La mort est une fin heureuse

Chapitre 22 : Le Sorcier du Ciel

4944 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/04/2024 16:57

Harry, Décembre 2023.

 

— Comment va Alice ? demanda Ginny d’un ton inquiet.

— Ça va, murmura Neville. Hannah est avec elle à Ste Mangouste. Hagrid et Minerva ont réagi vite, elle n’aura pas de séquelles à long terme. Mais elle devra probablement rester là-bas quelques temps, au moins jusqu’aux vacances.

— Merlin soit loué, soupira Ron. On peut dire qu’ils se sont mis dans de beaux draps. Jamais je n’avais entendu parler d’une convocation des parents à Poudlard.

— Je me demande où ils ont pu aller chercher des idées pareilles, fit Luna.

— On a pourtant tout fait pour qu’ils ne fassent pas comme nous, se plaignit Harry. J’imagine que c’était dans les gènes. Nos descendants étaient prédestinés à s’attirer des ennuis.

— Prédestinés ou pas, je compte bien remonter les bretelles du mien, gronda Hermione.

— Il y a comme un air de déjà vu, ricana Hagrid.

        Tous les six étaient arrivés en même temps devant le grand portail qui menait au parc de Poudlard. Neville revenait de Ste Mangouste. Hagrid leur avait ouvert, et les accompagna en direction du bureau de Minerva où les attendaient leurs enfants. Il était deux heures du matin. A peine une heure plus tôt, Harry était tranquillement dans son lit, à faire ses cauchemars habituels sur les affaires en cours. Mais Minerva les avait appelés d’urgence sur leurs miroirs, leur indiquant que leurs enfants avaient fait le mur, qu’Alice Londubat était à Ste Mangouste, et qu’ils devaient venir au plus vite. De quoi regretter ses bons vieux cauchemars.

        Harry connaissait bien le bureau de Minerva. Ce bureau avait autrefois appartenu à Albus Dumbledore, et il avait eu de nombreuses occasions de s’y retrouver. C’était probablement le plus grand bureau du château. Mais quand Hagrid les invita à y rentrer, il était tellement bondé que Harry le trouva minuscule.

        Les enfants étaient debout, alignés face au bureau. Harry repéra vite sa fille Lily, à côté de son cousin Hugo. Il reconnût également les deux jumeaux de Luna ; Frank, le deuxième enfant de Neville ; Evelyn, la jeune fille dont la mère avait été tuée ; et Basile Trefflingham, qui avait commenté le match de Quidditch auquel il avait assisté quelques mois auparavant. Il y avait aussi une grande fille aux cheveux noirs et crépus qu’il ne connaissait pas, et un jeune garçon au regard vide dont le visage lui disait quelque chose.

        Teddy et Victoire étaient présents, Victoire avait dû jeter un œil à Alice avant de l’envoyer à Ste Mangouste, ainsi que Filius Flitwick, qui était directeur de Serdaigle, et le professeur fantôme Septima Vector, directrice de Poufsouffle. Neville était donc à la fois présent en tant que parent, et en tant que directeur de Gryffondor.

        Enfin, Harry reconnût dans un coin Kaya Morfin, la directrice d’un orphelinat sorcier qu’il connaissait bien ; Ernest Butternut, le responsable légal d’Evelyn Erskine depuis le décès de sa mère ; et, à son plus grand désarroi, Karen Dickett, la sœur du défunt Cranston Dickett dont il n’avait pas réussi à élucider le meurtre mystérieux. Harry aligna deux neurones, et identifia le garçon au regard vide comme étant Pravin Dickett, fils de Cranston et neveu de Karen. Karen Dickett lui lança immédiatement un regard terriblement mauvais, car, évidemment, il n’avait toujours pas retrouvé l’assassin de son frère. Il avait pourtant créé une unité d’Aurors spécialement pour ces meurtres mystérieux, mais ceux-ci s’étaient largement rarifiés, et l’unité spéciale n’avait rien trouvé. Ernest Butternut, au contraire, lui adressa un sourire chaleureux.

Cette réunion étrange le perturbait, comme si plusieurs univers différents s’étaient rejoints. Par ailleurs, les tableaux des anciens directeurs et directrices de l’école étaient tous bien réveillés, et portaient à l’affaire une attention rare. Harry jeta un œil au portrait de Phineas Nigellus Black, qui fronça les sourcils en sa direction ; à celui d’Albus Dumbledore, qui lui lança un clin d’œil complice ; puis à celui de Severus Rogue, qui l’ignora royalement.

