La mort est une fin heureuse
Harry, Avril 2023.
Harry s’avança, sortit sa baguette de sa poche, et prononça une formule magique. D’un petit tas à quelques mètres de lui, s’éleva un peu de terre. La terre plana, descendit dans le trou qui avait été creusé, et se posa délicatement sur le haut du petit cercueil en bois, se joignant à la terre qui avait déjà été déposée par les autres avant lui. Il recula lentement pour se placer à côté de Ginny. Puis, cette dernière s’avança à son tour, et l’imita. Il ne restait plus qu’une demi-douzaine de personnes après eux.
Quand Arthur, le dernier à passer, eut déposé de la terre à son tour, Andromeda saisit sa baguette, et reboucha d’un seul coup le reste de la tombe. Tous restèrent ainsi en silence pendant quelques minutes, à observer le petit tas de terre qui s’était formé au pied d’une magnifique pierre blanche sur laquelle Molly avait gravé « Sophie Dora Lupin ». Puis, petit-à-petit, ils rentrèrent au compte-goutte dans la maison. La petite Leliti fit un câlin à Victoire, puis à Teddy, avant de partir avec ses parents. Lumy et Déméter firent de même, puis transplanèrent ensemble. A la fin, il ne resta plus qu’Harry, Andromeda, Fleur, Teddy et Victoire. C’était Teddy qui avait souhaité que Sophie soit enterrée dans le jardin du Terrier. Victoire avait trouvé un endroit assez proche de la maison pour qu’elle ne soit pas laissée de côté et oubliée, mais assez éloignée pour qu’on n’ait pas à penser à elle tous les jours.
Harry voulut dire quelque chose à Teddy et Victoire. Essayer de leur remonter le moral. Il commença à s’avancer vers eux, mais Andromeda lui barra gentiment le passage.
— Laisse-les, lui dit-elle doucement. C’est inutile d’essayer de les consoler. La perte d’un enfant est incurable.
— Mais que peut-on faire ? demanda Harry, désespéré.
— Rien. Attendre. Ils ne guériront jamais, mais ils iront mieux avec le temps.
Harry soupira. Il détestait voir son filleul ainsi. Il ne l’avait jamais vu dans un tel état de tristesse. Il ne supportait pas de ne rien pouvoir y faire.
— Sois là pour eux, c’est tout. C’est tout ce dont ils ont besoin. Vous tous, vous étiez là pour moi après la bataille de Poudlard. Et à son rythme, ma blessure s’est amoindrie.
Harry baissa la tête.
— Je n’arrive pas à y croire.
Il s’avança vers Teddy et Victoire, qui lui tournaient le dos. Il échangea au passage un regard triste et chaleureux avec Fleur. Il posa délicatement sa main sur l’épaule de Teddy. Ce dernier tourna la tête vers lui. Une larme coulait le long de sa joue. Harry lui sourit, puis l’étreignit. Teddy lui rendit son étreinte avec force. Harry lui caressa le dos. Au bout de quelques instants, ils se séparèrent, puis Harry enlaça Victoire. Enfin, il tapota amicalement l’épaule de son filleul, et s’éloigna d’eux. Fleur et Andromeda l’accompagnèrent, laissant le couple endeuillé entre eux.
Sur le chemin de la maison, il interrogea Andromeda du regard.
— Tu as été parfait, le rassura-t-elle. Ils ont compris que tu leur offrais ton soutien inconditionnel, c’est ce qui compte.
Harry sourit. En arrivant devant la porte, il jeta un regard en arrière. Teddy et Victoire étaient l’un contre l’autre, se tenant par la taille. Ils étaient en train de se parler, mais Harry n’entendait pas. Les voir ainsi se soutenir mutuellement le rassura. Ils formaient une belle équipe. Ils étaient forts. Ils allaient s’en sortir.
Il détourna le regard, en franchit le seuil de la maison pour rejoindre le reste de sa famille.
