L'Ecrin des illusions

Chapitre 28 : L'Ombre du Prince

2177 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/05/2024 20:52

Quelques instants plus tard, la maisonnette de Jekyll se retrouva investie par les Aurors. Sous bonne garde, Hazel et Rogue furent escortés dans le bureau qu'avait occupé Hyde sous les traits de sa défunte compagne. Assise sur une banquette, une cape prêtée par McGonagall recouvrant ses épaules, la jeune sorcière dut répondre aux questions de Fol Œil. Tout en lui offrant des réponses concises, elle observait le ballet des sorciers allant et venant entre le tableau et le bureau de Jekyll. Quand elle vit deux Aurors surgir de la peinture en faisant léviter une civière recouverte d'un drap blanc, Hazel se tut, songeant à la pauvre Hydra.


Maugrey suivit son regard et profita de cet instant de répit dans son interrogatoire pour s'accorder une petite gorgée de whisky. Hazel déclina la flasque tendue par le sorcier et se mit à chercher le maître des potions du regard. Ce dernier, debout près de la porte, répondait de très mauvaise grâce aux questions d'un tout jeune Auror tremblant de peur. Hazel tendit l'oreille et distingua la voix de Rogue faisant part de ses soupçons sur Jekyll, suspicions qui l'avaient conduit au cottage puis dans le tableau infernal. À l'instar de Hazel, il se gardait bien d'évoquer le lien l'unissant à elle ! Fol Œil braqua son œil mécanique vers la jeune sorcière, sentant qu'elle lui dissimulait des secrets !


- Donc, reprit-il en rangeant sa précieuse boisson, par « intuition », vous vous êtes rendue dans le bureau de la fausse Jekyll, vous avez fouillé son cottage et vous êtes tombée « par hasard » dans le tableau où se trouvait Rogue ?


Il haussa délibérément le ton à la fin de sa phrase, ce qui fit réagir un Rogue demeuré jusque-là, de marbre. Le sorcier décrocha un sombre regard à l'Auror avant de reporter son attention sur Hazel. La jeune sorcière replia ses doigts contre sa poitrine et adressa ce sourire, ô combien détestable, à Maugrey.


- Oui, répondit-elle avec une certaine arrogance que Sirius Black n'aurait pas reniée !


Fol Œil s'accorda une nouvelle rasade de son divin breuvage, maudissant les Black et leur prétention, ainsi que les Mangemorts repentis. Son œil factice se mit à tournoyer avant de s'accrocher à Hazel.

- Je vous ai à l'œil, grommela-t-il en tapotant le coin de sa paupière. Tous les deux.


Il s'éloigna et se rapprocha de son pas claudicant de Dumbledore. Le directeur de l'école, bien loin d'être perturbé par l'agitation régnant dans le château, s'était installé au bureau de Jekyll et avait eu le bonheur de dénicher une bonbonnière remplie de douceurs, dans l'un des tiroirs de son enseignante factice.


- Un bonbon, Alastor ? proposa-t-il à son vieil ami en lui tendant un crocodile gélatineux.


L'Auror refusa l'offrande, Dumbledore la porta à ses lèvres et l'avala avec grand plaisir. L'Auror désigna Rogue d'un petit signe de tête. Ce dernier, lassé des balbutiements du jeune Auror avait fini par l'envoyer paître et s'était adossé contre la porte, les bras croisés en une attitude fort peu amène. Hazel, assise sur la banquette ne cessait de jeter des petits coups d'œil au maître des potions.


- Vous devriez sérieusement être plus strict en ce qui concerne le recrutement de vos enseignants !

- Tant que je n'engage pas un fumiste, un loup-garou ou un prisonnier échappé d'Azkaban, le Ministère n'a pas à mettre son nez dans ma façon de gérer mon école, répliqua le directeur en croquant dans un ours à la guimauve.


À cet instant, l'Auror chargée d'examiner le livre trouvé sur le bureau de Jekyll revint vers Maugrey, le visage rouge d'excitation et le grimoire ouvert sur une page arrachée.

- Maugrey ! J'ai consulté la table des matières ! La page arrachée portait sur le Pacte !


L'œil mécanique eut un soubresaut et ne cessait de s'agiter en direction de Hazel et de Rogue. D'un geste parfaitement synchronisé et machinal, les deux sorciers avaient replié leur main contre leur cœur. Le redoutable instinct de l'Auror était en éveil : ces deux-là ne lui disaient pas toute la vérité et ce mystère l'intriguait ! Dumbledore se saisit de deux caramels et s'empressa de les offrir aux deux Aurors estomaqués par ce geste bien frivole !