Enfin, Harry, comme toutes les autres personnes présentes dans le bureau, porta son attention sur la directrice actuelle, qui n’avait jamais autant ressemblé à un félin sur le point de bondir sur sa proie. Une véritable animagi.

— Mesdames et messieurs, je vous remercie de vous être déplacés. En de très nombreuses années de carrière à Poudlard, jamais je n’ai eu affaire à quelque chose de la sorte. Non seulement vos enfants ont fait preuve d’une irresponsabilité inouïe, mais ils se sont aussi gravement mis en danger.

        Un silence tendu remplit la pièce. Personne n’osa intervenir.

— Messieurs et mesdames Mokrane, Trefflingham, Weasley, Potter, Erskine, Dragonneau et Londubat, ici présents à l’exception de Miss Londubat, ont jugé bon de faire le mur, de quitter l’enceinte du château en pleine nuit, et d’aller s’amuser dans la Cabane hurlante. Ils ont été retrouvés en possession, entre autres, d’une cape d’invisibilité – Minerva croisa le regard de Harry en prononçant ces mots – ainsi que d’une bouteille de whisky-pur-feu. Par ailleurs, pas un seul d’entre eux n’a passé le sort de sobriété qui leur a été lancé.

        Harry soupira et baissa les yeux. La colère et la honte montèrent d’un seul coup, et il sentit ses joues le trahir et rougissant. Comment Lily avait-elle pu faire une chose pareille ?

— D’autre part, messieurs Londubat et Dickett, ici présents également, ont tout bonnement décidé de complètement déraciner le saule cogneur. Ce dernier est tombé sur cette petite compagnie qui essayait de sortir du tunnel sur lequel il était planté.

        Harry en avait la bouche bée. Jamais une idée aussi saugrenue lui serait passée par la tête. Il observa rapidement Neville, qui avait la tête enfouie dans sa main droite.

— Si je vous ai fait venir, poursuivit le professeur McGonagall, c’est pour vous parler des sanctions qui ont été décidées.

— Nous vous faisons entièrement confiance à ce niveau-là, et sommes absolument de votre côté, affirma Hermione avec fermeté.

        Harry vit Hugo baisser les yeux.

— Je vous remercie. Pour commencer, nous allons retirer l’intégralité des points des maisons Serdaigle, Gryffondor et Poufsouffle. La coupe ira probablement à Serpentard, cette année.

        Harry sentit sa gorge se nouer. C’était rude, très sévère, mais juste.

— Evidemment, Miss Londubat, monsieur Weasley et Miss Mokrane se verront leurs privilèges de préfets révoqués. Et enfin, tout le monde ici présent sera exclu temporairement de l’école.

        La plupart de leurs enfants levèrent la tête d’un seul coup, n’y croyant pas leurs oreilles.

— Ils repartiront avec vous dès ce soir, et ne seront autorisés à revenir qu’après les vacances de Noël. J’insiste à nouveau sur la gravité de leurs comportements, et ai confiance en votre jugement quant à cette semaine supplémentaire qu’ils passeront chez eux, qui ne sera pas une semaine de vacances. Avez-vous des questions ?

— Vous avez parfaitement raison dans vos sanction, Minerva, répondit Harry, et nous tenons à vous présenter nos plus plates excuses pour les problèmes occasionnés dans le climat scolaire du château.

— Je vous en remercie. Je m’attends aussi à recevoir de plates excuses de la part de vos enfants dès leur retour des vacances, dans mon bureau. Bien, si c’est tout, je vous laisse rentrer chez vous, vous connaissez le chemin. Monsieur Butternut, madame Dickett, ajouta-t-elle à l’adresse des intéressés, je vais directement vous faire transplaner chez vous. En temps normal, les moldus empruntent les barques pour pouvoir accéder à Poudlard, mais il était question d’urgence.

        Un à un, les personnes présentes sortirent du bureau dans un silence funéraire. Harry aurait bien aimé dire quelques mots au tableau d’Albus Dumbledore, mais jugea que ça n’était pas le moment. Il adressa un signe de tête et un sourire chaleureux à la directrice, puis sortit en compagnie de Ginny et de Lily. Un coup d’œil en direction de sa femme lui indiqua vite qu’elle était dans le même état de colère que lui. Il se demanda s’il aurait besoin de protéger Lily d’un chauve-furies dans la nuit.