* * *
— Comment tu te sens, mon grand ? demanda Harry.
— Un peu le trac, répondit James.
— C’est normal, c’est un match important pour toi, aujourd’hui, dit Ginny. Mais je suis sûre que tout ira bien, comme d’habitude.
— Mais oui, le rassura Harry, ça fait six ans que tu défonces tout au Quidditch, je ne vois pas pourquoi ça serait différent aujourd’hui.
— On joue contre Serdaigle, indiqua James. Hugo est dans l’équipe adverse. C’est un excellent gardien.
— Il t’a promis qu’il te ménagerait pour ce match-ci, rappela Lucy.
— Et puis, quand bien même, jouer contre un excellent gardien ne fera que montrer à Dubois que tu sais merveilleusement bien t’adapter face à l’adversité, expliqua Percy. C’est en étant confronté à la difficulté que l’on donne le meilleur de soi-même.
James ne sembla pas convaincu. Il continua de faire la moue, comme il le faisait depuis vingt bonnes minutes, et baissa les yeux pour regarder l’herbe.
Harry se leva et essuya les traces d’herbes de sa robe. Il contempla le vieux hêtre sous lequel ils étaient tous assis, puis la paisibilité du lac, avant d’admirer la vue imprenable qu’ils avaient sur le château qui avait été son foyer pendant de si nombreuses années. Il se sentit bien, Poudlard lui avait manqué.
Son fils aîné James, qui était poursuiveur dans l’équipe de Quidditch de Gryffondor, allait jouer le tout dernier match de sa scolarité ce matin-là, étant élève de septième année. Pour l’occasion, le professeur McGonagall avait invité Harry et Ginny à y assister. Elle avait aussi invité Percy et Audrey, car leur fille Lucy était exactement dans le même cas. Elle était même capitaine de l’équipe.
C’était d’autant plus un match important pour eux, car ils savaient que pour les deux derniers matchs de la saison, à savoir celui-ci et celui du samedi suivant – Serpentard contre Poufsouffle – la majorité des grands clubs de Quidditch d’Angleterre envoyaient des sélectionneurs pour faire du repérage de jeunes talents parmi les élèves. En outre, ils savaient qu’au moins deux clubs seraient représentés : les Canons de Chudley et le Club de Flaquemare. Freddie, le neveu de Harry, était batteur dans l’équipe des Canons, et leur avait vendu la mèche quant à la présence de son club. Pour ce qui était de Flaquemare, l’information venait de Rosalie Paquette, la petite amie de James, qui faisait déjà partie de l’équipe. Pour James et Lucy, qui comptaient tous les deux faire du Quidditch leur métier, c’était donc le moment de briller.
Ainsi, ils s’étaient installés en famille sous le vieux hêtre dans le parc de Poudlard. Ginny et lui, leurs trois enfants, Percy et son épouse Audrey, ainsi que Lucy. C’était d’ailleurs la première fois qu’Audrey voyait Poudlard. En tant que moldue, elle ne pouvait normalement même pas voir le château, mais l’invitation officielle de la directrice avait rompu le sortilège. Elle semblait véritablement stupéfaite et ne pouvait s’empêcher de quitter le château des yeux.
— Où sont Teddy et Victoire ? demanda-t-elle. Ils auraient pu nous rejoindre.
C’était la fin du mois de mai, et il s’était écoulé cinq semaines depuis le terrible enterrement de Sophie au Terrier. Minerva McGonagall leur avait gentiment accordé autant de congé qu’ils le voulaient pour se remettre de ce drame. Madame Pomfresh s’était occupée seule de l’infirmerie, comme elle l’avait fait durant de nombreuses années, et le professeur McGonagall avait elle-même assuré les cours de métamorphose durant l’absence de Teddy. Ils avaient reçu des visites quotidiennes, comme si Andromeda, Molly et Arthur, et Bill et Fleur s’étaient relayés pour aller les voir. Mais Teddy et Victoire n’avaient pris que deux semaines de congé, et avaient très vite repris le travail.