- Vous êtes sûrs de ne pas vouloir une gourmandise ?


Ils déclinèrent la douceur. Dumbledore prit la bonbonnière et la fit disparaître dans les plis de sa robe de sorcier. Il balaya une poussière imaginaire sur son épaule avant de se redresser, un sourire obligeant mais ferme accroché aux lèvres.

- Veuillez m'excuser, mais je dois m'entretenir avec mon professeur et mon élève.

- Dumbledore, si vous savez quoi que ce soit...

- Alastor, mon ami, je n'agirai jamais contre le Ministère, sauf si cela s'avère absolument nécessaire. Je n'ai rien à dire concernant les drôles de recherches menées par Altaïr Hyde. Quant à vos soupçons éhontés au sujet de Severus Rogue, sachez que je lui accorde mon entière confiance.


Il leur adressa un petit signe de tête avant de se diriger vers Hazel et Rogue. Tous deux avaient assisté, en toute discrétion, à l'échange tendu du directeur avec l'Auror. Dumbledore s'avança vers eux, tout sourire et il les invita à sortir du bureau, tout en recommandant aux Aurors, qui investigueraient toute la nuit, de ne rien casser dans la pièce.


Dumbledore leur fit signe de le suivre et l'étrange trio quitta le bureau de Jekyll. Ils traversèrent la salle de classe, également emplie d'Aurors examinant chaque indice mis à leur disposition afin de boucler le dossier « Hyde ». Près d'un sarcophage entouré d'un ruban jaune, Hazel aperçut la civière où reposait le cadavre de la véritable Jekyll. La jeune sorcière murmura une vague prière en mémoire de la pauvre femme ; geste qui lui valut un regard étonné de la part de Rogue.


Ils sortirent de la salle. Rusard et Miss Teigne, postés à chaque extrémité du couloir, veillaient au grain afin d'empêcher un élève trop téméraire et curieux d'approcher les lieux. Le pauvre concierge arborait une mine bien sombre et tapotait ses joues flasques, baignées de larmes, d'un vieux mouchoir crasseux. Hazel sentit un brin de peine pour le pauvre homme au cœur brisé... Sa compassion fut de courte durée lorsque le concierge lui montra ses dents jaunies et se mit à siffler, tel un chat menaçant, quand elle passa devant lui.


En trottinant derrière les deux professeurs, Hazel sentit un poids s'abattre sur ses épaules : en refusant d'écouter ses amis, en voulant se passer de l'aide des adultes, en usant de l'anneau d' invisibilité et en désobéissant aux ordres plus qu'explicites de Rogue, elle s'était de nouveau entortillée dans un sacré sac de nœuds !


Dumbledore ouvrait la marche et les conduisit devant son bureau. Il s'approcha de la gargouille et lui donna le mot de passe :

Tarte aux myrtilles.


Ils montèrent l'escalier en colimaçon et se retrouvèrent dans le bureau où étincelaient de nombreuses bougies. Hazel remarqua l'affreux petit poulet décharné posé sur le perchoir. L'oiseau ouvrit un œil, Dumbledore vint lui gratter le crâne avant de s'installer dans son fauteuil. Rogue et Hazel furent priés de s'asseoir face à lui. Hazel se mit à observer le bout de ses souliers ; Rogue quant à lui, s'était redressé de toute sa hauteur.


- Le printemps est enfin là, murmura Dumbledore d'un ton absent. Que de changements en perspective...

Il déposa la bonbonnière dérobée dans le bureau de Jekyll face à lui et la fit glisser jusqu'à Hazel. La jeune fille refusa poliment. Dumbledore porta un rouleau de réglisse à ses lèvres et observa les deux sorciers de son regard perçant.


- Professeur, commença Hazel, je...

- Tu veux savoir si ta scolarité parmi nous s'arrête là ?

Il se tourna vers Rogue.

- Severus, qu'en pensez-vous ?

Le maître des potions demeura muet, Hazel eut un frisson : son sort dépendait donc de Rogue, dont l'attitude à son égard frôlait à présent la plus glaciale des indifférences.

- Depuis le début de l'année, déclara Rogue, Evans a enfreint plusieurs fois le règlement, a mis sa vie, celle de ses amis et même la mienne en danger ! Sans compter cette déplorable manie de fourrer son nez partout !