        Lily, elle, avançait silencieusement, tête baissée, et tremblait comme une feuille. Harry s’étonna de ne pas être pris d’une seule once de pitié envers elle. A la place, il ouvrit une porte menant à une salle de classe vide, et ordonna à sa fille de rentrer d’un signe de tête. Il laissa Ginny entrer aussi, puis referma la porte derrière-lui après avoir un regard très agacé à Ron, qui n’était pas très loin derrière eux.

        Il s’assit sur le bureau, en face de sa fille, à côté de sa femme. Ginny prit la parole.

— Alors ? fit-elle avec dureté.

        Lily ne répondit pas. Elle se contenta de garder les yeux fixés vers le sol, et de tapoter machinalement la table devant elle avec les doigts.

— Explique-toi, tout de suite ! renchérit Harry d’un ton sec.

— On voulait simplement s’amuser un peu, répondit-elle timidement.

— Et il n’y avait pas d’autre moyen de vous amuser que d’enfreindre soixante-douze règlements et de risquer la vie de votre amie ? répliqua Ginny en haussant la voix.

        Une larme commença à couler le long de sa joue. Harry commença à ressentir un peu de compassion. Mais ce n’était pas le moment. Il devait être dur, alors il renfouit sa compassion, et adopta l’expression de visage la plus sévère qu’il maîtrisait : sourcils froncés, mâchoire crispée, regard assassin. C’était d’ailleurs davantage en interrogatoire de suspects qu’en tant que parent qu’il prenait cette expression.

— Je sais que c’est mal, ce qu’on a fait, bredouilla Lily. Et je n’ai pas d’excuses. Mais ce qui est arrivé à Alice n’était pas de notre faute.

— Vraiment ? contre-attaqua Ginny. Et qu’est-il arrivé au « ne vous approchez pas du saule cogneur, c’est dangereux » ?

        Lily garda le silence. Ginny se retourna vers Harry. Harry lu dans son regard et comprit. Il fallait que les réprimandes viennent des deux parents, c’était à lui de jouer.

— Et le whisky ? reprocha-t-il.

— Mokrane a apporté le whisky.

        Cet argument ne plut pas du tout à Harry.

— Ah, vraiment ? explosa-t-il. Alors j’imagine qu’on doit s’estimer heureux que cette Mokrane n’ait pas apporté un flacon de filtre de Mort-Vivante, puisqu’apparemment vous prenez ce qu’elle donne sans réfléchir ?

        Une deuxième larme coula le long de sa joue, mais cette fois-ci, Harry ne se laissa pas attendrir.

— On va donner trois semaines de congé à Miffy et Trotty, annonça Harry en désignant les deux elfes qu’ils employaient, et tu t’occuperas toute seule du ménage, à la main, sans baguette. C’est compris ?

        Lily acquiesça précipitamment.

— Et je vais immédiatement récupérer la cape d’invisibilité et la carte du Maraudeur. Mon père ne me les a pas légués pour que mes enfants picolent en cachette.

        En disant cela, il se demanda tout de même si ce n’était pas exactement le genre de chose que son père avait faite avec ses amis. Mais peu lui importait, il n’avait aucune envie que Lily fasse pareil.

D’une main tremblante, Lily sortit la cape de sa poche, et la rendit à Harry. Puis, elle attendit.

— Et la carte, rappela Harry.

        Tout d’un coup, Lily éclata en sanglots. Harry jeta un regard interrogateur à Ginny. Celle-ci semblait compatissante. Pourquoi compatissante ? Un doute le saisit.

— Où est la carte, Lily ? insista-t-il.

        En voyant sa fille pleurer de plus belle, il comprit, et un poignard invisible lui traversa le foie. La carte du Maraudeur. Sa fameuse carte qui l’avait tant aidée, qu’il aimait tant. Une des seules reliques de son père, qu’il lui rappelait à la fois James Potter, son parrain Sirius Black, et son ami Remus Lupin. Un artefact magique puissant d’une valeur inestimable. Perdue ?

        Cette fois-ci, ce fut lui qui commença à trembler. Cela faisait un bon bout de temps qu’il n’avait pas ressenti une telle colère. Et de la colère mélangée à de la peine, chez lui, ne faisait pas bon ménage du tout.