— Aucune idée, répondit Harry. Lily, peux-tu regarder sur ma vieille carte ? J’aimerais bien les voir avant de repartir.
— Quelle carte ? demanda Percy, intrigué.
— Oh, une carte de Poudlard que mon père avait créée. Lily ?
Lily sembla tout à coup embarrassée.
— Et bien… je ne l’ai pas, avoua-t-elle.
— Comment ça, tu ne l’as pas ? demanda Harry après un court silence.
Sa fille baissa les yeux.
— Elle est dans la salle commune, intervint Albus. Elle ne l’a pas avec elle, là tout de suite.
— Ah ! comprit Harry. C’est pas grave, on croisera bien Teddy et Victoire à un moment ou un autre.
— Il faut qu’on y aille, nous, d’ailleurs ! s’écria Lucy. Le match commence dans trente minutes, je dois aller motiver mon équipe. Allez James, on y va !
— On y va aussi, alors, répondit Ginny. Il faut qu’on ait de bonnes places.
— Nous avons des places réservées parmi les invités, rappela Percy, dans les gradins des enseignants.
— Peu importe, je veux être sûre de ne rien louper au match. Tu imagines, si c’est Hagrid qui s’assoit juste devant nous ?
— Si ça peut au moins t’empêcher d’analyser le match de ton œil professionnel, commenta Harry en rigolant.
Tous les huit se dirigèrent lentement vers le terrain de Quidditch. Il n’y avait pas encore grand monde, mais quelques spectateurs étaient tout de même déjà arrivés. La petite famille se sépara à l’entrée : James et Lucy partirent vers les vestiaires, Albus et Lily vers les gradins des Gryffondors, et Percy, Audrey, Ginny et Harry vers les gradins des enseignants.
Ginny poussa un léger grognement en découvrant que l’espace qui leur avait été réservé était presque entièrement plein. Des représentants de plusieurs clubs étaient présents. Harry reconnut les couleurs des Canons de Chudley, et des Frelons de Wimbourne. Ginny repéra une ancienne collègue des Harpies de Holyhead, et se précipita vers elle pour la saluer. Harry, lui, se dirigea vers le visage familier d’Olivier Dubois, qui discutait allègrement avec Minerva McGonagall. Olivier était venu accompagné, comme promis, de Rosalie Paquette.
— Percy Weasley, dit Olivier d’une voix forte en croisant son regard. Cela fait très longtemps !
— Trop longtemps, Olivier, répondit Percy en lui serrant la main. Bonjour, professeur McGonagall, ajouta-t-il à l’adresse de son ancienne enseignante.
Percy et Audrey s’installèrent près de Minerva, et cette dernière entama aussitôt une conversation avec Audrey, voulant absolument connaître son ressenti sur sa découverte de Poudlard. Harry et Ginny s’installèrent à côté d’Olivier et de Rosalie, et furent assez vite rejoints par Victoire et Teddy.
— Désolé, on vous a pas rejoints plus tôt, on était un peu occupés avec Leliti, s’excusa Victoire.
— Il n’y a aucun souci, la rassura Ginny, croyez bien qu’Harry et moi connaissons le chemin du terrain de Quidditch.
— Oui, ça doit vous faire tout drôle de revenir ici après tout ce temps, leur dit Teddy avec un sourire.
— Ça nous fait un coup de vieux, surtout, maintenant que c’est notre fils qui est sur le terrain, et pas nous, plaisanta Harry.
— Mais non, ne vous en faites pas, vous avez toujours été vieux ! répliqua Victoire avec un éclair de malice.
Harry lui lança un regard à moitié amusé, à moitié exaspéré.
— Comment s’est passée la nuit ? demanda Ginny à Teddy.