Hazel, sonnée par le poids des accusations, se recroquevilla, telle une enfant gourmandée pour avoir commis un acte aussi stupide que dangereux !

- Elle a un talent plus que limité pour les potions et n'a pas plus de réflexion qu'un Boursouflet âgé de deux jours, mais...


Il daigna enfin la regarder et Hazel fut surprise par le minuscule sourire qu'il lui adressa. Son regard était empreint d'une douceur et d'une bienveillance bien rares chez lui ! Ce visage-là, apparaissant furtivement derrière le masque de la raillerie et de la froideur, était celui qu'elle avait découvert lorsque la nuit, favorisant la liberté de l'esprit, elle avait pu accéder à certains de ses souvenirs. Ce visage qu'il n'avait dévoilé qu' à une seule personne : Lily Evans.


- Je pense que si elle met fin à ses fâcheuses tendances typiquement Black, elle pourra poursuivre sa scolarité à Poudlard et espérer devenir une sorcière pas si médiocre...

- Merci, professeur.


Dumbledore se mit à la fixer d'un air pensif, tout en caressant le plumage inexistant de l'oiseau endormi.

- Miss Evans, vous n'ignorez plus quel sort vous lie au professeur Rogue. Sachez que lui et moi, mettons tout en œuvre pour tenter de vous en libérer.

- Je me tiendrai à votre disposition, déclara alors Rogue, même quand je ne ferai plus partie de cette école.

- Que voulez-vous dire, Severus ? s'enquit le directeur avec méfiance.

- Je vous remettrai ma démission demain matin.

Hazel pâlit. Dumbledore lui-même paraissait sonné par les propos de son enseignant.

- Je ne vous comprends pas...

Rogue retroussa les lèvres, offrant une bien laide grimace oscillant entre dérision et désespoir.

- J'imagine que dès demain, Evans s'empressera de tout raconter à ces maudits Gryffondor ! Pas sur le Pacte, non, notre lien doit la répugner et je la comprends ! Mais sur mon passé, mon maudit passé de Mangemort !

- Severus...

- Quels parents sains d'esprit, ricana-t-il en serrant son avant-bras gauche, voudraient d'un ancien partisan de Vous-Savez-Qui en guise de professeur ?

Hazel, offensée par ses propos, et sous le regard ébahi du directeur, se leva et se mit à aboyer sur Rogue :

- Vous ne me faites pas confiance !

- Bien sûr que non, cracha-t-il sur le même ton hargneux, vous avez la malice et la traîtrise chevillées au corps, vous êtes une Black !


Le cri indigné du portrait du vieux Phineas Nigellus Black se fit alors entendre. Le petit homme sinistre se mit à houspiller le maître des potions qui avait eu l'audace de porter atteinte à l'honneur de sa prestigieuse lignée !


- Je ne suis pas Sirius Black ! Pas plus que je ne suis Lily Evans ! Je ne vous trahirai pas, je vous fais confiance et je n'ai pas honte de notre lien. Professeur...

Rogue leva les yeux vers elle, Hazel déclara, d'un ton précipité, tout en fixant les tableaux s'animant autour d'eux :

- Vous m'avez sauvée. Comment pourrais-je vous nuire ?

- Voilà qui a le mérite d'être clair, chuchota Dumbledore. Professeur Rogue, vous restez parmi nous ; il en va de même pour Miss Evans.


Rogue se redressa et sans lui décocher un regard, s'éloigna du bureau. Il s'accouda contre la fenêtre offrant une vue imprenable sur le terrain de Quidditch et leur tourna le dos. Dumbledore se leva et rejoignit Hazel.


- Je m'excuse, dit-il en posant une main protectrice sur son épaule, pour ma rudesse lors de notre dernier entretien, mais mon devoir est de vous protéger.


Hazel le remercia du bout des lèvres et jeta un regard à la fenêtre. L'aube commençait à peindre l'horizon de ses rayons enflammés. La lumière encore faible baignait le visage de Rogue d'une lueur flatteuse, atténuant la rudesse de ses traits ingrats. Hazel voulut faire un pas vers lui afin de chasser cette aigreur le dévorant à petit feu.


- Je crois, déclara Dumbledore, qu'il est temps pour vous de retourner dans votre salle commune.


Hazel obéit sans discuter et sortit du bureau. Elle se mit à courir pour regagner au plus vite, la tour Gryffondor.



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