        Ginny remarqua son état, et posa sa main sur son épaule.

— Je suis… désolée, fit Lily entre deux sanglots, je l’ai cherchée partout, je crois qu’on me l’a volée…

        Sentant qu’il ne serait pas capable de répondre sans hurler, Harry préféra tourner les talons et sortir de la pièce en claquant la porte.

        Il avait du mal à respirer. Son cœur battait à tout rompre. Il avait l’impression d’avoir perdu un de ses plus chers amis. Il marcha, marcha, encore et encore à travers le château en direction du parc pour s’aérer. Il ignora au passage le chevalier du Catogan qui lui souhaitait le bonjour.

        Quand il sortit enfin dans le vaste parc, il respira un bon coup. Il se dirigea vers le lac, et s’assit sous le vieux hêtre. Il observa avec nostalgie la rive de l’autre côté du lac, sur laquelle il avait cru apparaître son père qui venait lui sauver la vie, tant d’années auparavant. S’il avait eu sa carte avec lui à ce moment, il aurait lu le nom « Harry Potter » et non pas « James Potter ». La carte du Maraudeur. Carte grâce à laquelle il aurait pu identifier l’imposteur qui avait pris la place de Maugrey Fol-Œil lors de sa quatrième année, s’il n’avait pas été si facilement manipulé. Carte grâce à laquelle lui, et Fred et George avant lui, auraient pu remarquer que « Peter Pettigrow » accompagnait constamment Ron partout où il allait s’ils avaient fait suffisamment attention. Carte grâce à laquelle il avait pu espionner Malefoy durant leur sixième année, et vérifier si Ginny allait bien lorsqu’il était en fuite avec Ron et Hermione.

        Il aimait profondément cette carte. Durant la première année de James à Poudlard, il l’avait gardée avec lui, ne pouvant s’empêcher de regarder de temps en temps ce que son fils faisait. Puis, il l’avait confiée à James pour sa deuxième année. James l’avait gardée deux ans, puis Harry l’avait récupérée, et offerte à son second fils, Albus, pour sa troisième année. Ce dernier l’avait aussi gardée deux ans, et enfin, Harry l’avait donnée à Lily, elle aussi pour sa troisième année. Il était fier de pouvoir leur léguer un objet qui lui était si précieux. Tout comme sa vieille cape d’invisibilité.

        En ce qui concernait sa cape, il l’avait donnée à James dès sa rentrée à Poudlard. Ce dernier l’avait eue pendant trois ans avant de la donner à Albus, qui l’avait aussi gardée trois ans avant de la donner à Lily. Evidemment, il ne leur avait jamais avoué qu’il s’agissait de la vraie Cape d’Invisibilité, celle d’Ignotus Peverell, troisième Relique de la Mort. En fait, mis à part ses deux amis Ron et Hermione, son épouse Ginny, ainsi que Minerva McGonagall, il n’avait jamais dit à personne qu’il était toujours le maître actuel de deux des trois Reliques – la Cape et la Baguette de Sureau - et qu’il avait été le dernier possesseur de la Pierre de Résurrection avant de la perdre volontairement dans la forêt.

        Harry serra sa cape d’invisibilité dans ses mains. Cette cape, quand il l’avait reçue pour Noël lors de sa toute première année à Poudlard, avait été la première preuve, en onze ans d’existence, que ses parents avaient bel et bien existé. Elle était le tout premier héritage de son père. Harry frissonna à l’idée que Lily aurait pu la perdre aussi. Quelle irresponsabilité.

        Harry entendit au loin la grande porte de chêne s’ouvrir, et deux personnes parler à voix haute. Il essaya de ne pas écouter leur conversation, mais la nuit était silencieuse, et le vent portait leurs voix. C’étaient les voix de Neville et de son fils Frank, qui se dirigeaient vers le portail.

— Je ne sais pas encore ce qu’on va te donner comme punition, fit Neville d’une voix étonnamment calme, j’en discuterai plus tard avec ta mère.

— Est-ce qu’on peut passer par Ste Mangouste d’abord, avant de rentrer à la maison ?

        Le silence dans la voix de Neville sembla souligner de l’étonnement.

— Euh, oui, bien sûr, répondit-il, mais je pense qu’Alice dort.

— Je veux la voir, et m’excuser. C’est important.