— Rien à signaler, répondit ce dernier. Leliti était stressée et tremblait comme une feuille, mais elle ne s’est pas transformée, elle a dormi toute la nuit.
— Elle a été vraiment très secouée par… par l’enterrement, expliqua Victoire.
Ginny posa sa main sur le genou de Victoire.
— Elle n’est pas la seule, dit-elle en souriant.
La directrice de l’école, qui semblait avoir fini de discuter avec Audrey, vint se placer juste derrière Harry et Ginny, et se pencha vers eux.
— Alors ça y est, n’est-ce pas ? Tout en vient à ce moment-là ?
— Que voulez-vous dire ? demanda Harry.
— Le fils de la Harpie et du Survivant.
Ils esquissèrent un sourire.
— Je me souviens très bien de ce jour, il y a plus de vingt ans, poursuivit Minerva, c’était comme si c’était hier. Monsieur Jordan nous apprenait l’alliance de Ginny Weasley et de Harry Potter à la RITM. Nous étions dans la salle des professeurs. Aucun d’entre nous n’étions surpris, bien sûr. Mais Rolanda a affirmé avoir hâte d’entraîner vos futurs enfants au Quidditch, ce à quoi j’ai répondu qu’au vu des parents en question, elle n’aurait absolument rien à leur apprendre.
Elle fit un signe de tête en direction de James, qui venait d’apparaître sur le terrain en compagnie du reste de l’équipe, son balai à la main, sous les applaudissements qui commençaient à se faire de plus en plus fort.
— Visiblement, j’avais raison, sourit la directrice. Vous devez être très fiers de lui.
— Très fiers, en effet, répondit Ginny. Et tristes, aussi. A l’issue de ce match, James devra faire un choix qui déterminera le début de son parcours professionnel. Cela me fait quelque chose.
— Mais attendez, qu’est-ce que vous racontez ? s’écria Harry. C’est pas comme si c’était la finale de la Coupe, on parle d’un simple Gryffondor-Serdaigle, là !
— Des représentants d’au moins quatre clubs professionnels sont là aujourd’hui…
— Il ne faut pas vendre la carapace du crabe avant de l’avoir tué ! Qui nous dit que…
— Mon cher Harry, le coupa Minerva, James est le joueur de Quidditch le plus talentueux que j’aie jamais vu sur ce terrain. Je le sais, vous le savez, tout le monde ici présent le sait. Même les clubs ont entendu parler de lui, c’est d’ailleurs la raison de leur présence. James aura l’embarras du choix. Que vous le vouliez ou non, sa carrière commence aujourd’hui. En fait, elle a même commencé il y a cinq ans, le jour où il a intégré l’équipe.
Harry soupira. Il n’était pas prêt à laisser son fils grandir.
— Pourquoi par Merlin lui avons-nous légué ces gènes si prodigieux ? plaisanta-t-il.
— Si tu voulais pas d’enfants doués au Quidditch, t’aurais dû épouser Hermione, commenta Ginny. Et moi Neville. Ça aurait compensé, au niveau des gènes.
— Eh ! protesta ce dernier, qui venait de s’installer juste derrière eux.
— Désolé mon vieux, ricana Harry en lui serrant chaleureusement la main, tu es un héros et on t’aime, mais t’es nul sur un balai, il faut le dire.
Neville sembla accepter cette description.
— J’avoue, c’est vrai. J’imagine que vous êtes simplement rassuré de m’avoir désigné parrain d’Albus plutôt que de James ?
— Ah non, ça on regrette aussi, se moqua Ginny avant d’éviter la claque que lui envoya Neville. T’en fais pas va, ajouta-t-elle, comparé à James, Ron n’est vraiment pas meilleur que toi au Quidditch.
Tout le monde éclata de rire.
— Oh, je retourne à ma place, le match va bientôt commencer, réalisa Minerva avant de retourner à côté d’Audrey.
