même à quelques mètres. Et puis, elle voulait probablement observer ce qui allait se passer.

— Bon courage, professeur Vector, dit Harry avant de rejoindre Mrs Deauclair, suivi par Owen Harper.

        Septima rayonnait. Et ce n’était pas peu dire, étant donné qu’elle était en noir et blanc. Elle sourit à McGonagall.

— Septima, dit cette dernière, est-ce que tu es sûre que… On peut toujours…

— Certaine. Minerva, merci beaucoup d’avoir accepté de m’emmener ici.

— C’était… la moindre des choses.

— Je suis désolée de te laisser comme cela, sans professeur d’arithmancie. Arrange-toi pour que mon successeur soit mon compétent que moi, histoire que mon absence se fasse remarquer.

        McGonagall rit, probablement nerveusement. Septima se tourna vers Hugo.

— Hugo, merci. Merci pour tout. Merci d’avoir été un merveilleux élève, merci d’avoir été un ami, merci d’avoir été là pour moi.

        Les frissons qu’Hugo ressentaient à cause du Voile commencèrent à se changer en chagrin.

— Tu vas me manquer, Septima, parvint-il à dire en sentant ses yeux d’humidifier.

— Oh, ne t’en fais pas pour moi, Hugo, sourit-elle chaleureusement. Rappelle-toi, la mort est une fin heureuse.

        Hugo se souvint que Luna lui avait dit la même chose, à la Fourmilière. « Dans l’ordre naturel des choses, la mort est une fin heureuse ». Quelle sagesse. Il se souvint d’à quel point il s’était senti apaisé durant cette conversation. Il se rappela d’Eichengeweih, et de comment il savait exactement quand viendrait son heure. Et que c’était tout, et que c’était beau. L’heure de Septima était venue, tout simplement.

        Hugo parvint à sourire sincèrement.

— Bonne chance, Septima.

        Hugo sentit la main glaciale de Septima entrer en contact avec son visage, comme si elle lui caressait la joue. Puis, elle interrogea Mrs Deauclair du regard. Cette dernière lui donna son accord d’un signe de tête. Alors Septima adressa un dernier sourire à McGonagall, puis à Hugo, et se dirigea lentement vers le Voile.

        A mesure qu’elle s’en approchait, le cœur de Hugo battit de plus en plus fort. Il commença en trembler. Finalement, Mrs Deauclair ne parvint pas à rester en place, et se rapprocha pour mieux voir. Harry, lui, détourna les yeux. C’était comme si quelque chose de spectaculaire et de terrifiant était sur le point de se produire.

        Mais rien ne se produisit. Sans un regard en arrière, Septima franchit le rideau, et passa sous l’arche. Et elle ne réapparût pas de l’autre côté.

        Comme ça, tout simplement. Elle était partie.

        Et tous restèrent plusieurs minutes à contempler le vide, à attendre que quelque chose se passe. Mais rien d’autre ne se passa. Les voix lointaines du Voile commencèrent à reprendre le dessus sur les battements de cœur de Hugo.

        Une larme glissa le long de sa joue et il sourit. Il avait réussi. Septima était libre.

— Bien ! Je… je crois que c’est tout, reprit Mrs Deauclair qui avait perdu son sourire et semblait un peu déçue. Il ne me reste plus qu’à… qu’à… qu’à vous raccompagner.

        Lentement, petit-à-petit, ils descendirent du socle, et commencèrent à grimper les gradins. Harry ne prononça pas un mot, mais posa sa main sur l’épaule de Hugo. Ce dernier sécha ses yeux d’un revers de manche et lui sourit. Ils s’étreignirent, et Harry caressa lentement ses cheveux pour le consoler. C’était très apaisant.

        Après quelques instants, ils reprient leur ascension des gradins. Arrivés tout en haut, ils s’apprêtèrent à franchir la porte quand Hugo l’entendit.

« Hugo »

        Hugo se retourna en sursautant. La chambre de la Mort était vide, Harry et lui étaient les derniers.

— Hugo, tu viens ? demanda Harry.

        Mais Hugo ne bougea pas. Il scruta du regard chaque recoin de la salle.

« Hugo »

        Hugo sursauta à nouveau. C’était une voix forte, grave, masculine. Une voix qu’il n’avait jamais entendue. Une voix que personne d’autre que lui ne semblait entendre. Et, le plus troublant, une voix qui lui semblait provenir tout droit des profondeurs du Voile. Hugo ne parvint pas à se l’expliquer. Ce n’était pourtant pas une des autres voix inaudibles du Voile.

 

« Hugo, s’il-te-plaît, viens m’aider. Viens me chercher. Je suis emprisonné ici depuis des années, et toi seul peut me délivrer. Aide-moi, je t’en supplie »

 

        Hugo sentit ses entrailles se vider.

— Allez, viens, Hugo, fit gentiment Harry en le tirant par le bras. Je vais te ramener chez tes parents.

— Mais… protesta Hugo sans parvenir à formuler de phrase.

        Mrs Deauclair referma la porte de la chambre de la Mort.

— Mais… la… bredouilla Hugo.

        Mais pourquoi, par Merlin, ne réussissait-il pas à dire ce qu’il voulait ? C’était important ! Et tandis que la salle des douze portes commençait à nouveau à tourner sur elle-même, Hugo comprit pourquoi.

        Le Fidelitas faisait effet. Il lui était impossible de parler de ce qu’il venait d’entendre. Il ne pourra jamais le répéter. Jamais, à personne. Il était destiné à garder pour lui ce qui venait de se passer, sans jamais comprendre pourquoi ni comment.

 

        À moins, bien sûr, qu’il n’y revienne.

        Et, tout à coup, Hugo sut ce qu’il allait répondre à Flitwick lors de son prochain entretien d’orientation.


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