— Tu as raison, allons-y.

— Pourquoi tu n’es pas plus énervé contre moi ?

        Neville soupira.

— Parce que je suis énervé contre moi-même.

— Comment ça ? bougonna Frank.

— Frank, j’ai compris pourquoi vous avez fait ça au Saule cogneur. C’était une sorte de vengeance, c’est ça ?

— Euh, oui…

— J’ai réfléchi à pourquoi quelqu’un voudrait se venger de son père, et j’en suis parvenu à la conclusion que ça ne pouvait être que de ma faute.

— De ta faute ?

— Frank, depuis le premier accident avec Alice, tu es de plus en plus distant avec nous, de plus en plus difficile d’accès. Et tu penses que Maman et moi t’en voulons encore pour cela, peu importe le nombre de fois où nous t’avons dit que ça n’était pas le cas.

— Evidemment que je ne vous crois pas, riposta Frank, comment vous pourriez ne pas m’en vouloir ? J’ai coûté sa main à ma sœur !

— C’est le principe des accidents, Frank ! Oui, c’était une grosse bêtise, oui elle a eu de terribles conséquences, mais les accidents arrivent, surtout quand on est enfant, c’est la vie. Personne ne t’en tient responsable, surtout pas Alice.

        Frank ne répondit pas. Neville sembla s’arrêter de marcher.

— Frank, Maman, Alice et moi t’aimons de tout notre cœur quoiqu’il arrive. Même après l’accident avec le pétard. Même après le Saule cogneur. L’amour d’un parent n’est pas conditionné par les bêtises de son enfant. Et pour être honnête, ajouta-t-il d’une voix amusée, si elle n’avait pas mal tourné, la farce avec le pétard aurait été hilarante.

        Harry n’entendit plus rien pendant un long moment. Il se redressa légèrement, et distingua leurs deux silhouettes s’étreindre dans l’obscurité. Il sourit. Son cœur devint plus léger. Neville avait facilement pardonné son fils. Harry se sentit tout à coup capable de pardonner sa fille.

 

*       *       *

 

        Le lendemain soir, après avoir observé Lily travailler dans la maison toute la journée, Harry se rendit dans sa chambre. Elle était allongée sur le ventre sur son lit, la tête dans l’oreiller. Ironiquement, elle avait passé six heures à ranger et à nettoyer la maison, mais sa chambre était sale et en bazar. Elle n’était rentrée que la veille.

        En l’entendant entrer, Lily leva la tête, et son regard s’assombrit en le voyant. Elle prit immédiatement la parole.

— Papa, je suis tellement désolée d’avoir perdu…

— Non, Lily, coupa Harry, c’est moi qui suis désolé.

        Lily le regarda avec des yeux ronds.

— Ta meilleure amie est à Ste Mangouste, tu as fait perdre tous leurs points à ta maison, tu as été exclue de Poudlard pendant une semaine, et nous allons te faire travailler six heures par jour pendant trois semaines. Tu as été suffisamment punie.

— Mais, c’était la carte de ton père… Et de ton parrain… Tu y tenais tellement…

— Oui, et je me souviens parfaitement t’avoir dit à quel point elle était importante pour moi, et à quel point je voulais que tu y fasses attention.

        Lily baissa les yeux.

— Ce que je veux dire, reprit Harry, c’est que je te connais. Je sais que tu n’aurais jamais été irresponsable avec un objet qui est aussi précieux aux yeux ton père. Ce n’est pas de ta faute. On te l’a volée, cela arrive. Je n’aurais jamais dû te laisser croire que je te blâmais pour cela.

        Lily éclata en sanglots et se jeta dans ses bras. Profondément touché et ému, Harry l’étreignit en lui caressant les cheveux.

— Je te promets que je vais tout faire pour la retrouver, pleura Lily.

— Oh non, t’embête pas, tu sais qu’elle ressemble à n’importe quel vieux morceau de parchemin.

— Je vais la retrouver quand même !

        Harry n’insista pas, et se contenta de profiter de ce câlin. Sa fille avait quinze ans, les câlins se faisaient de plus en plus rares.

— Allez, ce soir, on va rendre visite à Alice à Ste Mangouste, ça te va ? proposa Harry.

        Lily acquiesça avec vigueur, les yeux encore très humides, et sauta de son lit pour préparer ses affaires.