En effet, madame Bibine était au milieu du terrain, l’énorme boîte contenant les quatre balles sous le bras. Les deux équipes étaient groupées de part et d’autre d’elle, face à face. Lucy, la capitaine, se tenait toute droite, et avait fière allure dans sa grande robe écarlate. A côté d’elle, James avait l’air moins confiant, et se grattait nerveusement le coude. Dans l’équipe de Serdaigle, Harry repéra Hugo, qui semblait simplement dans la lune.
Lucy serra la main du capitaine de l’équipe de Serdaigle, et madame Bibine lança le coup d’envoi. Les quatre balles furent libérées, et le match commença.
C’était Basile Trefflingham, un des amis de Lily, qui s’occupait du commentaire du match. Il était installé à la droite de Minerva.
— Et c’est parti pour l’avant-dernier match de la saison ! s’écria-t-il. Les deux gardiens filent dans leurs camps, les batteurs se dispersent, les attrapeurs commencent à fouiller, et les poursuiveurs de Serdaigle commencent fort ! Avec Rodrigues, qui passe à Thewlis, qui passe à McDonald, qui la renvoie à Rodrigues, et… AÏE, magnifique manœuvre de Potter qui récupère le souafle ! Il file comme un aigle vers les buts adverse ! Il passe à Fraser, qui passe à Mokrane, qui se lance vers les anneaux et… Weasley arrête le tir, bravo à Serdaigle ! Weasley le gardien, évidemment, pas Weasley l’attrapeuse. Quelle embrouille, tout ça, ils sont partout !
— Monsieur Trefflingham, contentez-vous de commenter le match, s’il-vous-plaît, recentra Minerva tandis que Harry et Ginny éclatèrent de rire.
Harry avait déjà vu James jouer au Quidditch, lors des matchs en famille qui avaient parfois lieu au Terrier. Il savait qu’il était très doué. Mais il ne l’avait jamais vu jouer un véritable match, avec de vrais enjeux. Et il fut ébahi de découvrir à quel point James était un poursuiveur exceptionnel. Harry se souvint de la sensation qu’il avait eue en assistant à la finale de la quatre-cents vingt-deuxième coup du Monde, en découvrant son premier match professionnel, en découvrant la virtuosité de Viktor Krum. Il se souvint de la sensation qu’il avait eue en voyant le premier match des Harpies de Holyhead auquel Ginny avait participé. Il se souvint de l’immense fierté qu’il avait eue pour elle en la regardant se battre contre l’équipe de France lors de la finale de la quatre-cents vingt-quatrième coupe. Pourtant, la sensation qu’il avait là n’avait rien à voir.
Il avait l’impression de redécouvrir le Quidditch pour la première fois. Comment son bébé James, qui avait un jour fait la taille d’un botruc, pouvait-il être aussi prodigieux ? Comment des centaines de supporters pouvaient-ils hurler son nom ? Il n’avait jamais ressenti un tel élan de fierté envers quelqu’un. Il se demanda si Ginny éprouvait la même chose, et il obtint rapidement sa réponse en voyant qu’elle était en train de pleurer silencieusement. Il la prit par la taille. S’il avait quelques doutes auparavant, ces doutes s’étaient volatilisés en un instant : James était un adulte, et il s’en sortira à merveille. Ils avaient réussi leur rôle. Il ne put empêcher une larme de dégouliner de ses yeux, lui non plus.
Le match dura une bonne demi-heure. Hugo était lui aussi un gardien d’exception, et semblait capable d’anticiper presque toutes les offensives, toutes les feintes menées par l’équipe de Gryffondor. La célèbre chanson « Weasley est notre roi » sonnait à travers le stade, mais personne ne savait si elle était chantée pour Hugo ou pour Lucy. Probablement les deux. Quand Lucy s’empara du Vif d’Or, l’équipe de Gryffondor remporta le match deux-cent soixante-dix points à cent soixante. Peu importe l’issue du match de la semaine suivante, Serpentard contre Poufsouffle, Gryffondor avait gagné la coupe. Et le tonnerre de joie et d’applaudissements qui éclata dans leurs gradins laissa à Harry une agréable sensation de nostalgie. La vue de Percy laisser sa dignité de côté et hurler à tout rompre aussi, d’ailleurs.
Ils mirent un certain temps avant de retrouver leur fils. Le temps que le stade se vide, que les joueurs se changent. Harry, Ginny, Percy et Audrey restèrent en compagnie d’Olivier et de Rosalie, ainsi que les quelques représentants des clubs de Quidditch, à la sortie des vestiaires. Après une bonne dizaine de minutes, Minerva revint vers eux accompagnée de James, Lucy et d’un des batteurs de Serdaigle, qui était lui aussi en septième année. A la vue de son fils, Harry fut prit d’une envie de courir vers lui et le serrer dans ses bras pour le féliciter, mais il se retint, d’une part parce que des inconnus étaient présents et que le directeur du bureau des Aurors avait une réputation à tenir, mais surtout parce qu’il ne voulait pas embarrasser son fils devant ses futurs employeurs.
— Bien, commença Minerva. Tout d’abord, je vous félicite pour ce match, vous avez tous formidablement joué. Ensuite, je vais laisser la parole à ces représentants qui sont venus assister au match. Mrs. Redbird ?
— Isabel Redbird, je représente les Harpies de Holyhead, se présenta la première, que Harry connaissait de vue. Mrs. Weasley, adressa-t-elle à Lucy, nous sommes intéressées par votre profil, et aimerions vous proposer un poste dans notre club.
— Dragomir Gorgovitch, des Canons de Chudley, poursuivit le second. Nous aurions deux postes à proposer, pour Mrs. Weasley et Mr. Potter.
Cela fit tout drôle à Harry que l’on s’adresse à son fils sous le patronyme « Mr. Potter ». De toute évidence, James avait le même ressenti car il était rouge comme une tomate.
— Carter Rosewell, Frelons de Wimebourne. Nous voudrions proposer un poste à Mr. Potter et à Mr. Turnip.
— Olivier Dubois, pour le Club de Flaquemare. Nous proposons un poste à Mr. Potter.
A côté de lui, Rosalie échangea un sourire rayonnant avec James.
— Bien, merci messieurs dames, conclut Minerva avant de s’adresser aux trois joueurs. Nous allons suivre la procédure habituelle, vous n’avez pas à vous prononcer maintenant. Vous avez jusqu’au 1er août pour prendre votre décision. Il vous suffira pour cela d’informer le club que vous choisissez par hibou, et ils se chargeront du reste. La courtoisie dicte également d’informer le ou les clubs dont vous n’acceptez pas le poste. Avez-vous des questions ?
Les trois intéressés firent « non » de la tête.
— Très bien, je vous laisse donc réfléchir. Messieurs dames, laissez-moi vous raccompagner, ajouta-t-elle.
Une fois que les représentants furent hors de vue, James se jeta dans les bras de ses parents, et Lucy dans ceux des siens.
— Tu as été absolument fantastique ! s’écria Ginny.
— Magistral ! Tu as vu ça ? Trois nominations ! renchérit Harry. Trois clubs professionnels en concurrence pour t’avoir !
— Eh oui, fit James avec fierté, mais je sais déjà lequel je vais choisir, ajouta-t-il en se dirigeant vers Rosalie pour l’embrasser.
— Il ne faut pas choisir mon club juste parce que j’y suis ! fit-elle semblant de s’indigner.
— Je le choisis parce que c’est le meilleur !
— C’est ce qu’on va voir ! fit Lucy d’une voix faussement agressive.
James la regarda d’un air triste et amusé.
— Tu sais quel club tu vas choisir ? lui demanda-t-il.