        Quand Harry redescendit dans le salon, avec l’impression qu’une épine de Pique-piquante lui avait été retirée du pied, il vit Ginny agenouillée devant la cheminée, dans laquelle était posée la tête de son amie Hermione.

— Harry ! s’écria son amie en le voyant entrer dans son champ de vision. Tu as lu la Gazette aujourd’hui ?

        Harry jeta un coup d’œil au journal qui avait été livré par hibou le matin, mais qui avait été laissé sur la table de la cuisine toute la journée sans que personne n’y touche.

— Non, pas eu le temps, pourquoi ?

— Page douze, en bas à droite ! indiqua Hermione.

        Harry alla chercher le journal, l’ouvrit à la page douze, et repéra l’article en question.

— « Un sorcier du ciel prend parti chez les moldus », lut Harry.

— Lis l’article, recommanda Hermione.

        Harry s’exécuta.

        Le service de revue de presse de la Gazette du Sorcier a été très intrigué par un article publié dans le Times, un journal moldu. L’article en question expose des faits qui se seraient déroulés en Iran la semaine dernière. Pour rappel, chez les moldus, une guerre sévère est en cours, et l’Iran et le Royaume-Uni sont opposés dans cette guerre. Des troupes de l’armée anglaise sont donc déployées là-bas.

        L’article relaie le témoignage d’un de ces soldats, dont nous jugeons intéressant de le laisser à nos lecteurs.

        « Nous étions en Iran depuis un mois, postés à cet endroit-là depuis un peu moins d’une semaine. Je ne peux pas dévoiler l’objectif de mon unité, ce dernier étant évidemment secret. Nous étions une bonne cinquantaine sur place. Vendredi dernier, nous avons été pris d’assaut par une escouade de soldats iraniens. Ils étaient armés jusqu’aux dents, mais nous avons réussi à les repousser.

        « Puis, tout à coup, nous avons décollé du sol. Nous tous, les Anglais. Comme si nous tombions vers le ciel, comme si la gravité avait été inversée. Nous sommes tombés pendant deux bonnes minutes. Je ne saurais pas dire jusqu’à quelle hauteur nous sommes tombés, mais c’était certainement aussi haut que n’importe quel vol en avion de grande ligne. Puis, nous nous sommes arrêtés, et avons commencé à flotter à cette hauteur. Certains criaient, certains pleuraient. J’étais tétanisé. Je n’avais absolument aucune idée de ce qui se passait.

        « Une silhouette sombre est venue vers moi en particulier. C’était un homme. Il volait. Nous étions à des kilomètres du sol, et il est venu vers moi comme s’il marchait sur l’air. Il portait une longue cape grise, et tenait un bout de bois dans sa main droite. Il m’a parlé. Il m’a dit ces mots exacts « Toute histoire exige son conteur. Profite de ta chance pour la raconter ». Puis, nous sommes tous tombés. Evidemment, personne n’avait de parachute. C’était terrible. Ils se sont tous écrasés sur le sol. Sauf moi. Je me suis miraculeusement arrêté de tomber quelques mètres avant, et je me suis posé comme une plume sur une mare de sang et de tripes. J’ai survécu. »

        Il semble que le public moldu prenne cette histoire pour un canular, ou pour les idées hallucinatoires d’un soldat traumatisé, mais la communauté magique se questionne. Un sorcier aurait-il volontairement pris part au combat moldu, brisant ainsi la Loi du Secret ? Ce sorcier du ciel hypothétique semblerait, qui plus est, particulièrement puissant, le dernier sorcier connu capable de voler sans balai était Lord Voldemort lui-même. Une enquête de la Confédération internationale des sorciers est en cours, et La Gazette tiendra évidemment ses lecteurs au courant de toute avancée concernant cette affaire.

 

— C’est… terrifiant, commenta Harry. Tu penses que c’est réel ?

— Je ne sais pas trop, répondit Hermione. Ce qui me fait douter, c’est la description si fidèle du sortilège Aresto Momentum, quand les soldats sont tombés. Et le bout de bois. Et puis, la Gazette ne l’aurait pas publié si les soupçons n’étaient pas fondés.

— Mais qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Ginny.

— C’est flou pour le moment. Mais ce qui est sûr, c’est que la Confédération internationale des sorciers doit certainement s’en mordre les doigts.

        Oui, se dit Harry, ce Sorcier du Ciel était de très mauvaise augure.


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