— Ouais, sûrement les Canons, ça me fera plaisir de rejouer avec Freddie.
— Ça va faire bizarre de ne pas être dans ton équipe, pour une fois. Après six ans à jouer ensemble.
— C’est clair… C’est bizarre, j’ai à la fois hâte et pas hâte de jouer contre toi.
James sourit.
— Maintenant que tu es là, les Canons n’ont plus aucune chance de se retrouver en fin de classement, dit-il.
Lucy sourit à son tour.
— Ça va pas de me dire des trucs comme ça ? Tu vas me faire pleurer, plaisanta-t-elle en commençant réellement à pleurer.
— Tu as été une capitaine parfaite. Bien meilleure que Freddie.
— Oh, la ferme, répondit-elle en éclatant en sanglots.
Le visage lui aussi ruisselant de larmes, James se jeta dans les bras de sa cousine et tous les deux s’étreignirent longuement sous le regard infiniment attendri de leurs parents.
* * *
L’été avait été très chaud, et même s’il approchait de sa fin, Harry arriva tout de même la robe trempée devant le grand portail de fer. Derrière lui flottait magiquement l’immense malle contenant toutes les affaires de James. Ginny, Albus et Lily marchaient derrière eux. Tous les cinq s’arrêtèrent devant l’entrée, et attendirent.
— Youhouuu ! lança la voix familière de Rosalie, qui venait d’apparaître de l’autre côté du portail.
— Bienvenu à Flaquemare, sourit Olivier, juste derrière elle. Entrez, je vous prie.
Après qu’Olivier ait serré la main de tout le monde, et que Rosalie ait langoureusement embrassé James, ils les suivirent à travers le domaine du club. Olivier leur présenta divers bâtiments, les trois terrains de Quidditch, l’infirmerie, les vestiaires, et les dortoirs qui séparaient garçons et filles – bien que Harry n’ait aucun doute sur la rigidité de cette règle, ayant lui-même visité à de nombreuses reprises les dortoirs exclusivement féminins de Holyhead plusieurs années auparavant.
Le Club de Flaquemare était au creux d’une magnifique vallée, et donnait sur la mer. C’était de toute évidence un endroit très agréable pour travailler, et pour jouer au Quidditch. James était ravi.
Après avoir pris le thé et discuté allègrement avec Olivier, tous les papiers et contrats étant déjà signés depuis des semaines, ils n’eurent plus grand-chose à faire sur les lieux si ce n’était dire au revoir à James. Ce fut plus difficile que prévu.
— A très bientôt, Jamie, lui dit Harry en le serrant fort dans ses bras, de retour devant le portail du club.
— Mais oui, à très bientôt ! Je rentre un week-end sur deux, vous allez me voir beaucoup plus souvent que quand j’étais à Poudlard ! rouspéta-t-il en rendant néanmoins son étreinte à son père.
Il prit son frère et sa sœur dans ses bras, puis finit par sa mère.
— Je suis si fière de toi, lui avoua-t-elle. C’est le début d’une longue et magnifique carrière. J’ai hâte d’écrire à ton sujet dans la Gazette.
— Tu ne seras pas objective, répondit James.
— Bien sûr que non. Et le premier à qui cela posera problème aura affaire à mon meilleur chauve-furies.
Tous éclatèrent de rire.
— Ne vous en faites pas, il est entre de bonnes mains, assura Rosalie.
— Oh, à vrai dire, on est plus inquiets pour toi que pour lui, répliqua Albus.
— La ferme, Al, rétorqua James en rigolant. Bon allez, vous allez me laisser partir, oui ?
Il jeta un dernier regard à sa famille, puis tourna les talons. Albus et Lily firent de même et partirent dans l’autre sens, mais Ginny et Harry restèrent quelques instants pour observer leur fils aîné se diriger allègrement vers l’un des bâtiments de club en tenant Rosalie par la main.
Il avait l’air parfaitement heureux.